jeudi, mai 25, 2006

DROITS DE L'HOMME



DROITS DE L'HOMME • Amnesty International, entre pessimisme et espoir

A l'occasion de la publication de son rapport annuel, l'organisation internationale a une nouvelle fois dénoncé les atteintes aux droits de l'homme perpétrées à travers le monde au nom de la guerre contre le terrorisme. Mais elle se félicite, dans le même temps, de l'évolution des mentalités au sein de la communauté internationale.

"Certains gouvernements ont sacrifié leurs principesfondamentaux sur l'autel de la guerre contre le terrorisme et fermé les yeux sur les violations massives des droits de l'homme. Le monde a payé un prix élevé et l'impact a été désastreux sur la vie des gens ordinaires", indique le quotidien anglais The Independent, citant la secrétaire générale d'Amnesty International, Irene Khan. Dans son rapport annuel de 400 pages, couvrant 150 pays et rendu public le mardi 23 mai à Londres, l'organisation internationale dresse un panorama globalement pessimiste sur la situation des droits de l'homme à travers la planète. Si certains pays comme l'Irak, l'Afghanistan, la Corée du Nord, la Chine, la Russie ou le Zimbabwe n'échappent traditionnellement pas à la critique, d'autres sont également clairement montrés du doigt. "Les Etats-Unis sont [ainsi] épinglés pour leurs pratiques dites de 'restitutions extraordinaires' (extraordinary renditions), qui consistent à transférer des prisonniers dans des pays où ils sont susceptibles d'être torturés", note le quotidien francophone La Libre Belgique.

Certains détenus ont été emprisonnés en Egypte, en Jordanie et ailleurs sans demande de mise en accusation ni procès équitable, et ce avec l'accord tacite ou le soutien affiché des Américains. Au total, près de 14 000 individus seraient concernés, relève le quotidien allemand Der Tagesspiegel. D'après l'organisation internationale, les Etats-Unis auraient également eu recours à des compagnies privées de sécurité pour interroger des terroristes présumés en Irak, créant ainsi de véritables "zones de non-droit".
"Sur vingt cas reconnus de torture, exercés par des agents sur des détenus, seul un cas a entraîné des poursuites judiciaires", relève le Los Angeles Times, reprenant les propos de Larry Cox, directeur de la branche américained'Amnesty International. Dans ses conclusions, l'organisation internationale dénonce par ailleurs l'existence du camp de Guantanamo Bay, situé sur l'île de Cuba. Depuis le 11 septembre 2001, 558 prisonniers soupçonnés d'être liés à la mouvance terroriste, y sont détenus, sans limite de temps ni chefs d'accusation.

Guantanamo Bay est un "symbole d'abus de pouvoir en matière de droits de l'homme et de droit international", a affirmé à ce propos la secrétaire générale de la branche allemande d'Amnesty International, Barbara Lochbihler, dans l'hebdomadaire allemand Der Spiegel. Tout en stigmatisant la "brutalité des attaques terroristes perpétrées contre des civils", l'organisation internationale s'en est pris aux Etats qui ont mis en place "des stratégies aberrantes, à courte vue et dangereuses visant à combattre ce fléau par la torture", souligne Der Tagesspiegel.
Et cette critique ne vise pas seulement les Américains. LaGrande-Bretagne est, elle aussi, pointée du doigt, après le vote du projet de loi sur le terrorisme en 2005. Ce texte, qu'Amnesty International juge "radical et confus", permet notamment à la police de détenir des personnes suspectées de terrorisme sans inculpation pendant vingt-huit jours (au lieu de quatorze, auparavant). En dépit de ces observations, Amnesty International refuse de céder au pessimisme. Certes, "l'objectif de garantie de la sécurité humaine est encore très loin d'être une réalité mais les mentalités semblent aller dans ce sens", rapporte Der Spiegel.

Barbara Lochbihler évoque notamment l'implication croissante des institutions internationales. "En Europe, des commissions ont été mises en place pour enquêter sur les vols secrets de la CIA [ayant transité par l'espace aérien européen entre 2001 et 2005] et le transfert de prisonniers. Les appels à la fermeture du camp de Guantanamo Bay se multiplient, y compris auxEtats-Unis. Et le Congrès américain s'est montré favorable à l'interdiction de la torture [pratiquée dans 104 Etats sur les 150 pays couverts par le rapport], ce qui a porté un revers cinglant au président George W. Bush", argumente-t-elle. Et de conclure, cité par le quotidien allemand Die Welt "Depuis le 11 septembre 2001, nous avons toujours dit que les gouvernements acceptaient de pratiquer la torture car ils la considéraient comme un mal nécessaire pour combattre le terrorisme.
Mais l'année dernière, cela a changé. De plus en plus nombreux sont les gens qui partagent désormais notre point de vue. Les Nations unies, les institutions européennes et des hommes politiques de premier plan ont demandé la fermeture du camp de Guantanamo Bay [...] Ce n'est pas par la violence que nous parviendrons à nos fins."

© Courrier international 2006
Droits de l'Homme

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