jeudi, août 05, 2010

Déclaration finale du Sommet des Peuples « Enlazando Alternativas Iv »


Nous, réseaux, plateformes et organisations d'Europe, d'Amérique Latine et des Caraïbes, réunis à Madrid du 14 au 18 mai, lors du Sommet des Peuples « Enlazando Alternativas IV », revendiquons notre droit à lancer des alternatives au modèle neolibéral et aux accords de libre échange, et croyons dans la capacité que nous avons de construire un dialogue politique et social entre les peuples.

Nous nous trouvons actuellement dans une crise de civilisation qui touche à toute la planète, et dont les groupes sociaux les plus vulnérables et les peuples du Sud supportent le poids le plus lourd. Alors que des millions de travailleuses et de travailleurs ont perdu leur emploi et se sont appauvris et précarisés, le système financier obtient des gains multimilliardaires avec le soutien des Etats du Nord.

La crise économique mondiale est loin d'être résolue et les plans de sauvetage ont été destinés à la défense des intérêts du Grand Capital, comme le démontrent les récentes mesures d'ajustement structurel exigées à la Grèce par l'UE, et les annonces dans le même sens émises par l'Espagne et le Portugal. L'histoire de l'Amérique Latine et des Caraïbes démontre l'impact dévastateur de ces politiques de réduction des dépenses publiques, des privatisations et de la dérégulation économique.
Juste au moment où l'on célèbre deux siècles depuis le début des luttes d'indépendance dans plusieurs pays d'Amérique Latine et des Caraïbes, l'UE propose une « alliance » stratégique qui suppose un retour au passé : la création d'une « Zone Euro-Latino-Américaine d'Association Globale Interrégionale », basée sur une série d'accords de libre échange afin de protéger les intérêts des multinationales européennes en Amérique Latine et dans les Caraïbes, et d'empêcher la possibilité d'une intégration régionale et bi-régionale sur de nouvelles bases.

En Amérique Latine et dans les Caraïbes sont apparus plusieurs gouvernements progressistes et de gauche, sensibles aux exigences des mouvements populaires, qui sont à la recherche de voies alternatives de développement mieux adaptées à leurs réalités locales, et qui défendent leur souveraineté nationale. La droite mondiale tente, à la fois de délégitimer et déstabiliser ces gouvernements, et de plaider pour les politiques néolibérales promues par les multinationales européennes - en particulier les entreprises espagnoles en Amérique Latine et dans les Caraïbes-, qui comptent avec le soutien de l'UE. Des stratégies telles que l' « Europe Globale : celle de la « concurrence dans le monde », et « Europe 2020 », continueront à générer de graves coûts sociaux et à aggraver les inégalités entre les Etats et à l'intérieur de chaque pays.

En Europe, avec le Traité de Lisbonne, a été renforcé un modèle d'intégration anti-démocratique et capitaliste. La privatisation des services publiques, conjointement avec l'atteinte aux droits sociaux et du travail, consolide une Europe forteresse, militaire, répressive et excluante, au détriment de l'Europe sociale.

Face à cette réalité, l'organisation, la résistance, la dignité, la solidarité et la mobilisation sociale sont et seront des facteurs essentiels pour donner un soutien aux conquêtes obtenues en Amérique Latine et dans les Caraïbes, pour empêcher un retour vers le passé, et conquérir de nouveaux espaces, tant en Amérique Latine et les Caraïbes et qu'en Europe. Notre stratégie de lutte et de résistance commune se base sur la solidarité entre nos peuples, dans le but de construire une société dans laquelle les droits économiques, politiques, du travail, syndicaux, sociaux, culturels et environnementaux soient la priorité et la raison d'être des politiques gouvernementales.
Dans ce sens :
1. Nous rejetons énergiquement les Accords de Libre Echange, les Accords d'Association (AdAs) et les Traités Bilatéraux d'Investissement (TBIs) - ou Accords de Promotion et de Protection Réciproque des Investissements (APPRIs) - pactés par certains gouvernements latino-américains et européens, qui ont été négociés dans le dos et contre les intérêts de nos peuples. En particulier, nous rejetons l'Accord d'Association UE - Cariforum, la signature des traités avec la Colombie, le Pérou et l'Amérique Centrale, ainsi que la réactivation des pourparlers avec le Mercosur.
2. Nous nous opposons à ce que l'aide au développement fasse partie de ces accords au service des intérêts économiques privés. Nous voulons une coopération qui renforce la capacité des acteurs sociaux et des Etats, afin qu'ils puissent définir et appliquer des politiques qui combattent l'injustice sociale.
3. Nous nous opposons à l'application des plans d'ajustement structurel et à l'intervention du FMI dans les pays d'Europe et d'Amérique Latine et des Caraïbes, pour faire face à la crise économique. Nous revendiquons un moratoire immédiat sur le paiement de la dette publique et la mise en place d'audits afin d'abolir les dettes illégitimes.
4. Nous poursuivrons notre tâche de chercher des solutions réelles à la crise écologique et climatique, basées sur la justice climatique et la nécessité de changer le système, qui détruit la planète. Afin de mettre un frein au changement climatique, il est nécessaire que l'UE réduise d'une manière conséquente ses émissions de gaz à effet de serre au niveau domestique. Nous réclamons aux gouvernements européens le paiement des dettes écologiques qu'ils ont accumulées vis-à-vis des peuples du Sud, y compris l'Amérique Latine et les Caraïbes, afin de financer la mitigation et la survie face au changement climatique. Face à l'échec du Sommet sur le Climat de Copenhague, nous nous engageons à soutenir les propositions émises lors du « Sommet Mondial des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Mère Terre », qui a eu lieu à Cochabamba en avril 2010, dont, par exemple, la création d'un tribunal de justice climatique.
5. Nous soutenons toutes les luttes des mouvements paysans d'Amérique Latine, des Caraïbes et d'Europe pour la Souveraineté alimentaire des Peuples, la réforme agraire, contre les transgéniques et pour la défense de leurs territoires. L'agriculture paysanne, familiale et de petite échelle alimente les peuples et refroidit la planète.
6. Nous continuerons notre lutte pour la démocratie participative, directe et plurielle, et nous nous opposerons à toutes les atteintes contre celle-ci. Nous soutenons les luttes contre l'impunité et pour la justice dans le cas des victimes des génocides. Nous rejetons la criminalisation des protestations sociales.
7. Nous exigeons la rupture des relations diplomatiques et financières avec le gouvernement de Porfirio Lobo au Honduras, rejeté par divers gouvernements. Ce Gouvernement provient d'un coup d'Etat, a été élu dans des conditions anti-démocratiques, et se maintient au moyen de la répression des mouvements sociaux et de la violation des Droits Humains. Nous soutenons la lutte du Front de Résistance Populaire du Honduras et sa lutte pour une Assemblée Constituante.
8. Nous nous opposons à la militarisation et à une vision qui ne reconnaît pas la capacité du peuple d'Haïti de définir son propre destin, et prend pour prétexte l'aide humanitaire. Nous exigeons le respect de la souveraineté du peuple haïtien, l'abolition de la dette externe de ce pays et le paiement de réparations.
9. Nous exigeons à l'UE la dérogation de la Position Commune contre Cuba 10. Nous accusons l'UE, ses institutions et ses gouvernements de complicité flagrante avec la violation des Droits Humains, par exemple, en Colombie, en Honduras, au Pérou, au Guatemala et au Mexique, pays dans lesquels les leaders sociaux sont assassinés quotidiennement et la protestation sociale est réprimée.
11. Nous répudions les politiques appliquées par l'UE dans le domaine de l'immigration, car elles constituent une grave menace pour la démocratie et la paix entre nos peuples, en promouvant la xénophobie et le racisme. Nous participons à et nous soutenons les luttes des mouvements et des réseaux de migrants contre l'Europe Forteresse, avec ses camps d'internement pour étrangers (CIE) et sa « Directive du Retour », mieux nommée « Directive de la Honte ». Cette politique d'immigration représente l'autre visage de l'Europe du Capital.
12. Nous dénonçons la militarisation de nos continents et, en particulier, le caractère belliciste du gouvernement de Colombie. L'installation de 7 bases militaires des Etats-Unis dans ce pays représente une menace pour la paix et la stabilité de la région. Nous condamnons la politique belliciste de l'UE en Afghanistan sous l'égide de l'OTAN, ainsi que l'utilisation de ressources millionnaires dans le but de maintenir une machine de guerre qui pourraient être destinées à d'autres priorités de caractère social.
13. Nous soutenons la lutte du peuple grec dans la défense de ses droits, qui représentent les droits de tous les peuples européens.
14. Nous nous engageons à travailler pour consolider un espace politique de solidarité auquel puisse participer une grande diversité de mouvements sociaux et politiques - qui luttent pour une intégration sociale, économique, de genre, politique, environnementale et culturelle, et qui soit alternative à celle proposée par la Union Européenne et divers gouvernements d' Amérique Latine et des Caraïbes.
15. Nous nous engageons à renforcer et consolider nos luttes face au pouvoir des transnationales et à ouvrir une nouvelle étape du travail du Réseau Enlazando Alternativas vers la constitution d'un instrument international qui soit en mesure de juger réellement des crimes économiques. La première Session du Tribunal Permanent des Peuples (TPP), « L'Union Européenne et les Multinationales en Amérique Latine. Politiques, Instruments et acteurs », a contribué à cette labeur.
16. Nous soutenons et nous sommes intégrés dans les luttes des communautés d'afro descendants, de femmes, de jeunes et d'exclus d'Amérique Latine et d'Europe, de ceux qui souffrent le plus durement des effets de la crise.
17. Nous faisons nôtres les luttes et les revendications des peuples originaires et les luttes pour le « Buen Vivir », la création d'Etats plurinationaux et la reconnaissance et défense des droits de la Terre Mère, qui contribuent à montrer la nécessité de développer des modes de consommation et de production qui soient soutenables, responsables et justes.
18. Nous saluons les engagements des gouvernements d'Amérique Latine et des Caraïbes dans le sens de briser des siècles de dépendance économique, de pillage des ressources naturelles et de spoliation des territoires.
19. Nous demandons aux peuples européens de se soulever pour construire une autre Europe. Nous remercions les membres des collectifs de l'Etat espagnol pour l'effort et le soutien qu'ils ont démontrés afin que le Sommet des Peuples « Enlazando Alterantivas IV » puisse avoir lieu, et nous donnons la bienvenue aux compagnes et compagnons disposé/es à initier les préparatifs du Cinquième Sommet des Peuples « Enlazando Alternativas », qui aura lieu en 2012.

Nous dédions ce Sommet des Peuples à la mémoire de la militante indigène Betty Cariño, assassinée à Oaxaca (Mexique), le 27 avril, à cause de sa lutte contre les multinationales minières. Nous étendons cet hommage à toutes les personnes assassinées à cause de leur lutte sociale et politique, et à toutes les victimes du modèle néolibéral injuste et excluant en Amérique Latine, dans les Caraïbes et en Europe.

Madrid, 16 mai 2010 Sommet des Peuples « Enlazando Alternativas IV »
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dimanche, août 01, 2010

Le nouveau Plan Directeur israélien d’annexion de terre

Le nouveau plan met à jour des plans antérieurs. Le premier d’entre eux a été le Plan D (Dalet en Hébreu) de Ben Gourion que l’historien israélien Ilan Pappe a décrit dans son livre de 2006, "Le nettoyage ethnique de la Palestine". Le plan D est le dernier plan de Ben Gourion et a suivi les plans A,B et C. Ce plan D, les Palestiniens l’appellent la Nakba, la Catastrophe et ils la commémorent chaque année pour ne jamais oublier.
Ce plan avait pour but, au moyen de bombardements et du siège des villages et des agglomérations urbaines, de la destruction des communautés, de l’expulsion et du meurtre de centaines de milliers de Palestiniens, d’instaurer un état exclusivement juif en excluant les Arabes par tous les moyens possibles y compris le meurtre de masse, la dépossession et la persécution qui se perpétuent jusqu’à aujourd’hui, en dépit de l’héroïque résistance des Palestiniens.
Cela a pris six mois pendant lesquels environ 800 000 citoyens ont été expulsés ou assassinés et 531 villages et 11 quartiers de Tel Aviv, Haifa, Jérusalem et d’autres villes ont été détruits. Ça a été un nettoyage ethnique barbare et sans merci des Palestiniens, femmes et enfants y compris, et pourtant ce n’était que le début, beaucoup d’horreurs étaient encore à venir, y compris de nouveaux plans de nettoyage ethnique.
Anciens et nouveaux Plans Directeurs
Le [Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (JCPA) est un organisme de recherche politique israélien. Son président, Dore Gold, est un extrémiste de droite notoire, hostile aux principes démocratiques et aux droits des Palestiniens. Dans son récent rapport intitulé "Démographie, géopolitique et l’avenir de la capitale d’Israël : le projet de Plan Directeur de Jérusalem", il explique que le 7 octobre 2008, la Commission de Planification et de Construction du District a proposé un Plan, approuvé par le Maire, Nir Barkat, puis revu dans le but "de créer et préserver une majorité juive stable dans une capitale unifiée" et de s’assurer que la ville demeure unifiée suivant le projet de Ben Gourion qui était de :
"Faire venir les Juifs à Jérusalem Est à tous prix. Nous devons installer des milliers de colons juifs en un temps record. Les Juifs seront d’accord pour s’installer à Jérusalem Est même dans des cabanes. Nous ne pouvons pas attendre la construction de beaux quartiers. L’essentiel est que les Juifs y soient installés".
En ce moment même, on déporte les Palestiniens en grand nombre, on détruit leurs maisons, et on s’approprie leurs terres, accomplissant ainsi le rêve de Ben Gourion de faire de Jérusalem la capitale d’un état exclusivement juif. Le Plan Directeur de 1968 de la ville recommandait d’y accélérer l’augmentation de la population juive ; en 1973, Golda Meir a décidé qu’elle y serait augmentée de 3,7% avant 1982. D’autres plans ont suivi. Le Plan Directeur de 2000 avait pour but de préserver une majorité juive car ses instigateurs avaient peur de l’accroissement de la population arabe. Ils ont donc proposé "les mesures d’interventions" suivantes pour empêcher son développement : Proposer suffisamment de maisons (aux Juifs NdT) en construisant de nouveaux quartiers pour renforcer et augmenter la densité d’habitations de Juifs anciens et développer des emplois et des services sur une base à la fois qualitative et quantitative.
Le Plan de juillet 2009 de Transports de Jérusalem révèle que 13 300 nouvelles unités d’habitation ont été approuvées et 15 000 autres sont planifiées démontrant l’urgence avec laquelle on construit et on programme de nouvelles constructions en se basant sur les prévisions de développement de la population. Les prévisions d’expropriation de terre n’étaient pas mentionnées. Cependant, dans le Plan Directeur de Jérusalem de 2000 il était écrit :
"Le problème le plus sérieux à Jérusalem Est est l’absence d’un système qui permette de gérer la propriété du sol. Ce problème, qui s’ajoute aux actions délibérées d’éléments nationalistes et criminels, a engendré une énorme quantité de constructions illégales (sans les permis requis) sur des terrains qui étaient destinés à des constructions publiques, ou des vols de terrains privés... Afin de résoudre ce problème, une juridiction spéciale devrait être établie dans la municipalité pour permettre l’enregistrement de la propriété des terres"et s’assurer que les Juifs reçoivent un traitement préférentiel.
Le Plan Directeur de Jérusalem de 2010
Le 28 juin, les journalistes de Haaretz, Akiva Eldar et Nir Hasson, ont publié un article intitulé : "Le Plan Directeur de Jérusalem : Expansion des enclaves juives de la ville" qui explique que le but de ce plan est de développer les quartiers juifs de Jérusalem Est, "en construisant sur des terres qui appartiennent principalement aux Arabes" ce qui signifie que les Arabes seront expropriés pour pouvoir les construire. Le 10 juin, le journaliste de Haaretz, Don Futterman, a publié un article intitulé "Le Plan Directeur de Jérusalem : destruction" dans lequel il dit que ce plan projette de "déplacer le plus d’Arabes possible aux frontières de la municipalité ; de provoquer le surpeuplement (dans leurs secteurs) dans l’espoir (qu’ils) quitteront la ville de leur propre chef" sous l’incitation de "l’accélération des expulsions et des démolitions de maisons".
Le plan répond à la fois à la campagne des colons pour ("désarabiser") la Vieille Ville, et aux efforts du gouvernement pour faire en sorte que Jérusalem ne devienne jamais la capitale des Palestiniens... Cela marchera-t-il ? Avant de mourir, Edward Said a dit : "les Israéliens n’arriveront jamais à se débarrasser des Palestiniens. (Ils) partagent la terre qui (les) a réunis et (ils doivent la partager ensemble) sur des bases vraiment démocratiques avec des droits égaux pour tous les citoyens", Juifs, Arabes, Chrétiens et autres. Aucun Plan Directeur ne l’empêchera.
Et cependant le nouveau Plan d’Israël comporte le projet d’accélérer la démolition des maisons et l’appropriation des terres. L’Attorney Général Yehuda Weinstein a dit à la Haute Cour que le gouvernement projette d’appliquer la Loi des Absents de leur Propriété (ABL) qui permet à l’État de saisir les propriétés abandonnées. Des milliers d’hectares appartenant à des Arabes et qui valent des millions de dollars de terres sont en danger. Le journaliste d’Haaretz, Akiva Eldar a écrit : "L’État a l’intention de prendre le contrôle des propriétés de tous ceux qui sont partis vivre dans un "état ennemi" pendant la Guerre d’Indépendance (et qui sont à l’heure actuelle des réfugiés interdits de séjour) ainsi que d’installations de Jérusalem Est" qui appartiennent à des résidents de Cisjordanie et de Gaza.
Ces terres et propriétés (saisies NdT) seront utilisées pour développer les quartiers juifs en plus de ceux qui sont en cours de réalisation ou déjà planifiés, provoquant une protestation qui sera réprimée au moyen d’attaques et d’arrestations, comme récemment à Silwan où des protestataires ont été attaqués (par les forces publiques NdT) avec des balles réelles, des gaz lacrymogènes et des grenades à percussion. Un Palestinien a perdu un œil. Une femme a fait une fausse couche à cause des gaz lacrymogènes et une autre après que sa maison ait été prise d’assaut. Cinq Palestiniens ont été arrêtés y compris un enfant de 12 ans. Le Docteur Mustafa Barghouti, secrétaire général d’Initiative Nationale Palestinienne, a accusé Israël de vouloir judaïser Jérusalem Est à l’aide de "bulldozers, de l’expansion des colonies, (et) en changeant la composition démographique de la ville pour favoriser" les Juifs au détriment des Arabes, le but final étant de rendre Jérusalem exclusivement juive par n’importe quel moyen.
Israël se comporte sauvagement, fait ce qui lui plaît sans aucun respect de la loi, ni des pressions internes ou internationales, ni des droits ou des besoins des Palestiniens autochtones qui sont systématiquement expulsés de Jérusalem pour permettre l’expansion juive. Comme dit un officiel palestinien il s’agit "d’éradiquer" l’identité arabe de Jérusalem Est en construisant des milliers de maisons et d’appartements réservés aux Juifs sur de la terre appartenant aux Arabes.
Ces derniers sont entassés dans des espaces toujours plus petits sur les 13% de la ville qui leur reste aujourd’hui, les 97% autres ayant été saisis en 1967 quand Jérusalem Est a été occupée. Ghassan Al-Khatib, un représentant de l’Autorité Palestinienne (PA) dit que c’est "plus que de la provocation. Ç’est en fait la décapitation du processus de paix. Il ne résistera pas au Plan en question pour développer la colonisation de Jérusalem." D’autres disent que c’est de l’incitation à la résistance et à la violence. Un plan détaillé récemment diffusé de l’expansion des quartiers juifs sur des terres appartenant à des Palestiniens le fait craindre surtout s’il s’avère que le programme de judaïsation de la ville se réalise dans sa totalité.
Le 20 juillet, Brian Ennis du Centre des Médias du Moyen Orient a écrit : "Les Palestiniens de Jérusalem Est se sentent abandonnés" devant "le spectre de l’augmentation des démolitions de maisons et de ’la judaïsation’ de Jérusalem Est" ; la communauté internationale ne fait rien pour empêcher cela ni pour aider les Arabes Israéliens [1] - qui sont les noirs et les Latinos (personnes originaires d’Amérique du Sud qui vivent aux USA, NdT) d’Israël et qui sont persécutés et privés de leur droits d’une manière aussi honteuse qu’illégale.
Les Arabes Israéliens dans le collimateur
Le 20 juillet, Harriet Sherwood a écrit dans le London Observer un article intitulé : "Le paradis de coexistence Arabe de Jaffa résiste à l’afflux des partisans israéliens de la manière forte" dans lequel elle dit : "Chaque pierre et chaque brin d’herbe" du quartier d’Ajami (de Jaffa NdT) au sud de Tel Aviv a fait l’objet d’amères contestations et a été "au centre d’une lutte qui touche aux questions sociales, économiques, nationalistes et légales et qui - quelle qu’en soit l’issue - conduira inévitablement à d’autres conflits".
Jusqu’à récemment c’était encore un des rares endroits d’Israël où les Juifs et les Arabes coexistaient depuis des dizaines d’années, même si ce n’était pas sans difficultés. Cependant la déstabilisation et les conflits menacent d’éclater si un projet de développement de 20 appartements est approuvé. La Haute Cour de Justice doit rendre incessamment son verdict sur un procès fait par l’Association pour les Droits Civils en Israël (ACRI) au motif que ce projet est discriminatoire à l’encontre des Arabes et des Juifs non religieux au profit des extrémistes sionistes qui veulent y créer "une communauté religieuse sans influences laïques ou non juives", une communauté fermée et exclusive.
L’historien Sami Abu Shehadeh dit que s’ils gagnent "le (quartier) sera coupé en deux (Juifs d’un côté Arabes de l’autre NdT). (Les gens qui) disent que Jaffa est un modèle de coexistence seront réduits au silence". La judaïsation détruira la coexistence et ce projet encouragera le développement de projets similaires en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Il dit également que le quartier entier est "un site de construction. Nous autres Arabes, nous sommes forcés de partir mais nous n’avons nulle part où aller. On ne nous accorde pas de permis de construire et les gens de Jaffa disent que 500 familles ont reçu des ordres d’éviction ou de démolitions. D’autres ont eu d’énormes amendes. L’avenir de toute la population arabe (de Jaffa NdT) est incertain comme celui d’autres Arabes israéliens qui sont rejetés, privés de droits et qui subissent de constantes pressions pour laisser la place aux Juifs."
Une autre méthode est cette proposition de loi exigeant qu’ils jurent loyauté à "un état juif et démocratique" surtout les Palestiniens [2] (25000 environ) qui épousent des citoyens israéliens (arabes NdT) puis demandent la nationalisation sur la base de la réunification des familles, cette dernière nécessitant déjà l’approbation du Ministère de l’Intérieur ce qui la rend impossible à obtenir pour la majorité.
Le 19 juillet, le journaliste Herb Keinon du Jérusalem Post a écrit que cette proposition de loi n’était pas encore passée, contrairement à ce qui avait été annoncé. Il a dit que c’était un moyen "de dissuader les Palestiniens de demander la nationalité". Le gouvernement a affirmé que cette mesure concernait seulement les "résidents illégaux" pas les Arabes Israéliens mais si les officiels du parti extrémiste Yisrael Beteinu y compris David Rotem, Président de la Knesset et Avigdor Liiberman, Ministres des Affaires Étrangères et Vice Premier Ministre, ont gain de cause, tous les Arabes Israéliens devront jurer fidélité à un "état juif, sioniste et démocratique", à ses symboles et ses valeurs et faire le service militaire ou un service équivalent pour obtenir la carte d’identité qui les fait citoyens et leur donne le droit de demeurer légalement dans le pays.
Conclusion
Les Palestiniens et les Arabes Israéliens ont raison de s’inquiéter. La journaliste d’Haaretz, Amira Hass en a encore apporté la preuve dans son article de 21 juillet intitulé "l’IDF (l’armée NdT) détruit un village de Cisjordanie après l’avoir déclaré zone militaire". Elle écrit que l’armée a démoli un village entier de la vallée du Jourdain après l’avoir déclaré zone militaire fermée, soit 55 installations, et 120 fermiers, ouvriers et leurs familles se sont retrouvés sans logement à Farasiya. Auparavant l’Administration Civile leur avait coupé l’eau et encore avant les militaires avaient détruit une canalisation que les résidents avaient construite pour l’irrigation et qui amenait l’eau d’un cours d’eau voisin.
L’année dernière ils ont reçu l’interdiction de se rattacher à des puits appartenant à Mekorot, la Compagnie Nationale des Eaux, les a forcés à utiliser de l’eau salée pour les besoins quotidiens et à acheter de l’eau minérale très chère pour boire, alors que la plupart n’en ont pas les moyens. Atef Abu, le photographe de B’Tselem est arrivé sur place après la démolition et a dit : "Il y avait au milieu des ruines des matelas, des tuyaux et des meubles cassés". Le 18 juillet, dix familles de Bardala (au nord de Farasiya) ont aussi reçu des ordres de démolition, un fermier qui a 300 moutons a été averti que "s’il ne quittait pas sa ferme dans les 24 heures son troupeau serait confisqué".
En Israël et dans tous les "Territoires" [3] des millions de Palestiniens sont en danger, leur vie et leurs moyens de subsistance sont menacés par le projet israélien de longue date de judaïser tout "Eretz Israël" (la terre d’Israël en Hébreu NdT), sans aucune considération pour les Arabes autochtones qui y vivent depuis des centaines d’années et qui ont des droits légaux sur leur maisons et leurs terres.
Il n’est pas étonnant que le journaliste d’Haaretz voit Israël "sombrer dans une atmosphère de nationalisme véhément, les ténèbres menaçant de tout recouvrir (comme le prouve) le déferlement actuel (et extrémiste) de brutalité et de vengeance". Selon Levy, les Palestiniens souffrent de ces émotions négatives et sont collectivement punis parce qu’ils sont musulmans sous domination juive - un impitoyable pouvoir raciste, sans foi ni loi. Pour Lévy cela montre "que nous avons perdu notre humanité et notre raison" et pour les historiens c’est un symptôme d’autodestruction.
Stephen Lendman vit à Chicago. On peut le contacter à : lendmanstephen@sbcglobal.net. Il tient aussi un blog et anime des émissions de radio sur RepublicBroadcasting.org de 11H du matin à 13H (heures USA). Tous les programmes sont archivés pour en faciliter l’écoute.
(Photo : Un palestinien assiste à l’arrachage de ses oliviers par des soldats israéliens pour laisser place à une route (AP Wide World/Nati Harnik, 1998) et dessin : Drapeau israélien par Large)
dissidencevoice.org Traduction D. Muselet legrandsoir.info

[1] ce mot désigne en Israël les Palestiniens qui ont la nationalité israélienne. Eux préfèreraient généralement être appelés Palestiniens Israéliens
[2] Ce mot en Israël fait toujours référence aux Palestiniens des territoires occupés
[3] Ce mot est utilisé en Israël pour désigner les territoires occupés
samedi 31 juillet 2010 / Altermonde-levillage

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samedi, juin 26, 2010

Mavi Marmara, et après


Le siège de Gaza est plus insupportable et plus difficile à gérer que Tel Aviv ne l’avait prévu, après le meurtre d’internationaux, militants de la paix, qui essayaient de mettre un terme aux 3 ans de blocus de la bande de Gaza.
En tuant un nombre indéterminé de militants internationaux dans les eaux internationales, Tel Aviv a provoqué de graves tensions diplomatiques sur de nombreux fronts. Tel Aviv est maintenant pris dans des confrontations à la fois politiques et diplomatiques avec 37 pays.
663 militants internationaux originaires de ces pays se trouvaient à bord de la flottille de 6 navires qui faisait route en Méditerranée, et se dirigeait vers Gaza en apportant du matériel humanitaire, quand elle a été attaquée par les commandos d’élite israéliens aux premières heures du 31 Mai.
A l’heure de la mise sous presse d’Al-Ahram Weekly mercredi, Israël n’avait toujours pas communiqué le nombre de militants tués sur le plus gros navire de la flottille, le navire turc Mavi Marmara. Les rapports des témoins suggèrent que ce nombre pourrait aller jusqu’à 19. Il semble que la majorité des morts soient citoyens Turcs. La flottille à destination de Gaza transportait 10.000 tonnes de matériel médical et de nourriture.
Par cette attaque, qui a eu lieu à 65km de Gaza, dans les eaux internationales , Israël viole un certain nombre de lois internationales. D’après Ali El Ghateet, professeur égyptien de droit international , en attaquant un navire en haute mer Israël a commis un crime international. En tant que puissance occupante Israël viole aussi les lois humanitaires internationales qui prévoient que l’occupant est responsable du transport et de la délivrance de l’aide humanitaire et du ravitaillement au peuple occupé.
Les commandos israéliens - ainsi que leurs supérieurs dans la chaîne de commandement - qui ont envahi le navire, blessé et tué ses passagers, en ont enlevé d’autres et obligé la flottille à se rendre dans le port d’ Ashdod, relèvent officiellement de la juridiction turque : en effet la scène du crime - le Mavi Marmara - en tant que navire turc, est partie intégrante du territoire turc. Craig Murray, ancien ambassadeur et chercheur à la faculté de droit de Lancaster interprète l’attaque comme un « acte de guerre illégal. »
« Israël se positionne comme étant en guerre avec la Turquie et cet acte est pour la juridiction internationale, un crime de guerre » analyse Murray sur son site mardi.
Ce que seront les prochaines actions, légales, politiques ou diplomatiques que prendra la Turquie, au-delà du rappel de son ambassadeur, ne sont pas claires. Le premier ministre turc a qualifié l’attaque de « crime odieux » Le ministre des affaires étrangères est allé plus loin. Mardi, à New York, il a appelé la communauté internationale à « mettre un terme » aux violations de la loi et de la légitimité internationales commises par Israël.
Au moment où le Weekly était mis sous presse, le Comité national de sécurité turc allait se réunir, sur fond d’indignation populaire et d’énormes manifestations anti-israéliennes.
Mercredi les juristes turcs ont appelé le gouvernement à revoir ses liens politiques, militaires et économiques avec Israël. Dans une déclaration approuvée à main levée, ils ont aussi réclamé qu’Israël fasse des excuses officielles pour l’attaque, indemnise les victimes et traduise en justice les responsables de l’attaque.
La Turquie, membre de l’OTAN , et jusque récemment , l’un des meilleurs alliés d’Israël dans la région, est devenue de plus en plus critique à l’égard de son allié. L’attitude d’Ankara envers Israël à la suit e du massacre va certainement avoir un impact sur toute la région, avec déjà des répercussions imprévues. Dès Mardi le parlement koweiti a poussé le gouvernement à se retirer de l’initiative de paix Arabe de 2002, à laquelle Israël n’a toujours pas répondu. Le jour suivant , en réponse à l’attaque, le Nicaragua a suspendu ses relations diplomatiques avec Tel Aviv.
Le massacre a attiré l’attention internationale sur la situation misérable de la Bande de Gaza, sous blocus israélien depuis Juin 2007. La guerre menée pendant 22 jours sur ce territoire en Décembre 2008, qui a causé la mort de 1400 palestiniens, en a estropié et blessé des milliers d’autres et détruit la plus grande partie des infrastructures de Gaza, a encore aggravé les terribles conditions de vie d’un million et demi des palestiniens. L’attention s’est aussi portée sur le poste frontière de Rafah, situé sur les 14 kms de frontière commune à l’Egypte et à Gaza, et qui est le seul passage non contrôlé par Israël, qui relie Gaza au reste du monde. Ces 3 derniers jours il y a eu en Egypte des manifestations pour exiger que le gouvernement ouvre la frontière et « mette fin au siège. »
Le Caire a subi des pressions arabes et internationales pour qu’il allège le siège en ouvrant la frontière.La réponse officielle de l’Egypte est qu’il existe un accord de 2005 entre Israël et l’Autorité Palestinienne pour gérer la frontière et que cet accord lui lie les mains depuis la prise de contrôle du Hamas en 2007. Les critiques font remarquer que cet accord est caduc depuis 2006, et que l’Egypte , état souverain, a le droit de gérer sa frontière avec Gaza comme elle l’entend.
Mardi, le président Mubarak a pris une décision surprenante en ouvrant la frontière pour « l’aide humanitaire » et....jusqu’à nouvel ordre. Les observateurs et les militants égyptiens ont accueilli cette décision avec un enthousiasme mitigé, tout particulièrement à cause de sa formulation imprécise.
Un convoi de matériel médical et de produits alimentaires est parti du Syndicat pharmaceutique d’ Alexandrie vers Rafah, à l’aube de mercredi, pour tester la décision.Ces derniers mois le syndicat a apporté du matériel médical à Gaza sans problème. Cette fois il a rajouté des produits alimentaires.
Ayman Abdallah, médecin qui accompagne le convoi a confié au Weekly que ses organisateurs ne sont pas certains que les autorités laisseront passer les produits alimentaires par Rafah. Le convoi a été arrêté plusieurs heures par les forces de sécurité, d’abord à Ismailia, puis dans le nord du Sinaï. Au moment où le Weekly était imprimé , Mercredi , le convoi avait été stoppé une troisième fois, à Beer Abad ,à 80kms d’ Arish, où il était censé passer la nuit avant de repartir pour Rafah aujourd’hui.
On ne sait pas quel impact aura la décision de Mubarak sur le siège de Gaza. Un grand nombre de journalistes locaux et internationaux sont partis vers Rafah mercredi pour voir comment la décision d’ « ouvrir la frontière » était mise en œuvre.
Le gouverneur du nord du Sinaï, Le général Murad Muwafi, annonce que 300 palestiniens sont allés en Egypte mercredi, par suite de la décision présidentielle. Treize générateurs électriques ont aussi pu entrer à Gaza.
S’adressant au Weekly par téléphone, Muwafi a précisé qu’avant cette dernière décision la frontière était ouverte, toutes les semaines, le mercredi et le jeudi pour les malades dans un état critique et une fois par mois pour ce qui n’était pas urgent. Elle sera maintenant ouverte pour tout tous les jours. Il a ajouté que si les personnes et le matériel médical seraient autorisés à entrer quotidiennement vers Gaza, les produits alimentaires seraient toujours contrôlés par les israéliens à la frontière d’Ouja qui est sous leur autorité.

Du même auteur :
Adieu le Fatah ? - 9 août 2009 Israël fait obstacle à l’enquête des Nations-Unies à Gaza - 16 juin 2009 « Le crime des crimes » - 1° février 2009 Nouvelle réalité et vieux dilemme - 9 février 2008 Définir qui est l’ennemi - 26 avril 2007
3 juin 2010 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à : http://weekly.ahram.org.eg/2010/100...Traduction de l’anglais : Jackie Hugret
25 juin 2010 - Info-palestine / Amira Howeidy - Al Ahram
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Comme des moutons à l'abattoir


Une ligne de front mouvante, toujours renouvelée. La publicité écrase tout sur son passage, cerveaux et planète. En face, peu d'opposition. Normal : remettre en cause le système publicitaire implique de formuler une critique radicale, férocement anti-consumériste. De La Misère humaine en milieu publicitaire, signé du Groupe Marcuse, rappelle les termes du combat.
Groupe Marcuse, "De La Misère humaine en milieu publicitaire. Comment le monde se meurt de notre mode de vie", 2004, réédition (augmentée) 2010, La Découverte
« La publicité est la morale de notre temps » (Jean Baudrillard)
Toujours, ego aidant, on croit ne pas être cible, on s'imagine à l'écart, au-dessus de la mêlée. Rengaine omniprésente : « Ça ne prend pas sur moi ; manquerait plus que des crétins de publicitaires parviennent à s'introduire dans ma psyché... » Fais le test sur ton entourage - tes potes, ta famille, ton barman - ; demande-leur s'ils se pensent perméables au discours pubard ; ou s'ils s'estiment immunisés. Réponses unanimes : toujours, ils seront persuadés d'échapper au grand ratissage publicitaire, de ne pas être une cible à marketing. Les autres, ces crétins, se font peut-être avoir, mais pas eux. Impossible, leurs neurones veillent au grain. Étrange déni de réalité qui, comme le souligne le Groupe Marcuse dans De La Misère humaine en terrain publicitaire [1], constitue un terrain fertile pour les décérébreurs de tous bords : « Il faut sortir de cette illusion d'invulnérabilité - si propice à l'influence publicitaire - liée au fait qu'il est difficile d'apprécier soi-même un effet inconscient. »
Bref, tu auras beau penser que la déferlante publicitaire que tu subis quotidiennement (sauf si tu vis dans le Larzac avec tes chèvres - et encore) ne s'imprime pas en toi, te laisse indemne, la réalité n'en reste pas moins accablante : comme tout le monde, tu es - plus ou moins - sous le joug d'un système embarqué, d'un ordinateur de bord te guidant vers des impulsions, des choix, des achats, tout en pesant lourdement sur la marche du monde. Sans tomber dans l'excès inverse - faire du système publicitaire une « seringue hypodermique » aux effet inévitables, déterminisme über alles -, reconnaitre la létalité de l'arme publicitaire paraît impératif. D'autant qu'évidemment, elle n'avance pas seule. À ses côtés, tout un système grignoteur d'humanité ravage tes environs. Les Huns, sauce 21e siècle.
Dans la postface à la présente édition (2010), le groupe Marcuse explique que lors de la première édition du livre, en 2004, le sous-titre choisi - « comment le monde se meurt de notre mode de vie » - avait suscité pléthore de critiques : trop catastrophiste, trop alarmiste. Et puis, coup de tonnerre, en six ans seulement, la doxa médiatique a rejoint cette position. Ils sont peu, désormais, à estimer que le monde n'agonise pas sous les coups de boutoir de la société de consommation hypertrophiée, à réfuter l'assertion du désastre en route. Sauf que, triste récupération, le cri d'alarme lui-même s'est fait illico allié du système, voire s'est réincarné en mode de gouvernance (à ce sujet, lire Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable [2], signé René Riesel et Jaime Semprun). La critique globale et radicale du système capitaliste marchand, celle à laquelle nous invite le Groupe Marcuse, reste aussi marginale que caricaturée.
« La pub est une charogne qui nous sourit ». Voilà ce qu'écrivait Oliviero Toscani, célèbre photographe de ces pub Benetton qui ont fait tant couler d'encre. Le vautour adepte du shockvertising, celui-là même qui il y a peu déclarait dans Télérama que la publicité existe depuis la nuit des temps (rhhhaaa), feignait de s'étonner de l'indécence du milieu qui l'avait nourri, dénonçait (gentiment, faut pas déconner) son ancien fond de commerce. Rien d'étonnant à cette pseudo-volte-face, posture avantageuse. Parmi les contempteurs les plus exposés de la publicité, on retrouve fréquemment des ex-publicitaires dégoûtés à force de fréquenter l'auge communicationnelle. Il y a eu Beigbeder et son 99 francs, ou Dominique Quessada et La Société de consommation de soi. Quant aux associations Adbusters et Casseurs de pub, en première ligne dans la résistance à l'agression publicitaire, elles ont toutes deux été fondées par des anciens publicitaires. Étrange. L'absence absolue de remise en cause des préceptes publicitaires aboutit à cette situation inversée : ce sont les publicitaires (plus ou moins repentis) qui, parfois, s'ingénient à soulever (en surface) les oeillères généralisées. Et quand une grande chaîne lance une campagne détournant sur ses affiches l'esthétique des anti-pub, la boucle est bouclée. La critique elle-même est cadenassée, en trompe-l'oeil.
C'est en grande partie pour ça que l'ouvrage du groupe Marcuse est précieux : il fonce droit au but, saccage l'édifice moraliste et bien-pensant sans s'embarrasser d'atermoiements. Surtout, il utilise comme socle à sa vitupération l'argumentaire même des publicitaires, les mots de ceux qui président à l'invasion. Du très célèbre « temps de cerveau disponible » de Patrick Le Lay à d'autres moins connus (« Notre image est mauvaise ; heureusement, on ne nous connaît par assez pour qu'elle soit exécrable »), pêchés dans des manuels spécialisés ou des déclarations publiques. Édifiant. Des techniques mises à jours (jouer sur l'inconscient, encourager la sacro-sainte frustration, matraquer encore et toujours), tu retiendras que la publicité, fer de lance de « l'avancée du front consumériste » et du « devenir invivable », fonctionne sur des principes encore plus malsains que ce que tu imaginais. Et que ces principes sont finalement revendiqués par ceux-là même qui sont aux marketingo-manettes. En fin d'ouvrage, ceux du groupe Marcuse expliquent : « Il n'y a presque rien de ce que nous avons dit de la pub qui ne l'ait déjà été par les pubards eux-mêmes. »

Une évidence : pour être crédible, la critique de la publicité doit s'adosser à une critique plus large, d'ordre globale. De même qu'un discours écologiste réfutant en bloc l'idée de décroissance ne peut être que l'oeuvre d'un fumiste néfaste, un discours anti-pub s'axant uniquement sur des revendications esthétique (la pub est moche), féministes (la pub est sexiste) ou de bien-être (la pub m'agresse), ne rime pas à grand chose. Refuser la publicité, c'est refuser violemment l'industrie consumériste dont elle est le porte-voix autant que le voile impudique :
« La publicité n'est que la partie émergée de cet iceberg qu'est le système publicitaire et, plus largement, de l'océan glacé dans lequel il évolue : la société marchande et sa croissance dévastatrice. Et si nous critiquons ce système et cette société, c'est parce que le monde se meurt de notre mode de vie. »Voilà pourquoi les médias et leurs représentants castrés (les intellectuels à paillettes) ont toujours préféré les discours affadis, les déformations moralistes. D'une critique générale, ne garder qu'un bout isolé, une parcelle peu explosive : « Afin de ne pas remettre en question la légitimités de la publicité en général, il est toujours de bon ton de noyer le poison en se répandant en moraline convenue sur un thème politiquement correct : l'exploitation abusive du corps humain. On peut aussi évoquer en passant l'influence néfaste sur les enfants, laissant entendre par là que la publicité ne serait un problème qu'à l'égard de ces "petits êtres faibles" dont on prend alors la défense. C'est ce qu'ont fait nos "intellectuels" médiatiques en entrant dans le "débat " ». Ils ont beau jeu, alors, de se draper dans leur indignation, de taper du point sur la table en dénonçant l'inacceptable, la limite dépassée, de dénoncer ces excès qui font partie du jeu : « On ne peut pas séparer la publicité de ses excès, tout simplement parce que ce n'est que par ses excès que la publicité peut avoir de l'effet. Et tous les "dysfonctionnements abusifs" que nos moralistes dénoncent font en réalité partie du fonctionnement normal de la publicité. »

Il faudrait revenir sur tous les points de l'ouvrage du groupe Marcuse, en détail. Rappeler que « Nestlé a acheté le mot bonheur, Pepsi Cola la couleur bleue ». Sangloter en relisant cette statistique fournie par Culture Pub et affirmant qu'un individu lambda reçoit en moyenne 7 000 messages publicitaires quotidiens. Dépiauter le discours hilarant des contempteurs du mouvement anti-pub (à lire, contrepoints, dont cet article de Robert Redeker joliment intitulé « L'anti-publicité, ou la haine de la gaieté » - rhhaa). Citer des chiffres, signaler des évolutions dans le matraquage, etc.
Mais l'objectif de ce billet n'est pas d'être exhaustif ou synthétique. Simplement d'attirer ton attention : avec De La Misère humaine en milieu publicitaire, tu as sous la main une des critiques les plus efficaces du système médiatico-consuméristes, synthétique et straight to the point. Je serais toi, je filerais en librairie pour y quérir l'objet. Ensuite seulement, tu pourras t'armer de bombes (de peinture, of course, de peinture...).

Notes
[1] Éditions La Découverte.
[2] Editions de l'Encyclopédie des nuisances, 2008. J'y reviendrai.article11
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lundi, juin 21, 2010

Des médias sont incendiés; il est devenu trop dangereux de couvrir la nouvelle

Des médias ont été fermés au milieu d’un massacre orchestré de la communauté ouzbek au Kirghizistan. Les survivants fuient vers l’Ouzbékistan.


Des médias sont incendiés; il est devenu trop dangereux de couvrir la nouvelle
Environ 2 000 personnes ont perdu la vie depuis le 10 juin dans des violences ethniques au Kirghizistan, disent les dépêches. En réponse à ces troubles, les autorités de la ville méridionale de Osh ont ordonné aux stations de télévision locales de cesser de diffuser, d’après ce que rapportent le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF). L’Association publique « Journalistes » du Kirghizistan (Public Association “Journalists”, PAJ), basée à Bichkek, s’efforce actuellement d’apporter de l’aide humanitaire aux journalistes dans la partie sud du pays.
Le gouvernement du Président Kurmanbek Bakiïev a été renversé le 7 avril par des manifestations de masse. À la suite de ces événements, la tension s’est accrue entre les Ouzbeks, qui pour la plupart appuient le gouvernement provisoire, et les Kirghiz, qui appuient surtout Bakiïev dans la partie sud. La violence récente est considérée généralement comme ayant été coordonnée pour des raisons politiques afin que Bakiïev puisse reprendre le pouvoir, disent les dépêches. Bakiïev est actuellement en exil au Bélarus.
La violence a d’abord éclaté entre jeunes ouzbeks et kirghiz à Osh le 10 juin, ce qui a entraîné des émeutes importantes. Des gangs armés circulant dans des véhicules ont traversé des quartiers de Osh et de Jalal-Abad, mettant le feu aux maisons et aux magasins et tirant sur les gens qui tentaient de s’échapper, rapportent Human Rights Watch et le CPJ. En réponse, le gouvernement a proclamé un couvre-feu et dépêché dans la région des forces de sécurité, avec pouvoir de tirer pour tuer. Selon les reportages, des dizaines de milliers d’Ouzbeks ont fui les deux villes et franchi la frontière de l’Ouzbékistan afin d’échapper à la violence.
Par ailleurs, les médias locaux sont bafoués par les retombées de la révolution. Les résidents de Osh n’ont plus accès qu’à la chaîne de télévision d’État KTR et à plusieurs chaînes de télévision russes, selon ce que rapporte l’agence de nouvelles indépendante Zpress. Mezon TV et Osh TV ont vu leurs émissions être interrompues, indique le site de nouvelles indépendant « Ferghana ». Les immeubles abritant Osh TV et JTR TV à Osh et à Jalal-Abad ont été incendiés, d’après ce que rapporte l’International Media Support (IMS).
Dans un épisode séparé, la police ouzbek de la ville de Andijan a détenu un éminent journaliste ouzbek, dit le CPJ. Le reporter indépendant Alekseï Volosevich se rendait à la frontière du Kirghizistan couvrir la crise humanitaire pour le compte de « Ferghana ».
Le PAJ et l’IMS travaillent à livrer de la nourriture et de l’équipement médical à environ 100 journalistes et à leurs familles dans les régions de Osh et de Jalal-Abad. La couverture médiatique des événements dans la partie sud du pays est limitée, les journalistes craignant les attentats pendant qu’ils rapportent la nouvelle dans la rue.
16 juin 2010 /ifex.org/fr/
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« Israël est un Etat imposteur et criminel »

Juifs ultra-orthodoxes manifestant à Meah Shearim contre le déplacement de tombes près de l'hôpital Barzilai à Ashkelon. (Keystone)

Le mouvement sectaire juif « Toldot Aaron », à la pointe du combat contre l'« Etat sioniste impie », a réuni 100 000 personnes jeudi dernier. Après le feu vert de son rabbin, l'un de ses membres livre sa vision du monde.
« Ici, les photos et les enregistrements sont interdits. » C'est au cœur de Mea Shearim, le plus vieux des quartiers ultraorthodoxes de Jérusalem, que l'on trouve les dix mille membres du mouvement sectaire juif « Toldot Aaron ». Un courant minoritaire mais qui se situe à la pointe du combat contre l'« Etat sioniste impie » et dont les fidèles sont à l'origine des nombreuses manifestations violentes organisées en Israël depuis un an.
Jeudi dernier, ils étaient plus de 100 000 juifs pour fustiger l'« ingérence » de la Cour suprême is­raélienne, qui venait d'interdire la ségrégation entre enfants ashkénazes et séfarades dans une école religieuse de la colonie d'Immanuel, en Cisjordanie. On estime à au moins 400 000 le nombre de juifs ultraortho­doxes.
Rencontrer les « vrais juifs » de « Toldot Aaron » n'est pas facile. Parce qu'ils vivent en communauté et qu'il leur est interdit de quitter la « ville sacrée » de Jérusalem. Mais également parce qu'ils ne peuvent entretenir des contacts avec des « représentants du monde impie » sans autorisation de l'« Admor » (l'autorité suprême du courant) ou de l'un de ses rabbins influents.
Agé d'une quarantaine d'années (il ne sait pas exactement car il utilise le calendrier lunaire hébraïque et non le calendrier grégorien), Yoël Yeshiyahou Gross a toutefois accepté le jeu de l'interview en se déclarant « fier de ce qu'il est ». Vêtu d'une « yarmulke » (kippa tricotée blanche) et d'un caftan zébré de lignes noires et blanches sous lequel il porte encore un gilet noir, une chemise blanche et un châle de prière, notre interlocuteur a pris part à de nombreuses manifestations violentes ces derniers mois. Il le revendique d'autant plus fort que « Toldot Aaron » entraîne derrière lui les autres mouvances de l'ultraorthodoxie juive dans la contestation de l'Etat.
Le Temps : Que reprochez-vous à la Cour suprême israélienne ?
Yoël Yeshiyahou Gross : L'Etat sioniste est un Etat imposteur et criminel. Ses agents prétendent représenter le peuple juif mais nous n'avons rien à voir avec eux. Nous ne le reconnaissons pas plus que les lois de sa soi-disant Knesset et les jugements de ses tribunaux malsains. Beaucoup d'entre nous refusent les documents administratifs israéliens. Moi-même, je n'ai pas de carte d'identité et je ne suis pas inscrit à la sécurité sociale. S'il m'arrive quelque chose et que je suis hospitalisé ou lorsque ma femme accouche, je paie le prix plein et au comptant.
- Vous vivez donc en autarcie ?
Comme les autres courants de ce que vous appelez l'ultraorthodoxie juive, « Toldot Aaron » dispose de ses propres tribunaux rabbiniques et de son propre réseau scolaire. Nous avons des médecins, des dentistes, des épiceries. Bref, nous n'avons besoin de personne.
- Qui finance tout cela ?
Lorsqu'elles ont besoin d'argent pour financer un séjour à l'hôpital par exemple, les familles demandent au « rav » (rabbin), qui dispose de fonds envoyés par les communautés sœurs de l'étranger (Brook­lyn, Anvers, ndlr).
- Cela ne vous dérange pas de vivre de la bienfaisance ?
Non pourquoi ? La stricte application de la Torah prime sur le confort matériel. La loi de Dieu est supérieure à celle des hommes. Dès leur plus tendre enfance, nos enfants apprennent une chanson disant « Dieu est notre seigneur et nous sommes ses esclaves. Nous suivons le chemin de la Torah et nous marchons sur la voie tracée par nos pères. » Les valeurs matérielles n'ont aucune importance pour nous. A contrario, nous accordons la plus grande importance à l'éducation des enfants dans les vraies valeurs juives et à la vie familiale.
- D'autres courants ultraorthodoxes trouvent que vous allez trop loin.
Nous ne faisons pas de compromis. Lorsque j'étais petit, on nous poursuivait dans les rues de Mea Shearim à cause de nos vêtements particuliers et de notre mode de vie. Actuellement, il arrive régulièrement que des laïcs m'interpellent dans la rue pour me traiter de parasite.
- Vous ne vous sentez pas déphasé quand vous allez à Tel-Aviv ?
Je n'y suis jamais allé (la ville est située à 65 km de Jérusalem, ndlr), qu'est-ce que j'y ferais ? Il y a des filles impudiques, des enfants qui se droguent et des homosexuels qui s'embrassent dans les rues.
- Comment le savez-vous ?
Le « rav » me l'a dit.
- Vous préoccupez-vous du conflit avec les Palestiniens ? Comment voyez-vous l'avenir de votre pays ?
Nous sommes anti-sionistes mais nous ne faisons pas de politique contrairement aux « Natureï Karta » (un courant plus minoritaire) qui est en contact avec les Palestiniens et avec l'Iran. Pour le reste, Israël n'est pas mon pays. C'est une structure imposée à partir de l'étranger par des gens qui se prétendent juifs. Ces gens-là sont comme des « goyim » (non-juifs) et certains mangent du porc. Ils n'ont en tout cas rien à voir avec le monde de l'étude et de la tradition que nous représentons. D'une manière ou d'une autre, dans cinq ou dans cent ans, leur Etat finira par disparaître.
- N'avez-vous pas l'impression de passer à côté du progrès ?
Non, c'est vous qui ignorez la profondeur des textes. Nous sommes persuadés que la société moderne va droit dans le mur et tant mieux si l'on nous prend pour des fous. Moins nous entretiendrons de contacts avec la perversion et mieux nous nous sentirons.
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Onu : 2.412 civils ont été tués en Afghanistan en 2009

Selon un rapport de l'ONU, 2.412 civils ont été tués en Afghanistan en 2009.
La situation en matière de sécurité se dégrade en Afghanistan. Le secrétaire général des Nations unies en a tracé un sombre tableau, samedi.

Le nombre de civils tués connait ainsi une hausse de 14% par rapport à 2008, ce bilan est le plus lourd depuis le déclenchement de la guerre en 2001.
Un quart des pertes civiles en 2009 sont dues aux opérations des forces afghanes et aux soldats étrangers (596), soit une baisse de 28%.
Depuis trois ans, la rébellion menée par les talibans a gagné du terrain en dépit de l'augmentation régulière du nombre de soldats étrangers, qui atteint aujourd'hui 142.000 soldats.
La dernière bavure de l'OTAN a tué au moins cinq civils, dont deux enfants pas plus tard que samedi dans un raid aérien de l'Otan dans l'est de l'Afghanistan, ont indiqué à l'AFP le chef de la police locale et le représentant local du ministère de la Santé.
"Nous avons reçu les corps de deux jeunes filles de sept et huit ans qui comptent parmi les victimes. Un garçon de 14 ans a été blessé", a déclaré le représentant local du ministère de la Santé.
La population et le gouvernement afghan se plaignent régulièrement de frappes sans discrimination perpétrées par les forces internationales qui tuent des civils.
En avril dernier, l'Otan avait été obligé de reconnaître que ses avions avaient tué deux femmes, un enfant et un vieillard en bombardant une maison.
Et fin avril, des soldats de l'Otan avaient ouvert le feu sur une voiture dans le sud de l'Afghanistan tuant par erreur deux femmes et une jeune fille.
La mort de civils afghans en marge du conflit armé est un sujet de vive tension entre le président Hamid Karzaï et les forces internationales, même si les frappes des talibans ont dépassé celles de l'Otan comme première cause de mortalité des Afghans selon l'ONU.
Washington est critiqué par le gouvernement afghan pour tuer sans beaucoup de discernement de simples habitants.
Le rapport de l'ONU trace un portrait qui ne coïncide pas avec celui du Pentagone, publié cette semaine, qui fait plutôt état de progrès en Afghanistan.
Le général américain David Petraeus a déclaré cette semaine devant le comité des forces armées du Sénat que la situation continuait de s'améliorer
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samedi, juin 19, 2010

En marge du pouvoir économique Que reste-t-il de la démocratie ?


Dans un futur proche, des élections se dérouleront dans des pays aussi divers que l’Indonésie, l’Afghanistan, l’Irak ou les Etats-Unis. Née en 507 avant Jésus-Christ à Athènes, la démocratie serait le mode de gouvernement le plus naturel à l’homme et le moins mauvais de tous les systèmes politiques. Encore faudrait-il qu’elle fonctionne correctement et qu’elle ne soit pas dévoyée par des pouvoirs qui ne sont ni élus par le vote populaire ni contrôlés par les citoyens. Aristote, dans sa Politique, nous dit d’abord ceci : « En démocratie, les pauvres sont rois parce qu’ils sont en plus grand nombre, et parce que la volonté du plus grand nombre a force de loi. » Dans un second passage, il semble d’abord restreindre la portée de cette première phrase, puis il l’élargit, la complète et finit par établir un axiome : « L’équité au sein de l’Etat exige que les pauvres ne possèdent en aucune manière plus de pouvoir que les riches, qu’ils ne soient pas les seuls souverains, mais que tous les citoyens le soient en proportion de leur nombre. Ce sont là les conditions indispensables pour que l’Etat garantisse efficacement l’égalité et la liberté. »
Aristote nous dit que les citoyens riches, même s’ils participent en toute légitimité démocratique au gouvernement de la Polis, resteront toujours une minorité en raison d’une proportionnalité incontestable. Sur un point, il a vu juste : aussi loin que l’on remonte dans le temps, jamais les riches n’ont été plus nombreux que les pauvres. Malgré cela, les riches ont toujours gouverné le monde ou ont tenu les ficelles de ceux qui gouvernaient. Une constatation plus que jamais d’actualité. Notons au passage que, pour Aristote, l’Etat représente une forme supérieure de moralité...
Tout manuel de droit constitutionnel nous apprend que la démocratie est « une organisation interne de l’Etat par laquelle l’origine et l’exercice du pouvoir politique incombent au peuple, cette organisation permettant au peuple gouverné de gouverner à son tour par le biais de ses représentants élus ». Accepter des définitions comme celle-ci, d’une pertinence telle qu’elle frôle les sciences exactes, correspondrait, transposées à notre vécu, à ne pas tenir compte de la graduation infinie d’états pathologiques auxquels, à tout moment, notre corps peut être confronté.
En d’autres termes : le fait que la démocratie puisse être définie avec beaucoup de précision ne signifie pas qu’elle fonctionne réellement. Une brève incursion dans l’histoire des idées politiques conduit à deux observations souvent écartées sous prétexte que le monde change. La première pour rappeler que la démocratie est apparue dans Athènes, vers le Ve siècle avant J.-C. ; elle supposait la participation de tous les hommes libres au gouvernement de la cité ; elle était fondée sur la forme directe, les charges étant effectives ou attribuées selon un système mixte de tirage au sort et d’élection ; et les citoyens avaient le droit de vote et celui de présenter des propositions dans les assemblées populaires.
Cependant – c’est la seconde observation –, à Rome, continuatrice des Grecs, le système démocratique n’est pas parvenu à s’imposer. L’obstacle vint du pouvoir économique démesuré d’une aristocratie latifundiste qui voyait dans la démocratie un ennemi direct. Malgré le risque de toute extrapolation, peut-on éviter de se demander si les empires économiques contemporains ne sont pas, eux aussi, des adversaires radicaux de la démocratie, même si les apparences sont pour l’instant maintenues ?
Voter, une forme de renonciation ?
Les instances du pouvoir politique tentent de dévier notre attention d’une évidence : à l’intérieur même du mécanisme électoral se trouvent en conflit un choix politique représenté par le vote et une abdication civique. N’est-il pas exact que, au moment précis où le bulletin est introduit dans l’urne, l’électeur transfère dans d’autres mains, sans autre contrepartie que des promesses entendues pendant la campagne électorale, la parcelle de pouvoir politique qu’il possédait jusqu’alors en tant que membre de la communauté de citoyens ?
Ce rôle d’avocat du diable que j’assume peut paraître imprudent. Raison de plus pour que nous examinions ce qu’est notre démocratie et quelle est son utilité, avant de prétendre, obsession de notre époque, la rendre obligatoire et universelle. Cette caricature de démocratie que, tels des missionnaires d’une religion nouvelle, nous cherchons à imposer au reste du monde n’est pas la démocratie des Grecs, mais un système que les Romains eux-mêmes n’auraient pas hésité à imposer à leurs territoires. Cette sorte de démocratie, rabaissée par mille paramètres économiques et financiers, serait parvenue sans nul doute à faire changer d’avis les latifundistes du Latium, devenus alors les plus ardents des démocrates...
Peut émerger dans l’esprit de certains lecteurs une fâcheuse suspicion sur mes convictions démocratiques, compte tenu de mes inclinations idéologiques bien connues... Je défends l’idée d’un monde vraiment démocratique qui deviendrait finalement réalité, deux mille cinq cents ans après Socrate, Platon et Aristote. Cette chimère grecque d’une société harmonieuse, qui ne distinguerait plus les maîtres des esclaves, telle que la conçoivent les âmes candides qui croient encore à la perfection.
Certains me diront : mais les démocraties occidentales ne sont ni censitaires ni racistes, et le vote du citoyen riche ou de couleur de peau claire compte autant dans les urnes que celui du citoyen pauvre ou à la peau basanée. En nous fiant à de telles apparences, nous aurions atteint le summum de la démocratie.
Quitte à refroidir ces ardeurs, je dirai que les réalités brutales du monde dans lequel nous vivons rendent dérisoire ce cadre idyllique, et que, d’une manière ou d’une autre, nous finirons par retomber sur un corps autoritaire dissimulé sous les plus beaux atours de la démocratie.
Ainsi, le droit de vote, expression d’une volonté politique, est en même temps un acte de renonciation de cette même volonté, puisque l’électeur la délègue à un candidat. L’acte de voter est, au moins pour une partie de la population, une forme de renonciation temporaire à une action politique personnelle, mise en sourdine jusqu’aux élections suivantes, moment où les mécanismes de délégation reviendront au point de départ pour recommencer de la même façon.
Cette renonciation peut constituer, pour la minorité élue, le premier pas d’un mécanisme qui autorise souvent, malgré les vaines espérances des électeurs, à poursuivre des objectifs qui n’ont rien de démocratiques et qui peuvent être de véritables offenses à la loi. En principe, il ne viendrait à l’idée de personne d’élire comme représentants au Parlement des individus corrompus, même si la triste expérience nous enseigne que les hautes sphères du pouvoir, sur les plans national et international, sont occupées par de tels criminels ou par leurs mandataires. Nul examen au microscope des votes déposés dans l’urne n’aurait le pouvoir de rendre visibles les signes délateurs des relations entre les Etats et les groupes économiques dont les actes délictueux, voire de guerre, mènent notre planète droit à la catastrophe.
L’expérience confirme qu’une démocratie politique qui ne repose pas sur une démocratie économique et culturelle ne sert pas à grand-chose. Méprisée et reléguée au dépotoir des formules vieillies, l’idée d’une démocratie économique a laissé place à un marché triomphant jusqu’à l’obscénité. Et à l’idée d’une démocratie culturelle s’est substituée celle, non moins obscène, d’une massification industrielle des cultures, pseudo-melting-pot dont on se sert pour masquer la prédominance de l’une d’elles.
Nous pensons avoir avancé, mais, en réalité, nous régressons. Parler de démocratie deviendra de plus en plus absurde si nous nous obstinons à l’identifier à des institutions qui ont pour noms partis, Parlements, gouvernements, sans procéder à un examen de l’usage que ces derniers font du vote leur ayant permis d’accéder au pouvoir. Une démocratie qui ne s’autocritique pas se condamne à la paralysie.
N’en concluez pas que je suis contre l’existence des partis : je milite au sein de l’un d’eux. Ne pensez pas non plus que j’abhorre les Parlements : je les apprécierais s’ils se consacraient plutôt à l’action qu’à la parole. Et n’imaginez pas davantage que je suis l’inventeur d’une recette magique permettant aux peuples de vivre heureux sans avoir de gouvernement. Je refuse d’admettre que l’on ne puisse gouverner et désirer être gouverné que selon les modèles démocratiques en vigueur, incomplets et incohérents.
Je les qualifie ainsi parce que je ne vois guère d’autre façon de les désigner. Une démocratie vraie qui, tel un soleil, inonderait de sa lumière tous les peuples devrait commencer par ce que nous avons sous la main, c’est-à-dire le pays où nous naissons, la société dans laquelle nous vivons, la rue où nous habitons.
Si cette condition n’est pas respectée – et elle ne l’est pas –, tous les raisonnements antérieurs, c’est-à-dire le fondement théorique et le fonctionnement expérimental du système, seront viciés. Purifier les eaux de la rivière qui traverse la ville ne servira à rien si le foyer de la contamination se trouve à la source.
La question principale que tout type d’organisation humaine se pose, depuis que le monde est monde, est celle du pouvoir. Et le principal problème est d’identifier celui qui le détient, de vérifier par quel moyen il l’a obtenu, l’usage qu’il en fait, les méthodes qu’il utilise, et quelles sont ses ambitions.
Si la démocratie était vraiment le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple, tout débat cesserait. Mais on n’en est pas là. Et seul un esprit cynique se risquerait à affirmer que tout va pour le mieux dans le monde dans lequel nous vivons.
On dit aussi que la démocratie est le système politique le moins mauvais, et nul ne remarque que cette acceptation résignée d’un modèle qui se contente d’être « le moins mauvais » peut constituer le frein à une quête vers quelque chose de « meilleur ».
Le pouvoir démocratique est, par sa nature, toujours provisoire. Il dépend de la stabilité des élections, du flux des idéologies et des intérêts de classes. On peut voir en lui une sorte de baromètre organique qui enregistre les variations de la volonté politique de la société. Mais, de façon flagrante, on ne compte plus les alternances politiques apparemment radicales qui ont comme effet des changements de gouvernement, mais qui ne sont pas accompagnées de transformations sociales, économiques et culturelles aussi fondamentales que le résultat du suffrage le laissait supposer.
En effet, dire gouvernement « socialiste », ou « social-démocrate », ou encore « conservateur », ou « libéral », et l’appeler « pouvoir », n’est qu’une opération esthétique bon marché. C’est prétendre nommer quelque chose qui ne se trouve pas là où on voudrait nous le faire croire. Car le pouvoir, le vrai pouvoir, se trouve ailleurs : c’est le pouvoir économique. Celui dont on perçoit les contours en filigrane, mais qui nous échappe lorsque l’on cherche à s’en approcher et qui contre-attaque s’il nous prend envie de restreindre son emprise, en le soumettant aux règles de l’intérêt général.
En termes plus clairs : les peuples n’ont pas élu leurs gouvernements pour que ceux-ci les « offrent » au marché. Mais le marché conditionne les gouvernements pour que ceux-ci leur « offrent » leurs peuples. A notre époque de mondialisation libérale, le marché est l’instrument par excellence de l’unique pouvoir digne de ce nom, le pouvoir économique et financier. Celui-ci n’est pas démocratique puisqu’il n’a pas été élu par le peuple, n’est pas géré par le peuple, et surtout parce qu’il n’a pas pour finalité le bonheur du peuple.
La trahison ultime
Je ne fais là qu’énoncer des vérités élémentaires. Les stratèges politiques, toutes couleurs confondues, ont imposé un silence prudent afin que nul n’ose insinuer que nous continuons à cultiver le mensonge et acceptons d’en être les complices.
Le système appelé démocratique ressemble de plus en plus à un gouvernement des riches et de moins en moins à un gouvernement du peuple. Impossible de nier l’évidence : la masse des pauvres appelée à voter n’est jamais appelée à gouverner. Dans l’hypothèse d’un gouvernement formé par les pauvres, où ceux-ci représenteraient la majorité, comme Aristote l’a imaginé dans sa Politique, ils ne disposeraient pas des moyens pour modifier l’organisation de l’univers des riches qui les dominent, les surveillent et les étouffent.
La prétendue démocratie occidentale est entrée dans une étape de transformation rétrograde qu’elle est incapable d’arrêter, et dont les conséquences prévisibles seront sa propre négation. Nul besoin que quiconque prenne la responsabilité de la liquider, elle-même se suicide tous les jours.
Que faire ? La réformer ? Nous savons que réformer, comme l’a si bien écrit l’auteur du Guépard, n’est rien de plus que changer ce qui est nécessaire pour que rien ne change. La rénover ? Quelle époque du passé suffisamment démocratique vaudrait-elle que l’on y retourne pour, à partir de là, reconstruire avec de nouveaux matériaux ce qui est sur le chemin de la perdition ? Celle de la Grèce antique ? Celle des républiques marchandes du Moyen Age ? Celle du libéralisme anglais du XVIIe siècle ? Celle du siècle français des Lumières ? Les réponses seraient aussi futiles que les questions...
Que faire alors ? Cessons de considérer la démocratie comme une valeur acquise, définie une fois pour toutes et à jamais intouchable. Dans un monde où l’on est habitué à débattre de tout, seul un tabou persiste : la démocratie. Salazar (1889-1970), le dictateur qui a gouverné le Portugal pendant plus de quarante ans, affirmait : « On ne remet pas en cause Dieu, on ne remet pas en cause la patrie, on ne remet pas en cause la famille. » Aujourd’hui, nous remettons Dieu en cause, la patrie en cause, et si nous ne remettons pas la famille en cause, c’est parce qu’elle s’en charge toute seule. Mais on ne remet pas en cause la démocratie.
Alors je dis : remettons-la en cause dans tous les débats. Si nous ne trouvons pas un moyen de la réinventer, on ne perdra pas seulement la démocratie, mais l’espoir de voir un jour les droits humains respectés sur cette planète. Ce serait alors l’échec le plus retentissant de notre temps, le signal d’une trahison qui marquerait à jamais l’humanité.

José Saramago,Le Monde-diplomatique d’Août 2004
19 juin 2010 / Aloufok
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LibresLe rêve de nombreux humains est d'être libres et de pouvoir s'affranchir de toutes les entraves physiques ou non. Souvent beaucoup se font une raison (comprenant que c?est un rêve fou et dangereux) mais n?hésiteraient pas à sauter à pieds joints si on leur propose une possibilité de devenir un superman. Mais l?agent Smith a dit à Néo avec justesse : « nous ne sommes pas ici parce que nous sommes libres, nous sommes ici parce que nous ne le sommes pas ». La liberté d?entreprendre, Oppenheimer et d?autres se sont octroyé le droit de créer la bombe atomique. Une citation de ce dernier est assez intrigante : « Je l'ai senti moi-même. Le scintillement des armes nucléaires. Il est irrésistible si vous les approchez comme un scientifique. De sentir que c'est là dans vos mains, de libérer cette énergie qui alimente

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Les jeux sans le pain


Le capitalisme et les hommes qui le font vivre n'en sont plus depuis longtemps à un paradoxe près. Quand la crise affame - et affamera plus encore demain - une multitude d'hommes, de femmes et d'enfants partout dans le monde l'économie des jeux prospère sans vergogne. Du pain et des jeux proclamait Jules César pour calmer la plèbe. Il est probable que pour lui le pain comptait avant les jeux du cirque. Deux mille ans après JC, les jeux sont planétaires et la malnutrition - entre autres maux de la misère - frappe un milliard d'êtres humains. L'exutoire des jeux hyper médiatisés et archi mercantilisés est partout utilisé pour détourner l'attention et le désir des peuples. A l'heure de l'endormissement généralisé, la France ne saurait déroger à la règle vulgaire.
Dans le sport tout explose : la pub, le dopage, les paris, les temps d'antenne, les salaires des dieux du stade, etc. L'activité éditoriale aussi qui n'a jamais connu une parution de livres si florissante qu'à l'occasion de l'actuelle coupe du Monde de football.
Historiens, sociologues et philosophes s'en mêlent - et s'emmêlent parfois les concepts - pour parer la trivialité du sport business des atours les plus chatoyants. Et tant pis pour l'affaiblissement - quand il ne s'agit pas de sa disparition pure et simple - de l'analyse critique d'un objet monumental méritant mieux que son commentaire démagogique. Il est peut-être temps de se poser les questions essentielles, celles qui à l'évidence gênent aux entournures les observateurs aveuglés par leur passion au point de ne pas même voir les ficelles les plus grossières ou de ne plus chercher ce qui se cache derrière les apparences trompeuses. Comment expliquer que l'audience des supporters augmente proportionnellement à la gangrène du sport par l'argent et par les techniques de dopage les plus sophistiquées ? Comment comprendre que les émoluments astronomiques des vedettes de l'exercice physique n'émeuvent pratiquement personne, à commencer par les pauvres, quand progresse partout la misère ? Pourquoi nos sociétés acceptent-elles si facilement que leurs dirigeants engloutissent la fonction politique dans cet océan nauséabond qui malmène dramatiquement les valeurs éthiques prônées à la fin du dix-neuvième siècle par les promoteurs de l'olympisme modernes ?
C'est que tout cela est marqué du sceau de la fatalité. Toutes les scories générées par la méga machine du sport mondialisé seraient le prix à payer pour que la distraction attendue par les foules rassemblées en des lieux clos ou éparpillées devant la myriade des écrans domestiques - de la domestication ! - puisse continuer toujours. Marquons au passage que la distraction est utilisée en effet dans sa double fonction d'amusement et de détournement. Comme on ne peut rien contre les avatars de la mondialisation économique, on ne peut rien non plus contre les dérives des jeux globaux. Du reste les premiers ont produit les secondes pour une bonne part. Dès lors, les violences faites à la moralité de chaque citoyen par les pratiques illégales des clubs de football, le financement par blanchiment d'argent sale comme dans la Formule 1 ou la conduite répréhensible des sportifs eux-mêmes sont aisément excusés par les fans - quand ils ne sont pas fanatiques - sur l'autel de la plus imposante des religions désormais. Oui, on nous enjoint de communier tous avec la même ferveur. Ceci suppose de ne plus se poser les questions qui fâchent. Ainsi, les frasques routières ou nocturnes de Ribéri ne sont que broutilles pour le supporter déconscientisé au regard des dimensions de l'icône fabriquée par les médias avec bien sûr la complicité du public si prompt à l'enthousiasme. Le moindre petit caïd de banlieue est en préventive pour moins que ça !
Il était donc grand temps que la France légalise les paris en ligne sur l'Internet. Ça existe ailleurs, pourquoi pas chez nous ! Si la lutte contre la pauvreté ne va rien y gagner, l'État en retirera des fruits qui, en temps de marée basse des finances publiques, faute de prendre l'argent dans la poche des riches, seront bons à recueillir. Plus de jeux, moins de pain : telle est la devise dissimulée du parieur pris au piège de son addiction. Les parieurs impénitents vont forcément proliférer puisqu'on les en prie en haut lieu. Ils seront légion et méchamment accrochés en 2016 pour miser gros sur la victoire de l'équipe de France disputant chez elle l'Euro de football. M. Sarkozy leur a fait un autre beau cadeau en allant lui-même récemment en Suisse disputer le bout de gras et revenir avec la décision définitive que l'Euro 2016 se tiendra en France. Il donne l'exemple, il mouille le maillot, il se bat pour la France. Combien de supporters se sont étonnés qu'à l'heure des menaces d'implosion de la zone de l'autre Euro, le Président de la République n'ait pas mieux à faire que de s'occuper en personne d'un dossier aussi peu brûlant ? Demain les retraites fondront comme neige au soleil, notamment pour les plus modestes d'entre nous, mais nous aurons de nouveaux et superbes stades dans lesquels batifoleront nos idoles richissimes.

Yann Fiévet
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Libres
Le rêve de nombreux humains est d'être libres et de pouvoir s'affranchir de toutes les entraves physiques ou non. Souvent beaucoup se font une raison (comprenant que c?est un rêve fou et dangereux) mais n?hésiteraient pas à sauter à pieds joints si on leur propose une possibilité de devenir un superman. Mais l?agent Smith a dit à Néo avec justesse : « nous ne sommes pas ici parce que nous sommes libres, nous sommes ici parce que nous ne le sommes pas ». La liberté d?entreprendre, Oppenheimer et d?autres se sont octroyé le droit de créer la bombe atomique. Une citation de ce dernier est assez intrigante : « Je l'ai senti moi-même. Le scintillement des armes nucléaires. Il est irrésistible si vous les approchez comme un scientifique. De sentir que c'est là dans vos mains, de libérer cette énergie qui alimente

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samedi, juin 12, 2010

Le silence frappe à la porte

Ma prison est de silence
de non-dit
de non-entendu
de non-répondu
A travers ses barreaux mon regard scrute l'abîme du non-étant
Ni soleil
Ni nuit
Ni couleur
Ni son
Rien
ou plus exactement le non-rien
le vide

Parfois
comme une bulle remontant du fond d'un étang oublié
un souvenir explose à la surface de ma mémoire
Celui de ces aurores de matin calme
qui
même si elles étaient nées de nuits agitées, voire tourmentées, orageuses, sismiques
blanches, multicolores, fumeuses…
de ces nuits prises de folie au point de se prendre pour des jours
célébraient cette beauté si simple
et pourtant si cosmique
celle de la bonté du partage
d'un sourire
d'une main
d'un rire
d'un sourire
d'un silence
du silence plus éloquent qu'un discours
Alors
pensif
je me demande pourquoi mes pensées
surtout celles travesties de rêves
pâles rayons de ce qui fut mon espérance
s'acharnent à m'inviter à gravir l'escarpement grotesque de ma quotidienneté
quand le quotidien
n'est plus le chemin parcouru entre deux instants
mais une attente
de ce qui ne sera pas
puisque plus rien ne peut être
quand le non-être n'est plus seulement un masque
une apparence
mais l'en-soi
le squelette d'une
illusion

Ma prison
est celle dont on ne s'échappe pas
puisqu'elle est celle de l'exil
Exil des autres
Exil par les autres
Mais aussi exil de soi-même

Ma prison
est un univers
dont on ne sait s'il est kafkaïen
ubuesque
mais qui ne cesse de grandir
comme cette révolte en moi
et personne ne devine
parce que

Ma prison est de silence
de non-dit
de non-entendu
de non-répondu
A travers ses barreaux mon regard scrute l'abîme du non-étant
Ni soleil
Ni nuit
Ni couleur
Ni son
Rien
ou plus exactement le non-rien
le vide

Je sais que je peux m'évader de cette prison
d'ailleurs à quoi bon
pour aller où
si ce n'est une autre prison
puisqu'elle est mon effacement par les autres
et que dans l'annuaire des vivants
je ne suis plus qu'une page presque blanche
vide
déjà en train de jaunir de l'oubli de celles et de ceux
qui
assurément par mégarde
l'ont tant soit peu écrite ou lue avec moi
la page d'une vie en train de s'effacer

S'effacer soi-même plutôt que d'être effacé
n'est-ce pas la forme ultime de la révolte d'un homme libre
qui
en s'anéantissant
affirme son être
au moment même où
refusant le non-être dans lequel il a été enfermé
il va pouvoir être une dernière fois
juste le temps d'être illuminé de la douceur de la dernière aurore d'un dernier regard
le sien
13/03/02
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