mardi, octobre 21, 2008

Et maintenant, la question de Jérusalem

nettoyage ethnique dans Jérusalem - Les habitants d’une maison palestinienne détruite par l’armée d’occupation tentent de sauver quelues biens - Photo : Magnus Johansson/MaanImages
Nul besoin d’être un expert de qu’on appelle le « processus de paix » pour savoir qu’Israël a pour unique objectif depuis ces 40 dernières années de refuser leurs droits aux Palestiniens.
N’ayant pas réussi à briser l’échine des Palestiniens et à mettre fin à leur détermination à résister, Israël a utilisé des tactiques de retardement.
Quand il ne remettait pas à plus tard les questions urgentes, il a tenté de les vider de tout leur sens. Ainsi, l’idée d’un État palestinien indépendant et souverain a été diluée dans la création d’une auto-administration, dépouillée de tout pouvoir réel, sur des lopins de terre fragmentés.
C’est ce que le processus d’Oslo a réussi à produire au cours des 15 dernières années. Le nombre de colons dans les territoires occupés a doublé. Un mur de ségrégation raciale a été érigé. La Cisjordanie a été coupée de la bande de Gaza.
Et Jérusalem est à présent entourée et bloquée de tous les côtés, avec peu ou pas de liens vers d’autres zones palestiniennes. Lorsque les négociations ont repris, Israël a tenté de légitimer ses grandes colonies de peuplement, en refusant de discuter du sujet des réfugiés et en insistant pour le report de toute décision relative à Jérusalem.
Dans l’intervalle, les Israéliens ont essayé sans relâche de changer la face de Jérusalem, construisant des colonies dans et autour de la ville, la transformant et la judaïsant de jour en jour.
Israël fait maintenant la suggestion d’un État palestinien avec des "frontières intérimaires".
En échange, il veut que les Palestiniens renoncent, dans les faits et immédiatement, au droit au retour des réfugiés. Israël veut également que les Palestiniens renoncent à revendiquer de vastes pans de leur pays - les terres qui ont été absorbées par les implantations, les terres entourant la mer Morte, les terres des villages du Latroun (Imwas, Yalu, et de Beit Nuba), etc... A l’heure actuelle, Israël n’a pas l’esprit à discuter de Jérusalem. Mais il a une bonne disponibilité d’esprit pour construire de nouvelles colonies à l’intérieur et autour de la ville.
Il est possible qu’Israël soit en train de changer son discours, mais pas ses tactiques. Au lieu de s’opposer à un État palestinien, il est disposé à accepter un État qui ne fasse pas mention de souveraineté. Au lieu de conserver chacune des colonies qu’il a établie sur la terre palestienne, il est disposé à retirer 3 000 colons, en laissant 450 000 sur place.
Tout ce qu’Olmert et Barak ont déclaré depuis longtemps donne à penser qu’ils veulent transformer Jérusalem jusqu’à la rendre méconnaissable. La Jérusalem que nous connaissons tous n’est pas celle qu’ils ont à l’esprit. La Jérusalem de la mosquée Al-Aqsa, de l’Eglise du Saint-Sépulcre, du Mont des Oliviers, de Salwan, d’Al-Issawia, et d’autres parties de la vieille ville, est sur le point de beaucoup ressembler aux quartiers qui sont sortis de terre tout autour de la ville : Izariya, Abu Dies et peut-être Beit Hanina.
Chaque fois que les négociateurs palestiniens accordent un pouce [de territoire], Israël prend un mile, les Accords d’Oslo en sont un bon exemple. Il est bon de négocier, mais pas lorsque les négociations sapent la base des résolutions et des règles internationales. Les résolutions de l’ONU - appuyées par les arrêts de la Cour Internationale de Justice - établissent que toutes les terres qu’Israël a saisies depuis le matin du 5 Juin 1967 sont des territoires occupés. Cela vaut pour la vieille ville de Jérusalem et ses environs, la Cisjordanie, Gaza, les villages du Latroun, le Golan, et même les fermes de Shebaa.
L’Égypte a insisté pour la restitution de chaque pouce du Sinaï, de même que la Syrie s’en tient à chaque pouce du Golan. Les Palestiniens ne peuvent pas consentir à moins. Nous devons insister sur le retrait d’Israël de tous les territoires occupés, au lieu d’être mêlés à des discussions sur un échange de terres risqué. Il est déjà suffisamment regrettable qu’Israël ait pris en 1948 la moitié des terres que le plan de partition des Nations Unies de 1947 avait attribué aux Palestiniens... Nous n’avons pas besoin d’aggraver les choses.
Et que se passe-til au juste dans les négociations ? Tout est conservé sous un couvercle étanche, à l’exception de bribes d’informations s’échappant au hasard, suggérant que la question de Jérusalem sera repoussée à plus tard, encore une fois. Le peuple palestinien est dans l’ignorance de ce qui se passe vraiment. Compte tenu de l’amère expérience d’Oslo, quand les faits accomplis etaient imposés dans le dos des négociateurs officiels, ce n’est pas de bon augure.
Tout le monde sait que l’abandon de la Jérusalem arabe, en tout ou en partie de celle-ci, n’est pas une option acceptable pour le peuple palestinien. Aussi, toutes les solutions intermédiaires, en particulier ces reports de la discussion au sujet de Jérusalem, sont très risquées quand elles ne sont pas un véritable signe de capitulation.
La dernière chose dont nous avons besoin, c’est d’un nouveau marchandage qui sape nos droits et affaiblit notre peuple. Ces négociations au nom des Palestiniens portent une très grande responsabilité en ce moment... Tout ce qui s’y fait peut avoir des conséquences à long terme pour nous tous.

* Mustapha Barghouthi (1) Mustafa BARGHOUTI est secrétaire général d’Al-Mubadara (Initiative nationale palestinienne, INP), une organisation politique laïque. Il a été ministre de l’Information dans le gouvernement palestinien d’union nationale constitué en 2007 après les élections législatives. Il fut aussi, en 2006, candidat à l’élection présidentielle. Il obtint un tiers des voix et se classa en seconde position, derrière le président actuel de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. (NdT)

Dr. Mustafa Barghouthi - Al Ahram weekly / 20 octobre 2008 / Info-palestine

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