dimanche, avril 23, 2006

Ce Peuple Français qui fait trembler l’Amérique


Quand on lit l’article de Jerry White, on comprend qu’il y a bien plus qu’un océan qui nous sépare des Etats-Unis. Cela ressemblerait davantage à un abîme sans fond tant leur mentalité diffère de la notre et tant ils sont à mille lieues de notre état d’esprit. Nous leur conseillons fortement de lire L’Esprit Français, ils verront ainsi que ce qui fait notre particularité n’est pas une légende et que nous ne possédons pas les mêmes valeurs qu’eux, c’est certain. Par contre, nous possédons une histoire qui a forgé ces valeurs. Je ne parle pas du Peuple Américain, à part entière, mais de ce qui l’a faconné dans sa plus grande majorité.

Ainsi les évènements qui se sont déroulés en France, suite à la fronde contre le CPE, furent l’occasion, pour la presse inféodée à l’élite étatsunienne, de vilipender le Peuple Français dans une attitude hostile voire même méprisante. Mais pourquoi l’ont-ils fait ? Nous sommes d’avis à penser qu’il n’y a jamais de fumée sans feu. Ils ont donc dénoncé avec virulence la « loi de la populace ». L’expression en elle-même montre déjà à quel point la masse laborieuse est estimée à sa juste valeur dans la vision américaine. Les mots, employés par les médias pour décrire ce mouvement populaire, sont tous plus surprenants les uns que les autres et comme vous pourrez le constater, leur regard sur nous -nimbé d’arrogance et de supériorité- mérite quelque peu que l’on s’y attarde.

Les Français souffriraient donc « d’une sorte de folie collective parce qu’ils sont convaincus d’avoir droit à certaines choses comme la sécurité de l’emploi ». Notons la suffisance du « convaincu d’avoir droit », comme si le Peuple avait droit à quelque chose, n’est-ce pas ? L’idée même d’en avoir l’idée mérite bien une camisole de force, c’est certain. Mais de la schizophrénie passons à une autre tare « Les Français descendent dans la rue pour défendre leur lubie économique » pouvait-on lire dans le Washington Post. La plupart des articles suggérant que les manifestations sont illégitimes et que « la force de la démocratie se mesure à la capacité des dirigeants politiques de défier la volonté du peuple et de faire « ce qui est juste ». On comprend très bien ce qu’ils entendent par la « force de la démocratie », on en a un bel exemple en Irak où ils l’ont exportée. C’est dire aussi combien les mêmes mots n’ont pas le même sens et sont même à l’opposé de leur continent au nôtre. Ainsi lorsque Bush dit qu’il apporte Paix et Démocratie, il faut comprendre Guerre et Oppression. Une inversion totale des notions et surtout des valeurs. C’est cela ce qu’ils appellent « ce qui est juste » et qu’ils imposent à leurs citoyens sans leur demander leur avis et par la force s’ils regimbent. Ainsi licencier des jeunes sans motif valable ou sans justification leur parait équitable. Normal, c’est la politique appliquée chez eux. Les lois qu’ils pondent sont faites pour protéger les patrons et les riches, pas les salariés et les pauvres.

Mieux, à les entendre, il semblerait que nous soyons les seuls au monde à nous battre pour nos droits car ils affirment « que le droit du travail et les protections sociales en France sont dépassés et doivent être « réformés », que « tout le monde » est d’accord là-dessus, tout le monde, mis à part les millions de travailleurs et de jeunes qui manifestent dans les rues en France. » Force nous est de constater que nous sommes les moutons noirs de la planète. Des êtres vraiment à part. Evidemment, quand on sait comment sont traités les salariés aux USA et que leurs salaires n’ont pas été augmentés d’un cent depuis 1997, on ne peut que leur paraître dangereusement suspect ou peut-être même leur faire peur. Ne serions-nous pas des terroristes en puissance ?
Ainsi « le gouvernement français est confronté à des étudiants « djihadistes » qui recourent à la violence pour défendre leur « religion de la sécurité de l’emploi ». Comme vous pouvez le constater, la comparaison nous colle une étiquette allant justement dans ce sens. De là à se retrouver sur la fameuse liste à côté du Hamas, il n’y a qu’un pas. Car tous ceux qui défendent leurs droits sont forcément des terroristes. A de tels agissements, bien sûr, il faut un remède de cheval car il y a des règles que l’on ne transige pas... « Les démocraties fonctionnent au moyen d’élections et de lois ; la populace règne par le feu et l’épée », aussi affirment-ils que « la répression de l’Etat est nécessaire pour écraser les protestations et maintenir la « démocratie. » On croirait presque lire les Protocoles des Sages de Sion qui eux aussi emploient le mot « populace » et où la Liberté se trouve complètement supprimée. C’est ça leur démocratie. Le Peuple doit être "souqué" et ses débordements réprimés. Le Peuple a juste le droit de la fermer, on ne lui demande pas son avis. Il se laisse exploiter et il se tait. Et s’il crève, cela fera une bouche de moins à nourrir. Qu’a-t-on à faire là-bas des récriminations de misérables ?
Ce qui suit vaut aussi son pesant d’or. Ainsi sommes-nous content d’apprendre que « si le taux de chômage est élevé en France cela est dû au fait que le fardeau injuste de la protection sociale est placé sur le dos des employeurs. » Il fallait y penser. Les plus à plaindre sont donc les patrons ! Nous touchons là le cœur de la mentalité des vrais Américains qui ne font pas partie du Peuple bien entendu. On sait bien avec quelle sueur les employeurs remplissent leurs coffres. Pas la leur en tout cas. Nous nous rendons bien compte, dans ce cas très précis, comme les travailleurs sont hautement considérés aux Etats-Unis. Car ce qui chez eux encourage à créer de nouveaux emplois, c’est que les entreprises ont le droit de licencier les salariés sans aucune restriction et de les exploiter sans vergogne. Vu d’Amérique, il est évident que nous sommes des extraterrestres. A moins que ce ne soit l’inverse et que NOUS ne soyons par trop humains.
Le clou de ce panégyrique étant qu’ils accusent la France « de ne posséder que 14 milliardaires alors qu’il y en a 24 en Grande Bretagne pour une superficie identique. » Voilà à quoi ils mesurent l’échelle des valeurs. L’essentiel pour eux se compte en dollars. Plus vous avez de milliards, plus vous possédez d’importance. Ce n’est pas le talent, le génie, ni ce que vous avez dans le cœur qui vous crédite mais ce que vous alignez sur votre compte en banque. Il est vrai que l’on sait parfaitement comment leurs milliardaires le sont devenus, pour la plupart. Il n’y a qu’à voir l’affaire Enron ou celle des lobbyistes de tous poils qui s’engraissent sur le dos des indiens pour financer les colonies israéliennes, par exemple, comme un certain Abramoff... il n’y a qu’à voir comment Cheney s’en met plein les poches en Irak avec Halliburton et sur le dos de milliers de victimes... ah ils peuvent être fiers de leurs milliardaires dont on sait que leur fortune sous la présidence de Bush a augmenté de 36 % ! mais qu’à cela ne tienne, le journaliste, dénommé Pearlstein, poursuit sans rire : « En effet, si vous demandez à des étudiants français qui est le Bill Gates français, ils vous regardent sans comprendre. Ce n’est pas simplement le fait qu’ils sont incapables d’en nommer un. Le problème est plus grave, ils ne voient pas pourquoi c’est important, ou ce que cela a à voir avec le fait qu’ils ne peuvent trouver un bon emploi. » En lisant cette phrase, effectivement, on comprend mieux le dilemme. L’abîme qui nous sépare est vertigineux. Le pire étant que le journaliste qui écrit ces lignes ne se rend même pas compte de l’ineptie de ses propos en voulant ridiculer plus intelligent que lui. Car que nous importe qu’il y ait 31 milliardaires à New-York, par exemple, quand on sait que dans le ventre de cette mégapole croupissent des milliers de SDF se terrant comme des rats ?

Les milliardaires d’Amérique ou d’ailleurs adoucissent-ils la misère des pauvres ? On voit par cette réflexion outrancière, le degré de matérialisme dans lequel l’esprit des bien-pensants étatsuniens est englué. Pitoyable. Un de nos proverbes étant bien que l’argent ne fait pas le bonheur, il n’est malheureusement pas du tout déplacé de dire qu’aux USA ceux qui ont beaucoup d’argent font plutôt le malheur de ceux qui travaillent. Car les immenses fortunes amassées par les riches parvenus n’ont fait que creuser davantage les inégalités sociales mais n’ont certainement pas amélioré le sort des travailleurs. Or, à n’en pas douter, le dénommé Pearlstein n’est pas du côté des plus démunis. Apparemment, il est à la botte des exploiteurs et considère qu’il est normal que les patrons américains disposent de tous les pouvoirs y compris dictatoriaux sur les lieux de travail, du "droit" incontesté de supprimer des milliers d’emplois ou de détruire les salaires et les acquis sociaux. Un ouvrier vaut peu de chose chez l’Oncle Sam, nous n’ignorons pas comment ils sont traités.

Alors pourquoi tant de haine ? Pourquoi toutes ces attaques, toute cette virulence envers nos manifestants et nos fameuses « lubies », la folie et le djihadisme ne seraient-ils pas porteurs d’autre chose ? La réponse nous est donné par un autre journaliste qui lève le voile... en reconnaissant que « les attaques contre les protestations françaises de la part de la presse sont liées à la situation politique aux Etats-Unis et aux inquiétudes quant à la riposte des travailleurs américains face aux attaques sans précédent qui sont à l’ordre du jour des patrons américains et de leurs deux partis politiques. » Tiens... tiens.. le brouillard se dissipe peu à peu. On sent soudain planer comme un danger. Se ferait-on du mourron en Haut lieu ? Puis un autre article dit que les protestations françaises démontrent « jusqu’où le peuple est prêt à aller pour défendre les acquis et les bénéfices sociaux » au risque de « nuire à leurs propres avantages à long terme et à ceux de leurs enfants. » Nous y voilà. Et si les travailleurs Américains "copiaient" sur les Français ? Les "djihadistes" de la sécurité de l’emploi qui se foutent des milliardaires comme de l’an 40 ? Quand on sait que la population des USA est cinq fois supérieure à celle de la France ? D’autant que l’on cite des sentiments analogues parmi les ouvriers des grandes entreprises comme Général Motors qui exigent le maintien de retraites généreuses et d’une assurance maladie à vie de la part de leurs employeurs et là, l’éditorialiste fait la comparaison : « A une échelle plus grande, (dans le comportement des travailleurs américains, ndlr) il est possible de voir les Français dans l’opiniâtreté des débats sur les soins de santé et de sécurité sociale » et la conclusion devient évidence : « Les Etats-Unis connaissent rarement les grèves et les manifestations de rue pour lesquelles la France est presque aussi célèbre que pour ses fromages. Mais ils souffrent en partie du même manque de disposition à considérer l’avenir. » Cette fois tout est dit. A force d’abuser, la grogne des travailleurs va en s’accentuant. Elle est encore latente. Mais qui peut dire ce qu’il se passera demain ?

Ainsi la haine et la virulence de la presse pour la France cachait en fait une inquiétude parce que "la résistance de la classe ouvrière pourrait bien se répandre aux Etats-Unis où le programme réactionnaire de la politique de libre marché fut instauré en premier lieu avant de s’étendre au Royaume-Uni et au reste du monde." Vu les attaques incessantes que subissent les travailleurs des grandes entreprises américaines tout comme les coupes sombres et les suppressions imposées par Bush dans les droits acquis ou sociaux pour financer les réductions d’impôts des riches et ses guerres afghanes et irakiennes, il ne fait aucun doute que les élites qui gouvernent savent très bien que si une opposition de masse peut exploser en France, elle pourrait se produire aussi aux Etats-Unis mais dans une dimension bien plus impressionnante. D’autant que nos homologues américains ont de plus en plus de mal à supporter qu’une infime minorité de la population monopolise la richesse crée par les classes laborieuses. La « populace » française serait donc effrayante parce qu’elle pourrait servir de modèle et insuffler le plus formidable des élans à un Peuple bafoué par les plus nantis. Nous sommes un mauvais exemple pour l’establishment étatsunien parce que nous pourrions en être un bon pour ceux qu’ils pressurent comme des citrons. Les médias étatsuniens inféodés à l’élite nous diabolisent parce que nous représentons un danger. Le Peuple Français, quelque part, fait trembler l’Amérique et donc, il faut s’en méfier.

Je disais au début de cet article qu’il y a bien plus qu’un océan qui nous sépare des Etats-Unis. Mais le Peuple est toujours le Peuple. Les injustices criantes dont sont victimes nos frères Américains, depuis des décennies, vont-elles enfin les réveiller ? Ce que fait le Peuple d’un pays 17 fois plus petit que le leur, ne peuvent-ils pas le faire aussi ? Ne peuvent-ils pas sortir de cette férule qui les assassine à petits feux et puiser un peu de notre force en portant leur regard au-delà de l’océan qui pourrait nous réunir ?

dimanche 23 avril 2006, par Adriana Evangelizt
Oulala

Partager

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil