vendredi, mai 12, 2006

Carnage dans la capitale somalienne


Des affrontements entre milices islamistes et pro-américaines ont fait 80 morts ces derniers jours à Mogadiscio.

L'ACCALMIE n'aura duré que quelques heures à peine. Hier, dès le soleil levé, les combats qui font rage depuis quatre jours dans Mogadiscio entre milices rivales ont repris. Les affrontements, les pires qu'ait connus la capitale somalienne depuis dix ans, auraient déjà coûté la vie à 80 personnes. Selon la Croix-Rouge, les morts sont pour la plupart des civils, victimes des échanges des salves de kalachnikovs ou des tirs de mortiers au nord de la ville. Dans cette cité en ruine, où règnent depuis une décennie l'anarchie et le despotisme de petits chefs de guerre, le retour des combats n'a pas surpris. Pas plus que n'a étonné l'absence de réponse aux appels au calme lancés depuis trois jours par les Nations unies. En vain, François Fall, le représentant de Kofi Annan, a conjuré les combattants de cesser «cette guerre contre leur propre peuple».
Nébuleuse islamiste
Depuis plusieurs semaines, la tension montait entre les forces des tribunaux islamistes et l'Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), un groupement hétéroclite de chefs de factions soutenues, financièrement et tactiquement, par les Etats-Unis. Ce soutien serait au coeur de la flambée de violence. L'implication de Washington dans le cloaque somalien s'est renforcée depuis le 11 septembre 2001. Les Etats-Unis tiennent sous surveillance ce pays sans Etat, redoutant, non sans raison, de le voir servir de refuge et de nouvelle matrice à al-Qaida.
Quelques mois seulement après les attaques contre les tours jumelles de New York, une base américaine, forte aujourd'hui de près de 1 500 hommes, était installée à Djibouti. Il s'agissait de remettre pied dans la Corne de l'Afrique, de soutenir les pays amis de la région et de freiner, de loin, la «talibanisation» de la Somalie.
Les services de renseignement occidentaux assurent que quatre ou cinq hauts responsables de la nébuleuse islamiste, dont les principaux auteurs des attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998, se cachent en Somalie. Ils soupçonnent aussi certains dignitaires somaliens d'entretenir des contacts au Pakistan et dans les pays du Golfe, voire de participer à l'entraînement de combattants étrangers.
Reste que pour certains experts américains, cette stratégie d'«endiguement» a fait long feu. L'attaque contre un hôtel à Mombasa, au Kenya, en 2002, puis l'implication d'un ressortissant éthiopien dans les attentats ratés de Londres en juillet 2005 en sont autant de preuves. Autre signe d'échec : ces dernières années, loin de reculer, l'influence de tribunaux islamiques sur la Somalie, seule source de l'ordre face à l'arbitraire violent des miliciens, n'a fait que grandir au sein de la population.
L'ONU estime même que les forces des tribunaux contrôleraient «80% de Mogadiscio». Même si ce chiffre semble exagéré à maints observateurs, Washington aurait décidé, en janvier 2006, d'accélérer les choses. «Al-Qaida va être hors de contrôle là-bas et nous voulons les arrêter. Nous payons des gens», a récemment affirmé un responsable américain cité par l'AFP.
En février, l'ARPCT voyait le jour. Mohammed Qanyare Afrah, l'un des fondateurs, reconnaît que l'Alliance accepte «tout soutien matériel» tout en disant que l'initiative était «purement nationale». L'aide américaine se serait déjà montée à plusieurs centaines de milliers de dollars.

De leur côté, les chefs islamiques accusent l'ARPCT d'être à la solde d'intérêts étrangers. «En oubliant toute approche politique, les Américains ont choisi la plus naïve et la stupide des manières de lutter contre le terrorisme. Cela revient à jeter les habitants de Mogadiscio dans les bras des terroristes», analyse Roland Marchal, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri) de Paris.
Tanguy Berthemet
12 mai 2006
/ Lefigaro /

LISTE NOIRE

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