jeudi, janvier 25, 2007

Davos, haut lieu des promesses non tenues


WEF Année après année, le Forum des multinationales – qui s'ouvre aujourd'hui à Davos – multiplie initiatives caritatives et promesses d'avenir radieux. Mais le bilan n'est pas fameux et, malgré la répression, la contestation se poursuit dans des auditoires comme dans la rue.
par Fabio Lo Verso / Mondialisation.ca, Le 24 janvier 2007
Ce constat est dressé par la Banque mondiale dans son rapport 2006 sur le développement. L'institution relève que, entre les pays en développement, si l'on exclut l'Inde et la Chine, les disparités ont augmenté vertigineusement à partir des années 1980. C'est surtout dans les pays africains que les inégalités s'accentuent: dans l'accès à l'éducation, à la santé, à l'emploi, aux infrastructures publiques ou encore au crédit. Investir en promessesEtranglés par les dettes, ceux-ci attendent toujours un geste de la part des pays riches.
Dans le dernier «Rapport de suivi des Objectifs du millénaire», les experts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international exhortent les Etats les plus industrialisés à honorer leur promesse d'alléger la dette africaine. Rien n'y fait. Un projet de mécanisme visant à protéger les pays en cessation de paiement (présenté à Davos il y a six ans) subit le veto de Washington. A l'approche de l'édition 2006, Jeffrey Sachs, conseiller spécial de l'ONU en matière de développement, suggérait de «prendre les devants et d'au moins suspendre le remboursement». Il n'a pas été entendu. «Le Forum de Davos ne sert pas à prendre des décisions, il permet de façonner l'agenda des différents défis», martèle son service de presse. Reste que le WEF prend à son compte les bonnes idées aussi facilement qu'elle les laisse tomber dans l'oubli. Le besoin d'actes précis, mesurables, semble imprégner tous les débats à Davos, créant l'illusion de l'urgence. Mais cela reste, justement, une illusion.
Tout a été dit ou promis dans l'enceinte davosienne. Noyée dans le flot d'idées, seule la proposition d'une taxe pour financer la lutte contre la faim fait son chemin. Quelque 50 milliards de dollars sont nécessaires pour réduire de moitié les besoins en alimentation. En janvier 2004, un ancien président des Etats-Unis observait sans rougir que son pays dépensait au moins le quadruple de cette somme en armement. Quelque semaines après, le Bureau international du travail rendait public un rapport sur la dimension sociale de la mondialisation: le chômage frappe près de 190 millions de personnes dans le monde.
Et la précarité continue d'être en très forte hausse. Elle constitue cette année un thème de contestation pour les anti-Davos (lire ci-dessous). Les privatisations désastreuses des services publics complètent le sombre tableau présenté par le BIT. Sans oublier l'abaissement constant des normes sociales dans le travail. Dans ce contexte, n'aura pas non plus servi à grand-chose le programme «Global Compact» lancé à Davos, en 1999, par Kofi Annan, ex-secrétaire des Nations Unies. Objectif: inciter les entreprises à promouvoir les droits fondamentaux et les garanties environnementales. Le poids du publicChoisir la tribune davosienne n'a pas eu l'effet attendu par l'ONU. L'écrasante majorité des firmes transnationales n'ont pas adopté l'esprit du Global Compact. Seule la pression publique a eu un effet sur les entreprises qui se sont engagées à garantir une production respectueuse des droits sociaux. «Sans l'intervention de la société civile, aucun résultat n'aurait été atteint», souligne Kenneth Roth, directeur exécutif d'Human Rights Watch. A l'arrivée, le Global Compact est davantage perçu comme un instrument pour «blanchir» les multinationales qui bafouent les droits humains qu'un moyen de gagner la bataille sur la responsabilité sociale des multinationales. Il y a là un enjeu majeur de gouvernance dans lequel les Etats, les organisations internationales, et la société civile, ont, eux, leur rôle à jouer. Davos s'en est mêlé, avec les résultats qu'on connaît.
Manifester contre Davos? Essaie toujours!BENITO PEREZTrois ans après le gigantesque fichage de Landquart, quatre après le traquenard policier à Fideris, le temps n'est plus aux mobilisations massives contre le WEF de Davos. Samedi, seul un petit groupe de contestataires[1] devrait tenter de s'infiltrer dans le camps retranché grison pour une «journée d'actions» plus qu'incertaine, au vu de l'armada sécuritaire qui les y attend. «Quand on a été gazés, retenus pendant des heures dans le froid avant d'être fichés, on a pas trop envie de retourner manifester», résume Margaret*, du Groupe anti-répression (GAR) de Lausanne. Démotivés les anti-Davos? Pas tous, comme l'ont prouvé les centaines de personnes qui ont battu le pavé samedi 20 janvier à St-Gall, Delémont et Zurich. Certains remettront le couvert samedi 27 à Bâle (Barfüsserplatz, 14 h), pour une marche... à plus de 200 km de Davos! «C'est une aberration», s'énerve Klaus*, un historique du mouvement, pour qui l'esprit frondeur de l'anti-Davos est mort. Au GAR, la lecture est quelque peu différente. «Davos n'a jamais été un but en soi, ce qui compte, c'est de créer un espace de critique au capitalisme», remarque Milton*. «La répression nous oblige à être imaginatifs», poursuit Margaret, qui se souvient de la «No Demo», une parodie de manifestation tenue à Berne en 2005, comme d'un moment «magique»: «Par l'humour, nous avions désarmé les anti-émeute.» Une façon de signifier: «Malgré la répression, vous ne nous empêcherez pas de manifester.» L'initiative faisait suite à l'immense rafle policière organisée l'année précédente à Landquart. Revenant de Coire, où ils avaient manifesté pacifiquement et légalement contre le WEF, plus d'un millier de militants s'étaient retrouvés bloqués dans cette localité grisonne, noeud ferroviaire sur la route de Zurich. Coincés entre une manif de skinheads et des centaines de policiers, ils avaient été laissés plusieurs heures sans information dans le froid et plusieurs fois gazés.
«Des gens pleuraient, d'autres étaient tétanisés», se souvient Margaret. Au final, 1082 personnes avaient été fichées. Photographies et empreintes digitales étant ensuite transmises par la police cantonale aux autorités fédérales. «Vu le dispositif mis en place, il est clair que tout avait été prémédité, accuse Milton. Cela ressemblait à un exercice de fichage de masse.» Une sensation renforcée par le fait qu'aucun des interpellés n'a été inculpé par la suite... Intimidation policière? En tout cas, le résultat est là. De 5000 contestataires de 2003 – bloqués à Fideris sur la route de Davos – puis 3000 manifestants à Coire, on est passé à un millier de protestataires relégués en 2006 à Berne. Très loin des caméras de télévision de Davos.
Source:Le Courrier
Basta

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