jeudi, mai 15, 2008

Al-Nakba : il n’y a rien à célébrer

Aucune bougie n’éclaire la pénombre, aucune chanson n’est chantée, aucun ruban n’orne les cadeaux, aucun rire ne salue les invités, car la Nakba n’est pas un jour de célébration.
« La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi, » pleure le Seigneur, et alors le crime doit être jugé et la justice rendue.
William A. Cook - Palestine Chronicle / 13 mai 2008 / Info-palestine
Le 14 Mai 2008 est la date anniversaire de deux évènements capitaux : la “Déclaration d’Indépendance” du nouvel état d’Israël et le jour désastreux de l’infamie, la Nakba [La Catastrophe], qui marquent pour eux à la fois le massacre de Palestiniens et leur pénible marche vers l’exil.
Ironiquement, comme l’histoire biblique de Caïn et Abel, frères de sang et ennemis dans leurs desseins, cette date porte la marque du Tout-puissant.
Ecoutez Caïn alors qu’il marche aux côtés de son frère sur le chemin de la mort : “Il n’y a ni jugement ni juge ni autre monde ! Point de remise de récompense pour les justes ni de châtiment pour les méchants.” Telle est la conviction de ceux qui se déclarent libres de toute responsabilité vis-à-vis de leur frère, n’acceptent aucun blâme pour leur tromperie, ou n’ont aucun remord pour la cruauté qu’ils infligent. Sans que son comportement soit jugé comme bon ou mauvais, sans récompense pour des actes d’amour ou de compassion, sans châtiment pour le mal et la cruauté envers son frère, Caïn est libre de faire ce qu’il veut. Ultime liberté, une déclaration effective d’indépendance.
Abel répond à son frère avec les seuls mots qu’il lui restent alors qu’il marche à la mort, un appel à la conscience qui nous lie tous dans une mutuelle existence, la croyance « qu’il y a un jugement et un juge et un autre monde ! Qu’il y a remise de récompense pour les justes et châtiment pour les méchants ». Sans cette croyance, ceux qui le veulent peuvent impunément piller le pauvre, opprimer les sans défense, faire en sorte de pervertir la justice, répandre la violence et faire couler le sang sur le monde.
Ce 14 Mai, alors que l’Etat d’Israël se complait dans les discours de félicitations des députés australiens, canadiens et américains, alors que nos présentateurs de télévision dissertent avec poésie à propos de la transformation d’une terre vide en une terre comblée de lait et de miel, tandis que le mythe d’un peuple rentré dans sa patrie héréditaire inonde les airs en niant la réelle existence du peuple indigène qui y vit.
Alors qu’on nous répète encore et encore que ce nouvel Israël est menacé par les islamo-fascistes et les terroristes du Hamas qui tentent de l’effacer de la carte, le peuple de Palestine est laissé seul dans une prison toujours plus étroite, anbandonné à l’infamie de ses oppresseurs qui pillent sa terre, répandent la violence et font couler le sang de ceux qui sont sans défense.
Alors que des scènes de joie et de grosses festivités s’épanchent à la télévision, les peuples du monde voudraient-ils, pourraient-ils imaginer la misère qui encercle les familles tourmentées, encerclées par les forces juives sionistes qui empêchent chacun de leur mouvement ? Ces dernières, autrefois elles-mêmes enfermées derrière des murs, autrefois les victimes d’un pouvoir imposé par une force brutale, autrefois les objets d’injures humiliantes, autrefois les oubliés du monde qui pleuraient dans le vent pour un peu de soulagement et de réconfort, aujourd’hui ces personnes portent elles-mêmes l’uniforme des forces occupantes qui ont conduit leurs pères et leurs mères dans les wagons et dans les chambres de la mort, isolés et seuls.
Aujourd’hui ce peuple est ressuscité en une nouvelle nation pleine de tout l’abominable attirail qui donne la permission aux gens les plus dépravées de la terre d’infliger leur avarice, les pillages, la tromperie et une débauche bestiale sur les sans défense.
A l’occasion de ce soixantième anniversaire du « nouvel » Etat juif , ne devrions-nous pas accueillir Israël au rang des nations qui infligent leur force dévastatrice sur les populations indigènes qu’elles ont envahies, les populations qu’elles ont massacrées à Deir Yassin et dans d’autres villages détruits par un impitoyable saccage qui a marqué les mois précédant le naissance du 14 mai ? Parmi les nations qui maintiennent [ces populations] enfermées derrière le Mur de la Haine qui les cloître comme du bétail, les soumettant à un lent nettoyage ethnique et à un génocide calculé d’avance ? Ne devrions-nous pas accueillir Israël au rang de ces nations qui se glorifient d’avoir établi leur nation sur les tombes de ceux qu’ils ont massacrés - L’Australie, le Canada et les Etats-Unis ?
Sous l’élégant et chatoyant verre des lustres de la salle de bal, le maître de cérémonie lève sa coupe de cristal emplie de vin rouge-sang pour la quatrième fois, inconscient de l’ironie qu’il porte dans sa main, et appelle l’assemblée à féliciter tous ceux qui ont rendu possible la renaissance d’Israël, particulièrement l’ancien Premier Ministre dans le coma, Ariel Sharon, qui a tellement fait pour concevoir et mettre en oeuvre la création de cet état érigé pardessus les villes et villages de ses anciens habitants.
Au-delà de cette salle de bal, au-delà des colliers de perles portés par d’élégantes dames se tenant modestement aux côtés de leurs maris impérialement vêtus de costumes rayés, au-delà de la façade bleue vitrée de ce gratte-ciel moderne, au-delà des plages et des parasols qui bordent la Méditerranée, au-delà des rues propres et coquettes où les clients flânent à travers des produits de luxe venus du monde entier et qui remplissent les bijouteries et les devantures, au-delà de l’embêtant mur gris qui répand ses ombres derrière les haies, invisible, sourd et ignoré, vit, dans une sombre misère faite de dénuement, le peuple qui a vécu en Palestine pendant des siècles. Ce peuple est maintenant réduit à la mendicité, dépendant, pour se nourrir, de nations qu’il ne connait pas, ses maisons réduites en ruines dans un paysage de ruines, des milliers de sans-abri vivant à Gaza sans électricité, sans eau courante, sans équipements sanitaires - le reste vivant de l’indifférence, de l’arrogance et d’une épouvantable inhumanité.
Et pour conclure, pour donner la parole à la réalité, ils ne veulent pas que leur propre peuple voit ni que le monde voit, le gouvernement sioniste et ses laquets se lamentent, déclarent que de tels mots sont paroles de haine, antisémitisme, quand en fait c’est l’état d’Israël qui est antisémite, qui est rempli de discours de haine répandu sur le mur même de peur et de haine à l’encontre des Palestiniens qu’ils ont érigé, et qui est le destructeur de l’âme du judaïsme.
Apprenons de cette antique histoire biblique des frères de sang qui se trouve dans la Genèse 4:1-16 et le Coran 5:26-32, ainsi que dans les Parchemins de la Mer Morte 4Q242, que nous voyons comme une représentation métaphorique de la première victime innocente de la puissance du mal. Ironiquement, c’est cette victime, selon le Livre d’Enoch (22:7) et le Testament d’Abraham (A:13/B:11), qui s’élève en position de « juge des âmes ». Dieu proclame que tout homme doit être jugé par les hommes, puis par les 12 tribus d’Israël, et enfin le jugement dernier par le Seigneur Lui-même qui doit être parfait et définitif.
« La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi », pleure le Seigneur, et alors le crime doit être jugé et la justice rendue. Toute l’humanité endossera les robes de la justice afin de condamner le fratricide ; les 12 tribus d’Israël jugeront par elles-mêmes ; et Dieu Tout-puissant jettera la malédiction suprême — ce sol que Caïn a labouré, cette terre qu’il a volé à son frère, n’apportera plus de fruits et, par conséquent, il sera une fois de plus un fugitif et un vagabond sur la terre. C’est ainsi que l’intention de Caïn — assouvissant son égoïsme, atténuant sa jalousie, relâchant son agression — révèle le décalage entre son mal inhérent et sa nature supérieure.
En cest temps de cadeaux d’anniversaire, Israël est l’héritier d’un monde témoin du meurtre gratuit de son frère, le peuple sémite de Palestine, qui meurt chaque jour, un par un, dans la chaleur torride du soleil de midi, oublié et seul. Aucune bougie n’éclaire la pénombre, aucune chanson n’est chantée, aucun ruban n’orne les cadeaux, aucun rire ne salue les invités, car la Nakba n’est pas un jour de célébration. Et ainsi résonnent les mots d’Esaïe en ce jour : « Ah, nation pécheresse, peuple chargé d’iniquité, race de gens malins, enfants qui ne font que se corrompre, qui ont abandonné le Seigneur. » Que chacun de nous qui entende cet appel n’oublie pas que le mal peut être chassé de la terre.

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