samedi, mai 09, 2009

Irak : jusqu’au bout, nos maîtres nous refuseront la vérité

Dans le quartier de Sadr City, à Bagdad, après un double attentat au véhicule piégé. Quarante et une personnes au moins ont été tuées et 68 autres blessées dans la capitale irakienne par l’explosion de deux voitures piégées sur un marché - 29 avril 2009 - Photo : Reuters/Kahtan al-Mesiary
Dire que « des millions d’Irakiens vivent maintenant libres de toute oppression » est pure affaire de relations publiques, écrit Robert Fisk.

« Nous reconnaissons, » dit la lettre, « que la violence a coûté la vie à beaucoup de milliers de civils irakiens au cours des cinq dernières années, par la violence terroriste ou de sectaire. N’importe quelle perte de vies innocentes est tragique et le gouvernement s’astreint à ce que des pertes civiles soient évités. Les insurgés et les terroristes ne sont pas, je regrette de le dire, aussi scrupuleux. »
Cette citation vient du ministère de la direction des opérations en Irak au ministère de la Défense » et est signée par quelqu’un dont les initiales semblent être « SM » ou « SW » ou même « SWe ». Exceptionnellement (mais c’est compréhensible), elle ne porte pas une version dactylographiée du nom de l’auteur. Son anonymat évident — compte tenu du fait que pas une seule référence n’est faite aux civils tués par les troupes d’invasion et les occupants anglo-américains en Irak — n’est en rien une surprise. Moi non plus, je ne voudrais être personnellement associé à un tel mensonge dans le plus pur style de Blair. Ce qui est étonnant, cependant, est que cette lettre indigne parait avoir été écrite cette année. Je devrais dire immédiatement que je dois ce document révélateur (réellement daté du 20 janvier) à un lecteur tout à fait non-anonyme de l’Independent, Tom Geddes, qui a estimé que je trouverais « le rapport [de cette lettre] avec la vérité » intéressant.
Oui, effectivement. Ne sommes pas à présent supposés être dans l’âge de la vérité à la mode Brown, tandis que nous descendons finalement les couleurs à Bassora, très certainement proche d’une enquête officielle sur toute la catastrophe de l’Irak, un moment pour exiger des comptes à ceux qui nous ont envoyés à la guerre sous des faux prétextes. Je suspecte fort qu’il s’agit d’un mensonge, comme le sont les prétentions d’Obama à vouloir changer les choses. Mais nous verrons bien.
Je m’empresse d’ajouter que M. Geddes est un bibliothécaire à la retraite qui a travaillé pendant 21 années à la « British Library » comme responsable des collections germaniques et il est également un traducteur à partir du Suédois — il s’avère que nous partageons le même amour pour l’oeuvre d’Edith lSodergrund, poétesse finlando-suédoise de — et il a écrit au ministère de la défense qu’à l’âge de 64 ans, comme je l’ai été moi-même (qui ais 62 ans), il a été choqué que John Hutton, le secrétaire d’état à la défense, ait traité de « crétins » ceux qui ont tourné en dérision les troupes britanniques rentrant chez elles.
« Ces sarcasmes ne sont clairement pas destinés à dénigrer le courage et le sacrifice individuels, » a écrit Geddes à Hutton le 28 octobre — les lecteurs noteront que cela a pris au ministère de la Défense « SM » (ou le « SW » ou le « SWe » trois mois pour répondre « (mais) c’est un commentaire politique sur la légalité et la moralité douteuse des actions militaires récentes ».
Je ne suis pas aussi sûr que les sarcasmes en question étaient tellement innocents, mais la remarque de Geddes en guise de fin — que « à moins que vous ou le gouvernement puissiez expliquer et justifier les actions guerrières de la Grande-Bretagne, vous ne pouvez pas compter avoir le pays de votre côté » — est inattaquable.
Pas plus de réponse de la part de « SM ». Voici une autre citation de son exécrable lettre. « Il est important de se rappeler que notre décision pour agir (sic) en Irak a été motivée par le refus de Saddam Hussein de coopérer avec les inspections sur les armes demandées par les Nations Unies ... L’ex premier ministre a exprimé ses regrets pour toute information, donnée de bonne foi au sujet d’armes de destruction massive en l’Irak et qui s’est plus tard avérée incorrecte.
J’ai été suffoqué par ce mensonge. Saddam Hussein « n’a pas refusé de coopérer » avec les inspecteurs des Nations Unies. Tout le problème était que — à l’horreur de Blair et de Bush — l’horrible Saddam a justement coopéré avec eux, et l’équipe des Nations Unies avec à sa tête Hans Blix était sur le point de démontrer que ces « armes de destruction massive » étaient inexistantes ; par conséquent les Américains ont forcé Blix et ses collègues à quitter l’Irak de sorte qu’eux-mêmes et Blair puissent lancer leur invasion illégale. J’ai vu l’avion de Blix encore au sol à l’aéroport de Bagdad juste deux jours avant l’attaque.
Notez également les mots ambigus. Blair n’a pas donné ses informations « de bonne foi », comme le prétend SM. Il savait, et le ministère de la défense le savait également (et je suppose que le SM l’a su aussi) que ces informations étaient fausses. Ou « incorrectes » comme l’écrit « SM » avec une feinte timidité.
Et encore plus loin : « Nous pouvons vous assurer que le gouvernement ne se serait pas engagé dans l’action militaire s’il n’avait pas été certain qu’une telle décision soit justifiée et légale. L’ancien Attorney General, Lord Goldsmith, a confirmé le 17 mars 2003 que l’autorisation d’employer la force contre l’Irak était tirée des résolutions 678, 687 et 1441 du Conseil de Sécurité de l’ONU. »
Mais Tom Geddes, scandalisé, fait dans sa réponse cette remarque : « vous devez vous rendre compte que la décision pour faire la guerre à l’Irak n’était ni justifiée ni légale. L’avis de l’Attorney General a été largement décrit comme ‘non valide’. Étant donné que son avis précédent disait qu’une attaque serait illégale, nous savons tous ce que ‘non valide’ signifie. Je suspecte que le MoD (ministère de la défense) le sait également. » Et je pense de la même façon.
Je suis également sûr qu’il s’agisse là « d’une réponse type », envoyée à tous les dissidents Anglais. La phrase « des millions d’Irakiens vivent désormais libérés de l’oppression de Saddam Hussein et disposent du contrôle de leur propre destin » est une pure déclaration de relations publiques — et pas moins, car il omet de mentionner que jusqu’à un million d’Irakiens n’ont pas été en mesure de maîtriser leur propre destin depuis 2003 car ils sont morts à la suite de notre invasion.
Il y a encore quelque chose d’adorable à la fin de la lettre de « SM » quand il (ou je suppose que cela pourrait aussi être elle) dit que « nos braves hommes et femmes ... sont ... en train de préparer l’aéroport de Bassorah pour le placer sous contrôle irakien... ». Bien sûr qu’ils sont en train de le faire, parce que depuis leur retrait de la ville de Bassorah, l’aéroport de Bassorah est le seul mile carré de l’Irak encore sous occupation des Britanniques.
Le courrier se termine par le certainement sublime espoir de « SM » que « cette lettre soit un moyen de répondre à vos préoccupations » et je ne peux que reprendre la réponse de Tom Geddes : « Je vous suis reconnaissant de la longueur de votre réponse, mais aussi choqué par son contenu ». je le suis également. Sans doute, quand le gouvernement Brown — ou le gouvernement Cameron - finira par mener une enquête sur cette guerre illégale, "SM" resurgira en tant que témoin, ou au moins comme un porte-parole. D’ici là, je suppose que « l’équipe des opérations irakiennes » aura été dissoute — et peut-être même transmutée en « équipe des opérations afghanes » avec une série équivalente de mensonges historiques. Mais je suis confiant, il y aura un bibliothécaire à la retraite prêt à réagir aussi sur cette question.

2 mai 2009 - The Independent - Vous puvez consulter cet article à : http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach / Info-Palestine.net

Les civils paient les guerres au prix fort

Bien sûr,il y aura une enquête. Et en attendant, on nous dira que tous les civils afghans tués avaient été utilisés comme « boucliers humains » par les Talibans, et nous dirons que nous « regrettons profondément » que des vies innocentes aient été perdues. Mais nous dirons que c’est totalement la faute des terroristes et non pas de nos héroïques pilotes des forces spéciales de la marine US qui ont choisi leurs cibles dans les environs de Bala Baluk et Ganjabad.

Quand les Américains détruisent des maisons irakiennes, il y a une enquête. Et ô combien les Israéliens aiment les enquêtes (même si elles n’aboutissent à rien).
C’est l’histoire du Moyen-Orient moderne. Nous sommes toujours justes et quand nous ne le sommes pas, nous présentons (parfois) des excuses et nous blâmons tous les « terroristes ». Oui, nous savons que les coupeurs de gorge et décapiteurs et attaquants-suicides sont tout à fait prêts à tuer des innocents.
Mais ce qui est un révélateur de combien terrible a été le massacre d’Afghans, c’est lorsque le pauvre président Hamid Karzai a paru un modèle de bonté hier lorsqu’il a appelé à « un plus haut niveau de moralité » dans la façon de faire guerre, que nous devons mener comme « des êtres humains meilleurs ».
Et bien sûr, la raison est fort simple. Nous vivons et eux meurent. Nous ne risquons nos braves gars sur le terrain — mais cela ne vaut pas pour les civils. Cela ne vaut pour rien d’autre. Le phosphore en feu tombe sur Falloujah. Des obus de chars tombent dans Najaf. Nous savons que nous tuons des innocents.
Israël fait exactement la même chose. Il dit la même chose après que ses alliés aient massacré 1700 personnes dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila en 1982 et après [avoir massacré] plus d’un millier de civils au Liban en 2006 et après la mort de plus d’un millier de Palestiniens dans la bande de Gaza cette année.
Et si on tue des hommes armés par la même occasion — des « terroristes », bien sûr — c’est le même vieille histoire des « boucliers humains » et, finalement, c’est la tactique des « terroristes » qui est à blâmer. Nos tactiques militaire sont maintenant en parfaite harmonie avec celles Israël.
La réalité est que le droit international interdit aux armées des tirs sans discrimination dans les zones peuplées comme les bombardements sauvages sur les villages — même lorsque les forces ennemies y sont présentes — mais cela a été jeté par-dessus bord lors des bombardements de 1991 sur l’Iraq et la Bosnie, dans la guerre de l’OTAN en Serbie et dans l’aventure afghane en 2001 et en 2003 en Irak.
Qu’ils aient cette enquête. Et les « boucliers humains ». Et la terreur, la terreur, la terreur. Je remarque quelque chose d’autre. Innocent ou « terroristes », qu’ils soient civils ou des Taliban, ce sont toujours les Musulmans qui sont à blâmer.

8 mai 2009 / Robert Fisk - The Independent /
7 mai 2009 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à : http://www.independent.co.uk/opinio...Traduction : Info-Palestine.net

8.5.09 21:42
http://basta.20six.fr/basta/art/167158347
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