mardi, avril 11, 2006

Il y a une vie derrière les barreaux !


Centre de réinsertion des jeunes détenus
La vie ne s’arrête pas à la prison, ni au fait d’en avoir fait ! A l’intérieur de ce bâtiment à la façade grise, moche, même monstrueuse, des centaines de jeunes détenus, enfants et adolescents, continuent de vivre leur vie. Leur désormais «ordinaire» qui ne leur ferme en rien les portes de l’avenir. Dans cette prison pour mineurs, on apprend un métier, on fait des études, du dessin ou du jardinage… rien de monstrueux !

Le temps semble s’arrêter devant cette énorme porte en fer, à peine trouée d’un côté pour permettre au gardien d’entrevoir les visiteurs. Une dizaine de femmes chargées de paniers et autres sacs ont commencé à arriver depuis la matinée. Formant des petits groupes, elles ne manquent pas de sujets de conversation. Car derrière ce mur, chacune à un fils emprisonné. Nous sommes devant le centre de réinsertion de jeunes détenus de Aïn Sebâa à Casablanca. 11h précise, la porte s’ouvre pour les quelques visiteurs. Les visites étant permises tous les jours à l’exception du week-end. Les familles ne se bousculent pas pour autant. Pas moins de 1055 jeunes prisonniers sont enfermés dans ce bâtiment. Le nombre de visiteurs ne dépasse pas une petite dizaine par jour. Parmi les détenus, aussi jeunes soient-ils, il y en a qui ont passé des mois dans cette prison sans jamais avoir reçu la visite d’un seul proche.
Houssine en est un. Cet enfant de 13 ans n’a jamais reçu une seule visite, même pas de ses propres parents, depuis son incarcération il y a 9 mois. “Ils habitent loin dans la campagne. Ils ne peuvent pas se déplacer pour me voir”, explique-t-il sans rancune. Petit chouchou du centre et de sa «Mama Assia», Houssine est a priori un gentil garçon, discret, presque timide. Derrière son air visiblement calme et réservé, le petit cache décidément un sacré caractère nerveux. Preuve en est la raison de son incarcération : “J’ai commis un meurtre!”, lance-t-il, timidement, mais sans état d’âme… “Je travaillais dans le commerce de poisson. Un matin j’avais commencé normalement ma journée de travail lorsqu’un gars est venu me déranger, il m’a provoqué et poussé à bout. Je lui ai mis le couteau que j’avais dans la main à l’intérieur du ventre”. Le détenu, très jeune, complètement inconscient certainement en effectuant cet assassinat attend toujours que le jugement final le concernant tombe. En attendant, il ne perd pas son temps. Les neuf mois qu’il a passé dans le centre lui ont permis de suivre des cours de menuiserie dans le cadre de la formation professionnelle ouverte à tous les jeunes détenus. L’enfant habile se balade désormais avec son luth. Son désormais motif de fierté, puisqu’il a réussi à le fabriquer lui-même. “Maintenant que j’ai l’instrument, j’ai envie de me mettre à apprendre de la musique. Je voudrais devenir musicien”, confie-t-il tout sourire.
«Mama Assia», une bouffée d’oxygène quotidienne
Dès qu’elle apparaît derrière les barreaux, les adolescents montrent des signes de joie. Assia El Ouadie ne laisse pas passer un jour sans aller à la rencontre de ses enfants des différents centres de détention de mineurs qu’elle dirige. A peine arrivée, Assia commence par faire un saut très rapide à son bureau où elle vérifie l’avancement des demandes de sorties de certains pour les fêtes. “A présent, les enfants peuvent enfin bénéficier de leur droit à la sortie pendant quelques jours, le temps de passer certaines fêtes avec leurs familles”, signale-t-elle.
Le droit de certains prisonniers à sortir pour les fêtes existe pourtant depuis longtemps dans la loi marocaine sans jamais être appliqué. Certaines conditions sont tout de même à remplir. Pour se voir accorder ce privilège, le détenu demandeur doit ainsi avoir déjà fait l’objet d’un jugement final, avoir purgé au moins la moitié de sa peine et, enfin, présenter l’assurance d’avoir une famille pour l’héberger à l’extérieur. Tout en examinant les demandes, Assia El Ouadie parle affectueusement du centre, de ces centaines d’enfants et d’adolescents qu’elle materne. “Notre travail ici est simple : faire sentir et surtout faire comprendre à ces jeunes qu’ils ne sont pas différents de ceux restés à l’extérieur. Qu’ils ne sont que des êtres humains susceptibles de commettre des fautes. Des fautes, ils en ont commis mais peuvent tout aussi bien se faire pardonner. Généralement, nous arrivons à leur transmettre ce message à notre niveau, encore faut-il que la main leur soit tendue à l’extérieur… ce n’est souvent pas le cas malheureusement !”, regrette El Ouadie. La main leur est effectivement rarement tendue à l’extérieur. Une fois dehors, ils sont agressés par les jugements de leur entourage. Souvent prénommés “ouled lhebss” (les enfants de prison), il leur devient difficile de s’intégrer socialement, encore moins professionnellement. La réintégration scolaire devient, pour sa part, des plus difficiles…
La tournée d’Assia El Ouadie fait le plus grand bien aux jeunes détenus. Dès qu’elle dépasse les barreaux de fer pour se mélanger avec les centaines de jeunes détenus, ces derniers se précipitent l’un après l’autre, pour lui faire une demande, se plaindre d’un problème, partager une bonne nouvelle venue de l’extérieur, ou alors simplement se contenter de l’embrasser affectueusement sur la tête. Le premier réflexe de la directrice était de s’assurer auprès de l’un des éducateurs que «ses» enfants avaient bien chanté l’hymne national la matinée.
Et c’est parti pour une longue tournée de 2 bonnes heures dans l’ensemble des pavillons du centre. Elle commence par la cuisine, où certains jeunes semblaient absorbés par leurs marmites. Une dizaine de détenus se sont ainsi improvisés cuistots. De la bonne ambiance dans l’air, nécessaire pour supporter la charge du travail qui les attend : faire à manger à plus de 1000 jeunes, dont la plupart sont des adolescents en pleine croissance. On s’est soigneusement réparti les tâches. Les uns s’occupent donc de préparer le pain par centaines d’unités, d’autres épluchent les légumes, d’autres encore s’occupent de nettoyer instantanément la cuisine pour éviter d’être encombrés. Au menu de cette journée, “des tajines aux sept légumes”, annonce fièrement l’un des garçons complètement absorbé devant une petite montagne de pommes de terre. Ils n’oublient pas les bonnes manières en invitant chaleureusement leurs visiteurs à rester pour le déjeuner…

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LAMIA BOUZBOUZ
lagazettedumaroc.com

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