samedi, juin 10, 2006

Oublié, l'est est en proie à une crise pire que le Darfour

Les hélicoptères de combat tournoient dans le ciel de Kassala, dans l'est du Soudan, où une rébellion et une crise alimentaire acculent la population à une situation aussi dramatique qu'au Darfour, dans l'Ouest.

Alors que les médias et les organisations humanitaires se focalisent sur la crise du Darfour, rares sont les Occidentaux, et les journalistes qui peuvent se rendre dans cette région désertique, où la chaleur est extrême.
"Personne ne prête attention aux besoins humanitaires (dans l'Est), et donc la situation est déplorable", souligne Suliman Baldo, directeur Afrique de l'organisation International Crisis Group (ICG). "L'Est est l'une des régions les plus mal desservies" du Soudan, ajoute-t-il. "De nombreuses restrictions y sont imposées aux organisations non gouvernementales, pas comme au Darfour".
Une étude en 2005 a démontré que le taux de malnutrition aiguë dans l'Est atteignait 19 %, un chiffre largement supérieur au seuil d'urgence de 15 %. Le taux de mortalité y est deux fois supérieur à celui du Darfour.
Comme les rebelles du Darfour, les rebelles regroupés dans le Front de l'Est accusent Khartoum de marginaliser leur région. Les deux Etats du Kassala et de la Mer Rouge accueillent déjà 160.000 personnes déplacées, ainsi que 170.000 réfugiés d'Erythrée.
Dans le camp de réfugiés de Toglay, à la périphérie de Kassala, un convoi humanitaire du Programme alimentaire mondial (PAM) est accueilli par des hommes brandissant des épées en signe de bienvenue.
Le PAM a récemment repris ses livraisons d'aide alimentaire dans la région, suspendues depuis deux mois à cause des restrictions gouvernementales, mais la population manque toujours d'une aide humanitaire de base.
Le manque d'intérêt des autorités et la pauvreté chronique ont poussé des mouvements rebelles tels le Congrès Beja, issu de l'éthnie majoritaire du même nom, à prendre les armes en 1996 contre Khartoum.
Un jeu d'alliances complexes dans ce pays multiethnique, le plus vaste d'Afrique, s'en est suivi.
Une alliance avait d'abord été contractée avec les rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), qui ont finalement conclu en 2005 une paix historique avec le régime du président Omar al-Béchir.
En 2004, après avoir reçu un appui des rebelles du Darfour pour créer le Front de l'Est, le Congrès Beja a intensifié ses attaques contre les forces gouvernementales à partir du nord de l'Etat de Kassala.
Avec la démobilisation attendue pour la fin juin des forces du SPLM, sur lesquelles s'appuyait le Front de l'Est, certains craignent que les forces gouvernementales n'intensifient leurs actions contre cette rébellion.
Si tel était le cas, ajoutent les travailleurs humanitaires, c'est encore la population qui essuiera le plus fort des affrontements et la situation se détériorera davantage.
"Augmenter l'instabilité dans la région aura un impact sur sa situation humanitaire déjà délicate", déclare Barbara Manzi, du bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU.
Une recrudescence de la violence dans cette région aurait toutefois aussi un effet négatif pour Khartoum. L'est du Soudan est le passage incontournable du commerce international car Kassala se trouve sur l'axe entre Khartoum et le grand port soudanais, Port Soudan.

SOUDAN - 8 juin 2006
Jeuneafrique

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