A l'Assemblée générale, Kofi Annan fait un bilan de dix ans d'action face aux crises mondiales
19 septembre 2006 – Ouvrant pour la dernière fois le débat général de l’Assemblée générale qui lui a accordé une véritable ovation, Kofi Annan a plaidé lors d'un bilan de son action pour un renforcement des Nations Unies face aux problèmes mondiaux, qui ont pris en dix ans une forme nouvelle, plus aiguë.
« Lorsque j'ai pris la parole pour la première fois en 1997, l'humanité faisait face selon moi à trois grands défis.D'abord, faire en sorte que la mondialisation profite à toute la race humaine et pas seulement à ses membres les plus chanceux. Ensuite, parvenir à panser les blessures de l'après guerre froide en établissant un nouvel ordre mondial de paix et de liberté. Enfin, protéger les droits et la dignité des individus, en particulier des femmes, qui étaient si largement piétinés », a déclaré le Secrétaire général.
« Au cours de la décennie qui s'est écoulée, beaucoup a été fait mais les événements nous ont présenté les même défis sous une nouvelle forme, plus aiguë », a-t-il estimé lors de sa présentation de son rapport annuel sur l'activité de l'ONU.
« Dans le domaine économique, la mondialisation et la croissance ont continué », a-t-il dit, notamment en Asie. « Mais ne nous faisons pas d'illusions. Le miracle asiatique n'est toujours pas répliqué dans d'autres régions du monde etses bénéfices sont loin d'être partagés ». « La mondialisation, qui en théorie doit nous rapprocher, en pratique risque de nous éloigner davantage », a-t-il dit.
Les ravages de la guerre quant à eux, se poursuivent. Si les statistiques laissent entendre qu'il y a moins de conflits, « dans trop de régions du monde, en particulier dans le monde en développement, les populations sont exposés à de violents conflits combattus à l'aide d'armes légères mais mortelles », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, « les populations du monde entier se sentent menacées », a-t-il souligné. A cet égard le Secrétaire général a dénoncé le rôle du terrorisme, qui « tue ou blesse relativement peu de gens en comparaison d'autres formes de violence », mais qui répand partout « la peur et l'insécurité ».
Le Secrétaire général a dénoncé aussi la diffusion des stéréotypes qui sous tendent l'idée d'un « conflit de civilisations » et « le manque desensibilité envers les croyances et les symboles religieux des autres ? volontaire ou non ? qui est exploité par ceux qui cherchent à fomenter une nouvelle guerre de religion à l'échelle mondiale ».
Kofi Annan a insisté à cet égard sur la nécessité de régler le conflit israélo-palestinien. « On aimerait croire que le conflit israélo-palestinien n'est qu'un conflit régional parmi d'autres. Mais ce n'est pas le cas. Aucun autre conflit ne porte une charge symbolique et émotionnelle aussi forte parmi des gens situés si loin du champ de bataille », a dit le Secrétaire général.
« D'un côté, les partisans d'Israël estiment qu'il est durement jugé par des normes qui ne sont pas appliquées à leur ennemis ? et cela est souvent vrai en particulier dans certains organes des Nations Unies. De l'autre côté, les gens sont outrés par le recours disproportionné à la force contre les Palestiniens et la poursuite de l'occupation et de la confiscation desterres arabes ».
« Tant que le Conseil de sécurité sera incapable de mettre fin à ce conflit et à l'occupation de près de 40 ans, en convaincant les deux parties d'accepter et de mettre en oeuvre ses résolutions, le respect pour les Nations Unies continuera de décliner », a prévenu le Secrétaire général.
« Notre impartialité continuera d'être remise en cause. Et nos efforts pour résoudre d'autres conflits seront entravés, y compris en Iraq et en Afghanistan », a-t-il souligné.
Le Secrétaire général a aussi insisté sur le désarmement mondial et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, regrettant que le document final du Sommet mondial de 2005 ne contienne « pas un mot sur la question ».
Enfin, dans le domaine de la protection des droits de l'Homme, le Secrétaire général a cité les progrès mais aussi déploré que « même la lutte légitime et nécessaire contre le terrorisme serve deprétexte à écorner ou abroger les droits fondamentaux, abandonnant du terrain aux terroristes et les aidant à trouver de nouvelles recrues ».
Il a enfin déploré la poursuite des crimes brutaux de par le monde, citant en particulier le conflit au Darfour.
« Nous faisons face en conséquence à des divisions qui menacent la notion même de communauté internationale, sur laquelle repose notre institution », a dit Kofi Annan, « au moment même où plus que jamais les êtres humains de par le monde forment une seule société ».
« Tant des défis qui se posent à nous sont mondiaux et exigent une réponse mondiale, dans laquelle tous les peuples du monde peuvent jouer leur rôle. Je dis « tous les peuples » de façon délibérée, comme notre Charte », « tant il est clair que les relations internationales ne sont pas que des relations entre Etats », a ajouté Kofi Annan.
« Ce qui compte est que le fort, comme le faibleacceptent d'être soumis aux mêmes règles et de traiter l'autre avec le même respect. Ce qui compte est que tous les peuples admettent la nécessité d'écouter, de faire des compromis, de prendre en compte le point de vue de l'autre », a-t-il fait observer.
« Et tout cela ne peut se produire que si les peuples sont unis par autre chose qu'un simple marché mondial ou même un ensemble de normes mondiales », a dit le Secrétaire général, qui a plaidé pour que chaque homme et femme, « quelque soit sa race, sa couleur ou ses croyances », apprenne à gagner la confiance de l'autre et à la donner en retour.
« Voila ce qui a sous-tendu les réformes et les idées nouvelles à l'ONU au cours de cette décennie frénétique », a-t-il dit.
Le Secrétaire général s'est estimé « chanceux » d'avoir présidé le Secrétariat à un moment où les Etats ont eu des « ambitions parfois sans limites » pour l'Organisation, même si leur « portefeuillene l'était pas vraiment ».
« Ensemble nous avons poussé de lourds rochers vers le haut de la montagne, même si certains nous ont échappé et sont redescendus. Mais cette montagne, avec ses bourrasques et sa vue panoramique est le meilleur point de vue sur la terre », a-t-il expliqué.
« Même si j'aspire à me reposer du fardeau de ces rochers obstinés dans la prochaine phase de ma vie, je sais que la montagne me manquera », a dit le Secrétaire général dont le mandat expire dans trois mois.
« Je sais qu'au bout du compte, le travail le plus exaltant au monde me manquera », a conclu Kofi Annan devant l'Assemblée générale, dont les membres se sont levés pour lui accorder une ovation.
Page de l'ONU consacrée au débat général de l'Assemblée générale, qui comprend letexte et la retransmission des déclarations.
Voir l’ensemble des http://www.un.org/apps/newsFr/déclarations au débat général de la 61ème session de l’Assemblée générale
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