L’impasse nucléaire en Iran : réévaluation avant le compte à rebours final
Pour le général indien Vinod Saighal, les provocations du président Ahmadinejad ne parviendront pas à dissuader les États-Unis de détruire l’Iran. La guerre est programmée à Washington, à la fois pour conquérir des champs pétroliers, pour renforcer la présidence Bush et pour satisfaire Israël. Plus rien ne peut l’arrêter et Téhéran a tort de croire en la protection de ses amis, qu’ils soient musulmans, russes ou chinois. Dans de telles circonstance, la sagesse serait la discrétion.
Longtemps après que les États-uniens auront quitté le sol irakien, que nous aurons découvert des sources d’énergie alternatives et que les réserves en hydrocarbures du Moyen-Orient auront été épuisées, les conséquences de l’intervention états-unienne en Irak en mars 2003 continueront toujours de hanter la région. L’accord Sykes-Picot, signé après la Première Guerre mondiale, a modelé l’histoire et la géographie du Moyen-Orient. Ses conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Les effets des politiques menées par les États-Unis dans la région durant cette première décennie du 21ème siècle seront certainement toujours visibles à la fin du siècle. L’agitation en Irak se répandra jusqu’à ce que le monde Arabe s’y engouffre, du Golfe perse à la Méditerranée. On a souvent tendance à se concentrer sur les conséquences immédiates d’un événement cataclysmique ; malheureusement les effets à long terme sont souvent insoupçonnés au moment de la catastrophe.
Telle est la situation en Irak en 2006. L’Iran, Israël et les États-Unis ont été engloutis dans ce bourbier, d’une telle manière qu’il leur sera difficile d‘opérer des changements significatifs dans leurs politiques régionales et nationales sans affecter d’autres pays. Alors qu’une offensive terrestre en vue de destituer le régime Iranien n’est plus envisageable en raison de l’engagement des États-Unis en Irak et en Afghanistan, les frappes aériennes semblent être devenues la seule alternative possible. Les attaques aériennes par les forces israéliennes ou états-uniennes visant à détruire systématiquement les centres de recherche, de développement, de maintenance et de formation en matière nucléaire, ainsi que de fabrication de missiles, pourraient retarder de plusieurs années le programme nucléaire iranien. Une attaque états-unienne aurait aussi pour objectif une destruction systématique des capacités de riposte iraniennes. En effet la plupart des chercheurs pensent que l’Iran riposterait violemment, avec tous les moyens pouvant être mis en œuvre pour porter atteinte aux intérêts états-uniens et à l’approvisionnement en pétrole du Moyen-Orient.
Bouillonnement géostratégique
Après le cinglant discours anti-russe prononcé par le vice-président Dick Cheney lors d’une conférence à Vilnius en Lituanie, la question posée par les politiques et les chercheurs russes est la suivante : les États-Unis ont-ils déclaré une nouvelle guerre froide à la Russie ? Il se pourrait que le changement de point de vue de Washington sur la Russie ait été provoqué par les politiques extérieures assertives de Moscou. On est bien loin des relations de simplicité entretenues entre les présidents Bush et Poutine lors de leur première rencontre, il y a six ans. Moscou a défié Washington au sujet de l’Iran, a rejeté ses propositions de sanctions contre Téhéran, permettant la construction de la première centrale nucléaire iranienne et refusant de revenir sur sa décision de vendre à l’Iran des missiles antiaériens pour la somme de 700 millions de dollars. En raison de la demande mondiale en pétrole et gaz toujours plus importante, la Russie utilise audacieusement les ressources énergétiques comme une arme politique l’aidant à asseoir sa mainmise sur les pays de l’ex-URSS et à s’installer sur les marchés européens. De même, la Russie a fermement rejeté la demande de l’Occident de renoncer au monopole du gouvernement sur les oléoducs et d’ouvrir ses ressources énergétiques aux entreprises étrangères.
Garder l’Iran sous son aile consisterait en un effort clé pour la Russie. Cette dernière aurait finalisé une vente de missiles aériens à l’Iran d’une valeur de 700 millions de dollars. Bien que l’administration Bush ne se soit pas montrée très critique au sujet de cette vente de missiles, les planificateurs du Pentagone et de l’US Centcom (Commandement central militaire états-unien) en auraient pris note. Malgré la pression internationale concernant leur programme nucléaire, les Iraniens se montrent de plus en plus agressifs, principalement sur le plan verbal, envers Israël et les États-Unis. Alors que ni la Chine ni la Russie n’ont voulu s’engager et que les États-Unis se préparent inexorablement pour l’épreuve de force finale en Iran, la Russie est impliquée dans un double jeu complexe. Sans aucun doute, le déploiement des missiles aériens Tor-M1 aidera considérablement à la protection des installations nucléaires iraniennes.
Le transport du pétrole de la Mer Caspienne vers les États-Unis, Israël et les marchés européens avait comme objectif de réduire la dépendance vis-à-vis des producteurs de pétrole de l’OPEP situés au Moyen-Orient. La présence intensifiée des forces états-uniennes dans la région s’explique par deux facteurs : le fait que cette région soit prise en sandwich entre deux des plus gros fournisseurs de pétrole au monde - l’Iran qui est membre de l’OPEP et la Russie qui ne l’est pas - et le fait que l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan traverse des régions de haute instabilité politique. Ces facteurs ont augmenté le sentiment de vulnérabilité à la fois en Iran et en Russie. La politique de Washington a été critiquée au motif qu’elle aurait encouragé la polarisation des politiques régionales. L’engagement croissant des États-Unis dans la région caspienne ainsi que l’importance géopolitique du projet Bakou-Ceyhan ont mené à un rapprochement entre la Russie, l’Iran et l’Arménie – impliquant également une solidification de l’alliance stratégique entre l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie et les États-Unis. Pour ces derniers, la question ne concernait pas la viabilité commerciale du trajet de l’oléoduc Bakou-Ceyhan. L’idée était de construire un corridor d’acheminement entre l’Est et l’Ouest, qui pourrait se développer dans le futur avec des voies ferrées, des réseaux de communication ainsi que des autoroutes, menant par la suite à la connexion des économies de certains pays du sud de l’ex-URSS aux marchés mondiaux. Parce que du point de vue de Washington le projet Bakou-Ceyhan était un problème d’une portée beaucoup plus géostratégique qu’économique, la Turquie en a bénéficié aux dépends de l’Iran, qui proposait pourtant le trajet le plus court et le moins coûteux pour acheminer le pétrole vers les marchés globaux depuis les républiques caspiennes.
Avant l’invasion états-unienne de l’Irak, l’ambition irakienne dans le Golfe était tempérée par les pays arabes limitrophes. Aujourd’hui, Téhéran et Washington se trouvent être les seuls acteurs impliqués, car l’Irak n’est plus le contrepoids de l’Iran. Par conséquent les pays arabes ont tendance à se reposer davantage sur l’Occident. S’ils rejetaient l’Occident, ils craindraient que l’Iran ne gagne l’admiration de nombreux pays qui désapprouvent les politiques états-uniennes. En plus des communautés chiites du Moyen-Orient, l’Iran pourrait alors profiter de la compassion des habitants des pays arabes en raison de leur défiance vis-à-vis des États-Unis et de ses alliés occidentaux. L’administration iranienne continue d’adhérer à l’héritage de l’Ayatollah Khomeiny sur la suprématie du clergé chiite à travers l’exercice du pouvoir (« velayat-e-mutlaqhe faqih ») ainsi qu’à une position fermement anti-états-unienne et anti-israélienne. Khomeiny s’était exprimé, de façon prémonitoire, sur l’inévitabilité d’une confrontation entre l’Occident et l’Islam.
La présence des forces militaires états-uniennes dans la région pourrait se répercuter, si ce n’est déjà fait, sur la sécurité des futures routes d’approvisionnement énergétique. Un nouvel élément a aussi été entré dans les calculs prévisionnels. De l’Afghanistan à l’Asie centrale et du Caucase au nord du Moyen-Orient, du point de vue de Washington, l’Iran reste le pays de cette région qui a le plus gros potentiel pour propager l’Islam radical et les armes nucléaires . C’est pour cela qu’en dépit de la pression des compagnies pétrolières états-uniennes pour lever l’embargo sur Téhéran, qui veut devenir le couloir principal d’export du pétrole et d’essence d’Asie centrale, l’administration Bush ne tient pas à assouplir sa position sur le rôle iranien dans la région. La construction de l’oléoduc Bakou-Ceyhan, destiné à l’exportation du pétrole depuis l’Azerbaïdjan et l’Asie centrale, avait pour principal objectif d’exclure l’Iran et de faire de la Turquie un acteur majeur de la région.
Téhéran craint que l’Azerbaïdjan prospère et indépendant soit un modèle malvenu pour la grande communauté azérie d’Iran. Le conflit au sujet du statut légal de la région caspienne, et le fait que l’Iran se soit joint à la Russie pour soutenir l’Arménie dans son conflit avec l’Azerbaïdjan concernant le Nagorno-Karabakh, sont des raisons contribuant à l’échec des relations. En conséquence, l’Iran n’a pas réussi à protéger une partie du pétrole de l’Azerbaïdjan. Ceci a servi la campagne turque qui visait à construire la ligne entre Bakou et le terminal méditerranéen turc à Ceyhan. Moscou et Téhéran semblent avoir établi une alliance stratégique pour résister à l’hégémonie états-unienne dans la région caspienne. Les ventes de matériel militaire très importantes de la Russie à l’Iran font partie de la coopération stratégique et militaire croissante entre ces deux pays.
En ne se laissant aucune place pour manœuvrer, l’Iran et les États-Unis se sont mis dans une impasse. Les intérêts communs qui auraient pu être à la base d’une négociation disparaissent à une vitesse considérable. Des opinions inconciliables émergent. Les principaux décisionnaires des deux pays s’activent à exacerber leurs différends. Le président iranien Ahmadinejad, a eu tendance à afficher une rhétorique au ton presque fiévreux, bien que les décisions de l’Ayatollah Khameni prévalent sur les siennes. Que son discours ait été mal retranscrit, ou que ses propos aient été déformés, il n’empêche qu’il est perçu comme ayant appelé publiquement à l’anéantissement d’Israël . Bien que sa lettre adressée au Président G. W. Bush soit une demande d’introspection digne d’attention et pourrait être interprétée par certains comme une tentative sérieuse pour réduire les divergences, elle n’offre aucune proposition concrète au gouvernement états-unien . Ses déclarations montrent qu’il choisit de façon délibérée d’aller de provocation en provocation, en exagérant souvent les capacités iraniennes.
Pourtant, il pourrait essayer de renforcer sa position en tant que leader de l’Iran, ou de projeter un fait accompli iranien dans le domaine nucléaire. Une troisième éventualité est que le président iranien cherche à déclencher un conflit en provoquant les États-uniens et les Israéliens pour qu’ils attaquent l’Iran. Elle est peu probable : M. Ahmadinejad n’est pas sans savoir que dans le cas d’une confrontation militaire inconditionnelle, l’Iran serait facilement battu et ses capacités nucléaires et militaires seraient retardées de plusieurs années, voire décennies. Le président Ahmadinejad semble pourtant être prêt à accepter un renversement de situation majeur pour l’Iran, non seulement dans l’espoir que ce processus unifie tous les Iraniens derrière lui, mais aussi qu’il le projette comme le leader incontesté du monde musulman dans sa guerre contre les États-Unis. Ainsi, il supplanterait les plus grands leaders arabes, tous des sunnites, qui se battent pour décrocher ce titre, notamment des personnalités comme Abdel Gemal Nasser ou Saddam Hussein.
Dans une large mesure, Bagdad est déjà contrôlée par l’Iran ; cependant les Iraniens hésitent à se mettre prématurément à découvert en prenant ouvertement l’initiative. La possibilité que la capitale irakienne soit bientôt entre leurs mains permet aux Iraniens, et particulièrement à M. Ahmadinejad, de caresser le rêve d’une ascendance morale sur tous les musulmans, en rétablissant le grand califat de Bagdad à la manière d’Haroun al Rashid jadis. Dès lors, ce ne serait qu’une question de temps avant que La Mecque ne tombe également sous leur coupe. Grande stratégie ou Grande illusion : seul le temps le dira.
Sur l’autre versant de la querelle Iran - États-Unis, George W. Bush se trouve aux commandes du pouvoir. Les Iraniens ont clairement échoué dans leur calcul en sous-estimant le président états-unien ainsi que les forces qui lui ont permis d’accéder à la Maison-Blanche en janvier 2001 et une seconde fois en janvier 2005. En attisant la crise jusqu’à son explosion en 2006, ils auraient été clairement influencés par les revers apparents des États-Unis en Irak ainsi que leurs difficultés croissantes face à la réémergence des talibans en Afghanistan. Sans aucun doute, le tigre états-unien a été blessé en Irak au point de ne pas pouvoir consolider ses gains dans le pays. Néanmoins, comme il a été mentionné lors d’un autre forum en novembre 2005 , les échecs états-uniens ont été exagérés par les adversaires de George W. Bush. En réalité, si l’on adopte un point de vue davantage à long terme sur leur entreprise géostratégique au Moyen-Orient, les États-Unis ont connu d’admirables succès à certains égards. Au grand minimum, les principaux partisans de la seconde invasion de l’Irak en mars 2003 ont tiré de généreux profits du projet et pourraient continuer à le faire pendant longtemps encore. Dans des écrits plus anciens il avait été noté que l’invasion états-unienne de l’Irak avait été décidée peu de temps après que George W. Bush se soit installé dans le fauteuil présidentiel. À peu près au même moment, l’Iran fut inclus dans la liste des pays formant « l’Axe du Mal ». À ce moment-là, l’Iran devait tomber. L’Iran, selon toute vraisemblance, va tomber. Les États-Unis cherchaient un casus belli plausible. Les Iraniens en ont apporté un à George W. Bush, presque sur un plateau. M. Ahmadinejad et ses soutiens commettraient une grave erreur en supposant que la faible popularité du président états-unien le force à changer de cap. Le président Bush et son équipe, notamment le vice-président Dick Cheney et l’ex secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, ont été accusés d’avoir bâclé l’intervention en Irak. On dit qu’ils ont gagné la guerre pour finalement perdre la paix. Leurs adversaires ont mal compris la hiérarchie présidentielle. George W. Bush n’est pas un lâcheur. Il s’est déjà exprimé sur la Troisième Guerre mondiale et la longue guerre ouverte contre le terrorisme mondial. George W. Bush fera tomber l’Iran avant que son deuxième mandat ne touche à sa fin. Sauf un séisme politique aux États-Unis en fin d’année, l’attaque de l‘Iran par les États-Unis est une quasi-certitude. Cette fois-ci, George W. Bush et son équipe espèrent mieux s’en tirer. Ils auront tiré les leçons des erreurs commises en Irak. Cette fois-ci, ils veulent en sortir comme les vainqueurs indiscutables. La nation iranienne sera pulvérisée dans la foulée, pour qu’il ne subsiste pas de doute dans l’esprit de quiconque sur l’issue de la confrontation. Si le président des États-Unis décidait, contre tous les avis provenant de diverses directions, de frapper l’Iran, le parti républicain auquel il appartient ainsi que les Démocrates se rangeraient derrière lui comme ils le firent après le 11 septembre. Et la nation états-unienne ferait de même. À ce moment-là, le taux de popularité du président états-unien pourrait de nouveau franchir le seuil des 50 %. George Bush ambitionne de sortir de la Maison-Blanche en vainqueur.
Il peut uniquement sauver sa gloire déjà diminuée en obtenant un succès en Iran. Les Iraniens ne doivent pas lui offrir une telle occasion. Au nom de la survie de leur nation, les dirigeants iraniens devraient faire marche arrière face à la détermination états-unienne de ne pas les laisser s’en tirer avec une nucléarisation, officielle ou non. Revenir sur ses positions n’est pas un prix trop important à payer à ce stade de l’histoire iranienne, étant donné le coup mortel porté à la civilisation babylonienne dont l’Iran faisait également partie par le passé. La civilisation iranienne est un héritage précieux pour l’humanité. Il ne tient qu’aux dirigeants iraniens de la sauver de la force brute qui peut être déchaînée contre elle par l’hyperpuissance états-unienne. Les sages iraniens doivent conseiller les dirigeants en conséquence. La Chine et la Russie rendraient un très mauvais service à leur ami du jour, l’Iran, en gonflant artificiellement son assurance et en ne se joignant pas à l’appel lancé par les États-Unis demandant à l’Iran de mettre fin à sa capacité nucléaire. Les amis de l’Iran ne seraient pas capables de tenir tête aux États-uniens et à l’Occident en cas de confrontation militaire. Le fait d’encourager l’intransigeance de l’Iran à ce stade serait très mal avisé.
Israël n’a plus la supériorité militaire écrasante sur ses voisins comme c’était le cas au plus fort de la Guerre froide et peut-être jusqu’au début du 21ème siècle. Après son échec au Liban, Israël n’a plus la capacité d’agir individuellement contre un pays de la taille de l’Iran. En faisant abstraction de la dimension nucléaire, l’Iran serait en mesure de rendre la pareille, d’une façon ou d’une autre. En fait, tandis qu’Ahmadinejad a haussé le ton à l’encontre d’Israël, ce dernier a étonnamment mesuré ses propos. L’Iran a dorénavant une influence beaucoup plus importante sur les deux flancs d’Israël, par le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza. Cette influence va inévitablement croître et pourrait avoir pour conséquence une augmentation de l’approvisionnement en armes sophistiquées pour les ennemis d’Israël. Grâce aux recettes pétrolières en hausse, l’Iran serait également enclin à soutenir les capacités militaires de la Syrie.
Simultanément, la planification par Israël de la neutralisation des capacités iraniennes poursuivrait son cours, discrètement mais sûrement. Bien que les États-Unis aient une meilleure capacité en termes de renseignement contre l’Iran que jamais auparavant, l’aide israélienne à cet égard serait essentielle. Israël a eu le temps de renforcer les milices kurdes du Nord de l’Irak, tout comme sa capacité de renseignement contre l’Iran, surtout au Nord-Ouest. Au finale, Israël sait que s’il faut s’occuper du cas de l’Iran, le plus tôt sera le mieux. Si l’action devait être reportée, le temps jouerait pour l’Iran et non pas pour Israël. Donc, si une action militaire contre l’Iran devait être entreprise durant le mandat de George W. Bush, Israël y serait pour beaucoup dans cette décision.
Remarques de conclusion
En dépit du fatras d’opinions exprimées au sujet des options possibles pour les deux camps, les Iraniens commettraient peut-être une erreur en poussant les États-Unis à prendre des mesures extrêmes. Si les États-uniens décidaient de frapper l’Iran, ils opteraient pour un coup fatal. L’idée ne serait pas de faire reculer le programme nucléaire iranien de quelques années. Les États-uniens, s’ils devaient se décider à mettre le paquet, ont les moyens technologiques d’annihiler l’Iran comme nation civilisée pour les décennies à venir. Les tentatives d’intimidation initiées par le président iranien, et destinées en réalité à dissuader les États-Unis d’attaquer en démontrant les capacités de riposte de l’Iran, ne feront que garantir une offensive totale des États-Unis. Elle se fera à bâtons rompus. Ni les achats d’armes à la Russie, ni une aide clandestine de la Chine ne pourraient sauver les Iraniens. Si l’Iran sombrait complètement, cela n’empêcherait pas les Arabes ou les nations musulmanes sunnites de dormir. Les Iraniens seraient bien avisés de faire marche-arrière. Dans dix ou vingt ans, cela ne fera pas de grosse différence si les successeurs des régimes iraniens ont des armes nucléaires ou pas. Le monde lui-même aura changé au-delà du reconnaissable, tourmenté par des cataclysmes environnementaux dont les effets, bien que s’étalant devant les yeux de l’humanité, ne sont pas pris en compte avec l’urgence nécessaire. L’homme est toujours un loup pour l’homme, chaque nation avance pour elle-même, jusqu’au jour où le déclin planétaire deviendra irréversible.
À ce moment de son histoire tumultueuse, l’Iran a besoin d’être dirigé par un Khatami et non pas un Ahmadinejad pour le sortir de la confrontation avec les États-Unis et leurs alliés de l’Occident. Ces derniers ont des ressources infinies en comparaison de l’Iran, ainsi que le soutien, tacite ou ouvert, de plusieurs pays. L’Iran est littéralement sans ami. Lorsqu’il en aura besoin, personne ne viendra à son secours. Pour les Iraniens, actuellement, la discrétion est certainement l’attribut le plus précieux du courage.Général Vinod Saighal: Ancien directeur général de la formation militaire de l’armée indienne. Il fut attaché militaire d’ambassade en France et au Bénélux, et commandant en chef de forces de maintien de la paix au Proche-Orient. Il est aujourd’hui fondateur du Movement for Restoration of Good Government (MRGG) et directeur de l’Eco Monitors Society (EMS). Auteur de nombreux ouvrages de stratégie et d’analyse politique, il a récemment publié Dealing with Global Terrorism : The Way Forward. Il est membre de la conférence mondiale anti-impérialiste.
Après le cinglant discours anti-russe prononcé par le vice-président Dick Cheney lors d’une conférence à Vilnius en Lituanie, la question posée par les politiques et les chercheurs russes est la suivante : les États-Unis ont-ils déclaré une nouvelle guerre froide à la Russie ? Il se pourrait que le changement de point de vue de Washington sur la Russie ait été provoqué par les politiques extérieures assertives de Moscou. On est bien loin des relations de simplicité entretenues entre les présidents Bush et Poutine lors de leur première rencontre, il y a six ans. Moscou a défié Washington au sujet de l’Iran, a rejeté ses propositions de sanctions contre Téhéran, permettant la construction de la première centrale nucléaire iranienne et refusant de revenir sur sa décision de vendre à l’Iran des missiles antiaériens pour la somme de 700 millions de dollars. En raison de la demande mondiale en pétrole et gaz toujours plus importante, la Russie utilise audacieusement les ressources énergétiques comme une arme politique l’aidant à asseoir sa mainmise sur les pays de l’ex-URSS et à s’installer sur les marchés européens. De même, la Russie a fermement rejeté la demande de l’Occident de renoncer au monopole du gouvernement sur les oléoducs et d’ouvrir ses ressources énergétiques aux entreprises étrangères.
Garder l’Iran sous son aile consisterait en un effort clé pour la Russie. Cette dernière aurait finalisé une vente de missiles aériens à l’Iran d’une valeur de 700 millions de dollars. Bien que l’administration Bush ne se soit pas montrée très critique au sujet de cette vente de missiles, les planificateurs du Pentagone et de l’US Centcom (Commandement central militaire états-unien) en auraient pris note. Malgré la pression internationale concernant leur programme nucléaire, les Iraniens se montrent de plus en plus agressifs, principalement sur le plan verbal, envers Israël et les États-Unis. Alors que ni la Chine ni la Russie n’ont voulu s’engager et que les États-Unis se préparent inexorablement pour l’épreuve de force finale en Iran, la Russie est impliquée dans un double jeu complexe. Sans aucun doute, le déploiement des missiles aériens Tor-M1 aidera considérablement à la protection des installations nucléaires iraniennes.
Le transport du pétrole de la Mer Caspienne vers les États-Unis, Israël et les marchés européens avait comme objectif de réduire la dépendance vis-à-vis des producteurs de pétrole de l’OPEP situés au Moyen-Orient. La présence intensifiée des forces états-uniennes dans la région s’explique par deux facteurs : le fait que cette région soit prise en sandwich entre deux des plus gros fournisseurs de pétrole au monde - l’Iran qui est membre de l’OPEP et la Russie qui ne l’est pas - et le fait que l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan traverse des régions de haute instabilité politique. Ces facteurs ont augmenté le sentiment de vulnérabilité à la fois en Iran et en Russie. La politique de Washington a été critiquée au motif qu’elle aurait encouragé la polarisation des politiques régionales. L’engagement croissant des États-Unis dans la région caspienne ainsi que l’importance géopolitique du projet Bakou-Ceyhan ont mené à un rapprochement entre la Russie, l’Iran et l’Arménie – impliquant également une solidification de l’alliance stratégique entre l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie et les États-Unis. Pour ces derniers, la question ne concernait pas la viabilité commerciale du trajet de l’oléoduc Bakou-Ceyhan. L’idée était de construire un corridor d’acheminement entre l’Est et l’Ouest, qui pourrait se développer dans le futur avec des voies ferrées, des réseaux de communication ainsi que des autoroutes, menant par la suite à la connexion des économies de certains pays du sud de l’ex-URSS aux marchés mondiaux. Parce que du point de vue de Washington le projet Bakou-Ceyhan était un problème d’une portée beaucoup plus géostratégique qu’économique, la Turquie en a bénéficié aux dépends de l’Iran, qui proposait pourtant le trajet le plus court et le moins coûteux pour acheminer le pétrole vers les marchés globaux depuis les républiques caspiennes.
Avant l’invasion états-unienne de l’Irak, l’ambition irakienne dans le Golfe était tempérée par les pays arabes limitrophes. Aujourd’hui, Téhéran et Washington se trouvent être les seuls acteurs impliqués, car l’Irak n’est plus le contrepoids de l’Iran. Par conséquent les pays arabes ont tendance à se reposer davantage sur l’Occident. S’ils rejetaient l’Occident, ils craindraient que l’Iran ne gagne l’admiration de nombreux pays qui désapprouvent les politiques états-uniennes. En plus des communautés chiites du Moyen-Orient, l’Iran pourrait alors profiter de la compassion des habitants des pays arabes en raison de leur défiance vis-à-vis des États-Unis et de ses alliés occidentaux. L’administration iranienne continue d’adhérer à l’héritage de l’Ayatollah Khomeiny sur la suprématie du clergé chiite à travers l’exercice du pouvoir (« velayat-e-mutlaqhe faqih ») ainsi qu’à une position fermement anti-états-unienne et anti-israélienne. Khomeiny s’était exprimé, de façon prémonitoire, sur l’inévitabilité d’une confrontation entre l’Occident et l’Islam.
La présence des forces militaires états-uniennes dans la région pourrait se répercuter, si ce n’est déjà fait, sur la sécurité des futures routes d’approvisionnement énergétique. Un nouvel élément a aussi été entré dans les calculs prévisionnels. De l’Afghanistan à l’Asie centrale et du Caucase au nord du Moyen-Orient, du point de vue de Washington, l’Iran reste le pays de cette région qui a le plus gros potentiel pour propager l’Islam radical et les armes nucléaires . C’est pour cela qu’en dépit de la pression des compagnies pétrolières états-uniennes pour lever l’embargo sur Téhéran, qui veut devenir le couloir principal d’export du pétrole et d’essence d’Asie centrale, l’administration Bush ne tient pas à assouplir sa position sur le rôle iranien dans la région. La construction de l’oléoduc Bakou-Ceyhan, destiné à l’exportation du pétrole depuis l’Azerbaïdjan et l’Asie centrale, avait pour principal objectif d’exclure l’Iran et de faire de la Turquie un acteur majeur de la région.
Téhéran craint que l’Azerbaïdjan prospère et indépendant soit un modèle malvenu pour la grande communauté azérie d’Iran. Le conflit au sujet du statut légal de la région caspienne, et le fait que l’Iran se soit joint à la Russie pour soutenir l’Arménie dans son conflit avec l’Azerbaïdjan concernant le Nagorno-Karabakh, sont des raisons contribuant à l’échec des relations. En conséquence, l’Iran n’a pas réussi à protéger une partie du pétrole de l’Azerbaïdjan. Ceci a servi la campagne turque qui visait à construire la ligne entre Bakou et le terminal méditerranéen turc à Ceyhan. Moscou et Téhéran semblent avoir établi une alliance stratégique pour résister à l’hégémonie états-unienne dans la région caspienne. Les ventes de matériel militaire très importantes de la Russie à l’Iran font partie de la coopération stratégique et militaire croissante entre ces deux pays.
En ne se laissant aucune place pour manœuvrer, l’Iran et les États-Unis se sont mis dans une impasse. Les intérêts communs qui auraient pu être à la base d’une négociation disparaissent à une vitesse considérable. Des opinions inconciliables émergent. Les principaux décisionnaires des deux pays s’activent à exacerber leurs différends. Le président iranien Ahmadinejad, a eu tendance à afficher une rhétorique au ton presque fiévreux, bien que les décisions de l’Ayatollah Khameni prévalent sur les siennes. Que son discours ait été mal retranscrit, ou que ses propos aient été déformés, il n’empêche qu’il est perçu comme ayant appelé publiquement à l’anéantissement d’Israël . Bien que sa lettre adressée au Président G. W. Bush soit une demande d’introspection digne d’attention et pourrait être interprétée par certains comme une tentative sérieuse pour réduire les divergences, elle n’offre aucune proposition concrète au gouvernement états-unien . Ses déclarations montrent qu’il choisit de façon délibérée d’aller de provocation en provocation, en exagérant souvent les capacités iraniennes.
Pourtant, il pourrait essayer de renforcer sa position en tant que leader de l’Iran, ou de projeter un fait accompli iranien dans le domaine nucléaire. Une troisième éventualité est que le président iranien cherche à déclencher un conflit en provoquant les États-uniens et les Israéliens pour qu’ils attaquent l’Iran. Elle est peu probable : M. Ahmadinejad n’est pas sans savoir que dans le cas d’une confrontation militaire inconditionnelle, l’Iran serait facilement battu et ses capacités nucléaires et militaires seraient retardées de plusieurs années, voire décennies. Le président Ahmadinejad semble pourtant être prêt à accepter un renversement de situation majeur pour l’Iran, non seulement dans l’espoir que ce processus unifie tous les Iraniens derrière lui, mais aussi qu’il le projette comme le leader incontesté du monde musulman dans sa guerre contre les États-Unis. Ainsi, il supplanterait les plus grands leaders arabes, tous des sunnites, qui se battent pour décrocher ce titre, notamment des personnalités comme Abdel Gemal Nasser ou Saddam Hussein.
Dans une large mesure, Bagdad est déjà contrôlée par l’Iran ; cependant les Iraniens hésitent à se mettre prématurément à découvert en prenant ouvertement l’initiative. La possibilité que la capitale irakienne soit bientôt entre leurs mains permet aux Iraniens, et particulièrement à M. Ahmadinejad, de caresser le rêve d’une ascendance morale sur tous les musulmans, en rétablissant le grand califat de Bagdad à la manière d’Haroun al Rashid jadis. Dès lors, ce ne serait qu’une question de temps avant que La Mecque ne tombe également sous leur coupe. Grande stratégie ou Grande illusion : seul le temps le dira.
Sur l’autre versant de la querelle Iran - États-Unis, George W. Bush se trouve aux commandes du pouvoir. Les Iraniens ont clairement échoué dans leur calcul en sous-estimant le président états-unien ainsi que les forces qui lui ont permis d’accéder à la Maison-Blanche en janvier 2001 et une seconde fois en janvier 2005. En attisant la crise jusqu’à son explosion en 2006, ils auraient été clairement influencés par les revers apparents des États-Unis en Irak ainsi que leurs difficultés croissantes face à la réémergence des talibans en Afghanistan. Sans aucun doute, le tigre états-unien a été blessé en Irak au point de ne pas pouvoir consolider ses gains dans le pays. Néanmoins, comme il a été mentionné lors d’un autre forum en novembre 2005 , les échecs états-uniens ont été exagérés par les adversaires de George W. Bush. En réalité, si l’on adopte un point de vue davantage à long terme sur leur entreprise géostratégique au Moyen-Orient, les États-Unis ont connu d’admirables succès à certains égards. Au grand minimum, les principaux partisans de la seconde invasion de l’Irak en mars 2003 ont tiré de généreux profits du projet et pourraient continuer à le faire pendant longtemps encore. Dans des écrits plus anciens il avait été noté que l’invasion états-unienne de l’Irak avait été décidée peu de temps après que George W. Bush se soit installé dans le fauteuil présidentiel. À peu près au même moment, l’Iran fut inclus dans la liste des pays formant « l’Axe du Mal ». À ce moment-là, l’Iran devait tomber. L’Iran, selon toute vraisemblance, va tomber. Les États-Unis cherchaient un casus belli plausible. Les Iraniens en ont apporté un à George W. Bush, presque sur un plateau. M. Ahmadinejad et ses soutiens commettraient une grave erreur en supposant que la faible popularité du président états-unien le force à changer de cap. Le président Bush et son équipe, notamment le vice-président Dick Cheney et l’ex secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, ont été accusés d’avoir bâclé l’intervention en Irak. On dit qu’ils ont gagné la guerre pour finalement perdre la paix. Leurs adversaires ont mal compris la hiérarchie présidentielle. George W. Bush n’est pas un lâcheur. Il s’est déjà exprimé sur la Troisième Guerre mondiale et la longue guerre ouverte contre le terrorisme mondial. George W. Bush fera tomber l’Iran avant que son deuxième mandat ne touche à sa fin. Sauf un séisme politique aux États-Unis en fin d’année, l’attaque de l‘Iran par les États-Unis est une quasi-certitude. Cette fois-ci, George W. Bush et son équipe espèrent mieux s’en tirer. Ils auront tiré les leçons des erreurs commises en Irak. Cette fois-ci, ils veulent en sortir comme les vainqueurs indiscutables. La nation iranienne sera pulvérisée dans la foulée, pour qu’il ne subsiste pas de doute dans l’esprit de quiconque sur l’issue de la confrontation. Si le président des États-Unis décidait, contre tous les avis provenant de diverses directions, de frapper l’Iran, le parti républicain auquel il appartient ainsi que les Démocrates se rangeraient derrière lui comme ils le firent après le 11 septembre. Et la nation états-unienne ferait de même. À ce moment-là, le taux de popularité du président états-unien pourrait de nouveau franchir le seuil des 50 %. George Bush ambitionne de sortir de la Maison-Blanche en vainqueur.
Il peut uniquement sauver sa gloire déjà diminuée en obtenant un succès en Iran. Les Iraniens ne doivent pas lui offrir une telle occasion. Au nom de la survie de leur nation, les dirigeants iraniens devraient faire marche arrière face à la détermination états-unienne de ne pas les laisser s’en tirer avec une nucléarisation, officielle ou non. Revenir sur ses positions n’est pas un prix trop important à payer à ce stade de l’histoire iranienne, étant donné le coup mortel porté à la civilisation babylonienne dont l’Iran faisait également partie par le passé. La civilisation iranienne est un héritage précieux pour l’humanité. Il ne tient qu’aux dirigeants iraniens de la sauver de la force brute qui peut être déchaînée contre elle par l’hyperpuissance états-unienne. Les sages iraniens doivent conseiller les dirigeants en conséquence. La Chine et la Russie rendraient un très mauvais service à leur ami du jour, l’Iran, en gonflant artificiellement son assurance et en ne se joignant pas à l’appel lancé par les États-Unis demandant à l’Iran de mettre fin à sa capacité nucléaire. Les amis de l’Iran ne seraient pas capables de tenir tête aux États-uniens et à l’Occident en cas de confrontation militaire. Le fait d’encourager l’intransigeance de l’Iran à ce stade serait très mal avisé.
Israël n’a plus la supériorité militaire écrasante sur ses voisins comme c’était le cas au plus fort de la Guerre froide et peut-être jusqu’au début du 21ème siècle. Après son échec au Liban, Israël n’a plus la capacité d’agir individuellement contre un pays de la taille de l’Iran. En faisant abstraction de la dimension nucléaire, l’Iran serait en mesure de rendre la pareille, d’une façon ou d’une autre. En fait, tandis qu’Ahmadinejad a haussé le ton à l’encontre d’Israël, ce dernier a étonnamment mesuré ses propos. L’Iran a dorénavant une influence beaucoup plus importante sur les deux flancs d’Israël, par le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza. Cette influence va inévitablement croître et pourrait avoir pour conséquence une augmentation de l’approvisionnement en armes sophistiquées pour les ennemis d’Israël. Grâce aux recettes pétrolières en hausse, l’Iran serait également enclin à soutenir les capacités militaires de la Syrie.
Simultanément, la planification par Israël de la neutralisation des capacités iraniennes poursuivrait son cours, discrètement mais sûrement. Bien que les États-Unis aient une meilleure capacité en termes de renseignement contre l’Iran que jamais auparavant, l’aide israélienne à cet égard serait essentielle. Israël a eu le temps de renforcer les milices kurdes du Nord de l’Irak, tout comme sa capacité de renseignement contre l’Iran, surtout au Nord-Ouest. Au finale, Israël sait que s’il faut s’occuper du cas de l’Iran, le plus tôt sera le mieux. Si l’action devait être reportée, le temps jouerait pour l’Iran et non pas pour Israël. Donc, si une action militaire contre l’Iran devait être entreprise durant le mandat de George W. Bush, Israël y serait pour beaucoup dans cette décision.
Remarques de conclusion
En dépit du fatras d’opinions exprimées au sujet des options possibles pour les deux camps, les Iraniens commettraient peut-être une erreur en poussant les États-Unis à prendre des mesures extrêmes. Si les États-uniens décidaient de frapper l’Iran, ils opteraient pour un coup fatal. L’idée ne serait pas de faire reculer le programme nucléaire iranien de quelques années. Les États-uniens, s’ils devaient se décider à mettre le paquet, ont les moyens technologiques d’annihiler l’Iran comme nation civilisée pour les décennies à venir. Les tentatives d’intimidation initiées par le président iranien, et destinées en réalité à dissuader les États-Unis d’attaquer en démontrant les capacités de riposte de l’Iran, ne feront que garantir une offensive totale des États-Unis. Elle se fera à bâtons rompus. Ni les achats d’armes à la Russie, ni une aide clandestine de la Chine ne pourraient sauver les Iraniens. Si l’Iran sombrait complètement, cela n’empêcherait pas les Arabes ou les nations musulmanes sunnites de dormir. Les Iraniens seraient bien avisés de faire marche-arrière. Dans dix ou vingt ans, cela ne fera pas de grosse différence si les successeurs des régimes iraniens ont des armes nucléaires ou pas. Le monde lui-même aura changé au-delà du reconnaissable, tourmenté par des cataclysmes environnementaux dont les effets, bien que s’étalant devant les yeux de l’humanité, ne sont pas pris en compte avec l’urgence nécessaire. L’homme est toujours un loup pour l’homme, chaque nation avance pour elle-même, jusqu’au jour où le déclin planétaire deviendra irréversible.
À ce moment de son histoire tumultueuse, l’Iran a besoin d’être dirigé par un Khatami et non pas un Ahmadinejad pour le sortir de la confrontation avec les États-Unis et leurs alliés de l’Occident. Ces derniers ont des ressources infinies en comparaison de l’Iran, ainsi que le soutien, tacite ou ouvert, de plusieurs pays. L’Iran est littéralement sans ami. Lorsqu’il en aura besoin, personne ne viendra à son secours. Pour les Iraniens, actuellement, la discrétion est certainement l’attribut le plus précieux du courage.Général Vinod Saighal: Ancien directeur général de la formation militaire de l’armée indienne. Il fut attaché militaire d’ambassade en France et au Bénélux, et commandant en chef de forces de maintien de la paix au Proche-Orient. Il est aujourd’hui fondateur du Movement for Restoration of Good Government (MRGG) et directeur de l’Eco Monitors Society (EMS). Auteur de nombreux ouvrages de stratégie et d’analyse politique, il a récemment publié Dealing with Global Terrorism : The Way Forward. Il est membre de la conférence mondiale anti-impérialiste.
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