Ce qu'il reste de Bush et de son « ordre nouveau »
Bagdad 5 septembre 2008 - Manifestation anti-américaine - Photo : AP/Karim Kadim
6 septembre 2008 - 07h:34 / Info-palestine
6 septembre 2008 - 07h:34 / Info-palestine
La série de décisions malheureuses et lourdes de conséquences prises pendant les deux mandats de l'administration Bush, combinées avec le déclin économique intérieur, pourraient dévaster la planète Amérique bien plus tôt que la plupart des analystes ne le prévoient.
Ce qui était difficile à anticiper était que l'affaiblissement de la domination mondiale des Etats-Unis, renforcé par la politique extérieure incohérente et imprudente de Bush, rallumerait jusqu'à un certain degré la guerre froide à l'occasion d'un conflit entre la Géorgie et la Russie, conflit très éloigné et apparemment provoqué par une question d'ordre ethnique. Qui pourrait avoir prévu une liaison possible entre Bagdad, Kaboul et Tbilisi ?
Mais dater le déclin de la puissance mondiale américaine uniquement sur l'arrivée de l'administration Bush, ou même sur les terribles événements du 11 septembre 2001 [11/9], n'est pas tout à fait exacte. L'effondrement rapide de l'Union Soviétique et la dislocation du Pacte de Varsovie — d'anciens membres de ce pacte s'étant précipités pour rallier l'OTAN dans les années qui ont suivi — ont propulsé en avant une nouvelle élite aux Etats-Unis qui s'est vantée de la viabilité économique et de la suprématie morale du « capitalisme et de la démocratie » à la sauce américaine. Mais un monde unipolaire a représenté pour les dirigeants américains une défi immense, sinon insurmontable.
Tandis que le 11/9 et un président motivé bien qu'ignorant représentaient une occasion pratique de réaffirmer la domination des Etats-Unis à l'échelle mondiale, cete tendance s'est affirmée peu de temps après que l'Union Soviétique se soit effondrée. C'est à partir de 1997 que de réelles initiatives ont été prises avec l'établissement du Projet pour le nouveau siècle américain (PNAC - Project for the New American Century), un groupe de réflexion incluant de nombreux conseillers politiques néo-conservateurs. Leur but était « de favoriser la domination mondiale américaine... [qui] est bonne pour l'Amérique et bonne pour le reste du monde. » William Kristol et Robert Kagan, fondateurs du PNAC, ont été inspirés par la politique de Reagan [pour que les Etats-Unis soient] « la lumière de la force et de la morale ». Mais ce modèle supposé inspiré était justifié par la guerre froide qui a ensuite disparu. Se fabriquer un ennemi était une tâche essentielle pour justifier le repositionnement de la puissance américaine visant à occuper les espaces laissés vide par la disparition du système international bipolaire qui existait depuis la seconde guerre mondiale.
Même le plus récent rapport du PNAC, « Reconstruire les forces de défenses de l'Amérique : les stratégies, les forces, et les ressources pour un nouveau siècle », publié en 2000, a paru peu pertinent et peu alarmiste. Il exprimait « la conviction que l'Amérique devrait chercher à préserver et étendre sa position de domination globale en maintenant la prédominance des forces militaires des Etats-Unis ». Le rapport n'aurait été qu'un autre document peu consulté s'il n'y avait eu les attaques terroristes du 11/9 qui l'ont alors transformé en doctrine définissant la politique extérieure des Etats-Unis pour presque une décennie.
Les guerres et l'occupation de l'Afghanistan et de l'Irak avaient pour objectif de renforcer la capacité des Etats-Unis à protéger leurs intérêts et contrôler leurs affaires internationales. La position de l'Afghanistan était stratégique pour maintenir à distance les puissances montantes de l'Asie — hormis sa valeur militaire et stratégique, l'Afghanistan devrait devenir un passage important pour l'approvisionnement énergétique — tandis que l'Irak devrait permettre aux Etats-Unis d'avoir une présence militaire permanente pour sauvegarder ses intérêts pétroliers dans la toute région et pour garantir la suprématie israélienne sur ses ennemis arabes plus faibles mais rebelles.
Ce plan a bein fonctionné pendant quelques semaines à la suite de la déclaration sur la « mission accomplie » en Irak. Depuis lors, les USA ont appris que traiter les affaires du monde avec une approche militariste est une véritable recette pour amener au désastre. Confronté à une occupation étrangère, les Irakiens ont battu en retraite, mettant en place une scène de cauchemar et promettant la défaite des Etats-Unis dans leur pays. Le plan original consistant à exploiter les regroupements ethniques et religieux dans le pays ont également fait long feu, car l'évolution des alliances a rendu impossible pour les Etats-Unis de choisir soit un allié permanent soit un ennemi à long terme. En Afghanistan la réalité est encore plus triste avec la terrible géographie du pays, la corruption des alliés locaux des Etats-Unis, la réapparition des Talibans et les répliques brutales de la coalition occidentale à l'ascension irréversible des Talibans ; l'Afghanistan est raisonnablement une cause perdue du point de vue militaire.
Mais la mentalité à la gâchette facile qui a régi la politique extérieure des Etats-Unis pendant les années Bush n'est plus dominante et a été depuis contestée au profit d'une approche plus sensible et basée sur le dialogue en politique extérieure, comme le soutient à contre-coeur le candidat du parti Démocrate à la présidence, Barack Obama. Le revirement n'est pas tout à fait guidé par la moralité, cependant, et il est surtout pragmatique. Selon une enquête menée conjointement par le Magazine de politique extérieure [Foreign Policy magazine ] et le Centre pour une nouvelle sécurité américaine [Centre for a New American Security] publiée le 19 février 2008, 88% des officiers militaires américains encore en activité ou non estiment que les seuls exigences de la guerre d'Irak « ont mis les militaires sous pression à un niveau proche de la rupture ». Bien que « non démoralisés », 80% pensent qu'il est « peu raisonnable de s'attendre à ce que l'armée américaine puisse actuellement mener avec succès une autre guerre importante », comme le rapporte CNN. Une telle évaluation n'est pas trop différente des évaluations fournies par les hauts gradés, beaucoup d'entre eux prenant une retraite anticipée pour les mêmes raisons.
Les nouveaux obstacles sur le plan militaire auxquels font face les Etats-Unis au Moyen-Orient ont également eu comme conséquence l'affaiblissement de leur poids politique et de leur position. De plus, leurs alliés régionaux ont pris des coups les uns après des autres : Israël au Liban, la Géorgie en Ossètie du sud, les alliés des américains au Venezuela et dans d'autres pays sud-américains, et ainsi de suite. En effet, ce n'est qu'une question de temps pour qu'un autre concurrent à l'hégémonie mondiale surgisse et mettent à l'épreuve la résolution des Etats-Unis dans ces nouvelles circonstances. Tandis que l'intervention croissante des Etats-Unis en Eurasia avec son bouclier de défense anti-missiles était considérée comme partie intégrante du plan néo-conservateur pour « reconstruire les forces de défenses de l'Amérique », cela a été considéré par la Russie comme une menace pour sa sécurité nationale.
L'invasion par la Géorgie de l'Ossètie du sud a représenté une occasion inespérée pour que Moscou envoie un message limpide à Washington. En écrasant l'armée géorgienne entraînée par les Etats-Unis et Israël, la Russie s'est hissé au rang de concurrent à la domination américaine jusque là incontestée et qui dure depuis presque deux décennies. Les pays tels que l'Iran et la Syrie se sont rapidement manifestés en faveur de la nouvelle Russie, alors que cette dernière cherche à reconstruire ses propres alliances et systèmes de défenses.
La nature et le sens que prendra la confrontation américano-russe ne peuvent aujourd'hui être déterminées avec une précision suffisante. Les facteurs internes et externes en Russie (la corruption, les oligarchies et la capacité de la Russie à trouver une alliance stable) vont se révéler dans l'actuelle confrontation. Ce qui est clair, cependant, est que le prochain président des Etats-Unis se trouvera en tête à tête avec un ordre mondial rigoureusement transformé, produit par le Pandeminium [capitale des enfers] militaire, le déclin économique au niveau national comme mondial et la montée de nouvelles puissances, toutes luttant pour combler ce vide chaotique de pouvoir, cadeau de l'administration Bush.
(*) Ramzy Baroud est l'auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People's Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »
Mais dater le déclin de la puissance mondiale américaine uniquement sur l'arrivée de l'administration Bush, ou même sur les terribles événements du 11 septembre 2001 [11/9], n'est pas tout à fait exacte. L'effondrement rapide de l'Union Soviétique et la dislocation du Pacte de Varsovie — d'anciens membres de ce pacte s'étant précipités pour rallier l'OTAN dans les années qui ont suivi — ont propulsé en avant une nouvelle élite aux Etats-Unis qui s'est vantée de la viabilité économique et de la suprématie morale du « capitalisme et de la démocratie » à la sauce américaine. Mais un monde unipolaire a représenté pour les dirigeants américains une défi immense, sinon insurmontable.
Tandis que le 11/9 et un président motivé bien qu'ignorant représentaient une occasion pratique de réaffirmer la domination des Etats-Unis à l'échelle mondiale, cete tendance s'est affirmée peu de temps après que l'Union Soviétique se soit effondrée. C'est à partir de 1997 que de réelles initiatives ont été prises avec l'établissement du Projet pour le nouveau siècle américain (PNAC - Project for the New American Century), un groupe de réflexion incluant de nombreux conseillers politiques néo-conservateurs. Leur but était « de favoriser la domination mondiale américaine... [qui] est bonne pour l'Amérique et bonne pour le reste du monde. » William Kristol et Robert Kagan, fondateurs du PNAC, ont été inspirés par la politique de Reagan [pour que les Etats-Unis soient] « la lumière de la force et de la morale ». Mais ce modèle supposé inspiré était justifié par la guerre froide qui a ensuite disparu. Se fabriquer un ennemi était une tâche essentielle pour justifier le repositionnement de la puissance américaine visant à occuper les espaces laissés vide par la disparition du système international bipolaire qui existait depuis la seconde guerre mondiale.
Même le plus récent rapport du PNAC, « Reconstruire les forces de défenses de l'Amérique : les stratégies, les forces, et les ressources pour un nouveau siècle », publié en 2000, a paru peu pertinent et peu alarmiste. Il exprimait « la conviction que l'Amérique devrait chercher à préserver et étendre sa position de domination globale en maintenant la prédominance des forces militaires des Etats-Unis ». Le rapport n'aurait été qu'un autre document peu consulté s'il n'y avait eu les attaques terroristes du 11/9 qui l'ont alors transformé en doctrine définissant la politique extérieure des Etats-Unis pour presque une décennie.
Les guerres et l'occupation de l'Afghanistan et de l'Irak avaient pour objectif de renforcer la capacité des Etats-Unis à protéger leurs intérêts et contrôler leurs affaires internationales. La position de l'Afghanistan était stratégique pour maintenir à distance les puissances montantes de l'Asie — hormis sa valeur militaire et stratégique, l'Afghanistan devrait devenir un passage important pour l'approvisionnement énergétique — tandis que l'Irak devrait permettre aux Etats-Unis d'avoir une présence militaire permanente pour sauvegarder ses intérêts pétroliers dans la toute région et pour garantir la suprématie israélienne sur ses ennemis arabes plus faibles mais rebelles.
Ce plan a bein fonctionné pendant quelques semaines à la suite de la déclaration sur la « mission accomplie » en Irak. Depuis lors, les USA ont appris que traiter les affaires du monde avec une approche militariste est une véritable recette pour amener au désastre. Confronté à une occupation étrangère, les Irakiens ont battu en retraite, mettant en place une scène de cauchemar et promettant la défaite des Etats-Unis dans leur pays. Le plan original consistant à exploiter les regroupements ethniques et religieux dans le pays ont également fait long feu, car l'évolution des alliances a rendu impossible pour les Etats-Unis de choisir soit un allié permanent soit un ennemi à long terme. En Afghanistan la réalité est encore plus triste avec la terrible géographie du pays, la corruption des alliés locaux des Etats-Unis, la réapparition des Talibans et les répliques brutales de la coalition occidentale à l'ascension irréversible des Talibans ; l'Afghanistan est raisonnablement une cause perdue du point de vue militaire.
Mais la mentalité à la gâchette facile qui a régi la politique extérieure des Etats-Unis pendant les années Bush n'est plus dominante et a été depuis contestée au profit d'une approche plus sensible et basée sur le dialogue en politique extérieure, comme le soutient à contre-coeur le candidat du parti Démocrate à la présidence, Barack Obama. Le revirement n'est pas tout à fait guidé par la moralité, cependant, et il est surtout pragmatique. Selon une enquête menée conjointement par le Magazine de politique extérieure [Foreign Policy magazine ] et le Centre pour une nouvelle sécurité américaine [Centre for a New American Security] publiée le 19 février 2008, 88% des officiers militaires américains encore en activité ou non estiment que les seuls exigences de la guerre d'Irak « ont mis les militaires sous pression à un niveau proche de la rupture ». Bien que « non démoralisés », 80% pensent qu'il est « peu raisonnable de s'attendre à ce que l'armée américaine puisse actuellement mener avec succès une autre guerre importante », comme le rapporte CNN. Une telle évaluation n'est pas trop différente des évaluations fournies par les hauts gradés, beaucoup d'entre eux prenant une retraite anticipée pour les mêmes raisons.
Les nouveaux obstacles sur le plan militaire auxquels font face les Etats-Unis au Moyen-Orient ont également eu comme conséquence l'affaiblissement de leur poids politique et de leur position. De plus, leurs alliés régionaux ont pris des coups les uns après des autres : Israël au Liban, la Géorgie en Ossètie du sud, les alliés des américains au Venezuela et dans d'autres pays sud-américains, et ainsi de suite. En effet, ce n'est qu'une question de temps pour qu'un autre concurrent à l'hégémonie mondiale surgisse et mettent à l'épreuve la résolution des Etats-Unis dans ces nouvelles circonstances. Tandis que l'intervention croissante des Etats-Unis en Eurasia avec son bouclier de défense anti-missiles était considérée comme partie intégrante du plan néo-conservateur pour « reconstruire les forces de défenses de l'Amérique », cela a été considéré par la Russie comme une menace pour sa sécurité nationale.
L'invasion par la Géorgie de l'Ossètie du sud a représenté une occasion inespérée pour que Moscou envoie un message limpide à Washington. En écrasant l'armée géorgienne entraînée par les Etats-Unis et Israël, la Russie s'est hissé au rang de concurrent à la domination américaine jusque là incontestée et qui dure depuis presque deux décennies. Les pays tels que l'Iran et la Syrie se sont rapidement manifestés en faveur de la nouvelle Russie, alors que cette dernière cherche à reconstruire ses propres alliances et systèmes de défenses.
La nature et le sens que prendra la confrontation américano-russe ne peuvent aujourd'hui être déterminées avec une précision suffisante. Les facteurs internes et externes en Russie (la corruption, les oligarchies et la capacité de la Russie à trouver une alliance stable) vont se révéler dans l'actuelle confrontation. Ce qui est clair, cependant, est que le prochain président des Etats-Unis se trouvera en tête à tête avec un ordre mondial rigoureusement transformé, produit par le Pandeminium [capitale des enfers] militaire, le déclin économique au niveau national comme mondial et la montée de nouvelles puissances, toutes luttant pour combler ce vide chaotique de pouvoir, cadeau de l'administration Bush.
(*) Ramzy Baroud est l'auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People's Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »
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