lundi, juin 21, 2010

« Israël est un Etat imposteur et criminel »

Juifs ultra-orthodoxes manifestant à Meah Shearim contre le déplacement de tombes près de l'hôpital Barzilai à Ashkelon. (Keystone)

Le mouvement sectaire juif « Toldot Aaron », à la pointe du combat contre l'« Etat sioniste impie », a réuni 100 000 personnes jeudi dernier. Après le feu vert de son rabbin, l'un de ses membres livre sa vision du monde.
« Ici, les photos et les enregistrements sont interdits. » C'est au cœur de Mea Shearim, le plus vieux des quartiers ultraorthodoxes de Jérusalem, que l'on trouve les dix mille membres du mouvement sectaire juif « Toldot Aaron ». Un courant minoritaire mais qui se situe à la pointe du combat contre l'« Etat sioniste impie » et dont les fidèles sont à l'origine des nombreuses manifestations violentes organisées en Israël depuis un an.
Jeudi dernier, ils étaient plus de 100 000 juifs pour fustiger l'« ingérence » de la Cour suprême is­raélienne, qui venait d'interdire la ségrégation entre enfants ashkénazes et séfarades dans une école religieuse de la colonie d'Immanuel, en Cisjordanie. On estime à au moins 400 000 le nombre de juifs ultraortho­doxes.
Rencontrer les « vrais juifs » de « Toldot Aaron » n'est pas facile. Parce qu'ils vivent en communauté et qu'il leur est interdit de quitter la « ville sacrée » de Jérusalem. Mais également parce qu'ils ne peuvent entretenir des contacts avec des « représentants du monde impie » sans autorisation de l'« Admor » (l'autorité suprême du courant) ou de l'un de ses rabbins influents.
Agé d'une quarantaine d'années (il ne sait pas exactement car il utilise le calendrier lunaire hébraïque et non le calendrier grégorien), Yoël Yeshiyahou Gross a toutefois accepté le jeu de l'interview en se déclarant « fier de ce qu'il est ». Vêtu d'une « yarmulke » (kippa tricotée blanche) et d'un caftan zébré de lignes noires et blanches sous lequel il porte encore un gilet noir, une chemise blanche et un châle de prière, notre interlocuteur a pris part à de nombreuses manifestations violentes ces derniers mois. Il le revendique d'autant plus fort que « Toldot Aaron » entraîne derrière lui les autres mouvances de l'ultraorthodoxie juive dans la contestation de l'Etat.
Le Temps : Que reprochez-vous à la Cour suprême israélienne ?
Yoël Yeshiyahou Gross : L'Etat sioniste est un Etat imposteur et criminel. Ses agents prétendent représenter le peuple juif mais nous n'avons rien à voir avec eux. Nous ne le reconnaissons pas plus que les lois de sa soi-disant Knesset et les jugements de ses tribunaux malsains. Beaucoup d'entre nous refusent les documents administratifs israéliens. Moi-même, je n'ai pas de carte d'identité et je ne suis pas inscrit à la sécurité sociale. S'il m'arrive quelque chose et que je suis hospitalisé ou lorsque ma femme accouche, je paie le prix plein et au comptant.
- Vous vivez donc en autarcie ?
Comme les autres courants de ce que vous appelez l'ultraorthodoxie juive, « Toldot Aaron » dispose de ses propres tribunaux rabbiniques et de son propre réseau scolaire. Nous avons des médecins, des dentistes, des épiceries. Bref, nous n'avons besoin de personne.
- Qui finance tout cela ?
Lorsqu'elles ont besoin d'argent pour financer un séjour à l'hôpital par exemple, les familles demandent au « rav » (rabbin), qui dispose de fonds envoyés par les communautés sœurs de l'étranger (Brook­lyn, Anvers, ndlr).
- Cela ne vous dérange pas de vivre de la bienfaisance ?
Non pourquoi ? La stricte application de la Torah prime sur le confort matériel. La loi de Dieu est supérieure à celle des hommes. Dès leur plus tendre enfance, nos enfants apprennent une chanson disant « Dieu est notre seigneur et nous sommes ses esclaves. Nous suivons le chemin de la Torah et nous marchons sur la voie tracée par nos pères. » Les valeurs matérielles n'ont aucune importance pour nous. A contrario, nous accordons la plus grande importance à l'éducation des enfants dans les vraies valeurs juives et à la vie familiale.
- D'autres courants ultraorthodoxes trouvent que vous allez trop loin.
Nous ne faisons pas de compromis. Lorsque j'étais petit, on nous poursuivait dans les rues de Mea Shearim à cause de nos vêtements particuliers et de notre mode de vie. Actuellement, il arrive régulièrement que des laïcs m'interpellent dans la rue pour me traiter de parasite.
- Vous ne vous sentez pas déphasé quand vous allez à Tel-Aviv ?
Je n'y suis jamais allé (la ville est située à 65 km de Jérusalem, ndlr), qu'est-ce que j'y ferais ? Il y a des filles impudiques, des enfants qui se droguent et des homosexuels qui s'embrassent dans les rues.
- Comment le savez-vous ?
Le « rav » me l'a dit.
- Vous préoccupez-vous du conflit avec les Palestiniens ? Comment voyez-vous l'avenir de votre pays ?
Nous sommes anti-sionistes mais nous ne faisons pas de politique contrairement aux « Natureï Karta » (un courant plus minoritaire) qui est en contact avec les Palestiniens et avec l'Iran. Pour le reste, Israël n'est pas mon pays. C'est une structure imposée à partir de l'étranger par des gens qui se prétendent juifs. Ces gens-là sont comme des « goyim » (non-juifs) et certains mangent du porc. Ils n'ont en tout cas rien à voir avec le monde de l'étude et de la tradition que nous représentons. D'une manière ou d'une autre, dans cinq ou dans cent ans, leur Etat finira par disparaître.
- N'avez-vous pas l'impression de passer à côté du progrès ?
Non, c'est vous qui ignorez la profondeur des textes. Nous sommes persuadés que la société moderne va droit dans le mur et tant mieux si l'on nous prend pour des fous. Moins nous entretiendrons de contacts avec la perversion et mieux nous nous sentirons.
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