« Un territoire dans un état de dépression collective »
Bande de Gaza . Pierre Micheletti, président de Médecins du monde qui a rendu public hier un rapport sur la situation sur place, dénonce la détérioration extrême des conditions de vie.
http://www.humanite.fr/ Entretien réalisé par Pierre Barbancey /18 novembre 2006
Votre association vient de publier un rapport intitulé « Bande de Gaza : impact de l’embargo international et des attaques de l’armée israélienne sur l’état de santé de la population ». Qu’est-ce qui a prévalu à une telle enquête ?
Pierre Micheletti. Les informations que nous diffusons dans l’enquête datent de quelques semaines mais il nous a paru important de les mettre en lumière aujourd’hui parce qu’on a le sentiment qu’à la fois les événements au Liban et la reprise de façon discontinue des actions violentes occultent le problème de fond : depuis le début de l’année 2006, inexorablement, l’embargo fait son chemin. Celui-ci a une double conséquence : il contribue à fragiliser la santé de la population de la bande de Gaza et à détériorer le système de santé. Donc, ce rapport veut mettre en exergue ce problème qui demeure.
Quelles conclusions tirez-vous de ce travail mené par vos équipes sur le terrain ?
Pierre Micheletti. En dehors des considérations strictement chiffrées qui ont quand même le mérite de fournir des informations objectives (lire ci-contre), d’un point de vue plus global, notre sentiment est que la bande de Gaza est une zone volontairement maintenue sous respiration artificielle, dans un dosage subtil d’ouverture des frontières qui maintient la tête des populations hors de l’eau, mais au minimum du minimum, que, au fil des mois, l’embargo crée un déséquilibre qui se creuse entre l’état de santé de la population et la dégradation du système de santé. Aujourd’hui, la bande de Gaza est dans un état de dépression collective. Si rien n’est fait, si on ne restaure pas un peu d’espoir, s’il n’y a pas réouverture des frontières, toutes les conditions sont réunies pour que la population de Gaza n’ait d’autre alternative que la violence.
Qu’est-ce qu’une organisation comme Médecins du monde peut faire ?
Pierre Micheletti. Déjà, on peut se servir des informations spécifiques qui sont les nôtres : les effets sur la santé du manque d’eau, de la dégradation des approvisionnements alimentaires, le mauvais état de la santé psychologique de la population de Gaza. Cette proximité de soignants, d’ONG médicale, nous confère quand même de l’information objective qui nous permet d’attirer l’attention de la communauté internationale sur ce conflit et sur la situation de cette population qui est dans une véritable prison à ciel ouvert. Par ailleurs, nous essayons de maintenir nos activités, en particulier un programme de formation des ambulanciers qui reste pertinent et d’actualité dans ce contexte de violence régulière.
Est-ce que ce n’est pas un énième rapport qui risque de rester lettre morte ?
Pierre Micheletti. On ne maîtrise pas les effets qu’aura ce rapport. Mais nous considérons qu’il est de notre responsabilité aujourd’hui, compte tenu de la situation d’observateurs privilégiés de nos équipes, de faire des piqûres de rappel à la communauté internationale. Parce que, encore une fois, on ne parle de cette région et de la situation des territoires palestiniens qu’au détour des événements violents comme ceux qui se sont produits à Beit Hanoun récemment. Mais notre situation d’observateurs privilégiés nous donne le sentiment que nous devons continuer à communiquer sur le problème de fond qui est l’embargo économique et ses conséquences globales sur la totalité des 1,4 million d’habitants qui vivent dans la bande de Gaza.
En conclusion de votre rapport, vous lancez un certain nombre d’appels, vous vous adressez directement aux autorités israéliennes, palestiniennes et au « quartet » composé des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et de l’ONU ?
Pierre Micheletti. Dans une situation aussi complexe , la solution n’appartient pas qu’à un des protagonistes. Sans prendre parti, en ayant pour seule préoccupation l’état de santé, en particulier mental, de la population de
la bande de Gaza, il nous semble que les différents
protagonistes ont leur part de responsabilité. Nous demandons aux autorités israéliennes de cesser leurs attaques indiscriminées contre les infrastructures et contre la population civile, de cesser les incursions, de garantir la protection des personnels de santé et de garantir lès des blessés aux structures de santé. Nous leur demandons aussi de restituer à l’Autorité palestinienne les versements financiers issus des droits de TVA et des droits de douane, parce que la suppression de ces recettes maintient l’asphyxie de
la bande de Gaza. Nous demandons aux autorités palestiniennes de mettre fin aux actions violentes contre les populations civiles du nord d’Israël et de faire en sorte que les militants armés ne puissent pas rentrer dans les structures de soins pour ne pas brouiller la situation, ainsi que de garantir la sécurité de nos équipes. Nous demandons au « quartet » de restaurer les flux économiques pour sortir la population de cette situation intenable.
19.11.06 22:15
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