samedi, septembre 30, 2006

Notre fantôme

de Marco d’Eramo traduit de l’italien par karl&rosa
A l’ère de la communication, l’interstice entre trépas officiel et mort physique s’élargit jusqu’à durer des années et sa nature virtuelle n’en amortit pas les lourds effets politiques. On l’avait vu avec la mort du généralissime Francisco Franco (1975), dont nous ignorerons à tout jamais la date du décès parce que, pour faciliter la transition, sa vie officielle fut prolongée au-delà de toute décence. Le « gérocrate » soviétique Leonid Brejnev survécut lui aussi à lui-même au moins dans lesjournaux télévisés (1982).
Mais jusqu’ici cet éphémère au-delà ne revenait qu’aux autocrates de long cours. Mais la guerre contre la terreur semble octroyer le même ‘avant tombeau’ même au contumace le plus recherché du monde, Osama bin Laden. Hier une fuite d’informations de l’espionnage français annonçait, sur la base d’une note informative des services saoudiens, la mort du fondateur d’Al Qaeda qui aurait péri de fièvre typhoïde au Pakistan le mois dernier.
Le président français Jacques Chirac n’a ni démenti ni confirmé la nouvelle, mais il a diligenté tout de suite une enquête pour découvrir la source de la fuite. Vladimir Poutine, à Paris pour un sommet, a évoqué de possibles manipulations. « Toute fuite de nouvelles est ciblée », a dit le président russe qui, en tant qu’ex colonel du KGB, s’y connaît en désinformation. En effet, ces indiscrétions disent le contraire de ce qui apparaît. Elles fournissent la« preuve » que jusqu’au mois dernier Ben Laden était vivant. Ce n’est pas la première fois que sa mort est « dévoilée ». Et les démentis qui suivent donnent encore des mois durant une vie virtuelle au leader d’Al Qaeda, précisément comme les bulletins sur son agonie gardaient en vie médiatique le caudillo espagnol.
En effet, selon certaines personnes bien informées, Osama Ben Laden serait déjà mort depuis des années : la thèse la plus accréditée le veut défunt à cause d’une insuffisance rénale après que les bombardements états-uniens sur l’Afghanistan ont tué son médecin personnel qui lui administrait les indispensables dialyses. Mais il se peut que, là aussi, il s’agisse d’intox. Sa vie ou sa mort évoluent dans le brouillard du « cela se peut » et des « on dit ». Les seules choses concrètes et certaines sont au nombre de deux.
1) Personne n’est intéressé à un Ben Ladenmort : sa disparition priverait « l’axe du bien » de son Prince de la Nuit, de son Satan privé et minerait la résolution des peuples américain et anglais à combattre la « guerre contre le terrorisme ». Mieux vaut continuer à imaginer ce Belzébuth terré dans les cavernes de l’Hindou Kush.
2) Dans l’espace virtuel, Ben Laden a bon pied. Il ne pérore que sur des vidéos dont, à l’ère de la retouche digitale, personne ne peut certifier la véracité (même les photos ne constituent plus une preuve dans les procès américains). Et dans cet espace il continuera peut-être à prêcher la guerre sainte quand ses os ne seront désormais que de la poussière : en effet, le vice-président Cheney nous a promis une « guerre de 50 ans » contre la terreur.
Post-scriptum. Pour un mort qui est gardé en vie en en annonçant de temps à autre le décès, l’actualité nous propose un vivant défunt malgré lui : cela arrive aulinguiste Noam Chomsky que son fanatique admirateur, le président vénézuelien Hugo Chavez, a regretté de n’avoir pas pu connaître de son vivant. Chomsky, 77 ans, aurait pu lui répondre comme Mark Twain, quand il lut l’annonce de sa propre mort : « C’est une nouvelle grossièrement exagérée ».
http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...
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Pakistan. Disparitions forcées dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme»

AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Index AI : ASA 33/038/2006 (public)Bulletin n° : 246 29 septembre 2006
Embargo : 29 septembre 2006 00h01 TU
En coopérant à la «guerre contre le terrorisme» conduite par les États-Unis, le gouvernement pakistanais a systématiquement violé les droits fondamentaux de centaines de Pakistanais et de ressortissants étrangers. La pratique des disparitions forcées s'est répandue, et des personnes ont été arrêtées et mises au secret dans des lieux tenus secrets, leur détention n'étant pas officialisée. Ces personnes risquent la torture et le transfert illégal dans un pays tiers.
La route de Guantánamo débute littéralement au Pakistan», a déclaré Claudio Cordone, directeur de recherche à Amnesty International.
«Des centaines de personnes ont fait l'objet d'arrestations massives, un grand nombre d'entre elles ont été vendues aux États-Unis comme «terroristes» sur la seule foi de ceux qui les avaient capturées, et des centaines ont été transférées à Guantánamo Bay, sur la base aérienne américaine de Bagram ou dans des centres de détention secrets gérés par les États-Unis.»
Les récompenses de plusieurs milliers de dollars offertes en échange de la remise d'individus soupçonnés de terrorisme ont favorisé les arrestations illégales et les disparitions forcées. Les chasseurs de primes, parmi lesquels des policiers et de simples citoyens, ont capturé des personnes de différentes nationalités, le plus souvent au hasard semble-t-il, et les ont vendues aux Américains. Plus de 85 p. cent des détenus de Guantánamo Bay ont été arrêtés non par les soldats américains, mais par l'Alliance du Nord afghane au Pakistan, quand des récompenses pouvant aller jusqu'à 5000 dollars des États-Unis étaient versées pour chaque «terroriste»
remis aux forces américaines. Souvent, leur détention reposait uniquement sur les allégations de leurs ravisseurs, qui avaient tout à gagner de l'arrestation de ces personnes. Quelque 300 individus, qualifiés auparavant de «terroristes» et de «tueurs» par le gouvernement américain et détenus à Guantánamo Bay ont été depuis lors libérés sans avoir été inculpés et sont retournés au Pakistan ou en Afghanistan.«On n'entendait pratiquement jamais parler de disparitions forcées au Pakistan avant le lancement de la "guerre contre le terrorisme", a déclaré Angelika Pathak, chargée de recherche sur l'Asie du Sud à Amnesty International. Désormais, ce phénomène, qui ne cesse de croître, ne touche plus uniquement les personnes soupçonnées de terrorisme mais aussi les nationalistes et les journalistes baloutches et sindhi.»Le sort et le lieu de détention de nombreux détenus demeurent inconnus. Trois femmes et cinq enfants ont été arrêtés en même temps qu'un ressortissant tanzanien soupçonné de terrorisme, Ahmed Khalfan Ghailani, qui a été arrêté au Pendjab en juillet 2004. Selon certaines informations, un bébé et un garçon saoudien âgé de treize ans s'appelant Talha se trouvaient parmi ces personnes. On ne sait toujours pas, plus de deux ans plus tard, ce que sont devenus Thala, les autres enfants et les femmes. Ahmed Ghailani faisait partie des 14 personnes détenues au secret par la CIA qui ont été transférées à Guantánamo Bay en septembre 2006.
«Arrêtés comme d'autres jeunes gens dans le cadre de la poursuite de la "guerre contre le terrorisme" au Pakistan, ces enfants, pour ne rien dire des adultes, n'ont même pas bénéficié de la présomption d'innocence ni de la possibilité de remettre en question la légalité de leur détention, a déclaré Angelika Pathak. Au lieu de cela, ils ont passé des mois et des années en prison, sans être jugés.» La classe politique, la société civile et les médias pakistanais doivent prendre position et demander des comptes au gouvernement afin qu'il soit mis fin à cette pratique et que le sort réservé à toutes les victimes ainsi que le lieu où elles se trouvent soient tirés au clair.La Commission non gouvernementale des droits humains du Pakistan a constaté une nouvelle tolérance des atteintes aux droits humains, suggérant qu'elle pouvait être attribuée à «l'impact de la "guerre contre le terrorisme" sur l'opinion publique».
Les personnes soupçonnées de terrorisme qui sont détenues au secret au Pakistan sont particulièrement susceptibles d'être torturées. Des personnes ont été pendues par les pieds, frappées et privées de sommeil et de nourriture. Des agents d'autres pays, et en particulier des États-Unis, semblent avoir eu connaissance des interrogatoires de personnes détenues arbitrairement et au secret, ou y avoir assisté.
«Le gouvernement pakistanais doit tenir un registre central des détenus et publier régulièrement des listes de tous les lieux de détention afin qu'à l'avenir nul ne puisse être secrètement emprisonné et risquer d'être torturé ou victime des autres violence qu'une détention secrète induit, a déclaré Angelika Pathak. Il faut que les gouvernements des autres pays, y compris des États-Unis, enquêtent sur toutes les allégations d'actes de torture dont leurs agents pourraient avoir été complices.»Les familles ont peu d'endroits vers lesquels se tourner lorsqu'elles recherchent ceux qui ont été enlevés. La police refuse d'enquêter à ce sujet ou d'enregistrer les plaintes que les proches voudraient déposer. Ceux qui remettent en cause les détentions auprès des hautes cours des provinces sont confrontés au fait que les forces de sécurité refusent de transmettre toute information sur les détenus ; souvent les juges ne vont pas à l'encontre de ces refus.Le Pakistanais Khalid Mehmood Rashid a été remis à des responsables pakistanais en Afrique du Sud le 6 novembre 2005 et envoyé en avion au Pakistan.
On ne l'a pas revu depuis lors. Bien que la détention de Khalid Mehmood Rashid par le gouvernement pakistanais soit reconnue officiellement, le ministère de l'Intérieur n'a pas indiqué aux proches de cet homme qui le questionnaient où Khalid Mehmood Rashid était détenu.Le caractère clandestin de la «guerre contre le terrorisme» rend impossible une connaissance précise du nombre de disparitions forcées, des autres détentions arbitraires et des homicides illégaux qui ont eu lieu au Pakistan. Cependant, le porte-parole de l'armée pakistanaise, le général de division Shaukat Sultan, a déclaré en juin 2006 que, depuis 2001, environ 500 «terroristes» avaient été tués et plus de 1000 arrêtés.
Complément d'informationLe rapport Pakistan. Human rights ignored in the 'war on terror' est disponible sur le site de l'organisation, à l'adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/engasa330362006La synthèse du rapport intitulée Pakistan. Les droits humains bafoués au nom de la «guerre contre le terrorisme» se trouve également sur le site, à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/library/index/fraasa330352006Le texte d'un tract des États-Unis offrant des récompenses considérables pour la capture d'ennemis présumés peut aussi être consulté sur le site d'Amnesty International, à l'adresse suivante : http://www.amnesty.org/resources/pakistan/flyer.htmlPour plus d'informations sur la campagne que mène Amnesty International contre le recours à la torture et à d'autres formes de mauvais traitements dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme», rendez-vous sur la page suivante du site de l'organisation : http://web.amnesty.org/pages/stoptorture-index-fraDocument public****************************************Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d'Amnesty International à Londres, au +44 20 7413 5566,Amnesty International – 1 Easton St., Londres, WC1X 0DW site : http://www.amnesty.org


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vendredi, septembre 29, 2006

Feu vert à la tyrannie?

La Presse
Collaboration spéciale
New York


Au nom de la guerre au terrorisme, le Congrès des États-Unis «a fait reculer notre civilisation de 900 ans». Cette accusation a d'autant plus de poids qu'elle est sortie de la bouche d'un sénateur républicainhier.Élu de la Pennsylvanie, Arlen Specter réagissait ainsi à l'adoption d'un projet de loi sur le traitement des prisonniers capturés dans le cadre de la dite guerre et détenus pour la plupart à Guantanamo.Après avoir été entériné par la Chambre des représentants (mercredi) et le Sénat (hier), le projet de loi n'attend plus que la signature du président américain pour entrer en vigueur.

Cette loi constituera un «outil essentiel» de la lutte antiterroriste, selon George W. Bush, le plus farouche de ses partisans. «Elle nous donnera la capacité d'interroger des suspects de grande importance et en même temps de juger des personnes dans nos tribunaux militaires», a déclaré le président hier matin au Sénat, où il s'était rendu pour inciter les membres de son parti à voter en faveur du texte controversé. «Il ne faut pas oublier qu'il existe toujours un ennemi voulant fairedu mal aux États-Unis», a-t-il ajouté.En fin de journée, le Sénat a adopté le texte controversé par 65 voix contre 34.Dans sa remarquable critique, le sénateur Specter déplorait une décision spécifique du Congrès, celle de priver les prisonniers de la guerre au terrorisme de l'habeas corpus, le droit de la personne le plus ancien. Inscrit dans la Grande Charte de 1215, ce droit permet notamment à une personne détenue illégalement de demander à un juge sa remise en liberté.Président de la commission des Affaires judiciaires, le sénateur Specter a présenté un amendement accordant ce droit aux terroristes présumés. L'amendement a été défait de justesse.
Une loi «tyrannique»
Ainsi, grâce à la nouvelle loi, le gouvernement américain pourra détenir indéfiniment, à Guantanamo ou dans ses prisons secrètes, tous ceux qu'il aura désignés sous le vocable de «combattants ennemis illégaux». Mal défini, ce vocable pourraits'appliquer non seulement aux étrangers, mais également aux résidents et citoyens américains, selon certains experts.La nouvelle loi contiendra plusieurs autres dispositions controversées. Elle interdira certes la torture, comme le souhaitait le sénateur républicain John McCain. Mais elle permettra néanmoins au président de définir lui-même les méthodes d'interrogation admissibles. Des méthodes que le gouvernement ne sera pas tenu de divulguer.La loi immunisera d'autre part tous les agents qui auraient déjà recouru à la torture dans les prisons secrètes de la CIA.Dans un éditorial publié hier matin, le New York Times avait qualifié la loi de «tyrannique», un mot utilisé par d'autres critiques, dont le commentateur conservateur Andrew Sullivan.Dans l'enceinte du Sénat, les démocrates, à quelques exceptions près, ont rivalisé d'indignation.«Que s'est-il passé pour que le Sénat soit prêt à transformer le bastion de la liberté qu'étaitl'Amérique en une marmite de soupçons gérée par un gouvernement sans contrôle?» a demandé le sénateur démocrate Patrick Leahy.
Élections de mi-mandat
L'adoption du projet de loi fait suite à une décision de la Cour suprême, qui invalidait en juin le système mis en place par l'administration Bush pour juger les «combattants ennemis» à Guantanamo. Dans sa décision, le haut tribunal affirmait qu'il incombait au Congrès et non au président de codifier le traitement des terroristes présumés.Hier, sous la forte pression du président, le Congrès est passé à l'action.À moins de six semaines des élections de mi-mandat, les républicains n'ont pas caché leur intention de transformer en argument électoral le vote sur le traitement des «combattants ennemis».Mercredi, le président de la Chambre des représentants, Dennis Hastert, a donné une idée du débat à venir en accusant les démocrates d'avoir voté «en faveur de plus dedroits pour les terroristes».
Richard Hétu / 29 septembre 2006 / Cyberpresse

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jeudi, septembre 28, 2006

Mordechaï Vanunu : « C’est parce qu’Israël détient la bombe atomique qu’il peut pratiquer sans crainte l’apartheid »

Ingénieur au centre de Dimona, Mordechaï Vanunu révéla, en 1986 au Sunday Times, l’existence du programme nucléaire militaire israélien. Enlevé en Italie par le Mossad alors qu’il venait de contacter les journalistes britanniques et avant que leur article ne paraisse, il fut jugé à huis clos et emprisonné dix-huit ans. Bien qu’interdit de contact avec la presse, il a répondu aux question de Silvia Cattori pour le Réseau Voltaire.

Silvia Cattori : Quel était votre travail en Israël, avant que des agents du Mossad ne vous kidnappent à Rome, en octobre 1986 ?
Mordechaï Vanunu : Depuis neuf ans, je travaillais au centre de recherches en armements de Dimona, dans la région de Beer Sheva. Juste avant de quitter ce travail, en 1986, j’avais pris des photos à l’intérieur de l’usine, afin de montrer au monde qu’Israël cachait un secret nucléaire. Mon travail, à Dimona, consistait à produire des éléments radioactifs utilisables pour la fabrication de bombes atomiques. Je savais exactement quelles quantités de matières fissiles étaient produites, quels matériaux étaient utilisés et quelles sortes de bombes étaient fabriquées.
Révéler au monde – seul – que votre pays était secrètement détenteur de l’arme nucléaire…, n’était-ce pas là prendre un très grand risque ?
Mordechaï Vanunu : Si j’ai décidé de le faire, c’est parce que les autorités israéliennes mentaient. Elles se répandaient, répétant que les responsables politiques israéliens n’avaient nullement l’intention de se doter d’armes nucléaires. Mais, en réalité, ils produisaient beaucoup de substances radioactives ne pouvant servir qu’à cette seule fin : confectionner des bombes nucléaires. Des quantités importantes : j’ai calculé qu’ils avaient déjà, à l’époque – en 1986 ! – plus de deux cents bombes atomiques. Ils avaient aussi commencé à fabriquer des bombes à hydrogène, très puissantes. Aussi ai-je décidé de faire savoir au monde entier ce qu’ils tramaient dans le plus grand secret. Et puis, aussi, je voulais empêcher les Israéliens d’utiliser des bombes atomiques, afin d’éviter une guerre nucléaire au Moyen-Orient. Je voulais contribuer à apporter la paix dans cette région. Israël, détenant déjà des armes surpuissantes, pouvait faire la paix : il n’avait plus à redouter une quelconque menace palestinienne, ni même arabe, car il possédait tout l’armement nécessaire à sa survie.
Vous étiez préoccupé par la sécurité, dans l’ensemble de la région ?
Mordechaï Vanunu : Oui. Absolument. Bien entendu, ce n’est pas pour le peuple israélien que j’ai fait ce que j’ai fait. Les Israéliens avaient élu ce gouvernement, et ce gouvernement avait décidé de les doter d’armes nucléaires. Vous savez, tous les Israéliens suivent de très près la politique du gouvernement israélien… Mais, en ce qui me concerne, je réfléchissais à partir du point de vue de l’humanité, du point de vue d’un être humain, de tous les êtres humains vivant au Moyen-Orient, et aussi de tous les êtres humains, dans le monde entier. Parce que ce qu’Israël avait fait, beaucoup d’autres pays pourraient le faire.
Aussi ai-je décidé, dans l’intérêt de l’humanité, de faire connaître au monde entier le danger que représentaient les armes nucléaires secrètes d’Israël. En 1986, on était en pleine Guerre froide et les armes nucléaires proliféraient. Elles étaient en train de se répandre dans plusieurs pays encore non-nucléaires, comme l’Afrique du Sud, et d’autres. Le danger représenté par les armes nucléaires était réel. De nos jours, ce danger a diminué.
Saviez-vous à quoi vous vous exposiez ? Pourquoi était-ce vous, en particulier, qui deviez prendre un si grand risque, et personne d’autre ?
Mordechaï Vanunu : Bien entendu, je savais ce que je risquais. Mais ce que je pouvais faire, personne d’autre que moi n’aurait pu le faire. Je savais que j’aurais eu affaire au gouvernement israélien. Ce n’est pas comme si j’avais été quelqu’un qui s’en serait pris à des intérêts privés ; je savais que je m’en prenais directement au gouvernement israélien et à l’État juif israélien. Je savais donc qu’ils pouvaient me châtier, qu’ils pouvaient me tuer, qu’ils pouvaient faire de moi absolument tout ce qu’ils voulaient. Mais j’avais la responsabilité de dire la vérité au monde. Personne d’autre que moi n’était en mesure de le faire : il était donc de mon devoir de le faire. Quels qu’aient été les risques.
Votre famille vous a-t-elle, alors, soutenu ?
Mordechaï Vanunu : Les membres de ma famille ont été incapables de comprendre ma décision. Pour eux, le plus dérangeant fut de découvrir que je m’étais converti au christianisme. Pour eux : c’était plus dommageable, plus douloureux que le fait que j’ai révélé les secrets nucléaires d’Israël… Je les respecte, ils respectent ma vie. Nous sommes restés en bons termes, mais nous ne nous fréquentons plus.
Vous sentez-vous seul ?
Mordechaï Vanunu : Oui. Bien sûr, je suis seul, ici, à la cathédrale Saint-Georges. Mais j’ai beaucoup d’amis, qui me soutiennent.
Dans quelles conditions avez-vous été jugé et emprisonné ?
Mordechaï Vanunu : Mon procès a été tenu dans le secret le plus absolu. J’étais seul, avec mon avocat. J’ai été condamné pour espionnage et trahison. Les autorités israéliennes se sont vengées sur moi en me maintenant en isolement cellulaire durant toute la durée du procès. Elles n’autorisaient personne à me voir ni à me parler, et m’interdisaient de m’adresser aux médias. Elles ont publié beaucoup de désinformation à mon sujet. Le gouvernement israélien a utilisé tout son pouvoir médiatique pour faire un lavage de cerveau de l’opinion publique. Pour laver le cerveau des juges, aussi, au point de les convaincre de la nécessité de me mettre en prison. Ainsi, mon procès a été tenu secret et les médias n’ont pas pu accéder à la vérité ; ils n’ont pas pu m’entendre. Les gens étaient convaincus que j’étais un traître, un espion, un criminel. Il n’y eut pas un atome de justice, dans ce jugement. Mais il n’y avait pas que le procès : le plus cruel fut de m’isoler, en prison. Ils m’ont puni non seulement par l’emprisonnement, mais aussi en m’isolant totalement, en m’épiant en permanence, au moyen de mauvais traitements particulièrement vicieux et cruels : ils ont essayé de me faire mettre en colère, ils ont essayé de me faire regretter ce que j’avais fait. J’ai été maintenu au secret, dix-huit années durant, dont onze années et demie en isolement total. La première année, ils ont mis des caméras dans ma cellule. Ils ont laissé la lumière allumée trois années d’affilée ! Leurs espions me battaient sans cesse, ils m’empêchaient de dormir. J’ai été soumis à un traitement barbare ; ils ont tenté de me briser. Mon objectif était de tenir, de survivre. Et j’ai réussi !…
Par chance, on ne vous a pas pendu haut et court, comme le voulait pourtant le ministre de la Justice d’alors, Tommy Lapid. Vous avez tenu bon, et vous avez été relâché le 21 avril 2004. Vous aviez tout juste 50 ans !
Mordechaï Vanunu : S’ils m’ont relâché, c’est parce que j’avais purgé les dix-huit ans de prison auxquels ils m’avaient condamné. Ils voulaient me tuer. Mais, en fin de compte, le gouvernement israélien a décidé de n’en rien faire.
En avril 2004, les télévisions ont montré votre sortie de prison. Le monde a alors découvert ce qui vous était arrivé. Vous êtes apparu devant les caméras heureux, déterminé, combatif : tout le contraire d’un homme brisé…
Mordechaï Vanunu : Sortir de prison, aller parler au monde entier, fêter ça… après dix-huit ans de captivité, d’interdiction de tout :… ce fut un grand moment…
Vos geôliers n’ont donc pas réussi à vous briser mentalement ?
Mordechaï Vanunu : Non ; absolument pas. Mon objectif était de sortir, et de parler au monde entier, de faire comprendre aux autorités israéliennes qu’elles avaient échoué. Mon but était de survivre, et cela a été ma plus grande victoire sur toutes ces organisations d’espionnage. Ils ont réussi à me kidnapper, à me traîner devant leur tribunal, à me maintenir en prison, au secret, pendant dix-huit ans… et j’ai survécu à tout ça. J’ai souffert, certes ; mais j’ai survécu. Malgré tous leurs crimes, je suis toujours vivant, et je suis même en excellente santé ! Je suis de forte constitution ; c’est sans doute grâce à çà, que j’ai surmonté l’épreuve.
Qu’est-ce qui vous a aidé à tenir ?
Mordechaï Vanunu : Ma fermeté. Le fait de continuer à être convaincu que j’avais eu raison de faire ce que j’avais fait. La volonté de leur faire comprendre que, quoi qu’ils fassent pour me châtier, je continuerais à rester en vie.
Quel est le plus grand obstacle auquel vous ayez à faire face, actuellement ?
Mordechaï Vanunu : On m’interdit de quitter Israël. J’ai été libéré de prison, mais ici, en Israël, je suis dans une grande prison. Je voudrais quitter ce pays, aller jouir de la liberté dans le vaste monde. J’en ai marre du pouvoir israélien. L’armée peut venir m’arrêter à tout instant, me punir. Je sens que je suis à leur merci. J’aimerais tellement vivre loin, très loin d’ici…
Quand Israël vous laissera-t-il quitter le pays ?
Mordechaï Vanunu : Je n’en sais rien. Ils m’ont interdit de quitter Israël pendant une année. Un an ayant passé, ils ont renouvelé l’interdiction pour une nouvelle année, qui prendra fin en avril prochain. Mais ils peuvent encore prolonger l’interdiction, aussi longtemps qu’il leur plaira…
Quel regard portez-vous sur le Traité de non-prolifération nucléaire quand, dans le cas d’Israël, on tolère « l’ambiguïté nucléaire », alors qu’on met constamment sous pression l’Iran – un pays qui, lui, se soumet aux inspections ?
Mordechaï Vanunu : Tous les pays devraient être ouverts aux inspections internationales et dire la vérité sur ce qu’ils sont en train de faire, secrètement, dans toutes les installations nucléaires dont ils disposent. Israël n’a pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire. Ce sont près de cent quatre-vingt pays qui l’ont fait, dont tous les pays arabes. L’Égypte, la Syrie, le Liban, l’Irak, la Jordanie… : tous les pays voisins d’Israël ont ouvert leurs frontières aux inspections de l’AIEA. Israël est le pire exemple. C’est le seul pays qui ait refusé de signer le Traité de non-prolifération nucléaire. Les États-Unis et l’Europe devraient commencer par régler le cas d’Israël ; Israël doit être considéré à l’instar de n’importe quel autre pays. Nous devons en finir avec l’hypocrisie, et obliger Israël à signer le Traité de non-prolifération nucléaire. Il faut imposer à Israël le libre accès des inspecteurs de l’AIEA au centre de Dimona.
L’Iran, qui remplit ses obligations et accepte les inspections de l’ONU, est pourtant menacé de sanctions. Israël, qui est doté de l’arme nucléaire et refuse toute inspection de l’AIEA, ne fait l’objet d’aucune poursuite. Pourquoi ce « deux poids, deux mesures » de la part des États-Unis, mais aussi de l’Europe ?
Mordechaï Vanunu : Oui ; c’est même encore pire que ce que vous dites : non seulement on ne s’en prend pas à Israël, mais on aide même ce pays en secret. Il y a une coopération secrète entre Israël et la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis. Ces pays ont décidé de contribuer à la puissance nucléaire d’Israël afin de faire de ce pays un État colonial, dans le monde arabe. Ils aident Israël, parce qu’ils veulent que ce pays soit à leur service, en tant que pays colonialiste contrôlant le Moyen-Orient, ce qui leur permet de s’emparer des revenus pétroliers et de maintenir les Arabes dans le sous-développement et les conflits fratricides. Telle est la principale raison de cette coopération.
L’Iran n’est-il pas, comme l’affirment Israël et les États-Unis, une menace ?
Mordechaï Vanunu : Étant sous le contrôle des inspecteurs de l’AIEA, l’Iran ne représente aucun danger. Les experts occidentaux savent parfaitement quelle est la nature du programme nucléaire iranien. Contrairement à Israël, qui ne laisse personne accéder à ses installations nucléaires. C’est la raison pour laquelle l’Iran a décidé d’aller de l’avant et de dire au monde entier : « Vous ne pouvez pas exiger de nous plus de transparence, alors que vous continuez à fermer les yeux sur ce qui se passe en Israël ! » Tous les Arabes voient, depuis quarante ans, qu’Israël a des bombes atomiques et que personne ne fait rien contre ça. Tant que le monde continuera à ignorer les armes atomiques d’Israël, il ne pourra pas se permettre de dire quoi que ce soit à l’Iran. Si le monde est vraiment préoccupé, et s’il veut sincèrement mettre un terme à la prolifération nucléaire, qu’il commence donc par le commencement, c’est-à-dire : Israël !…
Vous devez être agacé, quand vous entendez Israël, qui n’est pas en règle, dire qu’il est prêt à bombarder l’Iran, qui, à ce stade, n’a enfreint absolument aucune règle !
Mordechaï Vanunu : Oui ; cela me met hors de moi. Nous n’avons rien à reprocher à l’Iran : avant de faire quoi que ce soit contre un quelconque autre pays, il faut s’occuper du cas israélien. Si quelqu’un veut s’en prendre à l’Iran, il doit, préalablement, s’en prendre à Israël. Le monde ne peut ignorer ce qu’Israël fait, en la matière, depuis plus de quarante ans… Les États-Unis devraient obliger Israël à signer le Traité de non-prolifération nucléaire. Et il est grand temps, aussi, pour l’Europe, de reconnaître officiellement qu’Israël possède des bombes atomiques. L’ensemble du monde arabe devrait être extrêmement inquiet en entendant tous ces discours qui incriminent l’Iran, qui ne possède aucune arme atomique, et qui continuent à ignorer Israël.
Quels sont les États qui ont coopéré avec Israël ?
Mordechaï Vanunu : Israël a aidé la France et la Grande-Bretagne dans leur campagne contre l’Égypte, en 1956. Après l’opération de Suez, la France et la Grande-Bretagne ont commencé à coopérer au programme nucléaire israélien, afin de remercier Israël pour le soutien qu’il leur a apporté, durant cette guerre.
L’Afrique du Sud n’a-t-elle pas aidé Israël, jusqu’en 1991 ?
Mordechaï Vanunu : C’est effectivement en Afrique du Sud, dans le désert, qu’Israël a procédé à ses essais nucléaires…
Dans les années soixante, le président Kennedy aurait, semble-t-il, demandé qu’il y ait des inspections à Dimona, en Israël. Voyez-vous un lien entre cette demande et son assassinat ?
Mordechaï Vanunu : Je pense qu’à l’époque de Kennedy, les États-Unis étaient opposés au programme nucléaire israélien. Kennedy a tenté d’arrêter Israël, en la matière, mais son assassinat ne lui en a pas laissé le temps… Pour moi, le mobile de l’assassinat de Kennedy est lié à la diffusion d’armes nucléaires en Israël et dans d’autres pays. Ceux qui l’ont assassiné étaient des gens qui étaient favorables à la dissémination nucléaire. Grâce à l’élimination du gêneur Kennedy, la prolifération a pu continuer. De fait, les présidents Johnson et Nixon [qui ont succédé à Kennedy, ndt] n’y voyaient aucun inconvénient : ils ont laissé faire Israël. Constatons simplement que c’est bien un changement allant en ce sens qui s’est manifesté, après l’assassinat de Kennedy…
Votre dénonciation n’a pas empêché Israël de maintenir taboue cette question : il a réussi à ne pas se mettre les grandes puissances à dos. Sa stratégie de l’opacité se serait-elle donc avérée efficace ?...
Mordechaï Vanunu : Force est bien de reconnaître que oui. Israël est un cas d’école. Comment un petit pays peut-il défier le monde entier et poursuivre une politique agressive, sans le moins du monde se préoccuper des autres ? Les Israéliens ont réussi à le faire, à l’époque, oui… Mais aujourd’hui, le monde a changé. La Guerre froide est terminée, le communisme est défait, le monde s’oriente vers la paix : on le voit, des armes nucléaires n’aideront Israël en rien. Maintenant qu’Israël doit montrer qu’il désire la paix, et de quelle manière il entend y contribuer, pour ce pays, de quelle utilité pourraient bien être des armes nucléaires ? La politique nucléaire israélienne était possible, dans le contexte de la Guerre froide. Mais aujourd’hui, nous devons obtenir d’Israël qu’il adopte une nouvelle politique, qu’il démontre au monde entier qu’il veut la paix et qu’il reconnaisse qu’il n’a nul besoin d’armes atomiques.
Dans les années cinquante, Israël disposait déjà d’un armement considérable. Quelle raison avait-il alors de se doter de l’arme nucléaire ?
Mordechaï Vanunu : Un pays aussi petit qu’Israël n’a aucune raison valable de détenir un nombre aussi énorme d’armes atomiques. C’est un peu comme si le programme d’armement nucléaire d’Israël lui était monté à la tête. On ne peut en aucun cas utiliser d’arme atomique dans la région : toute bombe atomique qui serait utilisée contre la Syrie, l’Égypte ou la Jordanie aurait des effets radioactifs et rendrait la vie impossible en Israël également. Toute bombe endommagerait Israël même. Jusqu’ici, les Israéliens n’ont pas même le droit de discuter de cette question entre eux. Néanmoins, ce problème occupe tous les esprits. Nous attendons la réponse d’Israël sur cette question.
Pour Israël, ne s’agit-il pas d’une arme qui lui permet de maintenir le statu quo ? D’un instrument de chantage politique ? Pour pouvoir discuter d’égal à égal avec les grands – États-Unis en tête – et ne rien concéder aux Arabes, qu’Israël a spoliés et qui sont faibles militairement ?
Mordechaï Vanunu : Oui. C’est tout à fait cela. Israël utilise la puissance des armes nucléaires afin d’asséner ses politiques. Israël a beaucoup de pouvoir, il écrase l’ensemble de ses voisins de son arrogance. Les États-Unis – même eux ! – ne sont pas en mesure de dire aux Israéliens ce qu’ils doivent faire. Aujourd’hui, l’Europe voit à quel point Israël est puissant. Même sans utiliser la bombe atomique, même sans brandir la menace qu’ils le feraient, les Israéliens peuvent imposer leur pouvoir, ils peuvent faire absolument tout ce qu’ils veulent : ils peuvent ériger leur muraille, ils peuvent édifier des colonies en Palestine…, personne n’est en mesure de leur dire qu’ils n’ont pas le droit de le faire, parce qu’ils sont extrêmement puissants.
Photo prise secrètement par Mordechaï Vanunu à l’intérieur de la centrale de DimonaC’est là le résultat de leur utilisation des armes atomiques à des fins de chantage politique. Ils peuvent utiliser des bombes atomiques contre tout pays qui voudrait stopper leur politique agressive à l’encontre des Palestiniens. Telle est la situation, aujourd’hui. Le monde entier le sait, tout le monde le sait. Et il y une autre raison, pour laquelle ni les États-Unis ni l’Europe ne font strictement rien : c’est qu’ils savent à quel point Israël est puissant. Par conséquent, la meilleure manière de contrer Israël consiste à faire savoir la vérité au monde et à étudier ce qui s’y passe, dans le domaine de l’armement atomique, jusqu’à ce qu’il y renonce.
Israël a-t-il envisagé de recourir à l’arme nucléaire contre ses voisins arabes, en 1973 ?
Mordechaï Vanunu : Oui. En 1973, Israël était prêt à utiliser des armes atomiques contre la Syrie. Et contre l’Égypte.
Pour avoir révélé un secret d’État, vous avez énormément souffert. Finalement ; pour quel résultat ?
Mordechaï Vanunu : Tout d’abord, le monde a maintenant la preuve qu’Israël possède des armes atomiques. Personne, désormais, ne peut plus ignorer la vérité en ce qui concerne le projet nucléaire d’Israël. Après ça, Israël s’est trouvé dans l’impossibilité totale d’avoir recours à ces armes. Un autre résultat de mon action, c’est le fait que le monde a pris conscience de ce que ce petit État juif a fait, dans le plus grand secret. Et le monde a découvert, aussi, sur quels mensonges et sur quelle désinformation cet État a été édifié. Le fait de savoir qu’un si petit pays ait été capable de fabriquer secrètement deux cents bombes atomiques a contribué à alerter l’opinion publique mondiale sur son comportement. La peur qu’un autre petit pays puisse faire la même chose et fabriquer des armes atomiques a incité le monde à se mettre à réfléchir à la manière de stopper la prolifération nucléaire et d’empêcher Israël d’aider d’autres pays à utiliser ces armes, à l’avenir. Quand le monde a découvert ce qu’Israël a fait dans le plus grand secret, la peur de la prolifération nucléaire s’est manifestée. Le monde a pris conscience du pouvoir d’Israël et il a commencé à exercer des pressions sur ce pays afin de le contraindre à faire la paix avec les Palestiniens et avec le monde arabe. Israël n’avait plus aucune raison d’affirmer qu’il redoutait ses voisins arabes, dès lors qu’il disposait, depuis la fin des années cinquante, de suffisamment d’armes pour assurer sa sécurité.
Pour quelles raisons Israël continue-t-il de vous persécuter ?
Mordechaï Vanunu : Ce que j’ai fait contrarie tellement toutes les attitudes politiques israéliennes ! Les Israéliens ont dû changer leurs plans. La politique nucléaire secrète d’Israël est l’œuvre de Shimon Pérès. Et voilà que cette politique consistant à fabriquer des armes atomiques clandestinement s’est effondrée ! À cause de cette révélation, Israël a dû emprunter une nouvelle direction, définir de nouveaux plans et ce à quoi nous assistons aujourd’hui est la conséquence de mes révélations. Ils ont dû inventer de nouvelles sortes d’armes. Aujourd’hui, ils construisent leur muraille, leurs check-points, leurs colonies et ils se sont arrangés pour rendre la société juive plus religieuse, plus nationaliste, plus raciste. Au lieu d’aller dans une autre direction, au lieu de comprendre qu’il n’y a pas d’autre solution que la paix, au lieu de reconnaître aux Palestiniens des droits égaux et de mettre un terme au conflit. Israël ne veut pas mettre fin au conflit. Ce qu’Israël veut, c’est continuer à construire sa muraille et ses colonies !…
Vous avez accompli un véritable exploit !
Mordechaï Vanunu : En tant qu’être humain, j’ai fait quelque chose pour la sécurité et le respect de l’humanité. Tout pays a le devoir de nous respecter, tous, en tant qu’êtres humains, quelle que soit notre religion, que l’on soit juifs, chrétiens, musulmans, bouddhistes… Israël a un gros problème : ce pays ne respecte pas les êtres humains. Ce que ce pays a pu faire, parce qu’il ne considère pas les autres humains comme des égaux, est absolument terrible. Le résultat est dévastateur, pour l’image d’Israël ; l’État d’Israël n’est en aucun cas une démocratie. L’État juif est raciste. Le monde devrait savoir qu’Israël met en pratique une politique d’apartheid : si vous êtes juif, vous avez le droit d’aller où vous voulez et de faire ce que bon vous semble ; si vous n’êtes pas juif, vous n’avez aucun droit. Ce racisme est le véritable problème auquel Israël est confronté. Israël est bien incapable de prouver qu’il est une démocratie. Personne ne peut accepter cet État raciste ; ni les États-Unis, ni les pays européens. Les armes nucléaires israéliennes, ils pourraient, à la rigueur, les accepter… Mais comment pourraient-ils justifier cet État d’apartheid fasciste ?
Vous semblez refuser de reconnaître la légitimité de cet État ?
Mordechaï Vanunu : Bien sûr. C’est ce que j’ai dit, à ma sortie de prison : nous ne devons pas accepter cet État juif. L’État juif d’Israël est le contraire de la démocratie ; nous avons besoin d’un État pour tous ses citoyens, sans égard pour leurs croyances religieuses. La solution, c’est un État unique, pour tous ses habitants, de toutes les religions, comme c’est le cas dans des démocraties comme la France ou la Suisse, et non pas seulement un État pour les juifs. Un État juif n’a absolument aucune raison d’être. Les juifs n’ont pas besoin d’un régime fondamentaliste comme celui qui règne en Iran. Les gens ont besoin d’une véritable démocratie, qui respecte les êtres humains. Aujourd’hui, dans la région du Moyen-Orient, nous avons deux États fondamentalistes : l’Iran, et Israël. Mais Israël est très en avance, en matière de fondamentalisme, même sur l’Iran !…
À vos yeux, Israël est-il donc une plus grande menace que l’Iran ?…
Mordechaï Vanunu : Bien entendu : nous savons ce que les Israéliens font subir au peuple palestinien, depuis plus de cinquante ans ! Il est grand temps, pour le monde, de s’en souvenir et de se préoccuper de l’holocauste palestinien. Les Palestiniens ont tellement souffert, et depuis tellement longtemps, à cause de toute cette oppression ! Les juifs ne les respectent absolument pas, ils ne les considèrent pas comme des êtres humains ; ils ne leur accordent aucun droit, et ils continuent à les persécuter, à mettre en danger la vie présente des Palestiniens, et par conséquent leur propre avenir, aussi.
Que dites vous à mon pays, la Suisse, qui est dépositaire des Conventions de Genève ?
Mordechaï Vanunu : La Suisse devrait condamner très clairement et à haute voix la politique raciste d’Israël, c’est-à-dire toutes les violations des droits des Palestiniens, tant musulmans que chrétiens. Tous les pays doivent exiger du gouvernement israélien qu’il respecte les non-juifs, en tant qu’êtres humains. De fait, je n’ai pas le droit de vous parler, je ne suis pas autorisé à parler à des étrangers ; si je m’exprime quand même, c’est à mes risque et périls. Israël a utilisé des dédommagements de l’Holocauste pour fabriquer des armes, pour détruire des maisons et des biens palestiniens. Je serai très satisfait si votre pays me donne un passeport et m’aide à quitter ce pays, Israël. La vie est très dure, ici. Si vous êtes juif, vous n’avez aucun problème ; si vous ne l’êtes pas [ou plus], on vous traite sans le moindre respect.

voltairenet.orgmardi 26 septembre 2006
http://20six.fr/basta/art/1335202

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La Loi israélienne et la Route 443


Les nombreux Israéliens qui se rendent régulièrement à Jérusalem en passant par Modi'in sont bien au courant des gros cubes de ciment près des pancartes qui indiquent les routes d'accès aux villages palestiniens de chaque côté de la grand-route connue sous le nom de Route 443. Toute personne qui prend la peine de regarder sur les côtés peut voir, au delà des cubes, sur le côté de la route, des voitures portant des plaques d'immatriculation de l'Autorité Palestinienne. Ceux qui ont de bons yeux pourront apercevoir de loin les passagers gravir les collines.
La dernière section de la Route 443. Les prairies vertes et ciel bleu sur le béton gris qui cache les arabes. (Photo Miki Kratsman – haaretz.com)
Peu se rendent compte que depuis six ans maintenant, depuis le soulèvement de l'Intifada, la routen'est utilisée que par des Israéliens. Les Palestiniens ont interdiction de circuler même le long de la portion de route qui fait neuf kilomètres et demi de long et traverse le territoire de la Cisjordanie, comprenant des terres qui ont été confisquées et où des arbres ont été coupés "pour des besoins publics".
Les soldats des Forces de Défense Israélienne assurent que seuls des chanceux à qui il a été accordé une autorisation provisoire peuvent profiter du raccourci.Maintenant, il semble qu'il n'y ait aucun ordre donnant une validité légale à la discrimination à la circulation en fonction de la nationalité.En réponse à une question de Haaretz, le porte-parole de l'IDF a confirmé que : "A la lumière des nombreux risques de sécurité et des menaces pour le trafic sur la route 443 au cours de ces dernières années, il a été décidé par le commandement central des Forces de Défense Israélienne de fermer plusieurs routes d'accèsqui relient directement le village à la route.
"Mais en même temps, le porte-parole insisite sur le fait que "Aucun ordre interdisant de circuler sur la route n'a été publié." et de toute façon, "il n'y a aucune interdiction de la part de l'IDF concernant le trafic palestinien sur la portion de la grand-route située dans les territoires de la région de Judée et Samarie (Cisjordanie).
Néanmoins, dans le même rapport qui affirme "qu'il n'y a aucune interdiction concernant le trafic palestinien sur la portion palestinien de la grand-route", on affirme également qu'en raison des risques de sécurité, certaines des routes d'accès qui relient les villages à la grand-route sont fermées "de manière permanente".Selon le rapport, certaines des autres routes sont ouvertes et "sont fermées selon une estimation de la situation de sécurité".
L'avocat Limor Yehuda de l'Association pour les Droits Civiques en Israel(ACRI), qui prépare une pétition sur le sujet pour la Cour Suprême israélienne, voit la situation différemment. Selon elle, la plupart des routes sont habituellement fermées, et de temps en temps une autorisation spéciale pour utiliser la grand-route est donnée à un nombre limité de voitures.
Certaines des routes d'accès ont été bloquées avec des rochers, d'autres avec des barrières en béton, et il y a celles qui ont été fermées avec des portes métalliques.Un conducteur palestinien qui est pris sur la grand-route peut s'attendre à un retard prolongé, un avertissement et une grosse frayeur, et même parfois à la confiscation des clefs du véhicule et également à des sanctions plus dures. En mai dernier, ACRI a sollicité le commandant en chef du GOC, Yair Naveh, au nom des responsables des conseils de village de Beit Sira, Beit Likiyeh, Hirbet al-Masbah, Beit ‘Ur al Tahta, Beit ‘Ur al Fuqa et Tsaffeh.
Yehuda a faitremarquer que la Route 443 est la principale route qui relie les 25.000 habitants des six villages à la grande ville de la région, Ramallah, et sert de moyen de communication entre ces villages.Un mois plus tard, des personnes de l'Administration Civile sont venues dans le village de Beit Sira et ont proposé au chef du Conseil, Ali Abu Tsafya, d'accorder des autorisations de passage à un certain nombre de propriétaires de taxi du village.
Il a insisté pour que la route soit ouverte à tous les habitants du village, comme c'était le cas par le passé. Les visiteurs ont promis d'organiser une réunion avec l'un des officiers responsables. Depuis lors, personne n'a appelé et le Général Naveh n'a pas répondu à la lettre.Yehuda a écrit que suite au blocus des routes d'accès à la grand-route, les habitants ont dû utiliser des routes de contournement, dont certaines d'entre elles sont des chemins de terre qui traversent les villages et serpententsur de petites routes sinueuses.
Pour cette raison, les déplacements dans la régions sont devenus plus longs, dangereux et coûteux. Au lieu d'un voyage d'un quart d'heure dans des conditions confortables sur la Route 443 entre le village de Beit Sira et de Betunya pour aller à Ramallah, les habitants doivent passer par des chemins de terre sinueux qui deviennent infranchissables en hiver. Le coût du voyage a plus que doublé et plusieurs des habitants des villages ne peuvent pas supporter les coûts.
Cela n'a pas pour but d'empêcher les Palestiniens des territoires à passer du côté israélien de la Ligne Verte (la frontière d'après la Guerre des Six Jours), mais sur une route qui est située entièrement dans la région de Cisjordanie. Aux deux entrées du territoire de l'Etat d'Israel, il y a des barrages routiers qui sont gérés par des soldats de façon permanente (le barrage routier de Maccabim et le barrage routier du carrefourd'Atarot).
Quand les terres des six villages ont été confisquées dans les années 80 et les années 90, il a été expliqué aux habitants que l'élargissement de la route était essentiel pour les besoins des habitants de l'ensemble de la région. En plus de leurs besoins, naturellement. En réponse à la plainte déposée auprès de la Cour Suprême suite à la confiscation des terres pour construire une route goudronnée dans la région de Ramallah, l'état a argué du fait que l'aménagement "avait tenu compte des conditions et des besoins de la région et non seulement des besoins de l'Etat d'Israel".
Basé sur cet engagement de principe, le juge Aharon Barak avait rejeté la plainte en septembre 1983, et a publié une décision de principe disant que les règles de droit international public accordaient le droit à un gouvernement militaire de violer les droits à la propriété si un certain nombre de conditions étaient remplies. La première deces conditions est que : "La mesure est prise au profit de la population locale".
Le 27 septembre 2006 / palsolidarity.org, ISM /Mondialisation /
A lire également : Carte des routes pour colons et des tunnels - Stop The Wall
Voir la carte des routes d'Apartheid Btselem (Fichier PDF) Traduction : MG pour ISM
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mercredi, septembre 27, 2006

Kenya : le PAM va manquer de stocks alimentaires avec l'arrivée de milliers de réfugiés somaliens

26 septembre 2006 – Avecl'arrivée au Kenya de milliers de réfugiés somaliens qui fuient le conflit entre l'Union des tribunaux islamiques et le gouvernement fédéral de transition, le Programme alimentaire mondial (PAM) a prévenu aujourd'hui qu'il allait manquer de stocks alimentaires s'il n'y avait pas de nouvelles donations.
« Il y a déjà 240.000 réfugiés enregistrés au Kenya, auxquels il faut ajouter des milliers de nouvelles arrivées. Depuis le mois de janvier, quelque 24.000 personnes sont arrivées au camp de Dadaab, au nord-est du Kenya, à la frontière de la Somalie », a indiqué le PAM, dans un communiqué publié à Nairobi.
« Avec une moyenne de 300 à 400 personnes qui arrivent chaque jour à Daadab, le nombre de nouvelles arrivées atteindra le chiffre de 50.000 d'ici à la fin de l'année », ajoute le communiqué.
« Si nous ne recevons pasimmédiatement de nouveaux fonds pour les opérations auprès de nos réfugiés, il faudra couper les rations en novembre », a prévenu Marian Read, directrice adjointe du PAM au Kenya.
Les rations devront être réduites de 12% d'ici le mois de novembre, laissant les réfugiés survivre avec 1.900 calories par jour au lieu du minimum recommandé qui est de 2.100 calories par jour, précise le PAM.
Au mois de décembre, il faudra encore diminuer les rations de 79% pour descendre à 1.700 calories par jour, ajoute l'agence.
L'agence des Nations Unies pour les réfugiés s'était déjà inquiétée vendredi de la nouvelle vague de réfugiés somaliens au Kenya (dépêche du 22.09.06).
28 septembre 2006 / http://www.un.org/french/newscentre
Lire aussi :

Organisme : UNHCR Haut Co...La semaine dernière, nous avons exprimé notre inquiétude
Trois millions de Kényans...Trois millions de Kényans, victimes de la sévère sécheresse
Somalie : "la volonté, le...© Unicef HQ96-1186 Giacomo PirozziUne mère attendant de pouvoir faire vacciner son enfant

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Darfour : En attendant le massacre...

Rasha Ibrahim Adam et ses enfants vont peut-être mourir - juste au moment où elle pensait qu'ils étaient tous en sécurité.
À 38 ans, cette mère de quatre enfants est l'une des dernières à avoir fui les bombes que le gouvernement soudanais a larguées sur leurs habitations. Aujourd'hui, elle se retrouve dans l'un de ces camps de réfugiés, rudimentaires et poussiéreux, qui parsèment toute la région du Darfour. Elle est assise, là. Sa tob- l'étoffe dont les femmes s'entourent pour s'en faire une robe - qui était autrefois rouge vif est à présent décolorée par le vent chargé de sable qui souffle à travers le camp al-Salaam, au bord de la ville d'El-Fâcher.
Elle faisait partie des 50.000 personnes venues gonfler, le mois dernier la population des "déplacés de l'intérieur" dans les camps desséchés - portant à environ 2,5 millions le nombre d'enfants, de femmes et d'hommes désormais sans-abri, dans un conflit qui se traîne depuis trois ans et qui ne semble pas près de se terminer. Jusqu'à présent, c'est ainsi. Au moins 300.000 paysans africains ont été massacrés au Darfour par le gouvernement de Khartoum et ses mandataires arabes, la milice Djandjawid, dont le nom signifie "diables à cheval". L'un de ceux qui y ont laissé la vie était le mari de Rasha, il s'appelait Adam. Mais, pour les camps du Darfour une fin est en vue.
Une fin si terrifiante qu'elle défie l'imagination. En effet, il est à craindre que le reste de la famille d'Ibrahim Adam - et un grand nombre des deux millions de personnes du Four qui se trouvent dans les camps, des tribus Massaleit et Zaghawa - pourrait aussi bientôt périr.
Khartoum a dit aux 7.000 soldats de l'Union Africaine, qui ont essayé désespérément de protéger les camps, qu'ils doivent quitter le Darfour à la fin du mois lorsque leur mandat sera terminé. Le Soudan a défié une résolution de l'Onu qui mandatait une force renforcée de 20.000 bérets bleus de l'Onu pour prendre la suite.
À la place, le Soudan envoie dans la région 10.000 de ses propres soldats pour - ce que les observateurs des droits de l'homme craignent - une "solution finale" brutale.
Dans une situation déjà décrite par les Nations-Unies comme le " pire désastre humanitaire du monde ", ce génocide, que le gouvernement arabe de Khartoum nie depuis si longtemps, pourrait être sur le point de se produire.
"Nous sommes au bord d'une catastrophe de grande ampleur", a déclaré un diplomate occidental de haut rang, le 15 septembre. "S'il n'y a pas un plan B pour le Darfour, un génocide total est hautement probable", a dit James Smith, le directeur général du Aegis Trust, qui coordonne une protestation mondiale qui aura lieu demain dans 32 pays.
Environ 7.000 soldats soudanais sont déjà arrivés au Darfour, avec la prétention affirmée d'écraser ces groupes rebelles qui ont échoué à signer l'Accord de Paix au Darfour, conclu à Abuja, la capitale du Nigeria, en mai. Dans toutes les parties de cette province qui sont toujours accessibles, les travailleurs humanitaires disent que tous les signes indiquent qu'une nouvelle offensive majeure commencera dans les trois prochaines semaines.
Cela fait sept semaines aujourd'hui que les troupes gouvernementales et leurs équipements militaires affluent à l'aéroport El-Fâcher. Des attaques préliminaires ont déjà commencé. Hier, le bombardement de Dobo Madrasa et d'un autre village qui n'a pas été nommé, à l'est des montagnes Djebel Marra, a été rapporté.
La veille, le gouvernement avait bombardé sept villages au sud de ville de Tawilla, dont Tabarat et Tina. Après cette opération, environ 45 véhicules de transport de troupes du gouvernement ont investi la zone. Les gens du coin ont fui les villages pour se cacher dans les montagnes.
Rasha, grande et digne, - son nom a été changé pour protéger son identité - a décrit ce qui est arrivé lorsque le gouvernement a attaqué son village près de Koulkoul. "Je nourrissais mon petit garçon de deux ans lorsque j'ai entendu l'avion. Je savais immédiatement ce que cela signifiait", a-t-elle dit. "J'ai commencé à m'enfuir sans savoir où aller.
"Ensuite, les bombes sont tombées et bientôt tout le monde courrait et mon garçon criait. Le bombardement ne dura pas longtemps mais pour moi, c'était comme s'il avait duré des jours et je ne savais pas où mes autres enfants se trouvaient ou ce qu'il leur était arrivé. Finalement, ils sont arrivés vers moi en courant - ils s'étaient cachés près de la mosquée avec des copains.
"Deux personnes furent tuées mais nous savions que les bombardiers allaient revenir, alors pratiquement tout le village décida de partir. Les combats sont partout, mais c'est au nord que c'est le pire. Alors nous nous sommes dirigés vers le sud, en direction d'El-Fâcher.
"Nous marchâmes pendant des jours et nous sommes arrivés ici, au camp al-Salaam. Nous marchions tous ensemble pour essayer de rester en sécurité - ce fut très lent avec les petits enfants et les vieilles femmes et quelques-uns des enfants furent capturés pendant le voyage. Nous ne savons toujours pas ce qu'il leur est arrivé. Maintenant je suis ici avec tous mes enfants et je remercie Allah que nous soyons sains et saufs".
Mais pour combien de temps ? Le gouvernement soudanais fait ses préparations, de façon éhontée, à la face du monde. Mardi dernier, l'envoyé spécial de l'UE, Pekka Haavisto, en visite pour trois jours dans la région, a été témoin du largage de bombes sur El-Fâcher, la capitale régionale du Darfour-Nord, par des avions Antonov-20, en préparation pour une attaque. Les militaires soudanais font rouler les bombes par les portes de ces avions cargo. Des observateurs des droits de l'homme ont vu une femme et sept enfants être blessés près de Koulkoul lorsqu'une bombe a roulé de l'arrière d'un Antonov.
Khartoum se moque ouvertement de l'autorité de la mission de l'Union Africaine au Darfour. Cette semaine, le gouvernement a saisi à El-Fâcher une citerne de l'UA remplie de kérosène et l'a utilisée pour faire le plein de ses propres avions qui y arrivent quotidiennement pour déposer troupes et armes.
Samedi dernier, les villageois qui avaient été attaqués plus tôt par les Djandjawid se sont rassemblés près des ruines de leurs maisons dans le sud du Darfour pour parler aux enquêteurs de l'UA ; tandis qu'ils attendaient l'arrivée de l'hélicoptère de l'UA, les Djandjawid ont à nouveau attaqué, tuant 18 des survivants de l'attaque précédente.
Dans tout le Darfour, les gens sont de nouveau sur la route pour échapper au combat qui s'intensifie. Les forces rebelles, dont beaucoup se sont divisées lors du désaccord sur le compromis de paix d'Abuja, sèment la pagaille.
La région s'enfonce lentement dans la seigneurie guerrière et le banditisme. Dans l'Ouest sauvage sans foi ni loi du Soudan, où chaque groupe semble à présent livré à lui-même, les agences humanitaires, les Nations-Unies et même la force de l'Union Africaine sont prises dans des embuscades et dépouillées de leur matériel et de leurs véhicules. Les rebelles qui se déplaçaient autrefois à dos de chameau et de cheval et qui transportaient des AK47 sont désormais dans des 4x4 avec des lance-grenades obtenus du Tchad et de l'Erythrée.
Le Sud-Darfour, qui avait été tranquille depuis l'accord de paix, a connu, ces dernières semaines, des attaques par les milices sur beaucoup de villages. Le camp de réfugiés de Gerida, au sud de Nyala, qui hébergeait auparavant 20.000 personnes, est à présent le plus gros camp du Darfour avec 120.000 réfugiés.
Les guérilleros du Mouvement rebelle Justice & Egalité (MJE) viennent de la division du Front National pour la Rédemption (FNR) - une alliance de rebelles qui n'ont pas signé l'accord de paix d'Abuja entre le gouvernement de Khartoum et le principal groupe rebelle, le Mouvement/Armée de Libération du Soudan (M/ALS) - et se dirigent vers l'intérieur de l'Ouest du Darfour.
Cette région est en prise à un chaos de plus en plus profond. Sur une population de six millions, deux millions sont dans des camps intérieurs et 200.000 dans des camps au Tchad voisin. Quelques 3,4 millions d'entre eux dépendent de l'aide alimentaire - mais, un porte-parole d'Oxfam, Alun McDonald, a dit d'eux que 4 personnes sur 10 ne reçoivent pas l'assistance dont ils ont besoin parce que les agences humanitaires ne peuvent pas les atteindre.
M. McDonald a déclaré : "Nos mouvements au Darfour sont très restreints parce que les routes sont tout simplement trop dangereuses à utiliser. Là où c'est possible, nous accédons à ces endroits par hélicoptère mais la plupart des zones rurales sont pratiquement hors d'atteinte".
Les choses deviendront bien pires si l'Union Africaine est obligée de partir. Mais hier, Khartoum était intransigeante sur ce point. Après une rencontre avec l'Union Africaine de la Paix et le Conseil de Sécurité à Addis-Abeba, le ministre soudanais des Affaires Etrangères, Al-Samani Al-Wasila, a insisté sur le fait que les soldats de l'UA, qui devaient commencer une "transition progressive" vers une mission de paix de l'Onu, doivent se retirer le 30 septembre.
"Le gouvernement soudanais n'acceptera pas de force de maintien de la paix des Nations-Unies", a-t-il déclaré. Il a aussi dit à l'UA qu'il ne permettrait plus aucune autre rotation de troupes. À la place, il propose son propre plan de stabilisation qui enverra 10.500 soldats soudanais supplémentaires au Darfour pour y combattre "les hors-la-loi et les terroristes".
Les signes de ce que cette force fera ne sont pas encourageant. En plus de cette nouvelle vague de bombardements, un assaut a été lancé contre les rebelles du FNR dans la ville d'Oum Sidir, à 70 km au nord d'El-Fâcher. Cette ville a changé de mains plusieurs fois durant ces quelques derniers jours.
Le gouvernement a dit aux quelques organisations humanitaires qui n'étaient pas parties qu'il veut disperser la totalité de la population du camp d'ici à la fin du mois de septembre. Il veut que les agences, y compris Oxfam, installent des services dans les zones rurales pour inciter les gens à retourner chez eux malgré l'absence de sécurité. Si cela ne se fait pas, un gouverneur d'Etat a parlé de placer des barbelés autour des camps "pour leur propre protection" - en fait, pour en faire des camps-prisons.
Afin d'intimider les agences humanitaires, Khartoum les harcèle. Le Conseil Norvégien aux Réfugiés, la principale ONG du camp de Kalma au Sud-Darfour, a été interdit sur le camp la semaine dernière. Des travailleurs humanitaires ont été détenus pour avoir collecté des informations sur des viols et des violences sexuelles. Huit travailleurs humanitaires ont été tués ces quelques dernières semaines.
De nombreuses agences humanitaires telle que Save the Children UK, se sont retirées entièrement de la région. Et Oxfam a fermé deux bureaux près de Kebkabiya. "C'est devenu beaucoup plus instable", a déclaré un travailleur humanitaire. "Il est extrêmement difficile d'opérer".
La situation sera même encore pire si les soldats de l'Union Africaine se retirent. Dans une zone où les troupes de l'UA n'effectuent plus qu'une patrouille par semaine, alors qu'auparavant elles en effectuaient trois, le nombre de viols est passé de 4 à 200 en un mois.
De retour au camp de Rasha à al-Salaam, une vieille femme qui s'appelle Fatima regardait, penchée en arrière. Elle a ouvert sa bouche édentée et, en faisant de grands gestes dans ce camp balayé par le vent et constitué d'abris faits de branches tordues, elle s'est écriée : "Je suis bien trop vieille pour cela. Mais je retournerai chez moi. Je ne vais pas mourir ici, loin de chez moi dans un camp qui m'est étranger".
Malheureusement, il se pourrait qu'elle ait horriblement tort.
Témoignages Anwar Bakar, SURVIVANT DU MASSACRE : 'Ils veulent nous tuer parce que nous sommes noirs'
"Le problème du Darfour a commencé avec l'arrivée des Arabes qui ont attaqué les villages.
"Lorsque vous alliez à l'école, ils vous arrêtaient et vous demandaient : 'Où vas-tu ?' Je répondais : 'Je vais à l'école'. Et ils me disaient : 'Nous allons t'en empêcher. Pourquoi as-tu besoin d'aller à l'école ?'
"Depuis mon enfance, ils me demandaient : 'Es-tu Four ? Le Four reste [esclave].'
"Ils disent que nous sommes comme des esclaves, qu'ils ont besoin de supprimer les Four. Ils veulent nous tuer parce que nous sommes noirs.
"Auparavant, cette terre appartenait à la tribu Four ou à d'autres minorités du Darfour, mais ils disent : Non, cette terre Four est une terre arabe".
Djamila Bochra Mohammed, VICTIME DE VIOL :
"Quand les Djandjawid ont attaqué notre village, ils sont venus en tirant dans toutes les directions et en mettant le feu partout. J'ai essayé de m'enfuir, mais ils m'ont dit de m'arrêter ou ils allaient me tuer. J'ai été violée par cinq hommes en armes. J'ai vu d'autres femmes se faire violer et beaucoup de gens se faire tuer, y compris ma mère et ma belle-mère. Elles ont été jetées dans un feu alors qu'elles étaient encore en vie, juste devant moi. Plus tard, j'ai été attaquée par les Djandjawid dans un camp de réfugiés au Tchad. Cette fois-ci, j'ai reçu une balle dans la jambe. Aujourd'hui, j'ai demandé l'asile au Royaume-Uni qui me l'a refusé."
Abderahman Abdulla, SURVIVANT DE ZAGHAWA :
"J'étais à El-Fâcher et j'ai vu la tête d'un homme qui servait de ballon de foot à des policiers. Ils l'avaient accusé d'être un voleur. Il n'y avait aucune preuve.
"Ils l'ont tué parce qu'il était Zaghawa, rien d'autre. Toute la ville a été témoin de cela. Tous les Arabes faisaient la fête. "Ils ont transporté sa tête à la ronde. Ils disaient : 'Les Zaghawa sont nos ennemis, les Zaghawa sont nos ennemis', dans toute la ville. C'était très étrange".
Un témoin de meurtres :
"J'ai assisté au viol de plusieurs filles, juste sous mes yeux. Elles étaient âgées entre 15 et 21 ans. Nous conduisions fréquemment ensemble le bétail au pâturage, je les connaissais donc.
"Elle furent violées par 60 ou 70 Djandjawid en avril 2004. Nous étions attachés aux arbres pendant qu'ils violaient les filles. "Après, ils les attachèrent aussi et placèrent du coton dans leurs bouches. Le coton était gorgé d'essence. Ensuite ils ont mis le feu au coton et les ont brûlées à mort."
Adam Hessen, SURVIVANT DU DARFOUR
"Nous avons un dicton au Darfour : 'Les chiens aboient, mais le chameau s'en fiche'. Nous sommes les chiens et le reste du monde est le chameau.
Traduit de l'anglais par JFG-QuestionsCritiquesArticle proposé par Satya Par Paul Vallely article original : "Darfur : Waiting for the slaughter"

Mehr Licht / 26 septembre 2006
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mardi, septembre 26, 2006

ATTENTAT SUICIDE DANS LE SUD DE L'AFGHANISTAN

ATTENTAT SUICIDE DANS LE SUD DE L'AFGHANISTAN • (Reuters - mardi 26 septembre 2006, 16h19) http://fr.news.yahoo.com/

LASHKAR GAH, Afghanistan (Reuters) - Un kamikaze a tué 18 personnes mardi devant le siège du gouvernorat de la province de Helmand, à Lashkar Gah dans le sud de l'Afghanistan, ont rapporté des responsables de cette province.
Il a fait sauter ses explosifs alors que des soldats étrangers traversaient la capitale de la province. Des soldats de l'Otan se trouvaient dans le secteur au moment de la déflagration mais aucund'entre eux n'a été blessé, a indiqué un porte-parole de l'Alliance atlantique.
"Il s'agit d'un attentat suicide commis dans une rue devant le siège du gouvernorat", a déclaré un responsable de la police, qui avait parlé initialement de 12 tués avant qu'un porte-parole des autorités locales n'évoque ensuite un bilan de 18 morts.
Six policiers et militaires et douze civils ont été tués.
Un autre attentat suicide avait fait 17 morts le 28 août sur un marché très animé de la même ville.
Par ailleurs, une explosion au sud de la capitale Kaboul a tué un soldat italien et a en blessé deux autres, a fait savoir le ministère italien de la Défense. La police afghane parle en outre de cinq Afghans blessés.
Les taliban ont revendiqué les deux attentats de mardi.
Ils ont intensifié leurs opérations de guérilla contre les forces régulières afghanes et les troupes étrangères cette année, provoquant les plusviolents affrontements depuis la chute de leur régime à Kaboul à la fin 2001.
Lundi, les taliban ont revendiqué l'assassinat de la directrice du département des Affaires féminines de la province de Kandahar, également dans le Sud afghan.
ACCROÎTRE LES EFFECTIFS DE L'OTAN
Safia Ama Jan a été tuée par des individus circulant à moto qui ont tiré sur elle alors qu'elle allait monter à bord d'une voiture garée devant chez elle.
Le président pakistanais Pervez Musharraf et le président afghan Hamid Karzaï doivent rencontrer leur homologue américain, George Bush, mercredi à Washington. La tension a monté ces derniers temps entre Musharraf et Karzaï, à la suite d'accusations des autorités de Kaboul selon lesquelles les taliban opèrent à partir du Pakistan.
L'Otan compte 20.000 soldats en Afghanistan et les Etats-Unis disposent d'un contingent aussi important dans ce pays. Près de 140 soldatsétrangers, essentiellement des Américains, des Britanniques et des Canadiens, ont péri dans des combats ou des accidents au cours d'opérations militaires depuis janvier.
Les ministres de la Défense de l'Otan se pencheront jeudi sur un plan proposant la prise en main par l'Alliance, dès que possible, des opérations de maintien de la paix actuellement pilotées par les forces américaines dans l'est de l'Afghanistan, a-t-on appris auprès de responsables en son sein.
Ce transfert confierait à l'Otan les opérations de maintien de la paix dans tout le pays. Il pourrait avoir lieu rapidement car il suffirait de confier à l'Otan quelque 10.000 soldats pour la plupart américains déjà déployés dans l'Est.
"Les militaires ont recommandé que cela soit fait dès que possible, et éventuellement dès ce mois-ci", a déclaré le responsable. Les ministres de la Défense de l'Otan doivent se réunir deux jours, à partir de jeudi, àPortoroz, en Slovénie.
Le responsable, qui a requis l'anonymat, a expliqué que la résistance rencontrée par les forces de l'Otan combattant les taliban dans le sud du pays justifiait une accélération du transfert de commandement à l'Otan dans l'Est, parce qu'il accroîtrait les effectifs à la disposition de l'Alliance.
L'Otan n'a officiellement pas fixé de date pour ce transfert mais des responsables ont prédit qu'il aurait lieu au plus tard à la fin de l'année.


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Le Soudan



Superficie
2,50581 millions de km²
Environnement
Climat tropical continental, équatorial au Sud. Les précipitations, presque inexistantes au nord-ouest (désert de Libye), sont plus importantes sur le littoral et surtout dans le Sud du pays.
Population
33,61 millions d'hab.
Projection 2050
60,133 millions d'hab.
Croissance démographique
2,28 %
Population de -15 ans
39,7 %
Densité de la population
13,1 hab./km²
Population urbaine
38 %
Espérance de vie
58 ans
Mortalité infantile
6,4 %
Alphabétisation
59,9 %
Scolarisation
36 %
Indice de développement humain (2003)
Indicateur : 0,505 Rang : 139 (sur 175 pays)
Langues usitées
Arabe (officielle), anglais, dinka, nuer, chillouk...
Peuplement
Arabes, Nubiens, Bejas (au Nord) ; Dinkas, Nuers, Chillouks (au sud).
Religions
Musulmans sunnites, chrétiens, animistes.

Jeuneafrique.com


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Bush à nouveau désavoué sur l'Irak


Un rapport confidentiel des services secrets US indique que la guerre a accru la menace terroriste, contrairement aux affirmations du président.

La guerre en Irak a contribué à engendrer une nouvelle vague de radicalisme islamiste et à accru la menace terroriste, selon un rapport confidentiel des services de renseignements américains, dont le contenu a été révélé dimanche 24 septembre par le New York Times et le Washington Post
Les conclusions de ce rapport contredisant les positions officielles du gouvernement de George W. Bush figurent dans l'Evaluation du renseignement national. Terminé en avril dernier, ce document est un rapport de synthèse des 16 agences du renseignement américain, a explique un responsable du renseignement, qui a confirmé les informations publiées dans les journaux. "Ce rapport est malheureusement la confirmation précise que la politique de l'administration Bush" n'a pas "seulement rendu la guerre plus difficile et plus meurtrière pour nos troupes, mais a également rendu la guerre contre le terrorisme plus dangereuse pour chaque Américain", acommenté le député démocrate Rahm Emanuel. "Il est temps d'une nouvelle direction pour ce pays", a-t-il lancé à quelques semaines des élections de mi-mandat.
Aucun commentaire de la Maison Blanche
"Nos services de renseignement ont confirmé que les erreurs répétées du président Bush en Irak et son refus obstiné de changer de politique ont rendu l'Amérique moins sûre", a de son côté noté Harry Reid, leader des Démocrates au Sénat. "Il nous faut une nouvelle direction en Irak" pour "remporter la vraie guerre contre le terrorisme et rendre notre pays plus sûr. Les Américains le savent, et nos chefs militaires aussi. Il n'y a que les dirigeants républicains pour garder la tête dans le sable, en refusant obstinément de changer de politique ce qui rend la guerre contre le terrorisme plus difficile à gagner", a renchéri le sénateur démocrate du Massachusetts Ted Kennedy."Nous ne commentons pas les documents" confidentiels, a déclaré un porte-parole de la Maison Blanche, Blair Jones, en ajoutant cependant que les informations parues dans la presse "ne sont pas représentatives du document complet". Il s'agit d'un nouveau revers pour l'administration Bush, selon laquelle la guerre en Irak est un élément central de la lutte contre le terrorisme.Le 8 septembre, la Commission du renseignement du Sénat américain a publié un rapport, citant un document de la CIA datant d'octobre 2005, selon lequel le régime de Saddam Hussein n'avait pas de liens avec Al-Qaïda. Les conclusions de ce rapport, ont souligné les Démocrates, ont réduit à néant les justifications fournies par le président Bush pour lancer la guerre en Irak en mars 2003.

Nouvel Observateur 25.09.06 12:05

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lundi, septembre 25, 2006

La "libération de l'Irak"



"De plus en plus d'Irakiens libérés d'heure en heure..."
http://www.evolutionquebec.com/site/irak.html

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dimanche, septembre 24, 2006

Les idiots utiles de Bush propos de l’étrange disparition du libéralisme américain

Pourquoi les libéraux américains approuvent-ils depuis un certain temps la politique étrangère catastrophique de Bush ? Pourquoi ce silence quasi total au sujet de l’Irak, du Liban, ou encore au sujet d’informations faisant état d’une attaque planifiée contre l’Iran ? Pourquoi les attaques de l’administration Bush contre les libertés civiques et contre le droit international soulèvent-elles si peu d’opposition, sinon de colère, chez ceux qui jadis se préoccupaient au plus haut point de ces questions ? Pourquoi, pour faire bref, l’intelligentsia progressiste [am. liberal, NDT] des USA s’est-elle contentée, ces dernières années, de maintenir prudemment sa tête dans le sable ?
Il n’en a pas toujours été ainsi. Le 26 octobre 1988, le New York Times affichait pleine page un manifeste du libéralisme. Sous le titre « Une réaffirmation de principes », ce quotidien fustigeait Ronald Reagan pour avoir moqué « le redouté mot commençant par un grand L » et pour avoir jeté l’opprobre sur « les libéraux » et les « idées libérales ». Les principes libéraux, affirmait le communiqué, sont « éternels. Les extrémistes, de droite comme de gauche, attaquent depuis longtemps le libéralisme, dans lequel ils voient leur plus grand ennemi. A notre époque, des démocraties libérales ont été écrasées par de tels extrémistes. Et nous nous sentons en devoir de nous élever contre tout encouragement adressé à cette tendance, dans notre propre pays, que cet encouragement soit volontaire, ou non. »
Cette publicité payante était signée des noms de soixante-trois intellectuels, écrivains et hommes d’affaires de renom. Parmi eux, nous citerons : Daniel Bell, J.K. Galbraith, Felix Rohatyn [ancien ambassadeur des USA en France, NDT], Arthur Schlesinger Jr, Irving Howe et Eudora Welty. Ceux-ci, et d’autres signataires – l’économiste Kennety Arrow, le poète Robert Penn Warren, notamment – incarnaient le noyau intellectuel critique, le centre moral inébranlable de la vie publique américaine. Mais qui, aujourd’hui, signerait une telle protestation ? Aux USA, aujourd’hui, le libéralisme est une politique qui n’ose plus dire son nom. Et ceux qui se piquent d’être des « intellectuels libéraux » sont engagés, certes, mais pas dans la voie du libéralisme. Comme attendu en ce nouvel Age d’Or, où les revenus moyens d’un PDG américain équivalent à quatre cent douze fois [x 412] celui d’un ouvrier qualifié et où un Congrès corrompu jusqu’à la moelle se noie dans les lobbies et les passe-droits, la place de l’intellectuel libéral a été largement raflée par une admirable cohorte de journalistes d’investigation « fouille-merde » - Seymour Hersh, Michael Massing et Mark Danner, notamment – qui écrivent dans le New Yorker, ainsi que dans la New York Review of Books.
L’effondrement de la confiance en lui-même du libéralisme, dans les USA contemporains, peut trouver diverses interprétations. Pour partie, il s’agit du reflux des illusions perdues de la génération soixante-huitarde, d’un abandon des prurits radicaux de la jeunesse au profit d’un grand affairement consumant tout pour l’accumulation de biens matériels et la sécurité personnelle. Les signataires du placard publié dans le New York Times étaient nés, dans la plupart des cas, bien des années avant ; leurs opinions politiques avaient été formées essentiellement par les années 1930. Leurs engagements étaient le fruit de l’expérience et de l’adversité ; ils étaient donc taillés dans un matériau plus résistant [« fabrication d’avant-guerre », NDT]. La disparition de la vie politique américaine du centre libéral est aussi une conséquence directe de la déliquescence du parti démocrate. En politique intérieure, les libéraux croyaient jadis dans [un gouvernement assurant] le bien-être, dans la bonne gouvernance et dans la justice sociale. En politique étrangère, ils étaient engagés de longue date dans la défense du droit international, de la négociation et croyaient en l’importance de l’exemplarité morale. Aujourd’hui, un consensus galopant du « moi, d’abord » a évincé tout débat public vigoureux dans les deux arènes ; l’intérieure et l’extérieure. Et, à l’instar de leurs homologues du monde politique, les intellectuels critiques, naguère si présents dans la vie culturelle américaine, sont devenus silencieux.
Ce processus était déjà bien engagé avant les attentats du 11 septembre 2001 et, dans le domaine intérieur, en tous les cas, Bill Clinton et ses « triangulations » politiques chiadées assume certainement une part de responsabilité dans l’éviscération des politiques libérales. Mais depuis lors, les artères morales et intellectuelles du corps politique américain ont continué à durcir. Les revues et les journaux du centre libéral traditionnel – le New Yorker, la New Republic, le Washington Post et le New York Times soi-même – se prennent les pieds dans le tapis dans leur précipitation à s’aligner, dans leur politique éditoriale, sur celle d’un président républicain cinglé de guerres préventives. Les médias consensuels sont paralysés par un conformisme affolant. Quant aux intellectuels libéraux de l’Amérique, ils viennent – enfin ( ?) – de se trouver une « nouvelle cause ».
Oups ! Nouvelle cause ? Non : ce qu’ils ont trouvé, c’est plutôt une vieille cause décrépite, affublée d’habits clinquants de nouveauté. Car ce qui distingue la vision du monde des partisans libéraux de Bush de celle qu’en ont ses alliés néoconservateurs, c’est qu’ils ne se contentent pas de voir dans la « Guerre contre le Terrorisme », ou dans la guerre en Irak, ou encore dans la guerre du Liban (et peut-être aussi, hélas, dans la guerre en Iran) une simple série d’exercices de rétablissement de la domination martiale de l’Amérique. Non, ils y voient les simples escarmouches d’une nouvelle confrontation mondiale : une Guerre Juste, soutenant la comparaison réconfortante avec la guerre de leur pépé contre le fascisme ou avec la position de leurs parents libéraux contre le communisme, à l’époque de la Guerre froide. A nouveau, nous assurent-ils, les choses sont claires. Le monde est divisé idéologiquement ; et – comme devant – nous devons impérativement prendre position sur la Question du siècle. Nostalgiques des vérités réconfortantes d’évidence d’une époque ô combien moins compliquée, les intellectuels libéraux d’aujourd’hui viennent – enfin – de découvrir un sens à leur existence : ils sont en guerre contre l’ « islamo-fascisme » [authentique !].
Ainsi de Paul Berman, contributeur assidu à Dissent, au New Yorker et à d’autres journaux libéraux, et jusqu’ici plus connu en tant que commentateur de la vie culturelle américaine, et qui s’est recyclé : il est devenu expert ès fascisme islamique [on notera que cette dénomination est, en elle-même, une véritable œuvre d’art !], ce qui lui a permis de publier « just in time » pour la guerre d’Irak son bouquin « Terror and Liberalism » [Terrorisme et libéralisme – titre, ô combien, éloquent ! NDT]. Ainsi de Peter Beinart, ancien rédacteur en chef de la New Republic, qui, marchant dans les brisées de Berman, a écrit « Le Bon combat : pourquoi les Libéraux – et eux seuls – peuvent-ils remporter la Guerre contre la Terreur et rendre à l’Amérique sa Grandeur » [The Good Fight : Why Liberals – and Only Liberals – Can Win the War on Terror and Make America Great Again], dans lequel il esquisse, dans une certaine mesure, une analogie entre la guerre contre le terrorisme et les débuts de la Guerre froide [1]. Ni l’un ni l’autre de ces auteurs n’avaient montré jusqu’ici la moindre familiarité avec les questions du Moyen-Orient, ni a fortiori avec les traditions wahhabites et soufies, sur lesquelles ils se prononcent pourtant avec un aplomb époustouflant…
Mais à l’instar de Christopher Hitchens et d’autres gourous ex-libéraux désormais experts ès « islamo-fascisme », Beinart et Berman, ainsi que leurs pairs, sont vraiment en phase – et très à l’aise – avec une division dualiste du monde, selon des lignes de fracture idéologiques. Au besoin, ils peuvent même se remémorer leur propre trotskisme juvénile, quand ils sont en quête de préceptes et d’un thésaurus d’antagonismes historiques mondiaux. Afin de donner un sens à la « lutte » de ce jour [notez le recyclage de la phraséologie léniniste à base de ‘conflits’, de ‘clash’, de ‘luttes’ et de ‘guerres’], il faut que cette « lutte » ait, elle aussi, un unique ennemi universel dont nous puissions étudier les idées, les théoriser et les combattre ; et la nouvelle confrontation doit être réductible, comme celle qu’il l’a précédée au vingtième siècle, en une juxtaposition manichéenne familière permettant d’éliminer toute complexité et toute confusion par trop exotiques : Démocratie / Totalitarisme ; Liberté / Fascisme ; Nous / Eux… [« Une, Deux ! », NDT]
Une chose est sûre : les partisans libéraux de Bush ont été déçus par ses performances. Tous les journaux que j’ai systématiquement dépouillés, et bien d’autres, ont publié des éditoriaux critiquant la politique de Bush en matière d’emprisonnements, son recours à la torture, ainsi, par-dessus tout que l’ineptie absolue de la guerre voulue par le président. Mais, ici aussi, la Guerre froide permet une analogie révélatrice. Comme les admirateurs de Staline en Occident, qui, à la veille encore des révélations de Krouchtchev, reprochaient moins au dictateur ses crimes que d’avoir discrédité leur cher marxisme, les intellectuels partisans de la guerre en Irak – dont Michael Ignatieff, Leon Wieseltier, David Remnick et d’autres figures éminentes de l’establishment libéral américain – ont concentré leurs regrets non pas sur l’invasion catastrophique elle-même (qu’ils ont, tous, soutenue), mais sur le manque de compétence dans l’exécution. S’ils sont irrités contre Bush, c’est parce qu’il a tourné en ridicule la « guerre préventive » qu’ils affectionnent…
Dans la même veine, les voix centristes qui réclamaient du sang avec beaucoup d’insistance dans la période de montée en puissance de la préparation de la guerre d’Irak – l’éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman, a par exemple exigé que la France soit « virée de la barque » [comprendre : exclue du Conseil de sécurité de l’Onu] en raison de sa présomption incroyable de s’opposer au désir d’en découdre de l’Amérique – sont aujourd’hui les plus assurées à affirmer leur monopole de la vision et de la compréhension des affaires du monde. Le même Friedman aboie aujourd’hui contre « ces militants anti-guerre qui n’ont pas pensé, ne serait-ce qu’une minute, au grand combat dans lequel nous sommes plongés » [New York Times, 16 août]. Une chose est sûre : les piétés de Friedman (qui lui ont valu le prix Pulitzer) ont toujours passé avec succès le contrôle technique de l’acceptabilité politique. Mais c’est précisément pour cette raison qu’elles sont un guide très fiable vers l’état d’esprit du consensus intellectuel américain.
Friedman est secondé par Beinart, qui concède qu’il n’avait « pas prévu » ( !) à quel point les actions américaines seraient nuisibles à « la lutte », mais insiste néanmoins sur le fait que quiconque ne se lèverait pas pour combattre le « Jihad mondial » ne serait qu’un défenseur inconsistant des valeurs libérales. Jacob Weisberg, directeur de Slate, et qui écrit dans le Financial Times, accuse les opposants démocrates à la guerre en Irak de « ne pas prendre au sérieux le combat plus large – planétaire – contre le fanatisme islamique. » Les seules personnes qualifiées pour s’exprimer sur cette question, semble-t-il, sont celles qui n’avaient strictement rien pigé au départ. Une telle insouciance, en dépit – que dis-je, à cause de – vos propres bévues passées me rappelle la réplique faite par l’ex-stalinien français Pierre Courtage à Edgar Morin, un communiste dissident vengé par les événements : « Vous et les gens de votre espèce, vous aviez tort d’avoir raison ; et nous, nous avions raison d’avoir tort » !
Il est d’une ironie insigne que la « génération Clinton » d’intellectuels libéraux américains soit tellement fière de sa « dureté », de sa réussite à mettre au rebut les illusions et les mythes de la vieille gauche, car ces mêmes néo-libéraux « durs » ne font que reproduire certaines des pires caractéristiques de ladite vieille gauche. Certes, ils peuvent considérer qu’ils ont migré vers la rive opposée ; mais ils font montre d’exactement la même mixture de foi dogmatique et de provincialisme culturel, pour ne pas parler d’un enthousiasme exubérant pour la transformation politique violente sur le dos des autres peuples, qui ont marqué leurs prédécesseurs, les « compagnons de route », par-delà les opposition idéologiques propres à la guerre froide. La valeur d’usage de ce genre de personnes pour des régimes ambitieux et radicaux est une vieille histoire. De fait, les adeptes de ce type d’intelligentsia avaient été identifiés pour la première fois par Lénine en personne, qui créa le terme qui les qualifie au mieux. Ces combattants libéraux en fauteuil de l’Amérique sont bien, en effet, les « idiots utiles » de la Guerre contre le Terrorisme.
Pourr être juste, disons que les intellectuels bellicistes de l’Amérique ne sont pas seuls au monde. En Europe, Adam Michnik, héros de la résistance polonaise intellectuelle au communisme, est devenu un admirateur très en voix de l’islamophobe ultra Oriana Fallaci [disparue récemment, NDT] ; Vaclav Havel a rejoint le Comité d’étude du Danger Contemporain (Committee on the Present Danger] basé dans le District of Columbia [il s’agit d’une organisation de l’époque de la Guerre froide vouée à la lutte contre le communisme, recyclée et désormais vouée à lutter contre « la menace des mouvements islamistes radicaux mondiaux, et plus généralement des mouvements fascistes terroristes »] ; André Glucksmann, à Paris, gratifie de ses essais échevelés le quotidien Le Figaro [encore, récemment, le 8 août], fustigeant le « Jihad mondial », la « fringale de pouvoir » de l’Iran et la stratégie de l’Islam radical, cette « subversion verte ». Tous trois, est-il besoin de le préciser, ont soutenu l’invasion de l’Irak avec enthousiasme…
Dans le cas de l’Europe, cette tendance est un sous-produit malencontreux de la révolution intellectuelle des années 1980, en particulier dans l’Est ex-communiste, époque où les « droits de l’homme » ont déplacé les allégeances politiques traditionnelles, devenant la base de toute action collective. Les gains apportés par cette transformation dans la rhétorique des politiques oppositionnelles furent considérables. Mais le prix à payer fut tout aussi considérable. Un engagement pour l’universalisme abstrait de « droits » - et des positions éthiques sans compromis prises contre des régimes voyous au nom de ces principes – voilà qui a pu mener par trop rapidement à l’habitude consistant à faire de tout choix politique un choix binaire en termes (uniquement) moraux. De ce point de vue, la guerre de Bush contre la Terreur, le Mal et l’islamo-fascisme paraît séduisante et même familière : des étrangers s’auto-illusionnant prennent avec une facilité déconcertante la rigidité myope du président des USA pour leur propre rectitude morale…
Mais, pour revenir à l’Amérique, les intellectuels libéraux américains sont en train de devenir très rapidement une classe de serviteurs, dont les opinions sont déterminées par leur allégeance et calibrées afin de justifier un objectif politique. Cela n’a rien, en soi, d’un nouveau départ : nous connaissons tous ces intellectuels qui ne parlent que de leur pays, de leur classe, de leur religion, de leur race, de leur identité ou de leur orientation sexuelles, et qui forment leurs opinion en fonction de ce qu’ils considèrent comme servant leurs affinités de naissance ou de prédilection. Mais le trait distinctif de l’intellectuel libéral de jadis, c’était précisément sa quête d’universalité ; non pas, certes, le déni désintéressé ou désabusé de tout intérêt particulier, mais bien l’effort soutenu pour le transcender.
Il est, partant, déprimant de lire certains des intellectuels les plus connus et les plus ouvertement « libéraux » aux USA, aujourd’hui, qui tirent parti de leur crédibilité professionnelle pour faire la promotion d’une cause partisane. Jean Bethke Elshtain et Michael Walzer, deux personnalités éminentes de l’establishment philosophique du pays [elle, à la Divinity School de l’Université de Chicago, lui à l’Institut Princeton], écrivent tous deux des essais pompeux prétendant démontrer la justesse de guerres nécessaires – elle, dans « Just Wars against Terror : The Burden of Americain Power in a Violent World » [Des guerres justes contre le terrorisme : Le Fardeau de l’Amérique dans un monde violent] (une défense préemptive de la guerre contre l’Irak) ; et lui, voici quelques semaines seulement, dans une justification éhontée des bombardements des civils libanais par Israël [« War Fair », in New Republic, 31 juillet]. Dans l’Amérique d’aujourd’hui, les néoconservateurs génèrent des politiques brutales auxquelles des libéraux fournissent une feuille de vigne morale. Il n’y a vraiment plus aucune autre différence entre eux.
Une des manières particulièrement déprimantes dont les intellectuels libéraux ont abdiqué de leurs responsabilités personnelles et morales des actes qu’ils avalisent actuellement, c’est par exemple leur incapacité à avoir une réflexion autonome sur le Moyen-Orient. Certes, tous les fans libéraux de la Guerre planétaire contre l’Islamo-fascisme, contre le Terrorisme ou encore contre le Jihad mondial ne sont pas des partisans inconditionnels du Likoud : Christopher Hitchens, pour n’en citer qu’un, ose critiquer Israël. Mais la propension de si nombreux pontes, commentateurs et essayistes américains à se précipiter tête baissée dans la doctrine bushienne de la guerre préventive, à s’abstenir de critiquer le recours disproportionné aux bombardements contre des cibles civiles tant en Irak qu’au Liban et à rester lâchement muets devant l’enthousiasme de Condoleezza Rice pour les sanglantes « contractions de l’accouchement d’un nouveau Moyen-Orient » se comprend mieux si l’on se souvient qu’ils soutiennent Israël [dans leur écrasante majorité] – Israël, ce pays qui base depuis un demi-siècle sa stratégie entièrement sur des guerres préventives, sur des représailles disproportionnées et sur des efforts visant à redessiner la carte de l’ensemble du Moyen-Orient…
Certes, depuis sa création, l’Etat d’Israël a lancé un certain nombre de guerres de sa propre initiative (la seule exception étant la guerre d’Octobre 1973). Assurément, ces guerres ont été présentées au monde comme des guerres nécessaires, des guerres d’autodéfense. Que cette approche ait été vraiment bénéfique pour Israël, voilà qui est discutable (pour une présentation claire et récente de cette problématique, qualifiant d’échec retentissant le choix, par son pays, de recourir à la stratégie des guerres décidées pour « redessiner » la carte de son environnement géographique, voir l’ouvrage de Shlomo Ben-Ami, historien et ancien ministre israélien des Affaires étrangères : Scars of War, Wounds of Peace : The Israeli-Arab Tragedy [2] [Cicatrices de guerre, blessures de paix : La Tragédie israélo-arabe]).
Mais l’idée qu’une superpuissance puisse se comporter de cette manière – répondant aux menaces terroristes ou à des incursions d’une guérilla en aplatissant un autre pays simplement afin de conserver sa propre puissance de dissuasion –, voilà qui est extrêmement étrange.
Une chose est, pour les USA, de souscrire inconditionnellement au comportement d’Israël (bien que ce ne soit dans l’intérêt d’aucun des deux pays, comme l’ont remarqué au moins quelques commentateurs israéliens). Mais que les USA imitent Israël de A jusqu’à Z, importent chez eux les réponses autodestructrices et intempérantes apportées par ce petit pays à toute hostilité ou opposition, et en fassent le leitmotiv de la politique étrangère américaine –, voilà qui est tout simplement bizarre.
La politique moyen-orientale de Bush imite désormais si parfaitement le précédent israélien qu’il est bien difficile d’apercevoir entre les deux une espace de l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettes. C’est cette tournure surréaliste prise par les événements qui aide à expliquer la confusion et le silence de la pensée libérale américaine sur cette question (ainsi, peut-être, que le « moi-aussisme » [am. me-tooism, NDT] syntactico-sympathique de Tony Blair). Historiquement, les libéraux ont toujours été hostiles aux « guerres décidées » quand elles étaient entreprises ou seulement proposées par leur propre gouvernement. La guerre, dans l’imaginaire libéral (et pas seulement libéral) est un dernier recours, et certainement pas une première option. Mais les USA ont désormais une politique étrangère de style israélien, et les intellectuels libéraux de l’Amérique soutiennent cette politique dans leur écrasante majorité.
Les contradictions auxquelles conduit cette situation sont d’une évidence choquante. Il y a, par exemple, une inadéquation patente entre le désir proclamé par Bush d’apporter la démocratie au monde musulman et son refus d’intervenir au moment où les seuls rares instances fonctionnelles de démocratie existant dans l’ensemble du monde musulman – la Palestine et le Liban – étaient systématiquement ignorées puis, encore pire, cassées par ce pays « allié » de l’Amérique qu’est Israël. Cette inadéquation, ainsi que la mauvaise foi et l’hypocrisie qu’elle semble impliquer, est devenue le pain quotidien des éditoriaux des journaux et des blogs sur Internet dans le monde entier, au discrédit éternel de l’Amérique. Mais les intellectuels libéraux ayant le vent en poupe en Amérique sont restés muets comme des carpes. Parler, pour eux, cela aurait été choisir entre la logique tactique de la nouvelle « guerre de mouvement » de l’Amérique contre le fascisme islamique – avec la démocratie comme édulcorant pour faire passer la potion amère de l’engagement militaire américain – et la tradition stratégique des bombardements israéliens, pour laquelle des voisins démocratiques ne valent pas mieux, sinon moins, que des voisins dictatoriaux. C’est là un choix dont la plupart des commentateurs libéraux américains ne veulent même pas prendre conscience, et qu’à fortiori ils ne veulent surtout pas faire. Alors, ils se taisent.
Cette macula aveugle obscurcit et risque de polluer et de compromettre toutes les préoccupations et toutes les inhibitions libérales traditionnelles. Comment, autrement, expliquer cette illustration effarante sur la couverture de la revue New Republic du 7 août : une caricature effroyable du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans le style du Der Stürmer (organe central du parti nazi, NDT), mâtiné d’une bonne dose de bandes dessinées américaines de propagande de l’époque de la Seconde guerre mondiale, mettant en scène les « Dirty Japs » [sales Japonais, NDT] ? Comment rendre compte autrement de la défense et illustration capilotractée [manière élégante qu’a notre traducteur de dire « tirée par les cheveux », NDR] et sophiste du massacre d’enfants libanais à Qana par Leon Wiesetier, sous le titre : « These are not tender times » [Le temps n’est pas à la romance] ? Mais le point aveugle n’est pas seulement éthique, il est également politique : dès lors que les libéraux américains « ne comprennent pas » pourquoi leur guerre en Irak était condamnée à avoir l’effet prévisible d’encourager le terrorisme, au profit des ayatollahs iraniens et de faire de l’Irak un Liban bis, pourquoi attendrions-nous d’eux qu’ils comprennent (ou qu’ils se soucient du fait que) la réaction disproportionnée et brutale d’Israël risque fort de faire du Liban un Irak bis ?
Dans son ouvrage Five Germanys I Have Known [Les Cinq Allemagnes que j’ai connues], Fritz Stern – un des coauteurs du texte en défense du libéralisme publié en 1988 dans le New York Times – évoque sa préoccupation devant l’état où en est réduit aujourd’hui l’esprit libéral en Amérique [3]. C’est par l’extinction d’un tel esprit, note-t-il, que la mort d’une république est annoncée. Stern, historien ayant dû fuir l’Allemagne nazie, parle d’autorité de cette question ; il a fort probablement raison. Nous n’attendons pas des gens de droite qu’ils se souciet particulièrement de la bonne santé d’une république, en particulier alors qu’ils sont assidûment engagés dans la promotion unilatérale d’un empire. Et même si la gauche idéologique ne rechigne pas, à l’occasion, à analyser les insuffisances d’une république libérale, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas particulièrement intéressée à la défendre.
Par conséquent, on le voit : ce sont les libéraux qui, seuls, comptent. Ils sont, pour ainsi dire, ces canaris [servant de signal d’alarme] plongés dans les galeries des mines de soufre de la démocratie moderne. L’alacrité avec laquelle la plupart des plus éminents libéraux américains se sont censurés au nom de la Guerre contre le Terrorisme, l’enthousiasme avec lequel ils ont inventé une couverture morale et idéologique à la guerre et aux crimes de guerre avant d’offrir gracieusement cet alibi à leurs ennemis politiques : tout ceci ne présage rien de bon.
Les intellectuels libéraux se distinguaient, précisément, par leurs efforts à penser par eux-mêmes, plutôt qu’au service d’autres.
Un intellectuel, cela ne devrait pas être en train de théoriser d’un air suffisant des guerres interminables, ni encore moins les promouvoir les yeux fermés et les excuser.
Est intellectuel celui qui s’ingénie à troubler la quiétude ambiante – à commencer par la sienne propre.
[1] HarperCollins, 288 pp., $25.95, June, 0 06 084161 3.[2] Weidenfeld, 280 pp., £20, November, 0 297 84883 6.[3] Nous publierons une critique de ce livre dans un de nos prochains numéros.
Présentation de l’auteurTony Judt, un aronien à New Yorkpar
Karim Emile BITAR, ENA MENSUEL, La revue des Anciens Élèves de l'Ecole Nationale d'Administration, NUMÉRO HORS-SERIE, "POLITIQUE ET LITTÉRATURE", DÉCEMBRE 2003Il se passe rarement plus d’une semaine sans que nous ne ressentions l’énorme vide qu’a laissé Raymond Aron dans le paysage intellectuel français. A chaque fois que nous allumons un écran de télévision ou ouvrons un journal, à chaque fois que nous voyons tel ou tel histrion médiatique nous abreuver de sophismes et de raisonnements spécieux, étaler sa suffisance et s’efforcer péniblement de camoufler ses faiblesses intellectuelles derrière des postures et des effets de manche, nous regrettons amèrement que Raymond Aron ne soit plus en vie pour porter un regard lucide, clair et sans complaisance sur les grands enjeux d’aujourd’hui, face à ce que Stanley Hoffmann appelle à juste titre « le triste état du monde contemporain ». Son absence se ressent d’autant plus qu’il avait toujours refusé les raisonnements binaires et les guerres de tranchées intellectuelles qui sévissent aujourd’hui. Raymond Aron n’était pas homme à se laisser manipuler par un Otto Abetz ou un Willy Munzenberg. Homme de droite, au sens le plus noble de l’expression, Raymond Aron a gagné le respect de ses adversaires politiques et idéologiques. Il a réussi ce défi, non seulement car ses analyses percutantes et toujours remarquablement bien étayées réussissaient à convaincre et à emporter l’adhésion, mais d’abord et surtout parce que Raymond Aron faisait partie de ces intellectuels, devenus malheureusement si rares, qui ont le courage, lorsque cela est nécessaire, de penser contre leur propre camp, quitte à heurter leurs amis politiques, quitte à subir les attaques incessantes et pleines de mauvaise foi de ceux qui ne comprennent pas que l’on puisse s’écarter de la « ligne » qu’auraient fixée pour nous les représentants de notre « camp ». Ses positions courageuses et lucides sur la guerre d’Algérie lui ont valu bien des critiques venimeuses qui apparaissent, avec le recul, ô combien dérisoires.À tous ceux qui recherchent aujourd’hui péniblement un fils spirituel, un héritier ou du moins un intellectuel dont le tempérament peut faire penser à Aron, nous ne pouvons que conseiller de regarder de l’autre côté de l’Atlantique, et de se pencher sur l’itinéraire de Tony Judt, le plus francophile des intellectuels américains. Titulaire de la chaire Erich Maria Remarque d’Etudes Européennes à New York University, spécialiste de l’histoire européenne et plus particulièrement des intellectuels français du XXème siècle, Tony Judt a ceci de commun avec Raymond Aron qu’il est un homme libre, qui a toujours pensé librement, qui a constamment et fièrement refusé de se laisser embrigader par tel ou tel courant politique. Tony Judt est l’un des plus farouches critiques des dérives du « politiquement correct » qui sévit en Amérique, et voilà que certains, très vite, s’empressent de le classer à droite sur ce fameux « échiquier politique » qui les obsède. Mais voilà, Tony Judt est aussi l’un de ceux qui se sont opposés avec le plus de fougue à la politique extérieure de l’administration Bush, le voilà donc catalogué comme un dangereux gauchiste par ceux là même qui ne peuvent admettre qu’un intellectuel refuse les étiquettes et les embrigadements de toute sorte. Et si Tony Judt était tout simplement aronien ? Les lecteurs de la prestigieuse New York Review of Books ont tout autant de plaisir à lire aujourd’hui les articles incisifs de Judt que ceux du Figaro, il y a trente ou quarante ans, qui attendaient impatiemment le prochain article d’Aron.Né dans une famille originaire d’Europe de l’Est, de parents proches du Bund et admirateurs de Léon Blum, Tony Judt, historien britannique, a obtenu son doctorat de Cambridge mais il a également fait une partie de ses études à Paris où il fut élève de l’Ecole Normale Supérieure. Ami de François Furet, qui a préfacé l’un de ses ouvrages, Tony Judt lutte sur tous les fronts : contre l’antiaméricanisme primaire mais aussi contre ce qu’il appelle « l’anti-antiaméricanisme » tout aussi primaire lorsqu’il qui cherche à discréditer toute critique légitime d’une politique extérieure devenue aussi arrogante que contre-productive.Tony Judt est l’auteur de près d’une dizaine d’ouvrages dont plus de la moitié ont été traduits en français. En cette période de disette post-aronienne, nous ne pouvons que conseiller à tous de se plonger dans les livres de Tony Judt, qui est aujourd’hui, et à juste titre, l’un des intellectuels les plus en vue à New York.
Tony Judt
Bibliographie sélective de Tony JudtPostwar: A History of Europe since 1945 [L’Après-guerre : Une Histoire de l’Europe depuis 1945]La responsabilité des intellectuels : Blum, Camus, Aron, Calmann-Lévy, 2001Un passé imparfait, Les intellectuels français 1944-1956, Fayard, 1992Le marxisme et la gauche française, Hachette, 1987La reconstruction du Parti Socialiste 1921-1926, Presses de Sciences Po, 1976
Original : London Review of Books / Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner sources et auteurs.
Source : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?lg=fr&reference=1178
http://www.palestine-solidarite.org

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