samedi, juillet 19, 2008

L’échange de prisonniers entre Israël et le Hezbollah

Une femme palestinienne tient un portrait de Samir Kuntar, un prisonnier libanais, incarcéré en Israël durant près de trente ans, lors d'une protestation hebdomadaire devant le siège de l'immeuble de la Croix Rouge Internationale à Gaza exigeant la libération des prisonniers palestiniens et arabes - 14 juillet 2008 (photo : Wissam Nassar/agence Maan Images)
La libération de Samir Kuntar signifie qu'Israël en a terminé avec sa politique consistant à refuser de libérer tout prisonnier qui aurait « du sang israélien sur les mains ».
vendredi 18 juillet 2008 - 07h:19 / Info-palestine / Amal Saad-Ghorayeb - The Electronic Lebanon
La décision prise par le gouvernement israélien, de conclure un accord d'échange de prisonniers avec le mouvement libanais Hezbollah - à la veille de l'anniversaire du déclenchement de la guerre entre les deux partis, une guerre qui dura du 12 juillet au 14 août 2006 - ne rentrera pas dans les annales des moments les plus glorieux de l'histoire d'Israël.
Même son architecte en chef, le Premier ministre Ehud Olmert, a évoqué, à propos de ce marché, les termes de « tristesse » et d' « humiliation », tandis qu'il faisait l'objet d'une opposition catégorique de la part des chefs de l'agence israélienne de sécurité intérieure (Shin Bet) et de celle du renseignement international (Mossad), ainsi que d'un certain nombre d'hommes politiques israéliens appartenant à l'ensemble du spectre politique.
De fait, l'échange de prisonniers, en lui-même (ou, dans le cas de deux soldats israéliens dont la capture avait entraîné la guerre de l'été 2006, de leurs dépouilles), qui devrait avoir lieu au plus tard entre le 16 et le 17 juillet 2008, dernier carat, peut être décrit comme une resucée de ce que la commission d'enquête israélienne (chargée d'analyser le conflit) elle-même considéra comme une défaite israélienne d'ampleur historique.
Certes, Israël avait déjà conclu des marchés similaires, par le passé - certains d'entre eux impliquant la libération de nombres de prisonniers bien plus importants que les cinq Libanais qui doivent être élargis, cette fois-ci. Mais la nature-même du présent échange, ainsi que l'ensemble de ses nombreuses implications stratégiques, en font un jeu à somme nulle, dans lequel Israël est le perdant et le Hezbollah, une fois encore, émerge, triomphant.
En le mettant en œuvre, Israël tiendra bel et bien la « promesse craché-juré » du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, d'obtenir la libération des prisonniers libanais retenus par Israël (soit, l'objectif initial de l'opération effectuée par le Hezbollah, le 12 juillet 2006, lorsqu'il captura deux soldats israéliens sur la frontière israélo-libanaise), et il (Israël, ndt) ne fera que reconfirmer le slogan maintes et maintes fois répété par Nasrallah : « Exactement comme je vous ai toujours promis la victoire, aujourd'hui, je vous promets, encore une fois, la victoire ! ». L'impact général confèrera à ces maximes populaires l'apparence de prophéties stratégiques...
L'équilibre des avantages
En substance, le marché est à l'avantage du Hezbollah, tant quantitativement que qualitativement. En effet, en sus de la libération de quatre combattants libanais faits prisonniers durant la guerre de 2006, le Hezbollah a arraché à Israël l'élargissement du doyen des prisonniers libanais en Israël, Samir Kuntar, en prison depuis 1979 pour le rôle qu'il prit dans l'assassinat d'un Israélien, de sa fille âgée de quatre ans et d'un policier.
On ne saurait surestimer, tant elle est immense, la valeur symbolique de la libération de Kuntar, aux yeux du Hezbollah - qui l'a qualifié de « chef des prisonniers libanais et arabes » - ; en effet, son statut de cause célèbre pour de très nombreux Libanais a été acquis en 2004, lorsqu'Israël le qualifia de « monnaie d'échange » humaine, susceptible d'être versée contre des renseignements concernant le sort de l'aviateur israélien porté disparu, Ron Arad.
Finalement, le rapport détaillé rendu par le Hezbollah, le 13 juillet, sur ce qui est advenu à Arad, se limite à ses propres investigations sur la disparition de l'aviateur - et l'on rapporte qu'il l'aurait déclaré mort, sans situer l'endroit où se trouve sa dépouille (voir l'article du Haaretz, d'Amos Harel et Yossi Melman : « Hezbollah transfers report on Arad », 14 juillet 2008 ). De plus, la façon dont les médias israéliens ont présenté l'affaire suggère que la contrepartie du rapport sur Arad (du Hezbollah) est un rapport israélien sur le sort des quatre diplomates iraniens qui avaient été kidnappés (et vraisemblablement assassinés) durant l'invasion israélienne du Liban, en 1982.
Le véritable marchandage, en ce qui concerne Samir Kuntar, semble porter, aujourd'hui, sur les deux soldats israéliens enlevés, le 12 juillet 2006, Ehud Goldwasser et Eldad Regev - et cela assure à ces deux hommes une précellence manifeste sur le naguère iconique a aviateur Arad. La supposition très largement répandue selon laquelle les deux soldats sont morts signifierait qu'Israël va très bientôt recevoir des « soldats refroidis » en échange de « terroristes bouillonnants » - et c'est là une taloche très sévère infligée à la fierté nationale israélienne. Mais que ses soldats soient morts, ou bien vivants, le 16 ou le 147 juillet, la libération de Samir Kuntar signifiera qu'Israël en aura terminé avec sa politique de longue date consistant à refuser de libérer tout prisonnier qui aurait « du sang israélien sur les mains ».
Ce revers politique israélien a ragaillardi le Hamas, que l'ex-ministre des Affaires étrangères (palestinien) Mahmoud Al-Zahar exhorte à exploiter la décision concernant Kuntar dans ses négociations avec Israël au sujet de la libération de Gilad Shalit, le soldat israélien capturé par le Hamas le 25 juin 2006. La décision prise par le Shin Bet en juin 2008, d'approuver la libération de prisonniers palestiniens contre celle de Shalit - à condition que lesdits prisonniers palestiniens soient considérés ne plus représenter aucun risque sécuritaire - révèle la vulnérabilité croissante d'Israël face à des mouvements tels que le Hezbollah et le Hamas.
Autre indice de l'effritement du pouvoir de chantage d'Israël vis-à-vis des deux formations : son approbation, fût-elle réticente, de libérer un nombre encore non-spécifié de prisonniers palestiniens, dans le cadre même du « marché Hezbollah ». Dès lors que cela contredit le ministre Yaakov Edri, du parti Kadima, qui avait juré qu' « en aucun cas, nous ne libérerons le moindre Palestinien », il n'y a aucune raison de douter de la pertinence de Nasrallah, lorsqu'il décrit ce pan des négociations comme « le plus ardu ».
Le nombre précis des prisonniers palestiniens promis à l'élargissement n'est pas encore sûr (bien que, si Goldwasser, ou Regev, est toujours en vie, on peut assumer sans risque de se tromper que le Hezbollah obtiendra un prix encore meilleur, à cet effet) ; mais quoi qu'il arrive, cette concession est particulièrement néfaste, pour Israël. Une telle capitulation, d'un côté, ne peut que consacrer l'image de défenseur inébranlable des droits des Palestiniens, dont il jouit dans le monde arabe, et, de l'autre, elle ne peut que permettre au Hamas de faire monter les enchères du prix de la libération de Shalit, qui passe ainsi de 450 à 1 450 prisonniers palestiniens - d'autant plus aisément que le soldat des Forces Israéliennes de Défense est très vraisemblablement vivant.
Les ingrédients de l'échec
Si les termes du marché sont déjà très durs pour Israël, ses conséquences stratégiques sont elles aussi une cause de préoccupation pour lui, pour quatre raisons différentes.
Primo, l'échange de prisonniers représente une reconnaissance tacite de la responsabilité d'Israël dans la guerre de juillet et août 2006, qui infligea des destructions énormes au Liban, causant la mort de plus de 1 200 Libanais (essentiellement, des civils). Israël avait présenté sa guerre comme une riposte aux enlèvements pratiqués par le Hezbollah, alors que Nasrallah avait insisté, depuis le début, sur le fait que son mouvement ne cherchait pas davantage qu'un échange de prisonniers avec Israël (retour à la case départ ! ndt).
L'accord manifesté par Israël pour procéder aujourd'hui à ce swap, après l'avoir refusé catégoriquement aussi longtemps, a exposé au vu de tout le monde l'utilisation que fait ce pays des enlèvements comme prétexte pour lancer une guerre préméditée contre le Hezbollah, dans une tentative visant à en démanteler l'infrastructure militaire.
Deuxio, le marché d'échange - ainsi que l'établissement de la preuve de la responsabilité israélienne dans la guerre de 2006 - confirme la conclusion de l'évaluation de la commission (israélienne) Winograd, à savoir la défaite d'Israël, dans cette guerre. Sa formidable machine militaire n'a réussi ni à éliminer la capacité militaire du Hezbollah, ni à obtenir la libération inconditionnelle de ses deux prisonniers.
C'est très précisément ce que Nasrallah avait prédit, avec beaucoup de clairvoyance, le jour même desdits enlèvements, lorsqu'il s'est rendu célèbre en disant, au cours d'une conférence de presse : « Ces prisonniers, entre nos mains, ne rentreront jamais chez eux, sauf s'il y a des négociations indirectes, et un échange ». Sinon, non : « même si le monde entier tentait de les exfiltrer ». Au même moment, Olmert rejetait l'avertissement de Nasrallah d'un revers de la main, et se gaussait de sa proposition de procéder à un échange de prisonniers, déclarant qu'Israël « ne se soumettra à aucun chantage, et négociera jamais la vie de nos soldats avec des organisations terroristes. »
La même semaine, Olmert avait enfoncé le clou, avec une détermination tout aussi impérieuse et apparemment irrévocable, au sujet de Gilad Shalit : « Je n'ai jamais négocié jusqu'ici avec le Hamas, je ne suis pas en train de négocier avec le Hamas, et je ne négocierai jamais avec le Hamas ! ». Nasrallah, qui se targue de comprendre la psyché politico-militaire des Israéliens, avait anticipé ce roulage de mécanique, le 12 juillet 2006 : « Au début, ils [les Israéliens] disent non, mais ensuite, ils acceptent. Cela peut se produire d'ici une semaine, d'ici un mois ou d'ici un an, mais, en fin de compte, ils nous diront : « négocions »... »
Troisio, (oups : tertio !) : en acceptant le marché, Israël ne saurait se consoler par le fait qu'il est en train de se soumettre à la volonté de la communauté internationale ou au diktat du droit international. L'échange de prisonniers s'effectuera, certes, sous les auspices de l'Onu, mais il n'est pas inutile de rappeler que la résolution 1701 du Conseil de sécurité (qui mit un fin à la guerre, le 14 août 2006) - tout en en appelant à un « règlement urgent » de la question des prisonniers libanais - avait adopté le langage israélien en stipulant « la libération inconditionnelle des soldats israéliens enlevés » (en lieu et place d'en appeler à un échange). Et c'est ainsi que le Hezbollah apparaît comme ayant réussi à défier non seulement Israël, mais aussi, tout aussi bien, la volonté de la communauté internationale...
Quarto : en reconnaissant le Hezbollah, et non le gouvernement libanais, comme partenaire de négociations, Israël a, par inadvertance, sapé ce dernier, exacerbant encore un peu plus la position qui est la sienne. La réponse du Hezbollah aux critiques s'élevant à l'intérieur du Liban, au sujet de sa primauté, dans cette question (comme celles qu'a formulé l'homme politique Amine Gemayel) a toujours consisté à dire qu'aucun gouvernement libanais n'a jamais cherché à obtenir la libération de prisonniers libanais par les voies diplomatiques ; un des illustrations en est l'actuel gouvernement dirigé par Fouad Siniora, qui n'a pas utilisé le levier diplomatique dont il jouit vis-à-vis des Etats-Unis et de l'Europe pour résoudre la question des prisonniers.
Le résultat en est que le Hezbollah émerge comme la force, au Liban, qui est à même d' « assurer », perpétuant de ce fait une importante dynamique politique - celle de l'acteur non-étatique qui fonctionne, de facto, par opposition à l'Etat non-acteur, qui [ne fonctionne pas et] ne fait que jouir d'un statut d'Etat de jure.
Ce distinguo répond pour partie à la question soulevée par un membre important de la faction du 14 mars au pouvoir actuellement au Liban, à savoir le leader druze Walid Jumblatt : « Comment se fait-il que certains d'entre nous [au Liban] ont le droit de conduire des négociations pour le retour de prisonniers, de mener des négociations avec Israël », tandis que l'Etat - au cas où il s'engagerait dans de telles négociations - serait « accusé de collaborer avec l'ennemi » ?!?
Le point fondamental, c'est le fait que l'Etat de jure libanais, dépourvu de toute stratégie ou de toute politique défensive, n'a pas le pouvoir (vis-à-vis de ses ennemis), ni l'autorité morale (sur une proportion significative de la population libanaise) qui lui permettraient de négocier des marchés de ce type, et encore moins avec un ennemi aussi supérieur militairement et si anathémisé populairement que l'est Israël. Si l'Etat libanais, dans sa capacité présente, devait négocier (directement ou indirectement) avec Israël, cela ne pourrait être que sous la pression américano-israélienne à cet effet ; alors que si des formations, comme le Hezbollah et le Hamas, sont engagées dans de telles négociations, c'est parce qu'ils ont contraint Israël à s'y prêter.
La logique de la force
De fait, une conséquence plus large des échanges actuels de prisonniers avec le Hezbollah et le Hamas, c'est la confirmation du truisme selon lequel Israël « ne comprend que la logique de la force ». Le Hezbollah a invoqué à de multiples reprises et argument en attribuant la libération de portions du territoire palestiniens et libanais à l'activité de la résistance, tout en décriant la futilité de toute diplomatie avec Israël visant à recouvrer des prisonniers, ou des terres.
Un haut responsable de l'Autorité palestinienne s'en est fait l'écho, récemment, en reprochant à Israël le fait qu'il « montre que la force est le seul langage que vous compreniez, en permanence. Le Hezbollah vous combat, kidnappe des soldats [sic], et voilà que toutes ses exigences sont satisfaites. Nasrallah met Israël à genoux à chaque fois, et vous, comment vous réagissez ? Vous, vous mettez Abou Mazen [le président de l'Autorité palestinienne] à genoux !... »
Pour Israël, sa reddition à cette logique n'est pas sans risque. En rétablissant des liens entre les enlèvements et les échanges de prisonniers, entre la lutte armée et la libération de territoires occupés, Israël s'expose à une confrontation renouvelée avec ses [innombrables, ndt] ennemis. Contrairement à des prédictions incessantes selon lesquelles la fermeture du « dossier libérations » du Hezbollah (après les libérations de prisonniers, et le recouvrement par le Liban des territoires disputés autour des Fermes de Shebaa) priverait le Hezbollah de tout prétexte pour conserver ses armes, l'échange de prisonnier ne fait, en réalité, que renforcer la légitimité, pour ce groupe, à conserver son statut de formation armée.
Le Hezbollah se voit clairement très bien continuer à jouer un rôle indispensable dans ce qu'Hassan Nasrallah appelle une « stratégie de défense nationale » [libanaise, ndt] effective. L'ex-ministre de l'Energie, de cette formation, Mohammad Fneish, s'en est fait l'écho, en faisant allusion au succès remporté par le groupe dans la conclusion du marché actuel : « lorsque nous évaluerons de futurs dangers, nous devrons reconnaître que la résistance correspond à une nécessité, de par sa préparation à agir, et de par l'expérience de ses combattants et de ses commandants. »
Le Hezbollah a veillé à ce que le marché d'échange des prisonniers serve de facteur d'unification politique en le saluant comme une victoire de l'ensemble de la nation libanaise. Nasrallah a fait un geste, à cet effet, en direction des anciens adversaires politiques de son parti, dans un discours qu'il a prononcé le 2 juillet. Au moment où j'écris ceci, les épigones du camp pro-gouvernemental du 14 Mars se sont engagés à assister à la cérémonie d'accueil au Liban des prisonniers Libanais ; le Premier ministre Fouad Siniora s'est quant à lui engagé à faire de ce jour un jour de fête nationale.
De plus, la façon que Nasrallah a de présenter ce deal fait du Liban « le premier pays arabe impliqué dans le conflit arabo-israélien » à résoudre des questions de prisonniers, de dépouilles de combattants et de combattants portés disparus lors de combats, lui qui est ce petit pays dans l'immense monde arabe... Cela permet aussi au Hezbollah de s'engager dans une opération de contrôle des dégâts particulièrement bienvenue, après son implication dans les affrontements intercommunautaires du mois de mai. Mentionnons que le fait que Kuntar n'appartienne pas au Hezbollah, mais appartienne à la communauté druze, laquelle est communément [et pour partie erronément, ndt] identifiée au camp du 14 Mars, sera sans doute de nature à faciliter grandement ce processus...
La faiblesse a un coût
Un des aspects importants du swap de prisonniers annoncé, c'est la capacité du Hezbollah à s'approprier pour lui-même le standard moral (qu'Israël a si longtemps revendiqué, en procédant à des échanges asymétriques de prisonniers avec les formations arabes de résistance) de celui qui agit conformément « aux valeurs et à la dignité humaines ». Nasrallah y a fait allusion, dans son discours du 2 juillet, quand il a défendu l'image « civilisée et humanitaire » du mouvement, due à « son respect pour l'homme et pour la valeur et la dignité propres à tout être humain », et fustigé la présentation d'« organisation terroriste » faite, de la résistance, par le gouvernement britannique. Comme l'a affirmé Fneish : « Nous avons rendu le respect à la valeur de l'humanité - un respect que lui avait enlevé le soi-disant ordre arabe ».
La célébration mémorielle de ses morts au combat par le parti, les campagnes de longue haleine qu'il a menées afin de récupérer ses prisonniers, les actions militaires et les initiatives diplomatiques qu'il a entreprises pour les récupérer, ont soutenu à quel point ses combattants, vivants ou morts, sont à ses yeux - et elles ont commencé à lui apporter de substantiels dividendes politiques. En cela, aussi, le Hezbollah a pris l'initiative sur Israël, dont la dernière opération militaire visant à récupérer ses prisonniers remonte aussi loin que l'année 1994, lorsqu'Israël avait enlevé Mustafa Dirani afin de l'échanger contre de l'info sur son aviateur Ron Arad.
L'allégation de Nasrallah, selon qui Israël n'a même pas soulevé la question des dépouilles de ses dix soldats tués durant la guerre de 2006, si bien que c'est le Hezbollah qui s'est offert de les lui refiler, ne fait que renforcer cette appréciation. Par le passé, l'inclination d'Israël à s'engager dans des échanges de prisonniers bancals avait pu être perçue comme découlant d'un engagement éthico-religieux qui, à la fois, le rendait vulnérable et lui valait une image de supériorité culturelle et morale vis-à-vis d'Arabes dont le « prix » était bien inférieur ; aujourd'hui, toutefois, c'est cette même volonté qui passe pour de la faiblesse stratégique...
La raison la plus vraisemblable de la décision israélienne de signer un accord d'échange de prisonniers en dépit de ses implications stratégiques aussi redoutables, c'est le fait qu'Israël est désireux d'éviter une autre confrontation avec le Hezbollah, et de prévenir de futurs enlèvements de ses troufions. La défaite d'Israël dans la guerre de juillet-août 2006, et son aveu que le Hezbollah est devenu depuis lors encore plus puissant qu'il ne l'était par le passé, ne fait que refléter une diminution de sa capacité de dissuasion et une minoration de son statut de puissance militaire (une minoration qui jette un doute sur sa capacité de lancer des offensives militaires, actuellement, y compris [et peut-être, en particulier ? ndt] contre l'Iran).
La pire faille, entre toutes, réside dans le domaine de la planification stratégique : si Israël avait accepté un échange de prisonniers avant, ou juste après le 12 juillet 2006, il aurait évité des provocations ultérieures du Hezbollah, et il se serait épargné l'humiliation de la défaite, qui a révélé sa faiblesse au monde entier, et qui l'a contraint à faire concession douloureuse sur concession douloureuse...
[* Amal Saad-Ghorayeb est Libanaise, spécialiste de science politique, chercheuse, analyste et auteur du livre : Hizbullah : Politics and Religion [clique ici !]. Cet essai a été publié, originellement, par Open Democracy. Il est republié ici avec l'autorisation de l'auteur.]


16 juillet 2008 - The Electronic Lebanon - Vous pouvez consulter cet article à : http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier

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vendredi, juillet 18, 2008

Mandela déplore pauvreté et inégalités en Afrique du Sud, le jour de ses 90 ans

Le premier président noir et héros de la reconciliation en Afrique du Sud, Nelson Mandela, a saisi vendredi l'occasion de son 90e anniversaire pour adresser un message fort, dénonçant les inégalités et la pauvreté qui tenaillent son pays.
18/07/2008 11:51:53 - QUNU (AFP) / Jeuneafrique
A l'écart de l'avalanche d'hommages venus du monde entier, le héros de la lutte contre l'apartheid s'est retranché à Qunu dans son village d'enfance, où le vieux combattant anti-apartheid, Prix Nobel de la Paix (1993) et chef d'Etat (1994-99) a fait preuve d'une capacité d'indignation intacte.

"Il y a beaucoup de riches en Afrique du Sud et ils pourraient partager leurs richesses avec ceux qui n'ont pas eu la chance de sortir de la pauvreté", a-t-il lancé dans une interview à un pool de presse.

"Notre peuple est en proie à la pauvreté", a déploré Mandela, lutteur infatigable pour la dignité humaine, qui s'est dit chanceux d'avoir atteint ce grand âge. "Mais si vous êtes pauvres, vous avez peu de chances de vivre longtemps", a-t-il souligné.

L'Afrique du Sud est la première puissance économique du continent, mais 43% de ses 48 millions d'habitants vit toujours sous le seuil de pauvreté et les écarts de richesse ne cessent de s'accroître.

Le revenu mensuel moyen des 10% les plus pauvres a augmenté depuis la chute de l'apartheid, passant de 857 rands (71,5 euros) en 1994 à 1.032 rands l'an dernier (86 euros), alors que celui des 10% les plus riches a bondi de 68.000 à 98.000 rands (de 5.000 à 8.000 euros), selon des statistiques gouvernementales publiées jeudi.

Dans un message radiodiffusé, Nelson Mandela a laissé de côté sa popularité mondiale se disant "honoré" par les messages d'anniversaire adressés à "un vieil homme à la retraite, qui n'a plus ni pouvoir ni influence".

Vendredi, fêtes, concerts, initiatives diverses sont prévues dans le pays, notamment un combat de boxe (clin d'oeil à son hobby de jeunesse), pour fêter ses 90 ans, mais aussi son 10e anniversaire de mariage avec Graça Machel, la veuve de l'ancien président mozambicain Samora Machel. Sa famille lui a préparé une petite fête "surprise" dans la plus stricte intimité.

Samedi, ils seront rejoints par 500 invités, dont Thabo Mbeki, qui lui a succedé en 1999 à la présidence du pays, et Jacob Zuma actuel chef du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) et, à ce titre, leur probable successeur en 2009.

Les proches de Mandela, dont l'apparence se fait de plus en plus frêle, veulent le préserver après des semaines d'activités intenses pour un nonagénaire, qui l'ont notamment mené à Londres en juin pour un concert géant dédié à la lutte contre le sida.

Depuis plusieurs jours, les hommages abondent du monde entier en l'honneur de celui qui est devenu "Madiba" (surnom affectueux, tiré de son nom clanique) ou "Tata" (papy) pour toute une nation.

L'ancien président américain Bill Clinton a loué "la puissance de son exemple", tandis que le président de la Fédération internationale de football Joseph Blatter saluait cette "icône de l'humanité" qui contribua à obtenir l'organisation de la Coupe du monde 2010 pour son pays.

Quant à la presse sud-africaine, elle a reproduit des centaines de messages d'anniversaire, dont celui du président Mbeki qui a salué "une vie incarnant tout ce que les êtres humains devraient être envers eux-mêmes et les autres".

Seule voix discordante, l'hebdomadaire Mail and Guardian a regretté que "la célébration d'un leader dévoué et généreux se mêle au goût amer d'un héritage pollué". Pour le journal, son héritage est "menacé" par "l'apparition d'une classe de vampires politiques", des attaques contre la justice et les divisions au sein de l'ANC.

A Qunu, l'excitation était palpable chez les habitants, bien que non conviés à la fête privée. "Je vais mettre mon plus beau costume et me tenir près du portail juste pour pouvoir l'apercevoir", confiait Thandile Geledwa, 60 ans.

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jeudi, juillet 17, 2008

Les criminels, c’est toujours les autres

Annoncée en primeur par les Américains qui ont exercé des chantages poussés sur de nombreux Etats pour ne pas ratifier le traité sur la Cour pénale internationale (CPI), la décision du procureur de cette cour d’inculper Omar Al-Bachir pour génocide est entachée de forte suspicion.
M. Saâdoune - Le Quotidien d’Oran

Elle ne relève pas du droit mais de la politique. De la basse politique. Si Omar Al-Bachir est comptable, du fait même de sa responsabilité politique, de ce qui se passe au Soudan, pourquoi la CPI ne ferait pas « l’effort » simple d’aller au bout de sa logique et de constater que George W. Bush et Tony Blair sont comptables des carnages qui ont eu lieu en Irak ? Pourquoi, en effet, l’idée de poursuivre des chefs d’Etat occidentaux si manifestement coupables de crimes contre les hommes et les peuples, n’effleure même pas le procureur de la Cour pénale internationale ?
Cela aurait été pourtant d’une pédagogie exemplaire pour le monde entier et cela aurait donné un sens sérieux à une justice pénale qui serait devenue réellement internationale et non pas américaine ou occidentale.
Mais cela est bien impossible : dans la psyché des dominants, les criminels, ce sont exclusivement les « autres ». Eux-mêmes, quand ils tuent et massacrent, seraient automatiquement blanchis par la pureté de leurs intentions démocratiques. La « civilisation » ne massacre jamais, même si ses victimes se comptent par centaines de milliers. Elle ne peut pas commettre de crimes contre l’humanité car elle serait l’incarnation de l’humanité, à l’exclusion de tous les autres.
Omar Al-Bachir n’est peut-être pas défendable, sa force ne tient pas à la solidarité que lui expriment l’Union africaine ou la Ligue arabe. La force de son dossier face à ses accusateurs est dans l’impunité dont bénéficient les criminels d’Occident, ceux qui peuvent attaquer un pays, le détruire, provoquer des tueries de masse et des exodes massifs sans que la pensée de leur demander des comptes effleure aucun juge.
Les opinions arabes et africaines pourraient suivre le menteur jusqu’au bout de sa porte : jugez Omar Al-Bachir, d’accord. Mais qu’attendez-vous pour poursuivre aussi George Bush et Tony Blair ? Ils ont violé le droit international, agressé un pays et causé des désastres humains d’une ampleur inouïe. Pourquoi échapperaient-ils à la justice ?
Les Occidentaux - presse et hommes politiques confondus - ont pris l’habitude, quand ils parlent d’eux-mêmes (en gros les Etats-Unis et l’Europe), d’affirmer que c’est la « communauté internationale » qui parle. De cette communauté internationale sont automatiquement exclus les Chinois, les Russes, les Arabes, les Africains, les Latino-Américains..., la majorité de l’humanité en somme.
Quoi de plus « normal » dès lors que la justice pénale internationale soit aussi exclusivement occidentale et totalement instrumentalisée pour leurs objectifs politiques. L’annonce faite par le procureur de la Cour pénale internationale est funeste aussi bien pour la situation au Darfour et dans la région que pour la crédibilité de la justice internationale.
Lire aussi :
La nouvelle a fait beaucoup, beaucoup moins de bruit que la victoire espagnole en football. En vérité, pas un seul média continental européen n’en parle, et pour cause : il semble que la guerre en Irak est en train d’être gagnée. Pour les éditorialistes du Monde, de la NZZ ou d’El Pais, la chose est difficile à accepter. Pourtant, dans un article très long, constellé de chiffres et de ...

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lundi, juillet 14, 2008

Des doutes planent sur le nouveau “Club Med”

Plus il y a de poignées de mains, plus la situation empire dans les territoires occupés

Les dirigeants de plus de 40 pays se réunissent à Paris pour inaugurer l'Union pour la Méditerranée, une nouvelle union visant à resserrer les liens entre les pays membres dans des domaines tels que les affaires, l'économie et l'éducation.
14 juillet 2008 / Info-palestine

Lors du lancement de l'union, le Premier Ministre israélien, Ehud Olmert, a dit que les perspectives d'un accord de paix entre Israël et les Palestiniens n'ont jamais été meilleures.
Toutefois, Marwan Bishara, Analyste politique principal à Al Jazeera, parlant depuis l'extérieur du sommet, a dit qu'un accord de paix durable au Moyen Orient, ne peut se concrétiser qu'avec le soutien des États-Unis.

« Par le passé, on a vu des poignées de mains aux sommets et nous en avons vues aujourd'hui entre Olmert, Abbas et Sarkozy. Nous voyons ça depuis 15 ans et il semble que plus il y a de poignées de mains, plus la situation empire dans les territoires occupés.
« Il est évident que les Français essaient depuis un certain temps de participer aux efforts visant la conclusion d'un traité de paix au Moyen Orient, mais ils connaissent leurs limites et ils savent que ce sommet n'est que le prélude à des négociations qui démarreront dès que Washington sera prêt à les patronner.
« La présence du Président syrien à Paris est un progrès, mais depuis les années 80, à l'époque Mitterrand, il est évident que les dirigeants arabes passent par Paris bien avant d'aller à Washington.
« Je crois que le Président français joue un rôle catalyseur. S'il est vrai qu'il y a un vide stratégique et diplomatique au Moyen-Orient, il est évident que le Qatar a réussi à rapprocher les Libanais. La France tire maintenant parti du succès qatari pour amener les Syriens, les Libanais et les Israéliens à la table.
« Le Président syrien Bachar el-Assad a dit samedi qu'il ne compte qu'avec les garanties étasuniennes quand il s'agit de paix avec Israël. Je crois que les Syriens ne font pas confiance aux Israéliens dans les accords bilatéraux. Israël est le premier allié des États-Unis dans la région et il ne ferait pas fi de Washington s'agissant d'accords diplomatiques durables dans la région.
Le deal libanais
« Il semble qu'en mai, quand le Hezbollah a pris le contrôle de Beyrouth avant qu'un accord entre parties rivales ne soit finalement conclu à Doha, la Syrie et l'Iran ont joué un rôle positif dans les négociations. Et qui n'a pas participé au processus ? Les Français et les Américains. Michel Sleiman et el-Assad se dirigent actuellement vers l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays. « La Syrie a été invitée parce que Sarkozy a admis aujourd'hui qu'elle a un rôle à jouer au Moyen-Orient. Il sera très difficile de faire progresser quoi que ce soit sans la participation de Damas.
« Toutefois, la Syrie est d'avis que rien de positif ne se produira dans la région sans l'engagement de l'Iran. Nous en revenons donc au Groupe d'étude sur l'Irak qui a conclu il y a quelques années qu'il faudrait engager la Syrie et l'Iran dans le processus diplomatique au lieu de lancer des guerres contre ces deux pays.

2 La nouvelle union fait suite aux tensions entre Merkel et Sarkozy
« Tout ce que nous avons vu ici, y compris les fortes paroles de Sarkozy, reflètent une réalité qui est en fait beaucoup plus modeste. Il semble que d'après le compromis entre Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, la Commission européenne pour les affaires méditerranéennes sera chargée de cette nouvelle union. Pour l'instant la France n'est que le pays hôte.
« Cette idée d'un club méditerranéen a commencé quand Sarkozy souhaitait une union entre l'Europe et l'Afrique. Le projet a ensuite été ramené à une union méditerranéenne, mais ça n'a pas marché. Comme suite au compromis passé entre les Allemands et les Français, on est arrivé à une union pour la Méditerranée. Il ne s'agissait pas d'un compromis entre les Arabes, les Turcs et les Européens.
« Les Allemands ont dit « nous n'allons pas financer quoi que ce soit qui n'engage pas les pays de l'Europe du Nord ». Sarkozy voulait remplacer le processus de Barcelone de 1995 (qui visait la promotion du dialogue entre les nations européennes et méditerranéennes) par cette nouvelle union, mais il admet à présent qu'en raison de la pression des Espagnols, des Italiens et des Allemands, cette union prendra la relève du processus de Barcelone.
En revanche, les détracteurs du projet en Turquie disent que le but de cette union est d'éviter qu'Ankara ne devienne membre de l'UE. Dans le sud, les détracteurs disent que la France ne fait tout ça que parce qu'elle veut que les Arabes collaborent dans la lutte contre le terrorisme et l'immigration illégale en échange de l'aide qui serait apportée à leur développement ».

* Marwan Bishara est analyste politique principal à Al Jazeera
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