samedi, avril 07, 2007

Notre jour viendra

RAMALLAH - Mustafa Barghouti vient d’être nommé ministre de l’Information dans le nouveau gouvernement palestinien d’unité nationale. Médecin, militant des droits humains et fondateur de plusieurs organisations humanitaires en Palestine, il s’est surtout fait connaître par son franc-parler et par son opposition à la corruption. Entrevue avec celui qui représente la « troisième voie » entre le Fatah et le Hamas, une gauche nouvelle palestinienne, laïque et démocratique.
samedi 7 avril 2007 / Mustafa Barghouti - Alternatives / http://www.info-palestine.net/

Croyez-vous que le nouveau gouvernement d’unité nationale répond aux aspirations du peuple palestinien ?
Nous avons mis en place cette coalition pour mettre fin aux violences factionnelles et éviter la désintégration de l’Autorité palestinienne. Le gouvernement d’unité nationale représente 96 % de l’électorat palestinien (25 membres (12 Hamas, 6 Fatah, 7 « indépendants ».Toutes les factions politiques, hormis le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), y sont représentées. Il s’agit du gouvernement le plus démocratique de l’histoire de l’Autorité palestinienne, mais aussi de l’ensemble de la région. Aucun autre gouvernement dans le monde ne jouit d’une telle représentativité. Il faut voir maintenant comment traduire notre programme politique en actions concrètes.
Quels sont, selon vous, les principaux défis de ce gouvernement ?
Les défis auxquels nous devrons face sont considérables. Premièrement, il faut rétablir l’ordre et la sécurité à l’intérieur des territoires palestiniens en renforçant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il faut également initier de véritables réformes et mettre en place des institutions démocratiques afin de lutter contre la corruption, le népotisme et la répression politique.
Nous devrons ensuite surmonter les difficultés sociales et économiques qui résultent des sanctions financières [sanctions décrétées par les principaux bailleurs de fonds occidentaux et Israël après la victoire du Hamas aux élections parlementaires du 25 janvier 2006 et la formation de son gouvernement, deux mois plus tard]. Ce blocus financier a aggravé la situation, déjà dramatique, des populations de Cisjordanie et de Gaza. Il a durement touché chaque communauté et chaque famille palestinienne. Des dizaines de milliers de Palestiniens n’ont pas reçu leur salaire depuis maintenant plus d’un an.
Afin d’exercer une pression politique, Israël retient toujours l’argent des revenus et des impôts Palestiniens qui s’élèvent à 60 millions de dollars par mois. De quel droit retiennent-ils cet argent ? Une telle punition collective - qui a eu pour effet d’affamer la population palestinienne et non de miner la popularité du Hamas - constitue une violation du droit international, notamment de la Quatrième Convention de Genève. Il est impératif de lever cet embargo, mais aussi de faire cesser les restrictions de mouvements infligées par Israël, qui continuent de porter atteinte aux droits des Palestiniens et diminuent leur accès aux produits de base, au travail, à l’éducation et aux soins de santé.
Croyez-vous que cette coalition permettra la levée du blocus financier occidental ?
Oui. Tous les pays arabes, sans exception, ont reconnu le nouveau gouvernement palestinien. Jusqu’ici, dix pays européens ont emboîté le pas. Hier, l’Inde s’est dit prête à négocier avec tous les membres du gouvernement. Même le Consul général américain à Jérusalem a rencontré le ministre des Finances, Salam Fayyad. Ce que nous souhaitons, c’est que chaque gouvernement examine notre plateforme politique sans la distorsion des lunettes d’approche israéliennes.
Notre gouvernement - incluant les membres du Hamas - s’oppose à toutes formes de violence. Nous proposons un cessez-le-feu complet avec Israël, nous nous sommes engagés à respecter les accords signés par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avec Israël et nous honorons le droit international et les Conventions de Genève, qui sont systématiquement violés par l’État Israélien. Alors comment justifier le maintien de ces sanctions ?
En 2002, vous aviez contribué à la formation de l’Initiative nationale palestinienne (Al Mubadara), avec d’autres intellectuels palestiniens, dont Edward Said, Hadir Abdel Shafi et Ibrahim Dakak. Comment s’inscrit la troisième voie dans ce gouvernement d’unité ? Entre le Fatah et le Hamas, nous représentons l’alternative démocratique. En tant que membre de la coalition, nous cherchons à influencer positivement le programme du gouvernement d’unité en introduisant, entre autres, des réformes sociales et politiques, le respect du droit international et le principe de résistance non violente à l’occupation. Jusqu’ici, on nous a écouté.
Que pensez-vous de la plateforme proposée par le gouvernement d’unité nationale ?
D’un point de vue social, le programme du gouvernement d’unité est très progressiste. Il propose entre autres deux chapitres sur les droits des femmes, qui visent notamment à accroître leur participation dans la vie politique, sociale et parlementaire. Il y a en outre un article qui alloue 5 % des postes de la fonction publique aux personnes handicapées. Nous avons également créé un fonds pour les étudiants universitaires afin de lutter contre le népotisme et accroître l’accès aux études supérieures. Nous proposons également de collaborer de près avec la société civile palestinienne.
Est-ce que cette nouvelle coalition pourra relancer les pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens ? Nous proposons de reprendre les pourparlers, mais jusqu’ici l’État israélien refuse. Israël n’était pas prêt à négocier avec Yasser Arafat ni avec son successeur, Mahmoud Abbas. Puis, il y a eu le boycott après la victoire du Hamas.
Aujourd’hui, le gouvernement d’unité comprend les meilleurs leaders démocratiques palestiniens, pacifistes et modérés. Que peut-on demander de plus ? Un gouvernement de collaborateurs ? Nous sommes convaincus que seule une entité démocratique peut parvenir à un règlement final et pacifique de la question palestinienne. La démocratie en Palestine n’est pas seulement la meilleure option, mais la seule qui puisse mener à une paix durable.
Comment expliquez-vous ce refus israélien ?
Israël cherche à gagner du temps afin de poursuivre sa politique d’annexion, d’expropriation de terres et de construction de colonies de peuplement en Cisjordanie pour ainsi supprimer toute possibilité de création d’un État palestinien indépendant. Avec la construction illégale du mur, on est en train d’installer un système ségrégationniste qui, comme l’a suggéré l’ancien président des États-Unis Jimmy Carter, est pire que le système d’appartheid en Afrique du Sud.
Qu’attendez-vous du gouvernement canadien ?
La reconnaissance immédiate du gouvernement palestinien d’unité nationale et le respect de notre choix démocratique. Le Canada devrait juger notre gouvernement sur la base de notre plateforme politique. Il n’y a aucune raison de maintenir un embargo sur un peuple opprimé qui fait déjà face à une violence quotidienne liée à l’occupation.
Hier, j’ai tenu une conférence de presse pour dénoncer les abus commis par les forces militaires israéliennes, notamment après l’incident survenu au check point de Huwwara, près de Naplouse, le 22 mars dernier. Mohammad Jabali, âgé de 19 ans, a été sévèrement battu par l’armée israélienne. Un caméraman était sur scène et a filmé l’incident. Les images - qui le lendemain ont été diffusées par plusieurs stations de télévision - illustrent ce qui se passe quotidiennement dans les 530 check point militaires de la Cisjordanie. Si le public canadien voyait ces images, il n’aurait plus aucun doute sur la stratégie que devrait adopter son gouvernement.
Quelles sont les perspectives de paix et de stabilité régionales ?
Tout le monde s’entend : il n’y aura aucune stabilité régionale sans régler la question palestinienne. Et il n’est plus possible de rester impartial face à l’injustice qui découle de presque 40 années d’occupation ni face au traitement subi quotidiennement par les populations occupées, en infraction aux principes généraux du droit et aux principes humanitaires. Notre lutte n’est pas différente de la lutte d’Indépendance de l’Inde ou de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Nous n’avons pas les moyens militaires de notre adversaire ni leur appareil de propagande, mais la vérité est avec nous. Nous croyons que notre jour viendra, que nous obtiendrons nous aussi notre libération.

Interview réalisée par Catherine Pappas
Catherine Pappas - Alternatives.ca, le 30 mars 2007
Lire aussi :
Il y a cinq ans, le 15 avril 2002, le député et leader du Fatah en Cisjordanie Marwan Barghouti est kidnappé ...

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vendredi, avril 06, 2007

LES ENFANTS SONT PARTICULIÈREMENT EXPOSÉS AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Centre de soins au Niger. Les enfants vont porter de plus en plus le fardeau du réchauffement climatique, à en croire un rapport publié vendredi. Selon l'ONG caritative Save the Children, autour de 175 millions d'enfants seront affectés chaque année au cours de la décennie à venir par des catastrophes climatiques comme les sécheresses, les inondations et les tempêtes. /Photo d'archives/REUTERS/Antony Njuguna • (Reuters - vendredi 6 avril 2007, 7h44)
vendredi 6 avril 2007 /
http://fr.news.yahoo.com/

LONDRES (Reuters) - Les enfants vont porter de plus en plus le fardeau du réchauffement climatique, à en croire un rapport, tandis qu'un autre affirme que la planète va continuer de se réchauffer dans les décennies à venir quels que soient les efforts mis en oeuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Un troisième rapport, publié au moment où les scientifiques du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) tentent de finaliser leur analyse de l'impact des changements climatiques, estime que l'économie ressent d'ores et déjà les effets de l'évolution climatique.
Selon l'ONG caritative Save the Children, autour de 175 millions d'enfants seront affectés chaque année au cours de la décennie à venir par des catastrophes climatiques comme les sécheresses, les inondations et les tempêtes.
Cela, dit-elle, représente 50 millions par an de plus que durant la décennie 1995-2005. Etant des membres particulièrement vulnérables de la société, les enfants seront touchés beaucoup plus que les autres, et des millions mourront, seront contraints de fuir leurs habitations ou seront victimes de famines ou de maladies.
"Les enfants portent déjà le plus gros fardeau des changements climatiques et des millions d'autres enfants seront pris dans des catastrophes naturelles liées au climat, chaque année", explique Jasmine Whitbread, directeur de Save the Children pour la Grande-Bretagne.
EFFET RETARDATEUR
Les scientifiques prévoient que les températures moyennes mondiales vont monter de 1,8° à 4° Celsius au cours du XXIe siècle, du fait des activités humaines.
L'économie ressent déjà les effets néfastes des changements climatiques, selon une autre étude publiée vendredi par la société Risk Management Solutions (RMS).
Selon cette société spécialisée dans l'évaluation des risques posés par les catastrophes, les pertes financières liées aux calamités météorologiques ont augmenté en moyenne de deux pour cent par an depuis les années 1970.
Si les pays riches ont plus de moyens pour faire face à ces pertes que les pays pauvres, ils vont trouver difficile de s'adapter rapidement à l'augmentation des calamités climatiques, a déclaré Robert Muir-Wood, de la société RMS.
Enfin, dans un autre rapport paraissant vendredi, l'Agence britannique pour l'environnement écrit qu'en raison d'un phénomène de retardement des effets de réchauffement du gaz carbonique dans l'atmosphère, les températures vont continuer de monter au cours des 40 prochaines années, quelles que soient les décisions prises en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
"Nos efforts actuels pour réduire les émissions empêcheront une déstabilisation du climat au cours de la seconde moitié du siècle", déclare Barbara Young, qui dirige l'Agence britannique pour l'environnement.

6.4.07 17:16

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jeudi, avril 05, 2007

Les combats ont fait près de 400 victimes civiles en Somalie

Des diplomates américains, européens et africains ont lancé un appel au calme en Somalie où les violents combats de ces derniers jours ont fait près de 400 morts et de 700 blessés parmi la population civile. Ces diplomates se sont réunis au Caire dans le cadre du "groupe de contact" international sur la Somalie pour discuter des moyens de mettre fin aux affrontements et de faire face à l'afflux de réfugiés. Photo prise le 3 avril 2007/REUTERS/Nasser Nuri
mardi 3 avril 2007, mis à jour à 16:54 / [
Lexpress]


Des diplomates américains, européens et africains ont lancé un appel au calme en Somalie où les violents combats de ces derniers jours ont fait près de 400 morts et de 700 blessés parmi la population civile.
Ces diplomates se sont réunis au Caire dans le cadre du "groupe de contact" international sur la Somalie pour discuter des moyens de mettre fin aux affrontements et de faire face à l'afflux de réfugiés.
Les quatre jours de combats qui ont pris fin dimanche à Mogadiscio sont considérés par les ONG comme les plus violents depuis quinze ans et l'on craint que d'autres victimes restent ensevelies sous les décombres.
L'offensive lancée contre les insurgés islamistes par le gouvernement somalien et ses alliés éthiopiens a aussi fait de nombreux morts parmi les belligérants et les quartiers résidentiels ont essuyé des tirs d'artillerie destructeurs.
Un calme précaire régnait mardi pour le deuxième jour consécutif dans la capitale somalienne et les chefs du principal clan de Mogadiscio, les Hawiye, ont rencontré les responsables militaires éthiopiens, a rapporté Ahmed Diriye, porte-parole des Hawiye.
Les combattants des deux camps restent néanmoins retranchés aux abords de la capitale et l'on craint une reprise rapide des combats.
L'Elman Peace and Human Rights Organisation, une ONG locale, a recensé 381 civils tués par les combats et 565 blessés.
Le Comité international de la Croix-Rouge a pour sa part dénombré 700 blessés dans les trois hôpitaux de la ville qu'il approvisionne.
Sudan Ali Ahmed, président d'Elman, a dit s'attendre à ce que le bilan s'alourdisse. "Il y a encore des blessés et des morts dans des maisons où personne ne s'aventure", a-t-il déclaré à Reuters.
L'Ethiopie a fait état de 200 insurgés tués.
ACCUEIL HOSTILE DES REFUGIES
L'Union européenne a lancé un appel à un cessez-le-feu durable afin de permettre aux travailleurs humanitaires d'accéder aux victimes.
"Nous sommes profondément préoccupés par l'impact humanitaire du conflit à Mogadiscio et par le bombardement aveugle de zones à forte densité de population", dit un communiqué conjoint de Louis Michel, commissaire européen au Développement et à l'Aide humanitaire, et de Javier Solana, porte-parole de la diplomatie européenne.
Selon les Nations unies, près de 50.000 personnes ont fui Mogadiscio ces dix derniers jours, portant le nombre de réfugiés à près de 100.000, soit le dixième de la population de la capitale.
Pour le Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), l'exode rappelle celui consécutif au renversement du président Mohamed Siad Barre, en 1991, qui fut suivi de quinze ans d'anarchie.
Les réfugiés ont été accueillis avec hostilité en de nombreux endroits où on leur a extorqué des sommes exorbitantes pour louer un abri ou même un peu d'ombre, a rapporté le HCR.
L'intervention, en fin d'année dernière, des troupes éthiopiennes, a été décisive pour repousser les miliciens de l'Union des tribunaux islamiques (UTI), qui contrôlaient Mogadiscio depuis six mois, et qui étaient en passe de prendre Baidoa, siège du gouvernement de transition du président Abdullahi Yusuf.
L'UTI, qui nie tout lien avec Al Qaïda, a été rapidement repoussée puis chassée de la capitale somalienne. Mais les islamistes sont par la suite parvenus à se regrouper dans leurs bastions de Mogadiscio.
Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, a déclaré à la réunion du Caire que la réconciliation était la seule solution mais qu'elle ne devait pas englober "ceux qui ont choisi la voie de la violence et de l'extrémisme", apparente allusion aux islamistes.
Les Etats-Unis, qui soutiennent le gouvernement et son allié éthiopiens, affirment depuis longtemps que, pourvu qu'ils renoncent à la violence, tous les Somaliens - y compris les islamistes - doivent participer à la conférence de réconciliation prévue le 16 avril à Mogadiscio.
DEPLOIEMENT D'UNE FORCE D'INTERPOSITION DE L'UA
Des experts somaliens n'espèrent guère que la réunion aille au-delà d'un soutien à la conférence de réconciliation nationale. "En fait, le fond de l'affaire c'est la totale inaction de la communauté internationale en Somalie", a confié un diplomate.
Le vice-ministre norvégien des Affaires étrangères, Raymond Johansen, a déclaré que la présence militaire éthiopienne en Somalie n'était pas viable et qu'il était temps se préparer à un retrait.
Moussa l'a approuvé en disant que la solution était de déployer une force de l'Union africaine tandis que les Ethiopiens se retireraient.
Quelque 1.200 militaires ougandais, avant-garde de cette force de maintien de la paix que l'Union africaine, n'ont pas réussi à éliminer les violences et sont devenus eux-mêmes la cible des insurgés.
Le président érythréen Isaias Afwerki a déclaré à l'issue d'une rencontre avec son homologue ougandais Yoweri Museveni que Kampala devrait se retirer.
"L'Ouganda doit prendre des mesures correctives concernant son initiative hâtive d'envoyer des troupes", écrit le site gouvernemental shabait.com en citant Isaias.
Le "groupe de contact" comprend des représentants de l'Union européenne, de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de la Norvège, de la Suède, de la Tanzanie et des Etats-Unis et les Nations unies ainsi que l'Union africaine y ont un statut d'observateurs.


5.4.07 18:04 / LISTE NOIRE


Notes les plus récentes
Combats à Mogadiscio, les...Des médecins de Mogadiscio ont appelé mercredi la population à enterrer rapidement les victimes des combats la semaine dernière entre armée ...
Mogadiscio où 400 civils ...AMNESTY INTERNATIONAL Déclaration publiqueIndex AI : AFR 52/007/2007 (Public)Bulletin n° : 066ÉFAI4 avril 2007 Somalie. Craintes de reprise du conflit à ...

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mercredi, avril 04, 2007

" Aussi longtemps que les Etats-Unis protègeront Israël, il n’y aura pas de paix possible"

par Robert Fisk
L'intégralité du débat avec Dans un chat au Monde.fr, jeudi 29 mars, Robert Fisk, correspondant de "The Independant" au Proche-Orient et auteur de "Liban, nation martyre", A&R - Panama, annonce qu'il a reçu du "plus grand parti de l'insurrection en Irak" un plan de paix en cinq points., jeudi 29 mars, à 11 h .
Mondialisation.ca, Le 3 avril 2007
Le Monde : Chat - 2007-03-29

Katia : Quelles leçons tirez-vous du sommet de Riyad où les pays arabes ont essayé de relancer l'initiative de paix avec Israël qu'ils avaient adoptée en 2002 à Beyrouth ?

Robert Fisk : C'est une bonne idée. Mais vraiment, comme toujours, je suis désolé de dire qu'Israël n'a pas accepté. C'est un mystère pour moi de comprendre pourquoi Israël n'a pas accepté l'initiative en 2002. Vraiment, cela donne à Israël la sécurité et la reconnaissance de la plupart des pays arabes. Mais le roi Abdallah d'Arabie saoudite est très angoissé car il pense que l'occupation américaine en Irak perturbe toute la région, et je pense que les Saoudiens veulent une résolution entre les Palestiniens et les Israéliens maintenant, avant que la grande tempête n'arrive de Mésopotamie.
Joker : Comment l'Arabie saoudite peut-elle refaire exactement la même proposition qu'en 2002, sans en changer un iota, et en affirmant que cette proposition est non négociable ?
Robert Fisk :
Pour moi, je ne comprends pas comment c'est possible de changer leur initiative de paix, parce qu'elle inclut la résolution 242 des Nations unies, et je pense que les Saoudiens refuseront d'accepter un retrait par Israël qui ne revienne pas aux frontières internationales. Mais il faut comprendre que toutes les initiatives sont négociables. Tout le monde dit "notre proposition est non négociable", mais la vérité c'est ce que c'est seulement une position au commencement des pourparlers.
tryert : Pensez-vous que le plan proposé par la Ligue arabe (frontières de 1967 contre reconnaissance de l'Etat d'Israël) soit acceptable pour le Hamas et Israël ?
Robert Fisk :
Nous savons bien qu'Israël veut garder ses colonies près de Jérusalem. Et il y a deux ans, le président Bush a accepté que "there are facts on the ground" (il y a des faits indéniables). Il voulait dire par là que les grande colonies existent et qu'il faudra que les Israéliens et les Palestiniens décident d'un échange de territoires dans le Néguev. Mais maintenant, nous avons besoin de regarder le nouveau gouvernement palestinien, car si les Israéliens refusent encore de parler avec la coalition palestinienne, il n'y a rien à discuter.
Graphisto : Quelles sont les probabilités de paix aujourdhui ? Ehoud Olmert est-il à la hauteur ?
Robert Fisk :
Après la guerre de l'été dernier au Liban, Ehoud Olmert a montré sa faiblesse. La plupart des Israéliens ne le soutiennent plus. C'est toujours la même histoire : quand nous avons une chance pour la paix, nous découvrons que le gouvernement israélien est très faible et, quand le gouvernement d'Israël est très fort, nous découvrons qu'il y a une grande crise dans le gouvernement palestinien. Je répète que ce j'ai écrit dans un article dans mon journal il y a deux semaines, que nous avons besoin d'un gouvernement américain prêt à jouer un rôle neutre au Moyen-Orient. Mais aussi longtemps que les Etats-Unis insisteront pour protéger Israël d'abord et pour placer les Arabes au second rang, il n'y aura pas de paix possible.
Pedro : Etes-vous favorable à moins de proximité dans les relations entre les Etats-Unis et Israël ? Faut-il que la stratégie américaine soit moins sensible aux demandes israéliennes ?
Robert Fisk :
Commençons par le discours de M. Obama. Il a dit il y a une semaine que la première priorité pour les Etats-Unis au Moyen-Orient, c'est la sécurité d'Israël. Pourquoi n'est-il pas possible pour lui de dire que la priorité, c'est la sécurité de tous les pays de la région, y compris Israël ? Pourquoi est-il toujours nécessaire d'avoir un interlocuteur valable qui dise "je suis neutre", mais aussi "je suis du côté d'Israël" ? Il y a beaucoup d'Israéliens qui veulent un vrai interlocuteur qui comprenne le besoin d'avoir une résolution juste du conflit. Mais tant que les Etats-Unis acceptent l'extension des colonies juives sur le territoire arabe, je ne vois pas comment il est possible d'avoir un Etat palestinien.
Ours : Pensez vous que le Liban puisse sortir de la crise dans laquelle il s'enfonce ?
Robert Fisk :
Oui. J'ai dit de nombreuses fois que si les Libanais sont prêts à donner leur confiance aux Libanais, et non aux Etats-Unis, l'Iran, Israël, la France et tous les autres pays étrangers, peut-être que nous aurons une paix permanente. Mais après une résolution – si M. Siniora revient d'Arabie saoudite avec une solution –, il sera nécessaire pour le gouvernement libanais de répondre à la révolution sociale dans le sud du Liban. Car en réalité, le Hezbollah ne représente pas seulement une milice ou un mouvement politique, mais un peuple qui a été opprimé pendant de nombreuses décennies par le gouvernement central. Il est nécessaire au Liban de mieux redistribuer les richesses du pays. Maintenant, les Iraniens veulent utiliser le Hezbollah pour déclarer que le gouvernement de Siniora est une marionnette des Etats-Unis. Et les Etats-Unis veulent dire que le Hezbollah est un mouvement favorable à un coup d'Etat contre la "démocratie" au Liban. Il nous faut prendre nos distances avec les deux versions. Le problème est interne au Liban.
Corentin : Selon vous, qui détient la plus grande responsabilité dans la détérioration de la situation au Liban ? Les Etats-Unis et la France ? l'Iran ? Israël ? le Hezbollah ? Les "zaïms" (chefs de clans) du gouvernement qui s'accrochent à leur pouvoir?
Robert Fisk :
Pour moi, comme toujours, ce sont les pays étrangers. Mais il n'est pas possible pour les Libanais de toujours dire : "nos problèmes viennent seulement des autres". En fait, c'est la France qui a créé le Grand Liban – le travail du général Henri Gouraud – comme un Etat confessionnel. Et aussi longtemps que le Liban sera un Etat confessionnel, il sera impossible pour le Liban d'être un Etat moderne. Mais le paradoxe, c'est que si l'Etat du Liban n'est pas confessionnel, il n'y aura plus de Liban. Parce que son identité, c'est le confessionnalisme. C'est la tragédie de ce petit pays.
Ramzi : Pourquoi le général Aoun s'est-il allié au Hezbollah ? Le voyez-vous comme président de la République ? Si oui, qu'en pensez-vous ?
Robert Fisk :
J'ai écrit de nombreuses fois dans mon journal, The Independent de Londres, que le général Aoun est messianique. Souvenez-vous ce qu'il pensait, pendant sa guerre contre les Syriens il y a seize ans : il était le général de Gaulle ou Napoléon. Vraiment, il a perdu sa guerre. Un jour, il m'a dit que son ennemi, Selim El Hoss, qui était le premier ministre à cette époque, était Judas. Je demande au général Aoun : "Et si M. Hoss est Judas, vous êtes qui ?" En fait, je pense que pendant son exil à Paris, le général Aoun ne savait pas ce qui se passait au Liban. Par exemple, la reconstruction de Beyrouth par Rafic Hariri. Il a retrouvé Beyrouth comme il l'a quittée, comme un homme angoissé, avec un besoin de revanche. Et maintenant, oui, vraiment je pense qu'il croit que c'est possible pour lui d'accéder à la présidence. Mais le Hezbollah est trop intelligent pour avoir un renégat comme Aoun comme président. Il préfère un homme plus docile, comme par exemple le gouverneur de la banque centrale, M. Salameh, peut-être.
Elie : Pensez-vous qu'on aura une troisième guerre du Liban ?
Robert Fisk :
Après l'assassinat de M. Hariri – et j'étais à 400 mètres de la bombe qui l'a tué –, je croyais que les fosses communes du Liban s'ouvriraient et que les fantômes de la guerre civile arriveraient encore à nous tourmenter. Mais la jeunesse du Liban, et spécialement la jeunesse éduquée à l'étranger, ne s'intéresse pas au confessionnalisme. Après les violences de janvier dont nous avons été témoins, quand j'ai personnellement vu des milliers de musulmans se combattre, quand les sunnites ont montré un grand portrait de Saddam Hussein pour provoquer les chiites, et quand, près de l'université arabe, j'ai vu pour la première fois après la guerre civile les milices combattre dans les rues de Beyrouth avec leurs fusils, j'avais vraiment peur que la guerre civile ne revienne. Maintenant, je connais bien deux familles chiites qui ont quitté leur domicile en zone sunnite. Et il y a deux semaines, dans le petit village arménien chrétien d'Andjar, ils ont découvert des affiches vertes qui disent : "Quittez votre domicile, cette terre appartient aux musulmans". Maintenant, il y a 400 soldats de l'armée libanaise dans le village pour protéger les Arméniens. Cet événement montre bien la fragilité du Liban aujourd'hui.
Scampee : Quelle serait, selon vous, la meilleure solution pour l'Irak ? Conserver l'unité de ce pays multiculturel ? Créer trois entités indépendantes ? ou une autre solution ?
Robert Fisk :
C'est le même problème que nous avons au Liban. Et j'ai écrit la même chose dans mon nouveau livre sur l'histoire du Liban, Nation martyre. L'Occident aime toujours diviser l'Orient. Regardez les cartes qui sont imprimées dans nos journaux. Dans la carte du Liban, les chiites sont toujours situés en bas, les sunnites un peu plus haut, et les sunnites et les maronites à Beyrouth, et les sunnites à Tripoli. Nous créons les mêmes cartes pour l'Irak : les chiites en bas, le "triangle sunnite" (ou un octogone !), et puis les Kurdes. Nous aimons toujours regarder l'Orient comme une collection de tribus. Mais jamais je n'ai vu une carte confessionnelle d'Aulnay-sous-Bois, ou de Marseille, ou de toutes les banlieues de Paris, ou de Birmingham, en Angleterre. Parce que notre grande civilisation est unifiée et forte. Vous voyez ce que je veux dire ? Pendant la guerre entre l'Iran et l'Irak, 70 % de l'armée irakienne était chiite. Mais ils ne se sont pas mutinés contre leurs camarades sunnites. Je ne pense pas que les Irakiens veulent une guerre civile. Mais quelqu'un veut une guerre civile. Pourquoi ? Pour diviser les Irakiens et détourner l'attention de l'occupation ? Vraiment, les Américains ont besoin de quitter l'Irak. Et vraiment, les Américains partiront d'Irak, mais les Américains ne peuvent pas quitter l'Irak. C'est l'équation qui change le sable en sang. Finalement, les Américains ont besoin de parler directement avec les chefs de l'insurrection. Et le plus grand parti dans cette insurrection a envoyé à mon journal, The Independent, à moi à Beyrouth, ses propositions pour un cessez-le-feu et un retrait américain d'Irak. Ils veulent 1) des négociations directes avec l'ambassadeur américain à Bagdad ; 2) des négociations directes avec le commandant en chef de l'armée américaine en Irak ; 3) ils veulent que le gouvernement américain désavoue le gouvernement irakien de M. Maliki ; 4) ils veulent une réparation financière de tous les dommages infligés à l'Irak depuis 2003 ; 5) ils veulent l'annulation de tous les lois et règlements de Paul Bremer, en particulier ils insistent sur le fait que l'or noir d'Irak appartient au peuple d'Irak, et pas aux étrangers. Je sais bien qu'il est impossible maintenant pour M. Bush de désavouer M. Maliki, mais les déclarations que j'ai reçues montrent bien que les insurgés veulent une solution négociée, pas seulement une victoire militaire.
Scampee : Que pensez-vous de la possible intervention de l'armée turque dans le Nord irakien ?
Robert Fisk : Après un retrait américain, je pense qu'il est très possible que l'armée turque arrive encore dans le nord de l'Irak à contrôler les Kurdes. Leur argument serait qu'ils veulent frapper le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). Mais en réalité, ils voudront supprimer la possibilité d'un Etat kurde qui menacerait les secteurs kurdes en Turquie. Malheureusement, les Kurdes sont nés pour être trahis.
André : A votre avis, comment la crise des marines britanniques va-t-elle se résoudre entre Téhéran et Londres ? Allons-nous vers une escalade ? Ou s'agit-il juste d'une tension liée au dossier nucléaire iranien à l'ONU ?
Robert Fisk :
Il y a deux mois, les Américains ont arrêté cinq diplomates iraniens dans le secteur kurde d'Irak, à Erbil. Les Iraniens ont insisté pour que les cinq hommes soient libérés. Les Américains ont refusé. Je soupçonne que les Iraniens veulent un échange – les diplomates contre les marines –, mais vraiment il est impossible de considérer la capture des marines séparément de la crise nucléaire. Il faut se souvenir que les Iraniens ont enlevé les diplomates américains à l'ambassade à Téhéran en 1980, et ils savent comment utiliser les otages pour obtenir des avantages politiques.
Saïgon : L'Iran nucléaire est-il une menace pour la paix régionale ? Téhéran n'a jamais lancé de guerre contre ses voisins. Qu'en pensez-vous, sachant qu'Israël possède l'arme nucléaire ? Il y aurait ainsi un équilibre.
Robert Fisk :
D'après mes informations, Israël possède 262 têtes nucléaires. Je suis fatigué d'entendre toujours les clichés des journalistes, comme : "nous supposons qu'Israël possède des têtes nucléaires". Bien sûr, c'est vrai. Et maintenant passons à l'Iran. Il faut connaître l'histoire de l'industrie nucléaire en Iran. Originalement, c'est le chah – notre policier du Golfe – qui voulait la puissance nucléaire. Et à cette époque, les Américains et les Européens faisaient monter les enchères pour leur offrir des centrales nucléaires. Par exemple l'installation de Bouchehr a été construite par la compagnie allemande Siemens. Quand le chah a visité New York, il a dit dans un entretien sur une chaîne américaine qu'il aimerait posséder une bombe nucléaire "parce que l'Union soviétique et les Etats-Unis en possèdent". Puis il a été reçu par le président Carter à la Maison Blanche sans problème. Après la révolution islamique, j'étais présent quand l'ayatollah Khomeyni a annoncé que les installations nucléaires étaient "le travail du diable". Et il a ordonné la fermeture des intallations. C'est seulement en 1985, après que Saddam Hussein a commencé à inonder les lignes de front iraniennes avec du gaz fabriqué aux Etats-Unis et en Allemagne, que les responsables de l'armée iranienne ont décidé de rouvrir les installations nucléaires, parce qu'ils pensaient que peut-être Saddam Hussein utiliserait l'arme nucléaire lors de sa prochaine attaque. Nous avons oublié ce rappel des faits quand nous avons approché la nouvelle crise en Iran. Bien sûr, M. Ahmadinejad – qui à mon avis est un fou – ne contrôle pas les armes nucléaires en Iran. Ces armes sont contrôlées par des militaires plus sérieux que lui. Et ils savent bien que si l'Iran lance un missile contre Israël, il tuera tous les Palestiniens, et le résultat sera la destruction de Téhéran. Je ne sais pas si vraiment les Iraniens veulent l'arme nucléaire. Mais si j'étais un Iranien, pour ma protection, je voudrais une arme nucléaire. Bien sûr, il y a un pays très dangereux dans la région qui possède l'arme nucléaire et aux frontières de ce pays, il y a beaucoup de talibans et beaucoup de membres d'Al-Qaida, et la capitale de ce pays est dans un état d'anarchie, et le pays s'appelle le Pakistan. C'est la vraie crise pour l'Occident maintenant. Mais parce que notre bon ami, le général Pervez Musharraf, est notre allié dans notre "guerre contre le terrorisme", nous refusons de reconnaître cette menace. Mais bien sûr, nous savons bien que l'Amérique n'attaquera pas le Pakistan, car celui-ci possède la bombe. Et pour la même raison, je vous l'assure, les Etats-Unis n'attaqueront pas la Corée du Nord – parce qu'elle possède la bombe nucléaire.
ClaudeFrancillon : Quels sont les enjeux, selon vous, pour les prochains mois au Proche-Orient ?
Robert Fisk :
Je suis heureux que vous parliez de "mois". C'est difficile pour moi de prédire la prochaine semaine... Parce que l'effondrement de la région va si vite qu'il est difficile de répondre de façon certaine. Vraiment la situation en Irak devient de plus en plus grave de jour en jour. Et parce que les Syriens et les Iraniens ne veulent pas maintenant une solution au Liban, la fragilité de ce pays continue. En Israël et en Palestine, je ne vois pas de solution si les colonies continuent de s'étendre sur le territoire arabe. Mais le vrai problème, c'est que nous ne portons aucune attention à la population du Moyen-Orient. Nous portons beaucoup d'attention au pétrole, au territoire, à la terre historique, mais pas au peuple. Par exemple, chaque fois qu'un soldat occidental trouve la mort en Irak, nous publions son nom, son âge, le nom de sa veuve, le nombre de ses enfants. Mais quand des milliers d'Irakiens sont tués, nous n'avons pas idée de leur identité et nous ne publions pas leur nom. Pour nous, ils n'existent pas.

Chat modéré par Philippe Lecœur et Gaïdz Minassian
Articles Mondialisation.ca par Robert Fisk

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mardi, avril 03, 2007

Une semaine pour apprendre à sauver la Terre !

SOS-planete

La semaine du développement durable qui s'étend du 1er au 7 avril 2007 est bien plus qu'un simple rappel. Le but de ce mouvement, qui regroupe pas moins de 1970 projets différents, est un véritable appel à la citoyenneté en tant que responsabilité et changement de comportement de chacun face aux menaces qui pèsent sur les hommes ou la planète.
Et cet effort de responsabilisation repose sur trois piliers principaux tout en cherchant à les concilier : le progrès social, le développement économique et la protection de l’environnement.Mission impossible ? L'avenir nous le dira. Car si préférer les emballages papier ou acheter de temps à autre des fruits produits par l'agriculture locale reste à la base d'un comportement citoyen, ce n'est plus suffisant. La situation environnementale, trop longtemps dissimulée derrière des mesurettes destinées avant tout à déculpabiliser le consommateur, n'a jamais cessé de s'aggraver, encouragée par les négationnistes du réchauffement climatique. Aujourd'hui un point de non-retour est atteint, et des mesures bien plus désagréables mais nécessaires se profilent à l'horizon. A nous d'en limiter le nombre, et la conscientisation du citoyen à laquelle appelle cette semaine du développement durable peut jouer un rôle déterminant pour cela… si nous le voulons bien.
Décidée par le Premier Ministre en 2002, cette action, la cinquième organisée en France, comporte trois objectifs essentiels:D'abord, et ce n'est pas anodin, informer largement le grand public sur le développement durable, les domaines qu’il recouvre (transports, biodiversité, changement climatique, déchets...) et les enjeux, à travers des actions concrètes.
Ensuite, motiver et de soutenir des changements de comportements en expliquant les bonnes pratiques quotidiennes à adopter en faveur du développement durable.Et enfin, mobiliser le public sur des objectifs nationaux de développement durable (par exemple, dans le cadre de la réduction de 3% par an des gaz à effet de serre d’ici 2050).On le voit, l'information du public est, avec pertinence, jugée essentielle. Chose parfaitement logique puisque dans cet enjeu, le public est à la fois l'acteur et le spectateur, autrement dit selon sa volonté, le gagnant ou… le perdant. Jusqu'à présent, les données sont encourageantes, car si en 2002, 23% des Français déclaraient avoir entendu parler de développement durable, ils étaient 54% en 2004 et 64% en 2006.
Il est vrai que quelques catastrophes climatiques se sont intercalées entre ces dates, et que beaucoup de citoyens de la terre se sont sentis concernés par l'ingérence des ressources terrestres… et l'ont fait savoir.Si le consommateur est de moins en moins dupe et de plus en plus réfractaire aux charmes des sirènes publicitaires qui vantent parfois sans discernement certains produits grands consommateurs d'énergie ou particulièrement polluants (votre ouvre-boîtes a-t-il réellement besoin d'un moteur ?), les entreprises elles-mêmes ont réalisé que le développement durable représentait bien plus qu'une étiquette à la mode écologique, mais garantissait surtout un enjeu d'image, donc de sérieux et de confiance, et par-là même un enjeu économique de plus en plus important.
Celles qui s'y sont essayées savent désormais quelles économies peuvent résulter d'une meilleure gestion des déchets ou de la consommation d'énergie.Faut-il être optimiste ou pessimiste ? La semaine du développement durable semble inciter à l'optimisme… à condition que tous acceptent de jouer le jeu, et le mérite d'une telle action est de modifier le comportement de chacun par effet de persuasion liée à une bonne information, sans jouer la carte de la contrainte forcée.
Par Jean Etienne, Futura-Sciences, le 02/04/2007 / Terresacree

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dimanche, avril 01, 2007

A l’ombre du mur

" Le mur ? Mais c’est le monument du désespoir total ! Regardez Bethléem : d’un côté, l’église de la Nativité, de l’autre, le bunker construit autour du tombeau de Rachel. C’est l’arrogance de l’occupant prétendant définir et redéfinir les communautés à sa guise".


publié le jeudi 29 mars 2007 / Philippe Rekacewicz et Dominique Vidal / France-Palestine

Arrivée à la mi-janvier en Israël et en Palestine « sans proposition ni plan », la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice s’est contentée, à l’issue de ses entretiens, d’annoncer pour février un sommet avec MM. Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas. En attendant, sur le terrain, la colonisation israélienne des territoires palestiniens s’accélère, en premier lieu à Jérusalem-Est, littéralement confisquée.De Tel-Aviv, la route principale file à peu près droit, puis, passé l’aéroport Ben-Gourion, elle commence à onduler en grimpant vers Jérusalem, entre des collines dont la conquête par les forces juives, en 1948, fit couler tant de sang.
A 700 mètres d’altitude, elle pénètre dans la ville sainte par l’ouest. Les Israéliens comme les étrangers n’ont en fait que l’embarras du choix : ils peuvent atteindre le centre-ville par bien d’autres routes, au nord comme au sud.Pour les Palestiniens de Cisjordanie, gagner la ville trois fois sainte est une autre histoire. S’ils ont franchi les checkpoints intérieurs, ils buteront sur le plus brutal des obstacles jamais inventés pour contrôler et limiter les déplacements dans les territoires occupés : un mur d’une dizaine de mètres de hauteur, qui enveloppera bientôt entièrement la partie orientale de la cité, effaçant le paysage et interdisant les accès traditionnels. Il coupe même net les deux grands axes historiques - Jérusalem-Amman (route 417) et Jénine-Hébron (route 60).
Le monstrueux serpent ne s’interrompt plus - pour les Cisjordaniens - qu’en quatre points : Qalandiya au nord, Shuafat au nord-est, Ras Abou Sbeitan à l’est et Gilo au sud. Encore devront-ils, pour y parvenir, se livrer à maints détours, laisser leur voiture et traverser à pied, les véhicules palestiniens (à plaques vertes) étant strictement interdits à Jérusalem...Longtemps chargé par le ministère israélien de la défense de concevoir, tracer et construire la « barrière de sécurité » (selon la terminologie officielle), le colonel Danny Tirza, colon de Kfar Adoumim, est surnommé « seconde Nakba (1) » par les Palestiniens. Au terme de son projet grandiose, il promet à Jérusalem 11 checkpoints semblables à des « terminaux d’aéroport ».
Ce n’est pas l’impression que laisse un passage, même bref, par celui de Gilo. Partout les panneaux sermonnent : « Entrez un par un », « Attendez patiemment votre tour », « Laissez cet endroit propre », « Retirez votre manteau », « Obéissez aux instructions ». Quant aux couloirs grillagés en haut comme sur les côtés, ils ressemblent aux tunnels conduisant les fauves jusqu’à la piste du cirque...Mais ici, pas de Monsieur Loyal : une fois franchi le portillon, dont une petite lumière indique s’il est ou non ouvert, une voix métallique exige qu’on soumette ses bagages au détecteur. Derrière des vitres blindées et teintées, on devine quelqu’un. Enfin une présence : un soldat débraillé, les pieds sur la table et le pistolet-mitrailleur Uzi en bandoulière, contrôle les papiers, chuchotant ou aboyant - au faciès.
A la sortie, d’autres pancartes souhaitent aux « usagers », en trois langues, la « bienvenue à Jérusalem » (pourtant à 4 kilomètres). « Et que la paix soit avec vous »...Le plan de partage onusien de 1947 avait doté la ville d’un « régime international particulier », qui demeure, en 2007, son seul statut mondialement reconnu. Mais la guerre de 1948 déboucha sur sa division entre la Jordanie et Israël, lequel installa sa capitale dans la partie occidentale avant de s’emparer, en 1967, de la partie orientale et de l’annexer. En 1980, une loi fondamentale proclama « Jérusalem entière et réunifiée capitale éternelle d’Israël ». A défaut d’éternité, la politique de tous les gouvernements israéliens, depuis, a consisté à préserver l’hégémonie juive sur la ville et à empêcher sa division ainsi que, ce faisant, la naissance d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale.« La clé, précise M. Khalil Toufakji, directeur du département de cartographie de la Société des études arabes, conseiller de la délégation palestinienne jusqu’aux négociations de Camp David, c’est la démographie.
Imposer une large majorité juive a toujours été la priorité absolue des Israéliens. Mais les Palestiniens, de 20 % de la population en 1967, sont devenus 35 % et pourraient être majoritaires en 2030 (2). » Cette poussée résulte du différentiel de natalité, mais aussi du départ de Juifs chassés par le chômage, la crise du logement et... le climat intolérant créé par les religieux ultraorthodoxes.Au point qu’un tabou de soixante ans vient de tomber : le schéma directeur pour 2020 réaffirme certes le ratio politique 70 %-30 %, mais en « envisage » un autre, pragmatique, de 60 %-40 % (3).
« Comme s’il y avait un bon pourcentage ! », s’exclame Meron Benvenisti, sans doute le meilleur spécialiste de Jérusalem, pour qui c’est « du racisme pur et simple. Nous vivons dans la seule ville au monde où un pourcentage ethnique tient lieu de philosophie ». Moins bouillant, M. Menahem Klein - lui aussi ex-conseiller à Camp David, mais côté israélien - ajoute : « Les pragmatiques constatent, les politiques se battent : nous assistons au plus grand effort israélien depuis 1967 pour annexer Jérusalem. »Historiquement, le premier instrument de cet effort fut l’extension illégale des frontières municipales. Résumé d’Amos Gil, directeur de l’association Ir Amim (La Ville des peuples) : « La vieille ville ne fait que 1 km2 ; avec les quartiers arabes l’entourant, elle atteignait du temps de la Jordanie 6 km2.
Israël a annexé, en 1967, 64 km2 de terres cisjordaniennes - dont 28 villages - pour atteindre 70 km2. Lorsque le mur sera terminé, il ceindra à l’Est quelque 164 km2. En revanche, à Jérusalem-Ouest, le plan d’extension, dit Safdie, a provoqué une levée de boucliers écologiques. »« Il y a une couleur qui n’existe qu’ici : le vert politique. » Meir Margalit, coordinateur du Comité israélien contre les destructions de maisons (Icahd), rappelle que, lorsque le chef du parti de gauche Meretz, Ornan Yekutieli, s’indigna de la construction de la colonie de Har Homa à la place d’une magnifique forêt palestinienne, le maire de l’époque, Teddy Kollek, récemment décédé, rétorqua : « Ce n’est vert que pour les Arabes. »
Apartheid écologique : ces zones « plutôt jaune poussière et remplies de détritus », se moque l’architecte Ayala Ronel, interdisent aux Arabes de construire, mais permettent aux Juifs de coloniser...La colonisation constitue le deuxième instrument de la stratégie israélienne. Architecte et dirigeant de l’association Bimkom, qui se bat pour le droit de tous à planifier la ville, Shmuel Groag récapitule : « Le premier anneau se composait de 7 grandes colonies : Gilo, Armon Hanatziv - Talpiot-Est, French Hill, Ramat Eshkol, Ramot, Ramot Shlomo, Neve Yaacov. Le second en comprenait 2, Pisgat Zeev et Maale Adoumim.
Le troisième en a rajouté 9 : Givon, Adam, Kochav Yaacov, Kfar Adoumim, Keidar, Efrat, Betar Illit, Har Homa et les colonies du Goush [bloc] Etzion. Au total, elles regroupent la moitié des 500 000 colons que compte la Cisjordanie. »Fondateur du Centre d’information alternatif et figure majeure du mouvement pacifiste, Michel Warschawski organise volontiers des « tours » militants, afin de montrer concrètement « le principe qui guide la colonisation : créer une continuité territoriale juive qui brise la continuité territoriale arabe ». Et de brandir une feuille tombant en lambeaux à force d’avoir été manipulée. C’est une citation de l’ancien maire de la colonie de Karnei Shomron, qui entend « garantir que la population juive de Yesha (4) ne vive pas derrière des barbelés, mais dans une continuité de présence juive. Si l’on prend par exemple la région qui se trouve entre Jérusalem et Ofra, et qu’on y ajoute une zone industrielle à l’entrée de la colonie d’Adam et une station d’essence à l’entrée de Psagot, alors nous avons un axe de continuité israélien ».
Le troisième instrument, c’est la maîtrise totale des voies de communication pour disloquer l’espace palestinien, réduire la mobilité de la population et oblitérer les chances de développement. Non seulement Israël s’est emparé des grands axes existants qu’il a rénovés et élargis, mais il en a construit de nouveaux afin que les colons puissent arriver à Jérusalem le plus rapidement possible - c’est aussi un des objectifs du futur tramway (voir « Un tramway français nommé schizophrénie ».
Le tout forme un impressionnant réseau de routes à quatre voies, éclairées la nuit, au long desquelles les arbres ont été coupés, des maisons dites « dangereuses » détruites et des murs de protection érigés - au nom, bien sûr, de la « sécurité ». Reliant les colonies entre elles, ces « routes de contournement » sont interdites à la circulation palestinienne, rejetée sur un réseau secondaire de mauvaise qualité, peu ou pas entretenu, et verrouillé par de nombreux checkpoints, fixes ou volants.Nous voici au barrage dit Container, au sud d’Abou Dis, qui commande - et souvent ferme - le dernier axe majeur palestinien reliant le nord au sud de la Cisjordanie. Il porte bien son nom de Wadi Nar, « vallée du feu », et, par extension, « vallée de l’enfer » : sa chaussée est par endroits si étroite que deux camions s’y croisent difficilement - à supposer qu’ils parviennent à monter et descendre ses pentes vertigineuses.
En revanche, non loin, la large voie express offerte par Itzhak Rabin aux colons leur permet de foncer droit sur les colonies de Goush Etzion et d’Hébron... sans rencontrer un seul Arabe.Cet « apartheid qui ne dirait pas son nom » - formule du chef négociateur palestinien Saëb Erekat (5) - devient explicite avec le projet de « circulation fluide » cher au colonel Tirza : là où Juifs et Arabes doivent vraiment se croiser, ils ne se verront pas, grâce aux ponts et aux tunnels... « Pour désenclaver les villages palestiniens de Bir Nabala et Al-Jib, explique sur place l’architecte Alon Cohen-Lifschitz, de Bimkom, les Israéliens construisent, sur 2 km, à 10 m au-dessous du niveau du sol, une route encaissée et grillagée, 2 tunnels et 1 pont ! »
En matière de ségrégation, il y a plus infâme : à compter du 19 janvier 2007, un ordre militaire devait interdire à tout Israélien ou Palestinien « résident » de transporter un habitant non juif de Cisjordanie... Il a suscité des protestations telles que son application a été « gelée »...Quatrième instrument, l’infiltration de la vieille ville et du « bassin sacré ». « Pour les colons, Jérusalem est comme un oignon : le meilleur, c’est le cœur », plaisante Margalit. Récupération d’anciens biens juifs, confiscations en vertu de la loi des absents et achats via des collaborateurs se multiplient à un tel rythme que le journaliste Meron Rappoport a pu parler de « République d’Elad (6) » - du nom de l’organisation de colons à laquelle les autorités ont très inhabituellement délégué la gestion de la « Cité de David (7) ».
A partir de cette implantation à caractère historique, on mesure - au nombre de maisons arabes arborant des drapeaux israéliens et de « gorilles » armés déambulant dans les rues - combien la colonisation la plus triviale s’empare de Silwan, descend vers Boustan (où 88 bâtiments sont menacés de destruction), puis remonte vers Ras Al-Amoud (Maale Zeitim) et Jabal Mukaber (Nof Zion). Et les deux premières maisons de Kidmat Zion défient déjà, par-dessus le mur, le Parlement palestinien, terminé mais vide, d’Abou Dis. La carte confirme que toutes ces métastases dessinent une véritable diagonale d’épuration ethnique...« Ne vous arrêtez pas aux chiffres, insiste M. Fouad Hallak, conseiller de l’équipe de négociation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Les 17 points de colonisation de la vieille ville et de ses alentours immédiats comptent certes à peine 2 600 habitants sur 24 000, mais ils s’inscrivent dans une stratégie tenace de “dépalestinisation”. »La judaïsation, cinquième instrument de la stratégie israélienne, commence par des symboles. Un ami palestinien indique ces signes qui plaquent sur la Jérusalem arabe le décor de la ville juive. « Du plus spectaculaire - comme ces mémoriaux aux héros des guerres d’Israël et ces bâtiments publics installés à l’Est - au plus discret : pavés, lampadaires, corbeilles. Sans oublier les noms de rue. » Place de Tsahal, rue des Parachutistes, carrefour du Quartier-Général : « Ces appellations ont été données après l’annexion de Jérusalem-Est en 1967, observe le journaliste Danny Rubinstein (8), apparemment pour que les Arabes n’oublient pas qui a gagné. »A Paris, des amis nous avaient prévenus : « La vieille ville est en train de se vider. »
Jamais, hélas, en trente ans elle ne nous était apparue aussi triste. « Les Israéliens voudraient en coloniser l’essentiel et réduire le reste à quelques rues folkloriques, comme à Jaffa », lâche le nouvel ambassadeur palestinien à l’Unesco Elias Sanbar. Qui vient de déjouer une manœuvre à peine croyable : un tour de passe-passe israélien pour obtenir l’inscription de la vieille ville arabe sur la liste du patrimoine... de l’Etat juif !La judaïsation passe aussi par la remise en cause du libre accès aux Lieux saints, pourtant principe commun à tous les textes internationaux depuis le traité de Berlin (1885). « Voici des années que les musulmans et les chrétiens de Cisjordanie n’ont plus accès à Al-Aqsa ou au Saint-Sépulcre, proteste le directeur du Waqf (9) Adnan Al-Husseini. Quant aux résidents de Jérusalem, ils doivent avoir 45 ans pour venir y prier. Sans parler des humiliations infligées par les quelque 4 000 soldats déployés lors des grandes fêtes. » Et les excavations pratiquées sous l’Esplanade ? « Je n’ose envisager ce qui se passerait si les fous qui rêvent de “reconstruire le Temple” endommageaient nos mosquées. »
Non moins inquiets, les patriarches et chefs des Eglises chrétiennes à Jérusalem ont publié, le 29 septembre 2006, une déclaration réaffirmant l’exigence d’un « statut spécial » garantissant notamment « le droit humain de liberté de culte pour tous, individus et communautés religieuses ; l’égalité devant les lois de tous les habitants en conformité avec les résolutions internationales ; le libre accès à Jérusalem pour tous, citoyens, résidents ou pèlerins ».
Ils insistaient pour que « les droits de propriété, de garde et de culte que les différentes Eglises ont acquis à travers l’histoire continuent à être détenus par les mêmes communautés ». Et d’en appeler à la communauté internationale pour faire respecter le « statu quo des Lieux saints (10) »...On a beau savoir l’incroyable violence dont tout occupant - juif, chrétien ou musulman - est capable, la destruction au bulldozer d’une maison, sous les yeux de ses habitants, est un spectacle insupportable (11). Que, depuis l’an 2000, la municipalité et le ministère de l’intérieur ont répété 529 fois - sans parler des amendes imposées aux propriétaires, 22,5 millions d’euros (12) ! Répression très inégale : selon Betselem, l’organisation israélienne de défense des droits humains, en 2005, les 5 653 infractions constatées à l’Ouest ont donné lieu à 26 démolitions partielles ou totales, tandis que les 1 529 enregistrées à l’Est en ont entraîné 76 (13) !Pour Margalit, la municipalité « vit dans la hantise que la souveraineté israélienne sur Jérusalem soit en danger. Dans cette mentalité paranoïaque, chaque maison, chaque arbre et même chaque plante en pot devient partie prenante d’une conspiration politique mondiale ».
Des arguments que n’invoque même pas M. Yigal Amedi : pour ce maire adjoint, les démolitions « exceptionnelles » se justifient puisqu’elles frappent des « bâtiments construits illégalement ». Curieusement, alors qu’il fait partie du Comité pour la planification et la construction, il assure ignorer que, dans bien des cas, les inspecteurs de sa municipalité procèdent aux destructions en violation d’une décision de justice. « La municipalité, plaide-t-il, s’efforce de mettre un peu d’ordre dans ce chaos. »Riche idée ! Car l’« illégalité » de 40 % des maisons de Jérusalem-Est - 15 000 sur 40 600 - tient à ce que la mairie n’accorde qu’au compte-gouttes les permis aux Palestiniens : de 2000 à 2004, 481 sur 5 300 immeubles bâtis.
Et une demande coûte cher : plus de 20 000 euros et des mois de démarches pour une bâtisse d’environ 200 m2... Mais surtout la superficie constructible s’est rétrécie comme peau de chagrin. Après 1967, Jérusalem-Ouest totalisait 54 km2 et Jérusalem-Est 70 km2, dont 24 furent expropriés au profit des colonies. Sur les 46 restants, 21 n’ont pas fait l’objet d’un plan d’urbanisation. Parmi les 25 planifiés, 16 sont réservés aux espaces verts, bâtiments publics, routes, etc. Les 9 km2 constructibles pour les Palestiniens représentent donc... 7,25 % de la superficie totale de la ville !Architecte et militante de Bimkom, Efrat Cohen-Bar brandit l’énorme volume du nouveau « master plan ».
« Malgré quelques progrès, l’inégalité de traitement demeure. D’ici à 2020, nos planificateurs accordent 3 nouveaux kilomètres carrés constructibles aux 158 000 Palestiniens supplémentaires et 9,5 km2 aux 110 000 Juifs supplémentaires. » La géographe Irène Salenson évoque de plus une « limitation horizontale et verticale du développement urbain palestinien » : l’Est pourra bâtir en moyenne jusqu’à 4 étages (au lieu de 2 actuellement), mais l’Ouest 6 à 8 (14) !Cette inégalité n’est qu’une des facettes d’une politique globale de discrimination qui constitue le sixième et dernier instrument de l’hégémonie d’Israël. Ne sont citoyens que les Juifs (et 2,3 % des Palestiniens).
Titulaires d’une carte d’identité verte, les Palestiniens de Cisjordanie n’ont aucun droit, même plus celui de venir en ville, sauf autorisation de plus en plus rarement accordée. Les « résidents permanents », avec leur carte d’identité bleue, bénéficient, eux, de prestations sociales et du droit de vote aux élections locales, qui ne se transmettent automatiquement ni au conjoint ni aux enfants.Le fameux rapport européen dont la censure par le Conseil des ministres des Vingt-Cinq fit scandale fin 2005 révèle une autre dérive : « Entre 1996 et 1999, Israël a mis en place une procédure intitulée “centre de vie”, en vertu de laquelle ceux qui détiennent une carte d’identité bleue et dont le domicile ou le travail se trouve en dehors de Jérusalem-Est, à Ramallah par exemple, perdent cette carte d’identité.
Une vague de détenteurs de ces cartes s’est pour cette raison repliée sur Jérusalem-Est (15). »Discriminatoire, le budget de la ville ne l’est pas moins : Jérusalem-Est, avec 33 % de la population, ne s’en voit allouer que 8,48 %. Chaque Juif obtient en moyenne 1 190 euros, et chaque Arabe 260. Rien d’étonnant si, précise Betselem, 67 % des familles palestiniennes vivent sous le seuil de pauvreté, contre 29 % des familles israéliennes (16). Issu lui-même d’un quartier pauvre, M. Amedi ne nie pas les « retards dont souffrent, en matière d’infrastructures et de services, les quartiers arabes et ultraorthodoxes ».
Il assure toutefois que la ville, lorsque son maire s’appelait Ehoud Olmert, a « plus investi que jamais pour combler ces fossés », et égrène les projets en cours. « Des gouttes d’eau dans l’océan, reconnaît-il. Mais il faut bien commencer quelque part. »Force est de constater que, pour l’heure, tout commence et finit par la construction du mur, qui mobilise les plus gros moyens : 800 000 euros du kilomètre - et il y en aura 180, dont 5 seulement sur la Ligne verte. C’est dire que l’argument de la sécurité ne tient guère. Les attentats kamikazes - 171 victimes en six ans - ont traumatisé la ville. Mais ici, le mur, sur l’essentiel de son tracé, ne sépare pas Israéliens et Palestiniens : il coupe les Palestiniens de leurs écoles, de leurs champs, de leurs oliveraies, de leurs hôpitaux et de leurs cimetières...
« Le mur est un outil que le gouvernement utilise pour contrôler Jérusalem et non pour assurer la sécurité des Israéliens », tranche Menahem Klein. De fait, il représente la quintessence de tous les outils de domination évoqués jusqu’ici. Il multiplie la surface de Jérusalem-Est par 2,3 en dessinant une sorte de trèfle qui inclut les nouvelles colonies avec leurs zones de développement : au nord, Beit Horon, Givat Zeev, Givon Hadasha et le futur « parc métropolitain » de Nabi Samuel ; au sud, Har Gilo, Betar Illit ainsi que l’ensemble du Gouch Etzion ; à l’est, enfin, Maale Adoumim.
On prend mieux conscience depuis le belvédère de l’hôpital Augusta-Victoria de la menace mortelle que le chantier en cours à l’est représente pour le futur Etat palestinien. La colonie elle-même occupe 7 km2. Mais le plan municipal du « bloc de Maale Adoumim » couvre une superficie totale, encore largement déserte, de 55 km2 (plus que Tel-Aviv, 51 km2). La poche s’étend presque jusqu’à la mer Morte et coupe donc en deux la Cisjordanie. Au nord, la fameuse zone E1 représente avec ses 12 km2 (12 fois la vieille ville !) le dernier espace de croissance possible pour Jérusalem-Est. Or même l’opposition - formelle - de Washington n’a pas empêché la construction du nouveau quartier général de la police pour la Cisjordanie, en attendant logements, centres commerciaux, hôtels, etc.
Quant aux Bédouins Jahalin, voici leurs pauvres baraquements sur la colline où ils ont été « transférés » et qui domine... la décharge.Le plus possible de terres palestiniennes avec le moins possible de Palestiniens : ce vieux principe a dirigé le tracé du mur qui, s’il inclut des colonies juives, exclut aussi des quartiers arabes. Ainsi rejette-t-il en Cisjordanie, du nord au sud, la localité de Qafr Aqab, à côté du camp de réfugiés de Qalandiya, la moitié de Beit Hanina, le gros d’Al-Ram, Dahiyat Al-Bared, Hizma, le camp de Shuafat, Dahiyat Al-Salam, Anata, Ram Khamzi et, tout au sud, Walaja. Une première : 60 000 des 240 000 Palestiniens de Jérusalem en ont été expulsés... sans avoir bougé ! Avec des pertes en chaîne.Perte de temps : « Avant, j’allais à la fac à pied en dix minutes, témoigne Mohammed, un étudiant de Ramallah inscrit en médecine à l’université Al-Qods. Depuis, il me faut quatre-vingt-dix minutes en voiture. »
Perte de revenus : si les commerçants du « mauvais » côté d’Al-Ram déplorent une baisse de 30 % à 50 % de leur chiffre d’affaires, ce dentiste a dû fermer purement et simplement son cabinet, tandis que le propriétaire de cet immeuble avec vue imprenable sur le mur n’a plus un seul locataire. Perte de personnel : entre un tiers et la moitié des médecins et des infirmières, mais aussi des enseignants ne peuvent plus venir travailler à Jérusalem. Perte annoncée de la « résidence » : quiconque ne justifiera plus d’un logement et d’un travail à Jérusalem, lors du renouvellement de sa carte d’identité bleue, en sera privé. Perte, enfin et surtout, pour Jérusalem-Est de son rôle de métropole palestinienne.« Chacun sait que les prochaines négociations partiront des “paramètres de Clinton”, et notamment la partition de la ville pour faire place à deux capitales, résume Menahem Klein.
Voilà ce que le mur cherche à éviter, en cassant Al-Qods comme centre métropolitain, en la déconnectant de son hinterland économique, social et culturel palestinien. Mais, si nos dirigeants espèrent profiter de la faiblesse des Palestiniens, ils font un calcul à courte vue : la jeune génération redressera la tête. Que restera-t-il alors de l’ambition de Sharon et d’Olmert de “relibérer Jérusalem” ? »D’autres interlocuteurs relient l’escalade israélienne et l’état du processus de paix. Ainsi l’ambassadeur Sanbar, selon qui les choses se sont accélérées « à partir du moment où Jérusalem a été officiellement inscrite à l’ordre du jour de la négociation. Afin qu’à force de faits accomplis il ne reste rien à négocier ».
Pour M. Wassim H. Khazmo, conseiller de l’équipe de négociation palestinienne, « Sharon a profité de la faiblesse de la communauté internationale pour prendre ce que M. George W. Bush lui avait promis dans sa lettre du 14 avril 2004 - les blocs de colonies. »Quelle ne sera pas, d’ailleurs, notre surprise, en entendant M. Toufakji renoncer à revendiquer ces « blocs », au nom du réalisme. « Même Maale Adoumim ? » « Oui. » « Même la zone E1 ? » « Oui. »
Comme en réponse à cet abandon, M. Hasib Nashashibi, de la Coalition pour Jérusalem, évoquera la « crise de leadership » dans l’OLP : « Les Israéliens exploitent évidemment nos divisions et nos erreurs. » Et Amos Gil de pointer « l’argument majeur que les attentats kamikazes ont donné pour justifier le mur ».En les découvrant, on pense à Kafka ou à Ubu roi : ce sont les Palestiniens des enclaves de Biddu (35 500 personnes), Bir Nabala (20 000) et Walaja (2 000) pris au piège du mur ou de la barrière, qui les encercle entièrement. Et la famille Gharib est assurément la victime expiatoire. Un à un, les colons de Givon Hadasha ont construit, sur des terres privées palestiniennes, des maisons autour de la sienne, qu’ils ont transformée en mini-enclave, reliée par un chemin à son village originel, le tout ceinturé d’un grillage bientôt électrifié et surveillé par une caméra...
Sympathiques voisins : en nous voyant, l’un d’eux hurla depuis sa fenêtre : « J’ai une arme, je vais vous descendre ! » Paroles en l’air ? Ils ont déjà tué un de ses fils. Persécutés, les Gharib résistent néanmoins depuis plus de vingt ans...Comment ne pas penser à l’envolée, la veille, de Benvenisti : « Le mur ? Mais c’est le monument du désespoir total ! Regardez Bethléem : d’un côté, l’église de la Nativité, de l’autre, le bunker construit autour du tombeau de Rachel. C’est l’arrogance de l’occupant prétendant définir et redéfinir les communautés à sa guise : comme si la “barrière” triait les “bons” Arabes, acceptés à Jérusalem, des “mauvais”, qui en sont exclus. Les inventeurs de cette horreur raisonnent avec la même logique coloniale du XIXe siècle que vous, les Français, lorsque vous vous accrochiez à l’Indochine et au Maghreb. Mais ça ne marchera pas mieux ! Le mur de Jérusalem finira comme celui de Berlin. » Philippe Rekacewicz et Dominique Vidal.
(1) La Nakba désigne la disparition de la Palestine et l’exode forcé de 800 000 de ses habitants en 1948. Quant au colonel Tirza, il n’a pas vu son contrat reconduit après avoir ouvertement menti à la Cour suprême afin de justifier le tracé de son mur.(2) Fin 2006, on estimait le nombre d’habitants de Jérusalem à quelque 700 000 : 470 000 Juifs et 230 000 Palestiniens.(3) Bulletin du Centre de recherche français de Jérusalem, n° 16, p. 212-213, 2005.(4) Haaretz, Tel-Aviv, 17 juillet 1996. « Yesha » est la contraction de Yehuda ve Shomron (Judée et Samarie), nom donné par les colons à la Cisjordanie.(5) Dans l’excellent Un mur en Palestine de René Backmann, Fayard, Paris, 2006.(6) Haaretz, Tel-Aviv, 26 avril 2006.(7) Le roi David y aurait fondé sa capitale vers l’an 1000 avant J.-C.(8) Haaretz, Tel-Aviv, 26 novembre 2006.(9) Autorité chargée de la gestion des biens religieux musulmans.(10) http://paxchristi.cef.fr/ docs/jerus...(11) Cf. « Les bulldozers en action », Lettres de..., Les Carnets du Monde diplomatique.(12) Discriminations in the Heart of the Holy City, IPCC, Jérusalem, 2006. Les chiffres qui suivent, sauf indication contraire, en sont tirés.(13) A Wall in Jerusalem, Betselem, Jérusalem, 2006.(14) Bulletin..., op. cit., p. 216.(15) Voir www.france-palestine.org. Si la Sécurité sociale pousse à retirer leurs cartes d’identité aux résidents de Jérusalem se trouvant à l’extérieur de la ville pour des raisons avant tout financières, le ministère de l’intérieur et surtout la municipalité, soucieux de réduire le nombre de Palestiniens vivant effectivement à Jérusalem, préfèrent qu’ils conservent leur carte d’identité hors des limites municipales.(16) A Wall in Jerusalem, op. cit.Le Monde diplomatique, février 2007 - Pages 16 et 17 www.monde-diplomatique.fr/2007/02/REKACEWICZ/14411choix de photo (Yahoo) : C. Léostic, , Afps Le mur à Abou Dis, Jérusalem, le 16 mai 2006

1.4.07 23:55
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Irak: hausse de 15% du nombre de tués en mars avec 2.078 morts


BAGDAD 01/04 (BELGA) = Le nombre de civils, militaires et policiers tués au mois de mars en Irak s'est élevé à 2.078, soit une hausse de 15,06% par rapport au mois de février, a annoncé dimanche le ministère de la Défense irakien. 1.869 civils, 165 policiers et 44 soldats ont péri en mars pour un total de 2.078 morts, selon le bilan du ministère de la Défense qui affirme prendre en compte les chiffres de son ministère ainsi que de ceux du ministère de la Santé et de l'Intérieur. Au mois de février, 1.646 civils, 131 policiers et 29 soldats avaient perdu la vie pour un total de 1.806 personnes tuées. En moyenne, 64 personnes ont été tuées chaque jour en mars contre 67 en février (28 jours). Toujours selon le ministère de la Défense, 481 "terroristes" présumés ont été tués en mars contre 586 en février. Cette hausse dans les violences en Irak a été enregistrée en dépit d'un plan de sécurité, lancé le 14 février pour sécuriser Bagdad ravagée par les violences, qui ont fait 16.000 morts en 2006 selon les Nations unies. (VAD) ./.
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