samedi, octobre 18, 2008

Irak : « Les États-Unis sèment les graines d’une tragédie à long terme »

Dans les conditions actuelles toute tentative de diviser le pays conduirait à une guerre, entraînant la région dans une situation qui serait encore pire pour les États-Unis.
18 octobre 2008 / Gilbert Achcar - Inprecor / Info-palestine

Question : Si nous abordons maintenant l’Irak, quelle est la signification du récent conflit entre les forces loyales au gouvernement Maliki et l’armée du Mehdi de Moqtada al-Sadr ?
Gilbert Achcar : Le conflit résulte de la convergence de deux intérêts. La raison la plus immédiate derrière ces affrontements est que l’influence de l’armée du Mehdi et du mouvement sadriste en Irak a beaucoup augmenté parmi les chi’ites durant la dernière période, et en particulier depuis 2006. Ils sont devenus le courant le plus populaire parmi les chi’ites irakiens. Les deux autres principaux partis chi’ites - le parti de Maliki (le parti Dawa) et le Conseil Suprême Islamique Irakien (SIIC), qui collaborent avec l’occupation états-unienne - étaient donc très inquiets pour le résultat des prochaines élections provinciales prévues pour cet automne. Comme vous le savez, les sadristes avaient initialement formé une coalition avec ces partis, avec lesquels ils avaient mené les précédentes campagnes électorales.
Ils ont ensuite rompu avec la coalition, accusant les autres forces de collaborer avec l’occupant. Le parti Dawa et le SIIC ont estimé que, si rien ne changeait, les sadristes allaient leur faire subir une défaite électorale, et c’est d’abord et surtout pour tenter de marginaliser ou d’affaiblir ces derniers qu’ils ont lancé l’offensive contre Bassorah, puis contre Sadr City à Bagdad.
D’autre part, bien sûr, l’occupant états-unien considère fondamentalement les sadristes comme des ennemis, et serait très heureux de les voir affaiblis. Les forces d’occupation états-uniennes se sont heurtées plus d’une fois aux sadristes. Dans les accrochages les plus récents, les officiers états-uniens ont tenté de jouer aux hypocrites, commençant par prétendre qu’ils n’étaient pas impliqués et que les sadristes ne posaient pas de problème aux forces états-uniennes depuis qu’ils avaient gelé leurs activités militaires.
Or il est évident que les États-Unis étaient très impliqués dans les combats contre les sadristes. Comme je l’ai dit, il y a eu convergence entre deux intérêts : celui de l’occupation états-unienne et celui de l’alliance Dawa-SIIC, soucieuse d’affaiblir les sadristes, son principal concurrent parmi les chi’ites irakiens.
Question : Quels sont les résultats de l’accroissement du nombre de troupes états-unien, ce qu’on appelle « the surge » ? Il y a eu, en tout cas, un déclin relatif de la violence confessionnelle en Irak. Est-ce que cela signifie que l’occupation états-unienne s’améliore ?
Gilbert Achcar : Le « surge » a effectivement obtenu quelques résultats, et, du point de vue de Washington, c’est un succès, puisque dans l’ensemble le niveau de violence confessionnelle a clairement diminué - ce qui est une bonne chose. Mais il vaut la peine de s’interroger sur les raisons de ce fait. La diminution de la violence fait suite à l’augmentation des troupes états-uniennes déployées à Bagdad et au fait que les sadristes ont décidé d’opérer une retraite et de ne pas se battre lorsque le « surge » a commencé. Mais l’élément clé de ce « surge » consiste en un changement de stratégie de la part de l’occupation.
Les États-Unis ont commencé à faire ce que toutes les puissances coloniales ont fait par le passé dans cette partie du monde et notamment ce que les Britanniques ont fait en Irak après la Première Guerre mondiale lorsqu’ils ont pris le contrôle du pays : ils ont joué la carte tribale. Les États-Unis ont ainsi cherché à acheter - littéralement à acheter ou à soudoyer - des tribus sunnites, dans les régions à prédominance sunnite. Ils ont soudoyé des tribus et leur ont fourni des armes en les aidant à former ce qu’on a appelé les « assemblées du réveil », qui sont des forces tribales subventionnées par Washington.
Les membres de ces milices tribales reçoivent des salaires mensuels qui débutent à 300 dollars états-uniens, ce qui représente une somme élevée comparée aux salaires moyens en Irak, mais pas grand-chose lorsqu’on la met en rapport avec le coût de l’occupation. Vous pouvez faire le calcul. Si vous donniez, disons 400 dollars en moyenne à un maximum de 250 000 personnes, cela donnerait 100 millions de dollars, ce qui est négligeable comparé aux 12 milliards par mois que les États-Unis dépensent pour l’occupation de l’Irak. Je ne l’ai pas encore vérifié, mais il se peut très bien que ce soit d’ailleurs avec des fonds gouvernementaux irakiens que les tribus sont soudoyées.
Quoi qu’il en soit, Washington a amplement les moyens de verser pareilles sommes. Mais est-ce que cela peut constituer une solution à long terme pour les États-Unis ? En réalité, sur le long terme, cette stratégie sera un autre facteur important empêchant l’Irak d’atteindre une quelconque stabilité, puisqu’elle renforce la division du pays en tribus et sectes. Paradoxalement, les forces chi’ites au gouvernement sont en train d’attaquer les forces chi’ites de Moqtada al-Sadr sous prétexte de démanteler toutes les milices.
Et les sadristes répliquent : « Vous voulez qu’on dépose les armes alors que maintenant les sunnites ont leurs propres milices. » C’est donc une situation terriblement chaotique. En essayant de se dégager du bourbier et du désastre qu’ils ont créés en Irak, les États-Unis sont tout simplement en train de préparer le terrain pour un désastre encore plus terrible. L’Irak est un problème tragique et il est difficile d’y concevoir une issue stable dans l’avenir prévisible, aussi longtemps que les États-Unis présideront à sa destinée.
Question : Pensez-vous qu’une possible victoire d’Obama entraînera un changement de la politique des États-Unis à l’égard du Moyen-Orient et en particulier de l’Irak ? Un retrait de l’Irak est-il possible ?
Gilbert Achcar : Je pense que le retrait des troupes états-uniennes d’Irak n’aura lieu que si Washington y est contraint. Les États-Unis ne se retireront pas volontairement de l’Irak, car la situation n’a rien à voir avec ce qu’elle était au Vietnam. Les États-Unis ont décidé de se retirer du Vietnam en 1973, lorsqu’ils se sont aperçus qu’en tenant compte de tous les paramètres, le coût de la guerre - politiquement, économiquement et à tous points de vue - était devenu beaucoup plus élevé que les bénéfices apportés par le contrôle du Sud Vietnam. En Irak, par contre, les avantages de conserver le contrôle du pays sont énormes.
L’Irak est un pays pétrolier d’une très grande importance qui se situe au milieu de ce qui est de loin la région pétrolière la plus importante du monde. C’est pourquoi l’enjeu est considérablement plus important qu’il ne l’était au Vietnam. C’est pour cette raison que l’impérialisme états-unien ne peut envisager un retrait comme celui effectué au Vietnam.
Les États-Unis recherchent des solutions qui leur permettent de conserver le contrôle du pays tout en cherchant à le stabiliser. Car, en fin de compte, à quoi bon contrôler un pays très riche en pétrole si on ne peut pas exploiter ce pétrole ? Il leur faut donc stabiliser le pays. Je pense que la prochaine administration, quelle qu’elle soit, poursuivra d’une part la stratégie actuelle d’« irakisation » menée par l’administration Bush au moyen des tribus sunnites - tout comme la « vietnamisation » de la guerre du Vietnam autrefois.
Et deuxièmement les États-Unis tenteront de conclure un accord avec l’Iran aussi bien qu’avec la Syrie. Ils tenteront certainement de conclure un accord avec la Syrie et essayeront de la séparer de l’Iran. Mais il leur faudra également conclure un accord avec l’Iran pour stabiliser la région, à défaut de mieux, c’est-à-dire d’un « changement de régime » à Téhéran. Les négociations avec Téhéran et Damas comptaient d’ailleurs parmi les recommandations majeures de la commission bipartisane « Iraq Study Group » présidée par Baker et Hamilton et mise sur pied avant le « surge » pour évaluer la situation en Irak.
Question : Une autre question importante, qui est aussi en rapport avec la politique turque, est celle de la région autonome kurde en Irak. Quelle est la stratégie états-unienne concernant les Kurdes ?
Gilbert Achcar : Cette question représente un dilemme majeur pour les États-Unis. Tout le monde devrait se souvenir de la trahison des Kurdes par Washington après la première guerre contre l’Irak en 1991, lorsqu’ils se sont rebellés contre Saddam Hussein et que les États-Unis ont tout simplement laissé ce dernier écraser leur rébellion. De la même manière, les États-Unis ont permis à Saddam Hussein d’écraser la rébellion au sud de l’Irak. Dans les deux cas, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées. Par la suite, les États-Unis ont établi dans le Nord kurde une sorte de protectorat, un protectorat états-unien et britannique pour le Kurdistan irakien, et cela pour plusieurs raisons.
D’une part parce que la Turquie s’était inquiétée devant le flot de réfugiés kurdes qui franchissaient la frontière irakienne vers le territoire turc, et voulait les refouler vers le Kurdistan irakien. D’autre part les Européens craignaient également qu’en dernière instance, les Kurdes irakiens arriveraient en Europe en demandeurs d’asile. Enfin, les puissances occidentales voulaient montrer qu’elles étaient hautement humanitaires, en protégeant cette population qui avait même subi des attaques chimiques de la part de Saddam Hussein.
C’est ainsi que les dirigeants du Kurdistan irakien sont devenus les plus proches alliés de Washington en Irak. Au début de l’occupation de tout l’Irak en 2003, cette alliance s’est avérée très utile pour Washington. L’alliance kurde de Talabani et Barzani est non seulement l’allié le plus important et le plus fiable des États-Unis en Irak, mais finalement leur unique allié fiable. Quelqu’un comme Iyad Allawi est peut-être un allié fiable, mais il n’est pas à la tête d’une force importante comme le sont les Kurdes.
Les principales forces chi’ites ne sont pas des alliés fiables pour Washington, car tout le monde sait qu’elles sont étroitement liées à Téhéran, en particulier le SIIC. Il s’agit au mieux de forces ambivalentes qui collaborent avec l’occupation, mais ne sont pas complètement fiables. C’est ainsi que les dirigeants kurdes sont les seuls alliés fiables des États-Unis.
Le problème de Washington est cependant que les Kurdes ont leurs propres ambitions. Ils veulent établir un État indépendant de fait. Ils ne visent pas à créer un État officiellement indépendant car ils savent que cela entraînerait une guerre avec la Turquie, et qu’ils n’en ont pas les moyens. En fait ils veulent tous les attributs d’un État indépendant, mais sans le proclamer. Ils veulent aussi élargir la région sous leur contrôle pour inclure des endroits comme Kirkouk.
Ils aspirent à un grand Kurdistan irakien. Mais ces aspirations se heurtent évidemment aux aspirations des autres Irakiens. D’où le réel dilemme qui se pose aux États-Unis : Washington a besoin de ces alliés kurdes, mais en même temps il ne peut se permettre de perdre les Arabes d’Irak pour garder les Kurdes d’Irak. Le problème a été reporté d’année en année. Selon les projets initiaux, la question de Kirkouk aurait dû être réglée depuis longtemps, mais le référendum qui devait être organisé a été retardé à maintes reprises. Cette question constitue une véritable bombe à retardement pour l’Irak.
Question : Pensez-vous qu’une partition de l’Irak en régions ou États kurde, sunnite et chi’ite, soit possible ?
Gilbert Achcar : Cette prétendue solution entraînerait la guerre. Dans les conditions actuelles toute tentative de diviser le pays conduirait à une guerre, entraînant la région dans une situation qui serait encore pire pour les États-Unis. C’est la raison pour laquelle Washington n’est pas du tout intéressé à promouvoir une partition, même si certaines personnes aux États-Unis et au Congrès états-unien sont favorables à une partition ou à la formation d’une sorte de fédération assez lâche.
Mais même une fédération serait très difficile à mettre en œuvre. Elle ne serait possible que s’il y avait des réserves de pétrole ou de gaz d’égale richesse dans les trois régions majeures d’Irak. Les Kurdes sont cherchent à s’assurer leurs propres réserves. Dans la région arabe sunnite il y a un important champ gazier dont l’exploration intensive fait actuellement l’objet d’une priorité politique, car il est nécessaire de satisfaire les Sunnites.
Si chaque région pouvait disposer d’importantes ressources d’hydrocarbures, une sorte de fédération pourrait éventuellement voir le jour, avec les États-Unis qui resteraient comme arbitre entre les trois régions, kurde, arabe sunnite et arabe chi’ite. Pour Washington ce serait la meilleure solution, mais elle serait très difficile à mettre en œuvre dans la mesure où il faudrait obtenir un véritable accord, un consensus entre toutes les factions importantes.
En tout cas, un tel accord ne pourra pas être atteint en armant tout le monde comme le font les États-Unis maintenant et en aggravant les divisions tribales et confessionnelles. Les États-Unis sont en train de semer les germes d’une tragédie de longue durée en Irak, un pays qui vit déjà en pleine tragédie. L’Irak vit une tragédie permanente depuis que Saddam Hussein et ses comparses sont arrivés au pouvoir en 1968, et jusqu’à l’embargo génocidaire imposé par les États-Unis. La tragédie que vivent les Irakiens depuis le début de l’occupation est considérée par certains comme pire encore, Et je n’en vois pas d’issue dans l’avenir prévisible.
Question : Pensez-vous que le mouvement antiguerre est une force sociale en déclin ? Si oui, quelles sont les raisons de ce déclin ?
Gilbert Achcar : Il est clair que par rapport aux mobilisations qui ont eu lieu juste avant l’invasion de l’Irak, le mouvement a connu un déclin. Il y a des raisons de fond et des raisons conjoncturelles qui expliquent cela. Une des raisons conjoncturelles, qui concerne en premier lieu les États-Unis mais qui affecte également le reste du monde, est l’élection présidentielle états-unienne et la croyance de beaucoup de gens que celle-ci pourrait conduire à un changement radical dans la politique de Washington à l’égard de l’Irak. Comme d’habitude, l’effet des élections est de démobiliser le mouvement antiguerre.
Une autre raison conjoncturelle est celle qui a déjà été mentionnée, à savoir le succès relatif du « surge ». Ceci a également un effet démobilisateur sur le mouvement contre la guerre, car il réduit le sentiment d’urgence pour la lutte contre l’occupation. A ces considérations, il faut ajouter une raison de fond : c’est que la nature des forces qui affrontent l’impérialisme états-unien inspire beaucoup moins de sympathie que par le passé. Au Vietnam, les États-Unis affrontaient les communistes vietnamiens qui se comportaient de manière très intelligente en s’adressant à la population états-unienne et au monde entier, et qui avaient ainsi réussi à gagner la sympathie de l’opinion publique mondiale.
Actuellement, les forces qui affrontent les États-Unis sont surtout des intégristes islamiques, qu’Al-Qaida représente de la façon la plus visible. Ils ne peuvent certainement pas rallier la sympathie de l’opinion publique - surtout en Occident où se trouve l’essentiel du mouvement antiguerre pour une bonne raison, car celui-ci est le plus utile dans les pays belligérants. Ainsi, donc, la nature des forces qui affrontent l’impérialisme états-unien ne contribue pas à la construction d’un puissant mouvement contre la guerre.
Je crois que c’est le principal problème auquel le mouvement antiguerre est confronté. La principale tâche du mouvement contre la guerre, du mouvement anti-impérialiste, devrait être d’expliquer à l’opinion publique que plus il y a des guerres comme celles-ci, plus il y aura du fanatisme et de l’intégrisme. Et d’expliquer que ces guerres ne font que renforcer la dialectique des barbaries, ce que j’appelle « le choc des barbaries » dans lequel la barbarie majeure est celle de Washington et la barbarie mineure celle des bandes fanatiques d’intégristes islamiques.
Cela constitue un désastre pour toutes les populations du monde. Il est donc absolument urgent de stopper les guerres et l’agression impérialiste en cours. Voilà le genre de message que le mouvement contre la guerre devrait transmettre, et non pas celui qui consiste à dire : « Nous soutenons quiconque combat l’impérialisme états-unien quel qu’il soit et quoi qu’il fasse par ailleurs ». Ce n’est pas ainsi que l’on pourra gagner un soutien populaire pour la cause antiguerre.
Question : La gauche antiguerre anti-impérialiste se trouve devant un dilemme parce que dans beaucoup de pays de la région la résistance à l’agression impérialiste est dirigée par l’Islam politique. Comment la gauche peut-elle manifester de la solidarité avec cette résistance sans abandonner pour autant son combat pour la laïcité, pour la libération des femmes et pour les droits des travailleurs ?
Gilbert Achcar : Je ne pense pas qu’il soit possible d’appliquer une règle générale dans ce domaine. Cela dépend de la situation dont on parle. Par exemple en Irak il y a des groupes qui combattent l’occupation états-unienne, mais ces mêmes groupes sont simultanément engagés dans de la violence confessionnelle. Et ils ont tué beaucoup plus de civils pour des raisons confessionnelles que des soldats de la coalition. Dans ces circonstances, il serait tout à fait erroné et désorientant de dire « Nous soutenons la résistance irakienne ». On ne peut pas dire qu’on soutient de telles forces.
On devrait plutôt dire « Nous soutenons la lutte contre l’occupation », ou, mieux encore, pour des objectifs didactiques : « La lutte contre l’occupation est légitime, par tous les moyens (vraiment) nécessaires ». Une telle formulation est correcte : on soutient les actes de manière sélective, et non les acteurs eux-mêmes lorsqu’on ne peut pas assumer la responsabilité de tous leurs actes. En Irak, on ne peut pas soutenir une quelconque force spécifique parce que toutes les forces qui combattent l’occupation sont en même temps des forces confessionnelles.
Il y a donc deux guerres menées en même temps : une guerre juste et une guerre très réactionnaire. Prenons maintenant le cas du Liban ou de la Palestine, où il y a le Hezbollah et le Hamas, des forces intégristes islamiques, qui s’opposent à l’agression israélienne. On peut dire : « Nous soutenons la lutte du peuple contre l’agression impérialiste indépendamment de la nature des directions ; nous soutenons la lutte malgré nos réserves sur les directions. »
Par ailleurs, je suis très opposé à un soutien acritique à quelque direction que ce soit, même les plus progressistes - et à plus forte raison lorsqu’elles ne sont pas progressistes et adhèrent à des idéologies réactionnaires. Lorsque la légitimité du combat ne souffre d’aucune ambiguïté, mais qu’il est dirigé par des forces non progressistes, on devrait déclarer très clairement : « Nous soutenons la lutte, mais nous ne partageons pas les orientations de sa direction. »

Notes :
1. Oxymoron : figure de style qui consiste à associer deux mots apparemment contradictoires pour créer un effet paradoxal (silence éloquent, douce violence, réalité virtuelle).
* Gilbert Achcar, professeur à l’École des études orientales et africaines (SOAS) de l’Université de Londres, est un collaborateur régulier d’Inprecor. Parmi ses ouvrages : Le choc des barbaries (Complexe, 2002 ; 10/18, 2004), L’Orient incandescent (Page Deux, 2004), La guerre des 33-Jours, avec Michel Warschawski (Textuel, 2007), La poudrière du Moyen-Orient, avec Noam Chomsky (Fayard, 2007)Cette interview a été réalisée par Foti Benlisoy et Aykut Kýlýç pour la revue critique turque, Mesele (Question).
Le texte original de l’interview, en anglais, a été publié sur les sites de ZNet : http://www.zmag.org/znet/viewArticle/17808 et International Viewpoint : http://www.internationalviewpoint.org/spip.php?article1477 sous le titre : The U.S. is sowing the seeds of a long term tragedy...
18.10.08 15:16
Lire aussi :
Les Secrets des Chambres de la mort en Irak
Le journal The Independent a appris que des exécutions secrètes se déroulaient dans les prisons dirigées par le gouvernement « démocratique » de Nouri al-Maliki.

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jeudi, octobre 16, 2008

Oubliés

Trois milliards de dollars par an seraient suffisants pour éradiquerla malnutrition dans le monde.
Les centaines de milliards de dollars qui ont été rapidement trouvés pour renflouer les grandes banques en Occident laissent perplexes les responsables et les spécialistes de la lutte contre la faim dans le monde.
Al-Ahram/hebdo - Semaine du 15 au 22 octobre 2008, numéro 736 (Edito)
Ils mettent en parallèle la rapidité et la facilité avec lesquelles ces sommes sont mobilisées pour sauver banques et Bourses de la crise financière avec la difficulté à obtenir des fonds pour les 925 millions de personnes touchées par la faim dans le monde, notamment en Afrique.
Des cris d’alarme et appels à la vigilance se sont multipliés récemment, rappelant que la faim dans le monde s’est aggravée du fait de la hausse des prix énergétiques et alimentaires. Selon ActionAid, une ONG basée en Afrique du Sud, le coût du bol alimentaire de base a augmenté en moyenne de 80 % en deux ans. En conséquence, 100 millions de personnes ont rejoint les rangs des affamés et 750 millions d’autres risquent de souffrir chroniquement de la faim. ActionAid estime que près de 1,7 milliard de personnes, soit un quart de l’humanité, pourraient se trouver désormais en situation d’insécurité alimentaire.
Selon une autre ONG, Action Contre la Faim (ACF), un enfant âgé de moins de 10 ans meurt de faim ou de ses conséquences toutes les cinq minutes dans le monde. Traiter un enfant mal nourri coûte environ 60 dollars par an, mais au niveau des financements mondiaux, publics ou privés, la malnutrition est un secteur complètement négligé alors que 55 millions d’enfants sont mal nourris. L’enveloppe budgétaire mondiale actuelle ne permettant de traiter que 5 % seulement de la malnutrition sévère.
Rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation de 2001 à 2008, Jean Ziegler martèle que « la faim n’est plus une fatalité dans aucun endroit du monde ». Il rappelle que l’explosion récente des prix mondiaux des matières agricoles, qui a provoqué des émeutes de la faim dans une quarantaine de pays en avril 2008, est « une formidable agression » contre les populations les plus pauvres de la planète causée essentiellement par les agrocarburants et la spéculation qu’il serait facile d’interdire.
Plusieurs spécialistes soulignent que la lutte contre la faim dans le monde souffre d’un manque de volonté politique de la part des pays les plus industrialisés, rappelant que selon les estimations, trois milliards de dollars par an seraient suffisants pour éradiquer la malnutrition dans le monde, alors que les Etats-Unis ont prévu à eux seuls de dépenser jusqu’à 700 milliards de dollars pour renflouer les banques américaines. Les gouvernements sont appelés à augmenter massivement leurs cotisations en faveur du Programme Alimentaire Mondial (PAM) qui a perdu 40 % de son pouvoir d’achat avec la dernière flambée des prix des denrées de base.

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mardi, octobre 14, 2008

Le grand craquement, dans la chute de l’Amérique

La crise financière mondiale verra les Etats-Unis vaciller, de la même manière qu’a vacillé l’Union soviétique lors de la chute du Mur de Berlin. L’ère de la domination américaine est derrière nous.

Nos yeux sont peut-être bien, effectivement rivés sur l’effondrement des marchés, mais l’insurrection que nous sommes en train de connaître est bien davantage qu’une simple crise financière, quelle qu’en soit la magnitude. Ce à quoi nous sommes en train d’assister, c’est à un véritable tsunami géopolitique, dans lequel l’équilibre des pouvoirs mondial est en train d’être irrévocablement modifié. L’ère de la domination planétaire américaine, remontant à la Seconde guerre mondiale, est terminée.
Vous pouvez le voir à la manière dont l’empire de l’Amérique lui a échappé dans sa propre arrière-cour, le président vénézuélien Hugo Chavez défiant et ridiculisant la superpuissance américaine en totale impunité. Et encore, le recul de la position américaine au niveau planétaire est encore plus frappant. Avec la nationalisation de parties cruciales du système financier, la doxa américaine ultralibérale s’est autodétruite, tandis que des pays qui étaient partisans et pratiquaient le contrôle généralisé des marchés ont été vengés. Lors d’un changement aussi radical et profond de par ses implications que l’effondrement de l’Union soviétique, c’est tout un modèle de gouvernance et économique qui vient ainsi de s’effondrer.
Continûment, depuis la fin de la Guerre froide, les administrations américaines successives ont chapitré les autres pays au sujet de la nécessité qu’il y a à avoir des finances solides. L’Indonésie, la Thaïlande , l’Argentine et plusieurs pays africains ont souffert de sévères coupes claires dans leurs dépenses budgétaires et une profonde récession, pour prix de l’aide qu’ils recevaient du Fonds Monétaire International, qui n’a jamais fait autre chose que d’imposer l’orthodoxie américaine. En particulier, la Chine , a été bassinée sans relâche au sujet de la soi-disant « faiblesse » de son système bancaire. Mais le succès de la Chine a toujours été fondé sur son mépris incommensurable et constant pour l’avis que peuvent bien donner les Occidentaux, et actuellement, ce ne sont pas les banques chinoises qui boivent la tasse ! Combien symbolique, cette journée d’hier, où des astronautes chinois se sont payé une petite promenade dans l’espace, tandis que le Secrétaire au Trésor des Etats-Unis avait dû mettre genou à terre.
En dépit de son bassinage incessant auprès d’autres pays afin de leur imposer sa propre façon de faire des affaires, l’Amérique a toujours eu une politique économique pour son usage propre, et une autre politique économique, qu’elle impose au reste du monde. Tout au long des années durant lesquelles les Etats-Unis punissaient les pays qui eussent oublié la prudence fiscale, ils empruntaient sur une échelle absolument colossale afin de financer leurs réductions d’impôts et de payer leurs engagements militaires exagérément étendus. Aujourd’hui, les finances fédérales dépendant de manière critique de la continuité de colossaux afflux de capital étranger, il s’avérera que ce sont les pays qui ont rejeté le modèle américain qui définiront le type de capitalisme qui déterminera et donnera forme à l’avenir économique de l’Amérique.
La question de savoir quelle version du rachat des institutions financières américaines bricolé par le Secrétaire au Trésor Hank Paulson et le secrétaire de la Réserve Fédérale Ben Bernanke sera en fin de compte adoptée est bien moins importante que celle de savoir ce que signifie ce rachat pour la position américaine dans le monde. La logorrhée populiste au sujet de ces banques râpe-tout, qui est ouvertement diffusée au Congrès, n’est qu’une manière de distraire l’attention des parlementaires des véritables causes de la crise. La condition pitoyable des marchés financiers américains résulte du fait que les banques américaines opéraient dans un environnement de totale liberté, créé par ces mêmes législateurs américains. C’est la classe politique américaine qui, en adoptant l’idéologie dangereusement simpliste de la déréglementation, est responsable du bordel actuel.
Dans les circonstances présentes, un renforcement sans précédent des gouvernements est le seul moyen d’éviter une catastrophe sur les marchés. La conséquence, toutefois, sera que l’Amérique dépendra encore davantage des nouvelles puissances en train d’émerger dans le monde. Le gouvernement fédéral s’efforce de ratisser des prêts encore plus importants, dont les créditeurs pourraient à juste titre redouter qu’ils ne leurs soient jamais remboursés. Il pourrait fort bien se laisser tenter par l’idée d’augmenter encore ces dettes, afin de provoquer une flambée d’inflation qui causerait des pertes énormes aux investisseurs étrangers. Dans de telles circonstances, les gouvernements des pays qui achètent d’importantes quantités de bons du Trésor américains, comme, par exemple, la Chine , les pays du Golfe et la Russie seraient-ils disposés à continuer de soutenir le rôle que joue le dollar, en tant que devise de réserve du monde entier ? Ou bien ces pays y verront-ils une opportunité de faire pencher l’équilibre des pouvoirs économiques encore plus à leur avantage ? Quoi qu’il en soit, les rênes permettant de contrôler les événements ne sont plus, désormais, entre les mains américaines.
Très souvent, le sort des empires est scellé par une interaction entre la guerre et la dette. Ce fut le cas de l’Empire britannique, dont les finances se détériorèrent à partir de la Première guerre mondiale, et ce fut aussi le cas de l’Union soviétique. Sa défaite en Afghanistan et le fardeau économique que représenta pour elle sa volonté de tenter de répondre au programme de la Guerre des Etoiles de Reagan, techniquement bidon, mais politiquement d’une redoutable efficacité, furent des facteurs déterminants dans l’engrenage qui conduisit à l’effondrement soviétique. En dépit de son exceptionnalisme tenace, l’Amérique n’échappe pas à la règle. La guerre en Irak et la bulle du crédit ont mortellement sapé la primauté économique américaine. Les Etats-Unis vont continuer à être la plus forte économie mondiale, encore quelque temps, mais ce seront les nouvelles puissances en cours d’émergence qui, une fois la crise terminée, achèteront tout ce qui sera resté intact au milieu des décombres du système financier de l’Amérique.
Il a été énormément question, au cours des dernières semaines, d’un Armageddon économique imminent. De fait, ce à quoi nous assistons est très loin d’être la fin du capitalisme. L’agitation frénétique actuelle à Washington marque uniquement la fin d’un type unique de capitalisme – cette variété de capitalisme particulière et hautement instable qui existe en Amérique depuis deux décennies. Cette expérience de laissez-faire économique a implosé. Tandis que l’impact de l’effondrement se fera sentir partout ailleurs, les économies de marché qui auront résisté à la dérégulation ‘à la sauce américaine’ résisteront davantage à la tempête. La Grande-Bretagne , qui s’est muée elle-même en un ‘hedge fund’ [un fonds d’investissement ultra-risqué, ndt] gigantesque, mais d’une sorte qui est incapable de profiter d’un retournement, sera selon toute vraisemblance salement frappée.
L’ironie de l’ère post-guerre froide, c’est le fait que l’effondrement du communisme ait été suivi par l’ascension d’une autre idéologie utopiste. En Amérique et en Grande-Bretagne, ainsi, quoique dans une moindre mesure, que dans d’autres pays occidentaux, un certain type de fondamentalisme du marché est devenu la philosophie directrice. L’effondrement de la puissance américaine en cours est l’issue prévisible. Comme l’effondrement soviétique, il aura d’énormes répercussions géopolitiques. Une économie affaiblie ne peut soutenir les engagements militaires exagérément dispersés et étendus de l’Amérique. Le repliement et le retrait sont inévitables, et il est peu vraisemblable qu’ils s’effectueront graduellement ou en bon ordre.
Des collapsus de l’ampleur de celui auquel nous assistons actuellement ne sont pas des événements à rythme lent. Ils se produisent inopinément, de manière chaotique, et produisent des effets collatéraux diffusant très rapidement. Prenons l’Irak. Le succès de l’insurrection, qui a été obtenu en graissant la patte aux sunnites, tout en fermant les yeux sur une épuration ethnique en cours, a produit les conditions d’une paix relative dans certaines régions du pays. Combien cette situation perdurera-t-elle, étant donné que le niveau actuel de dépenses de l’Amérique pour cette guerre ne saurait en aucun cas être maintenu ?
Un retrait américain de l’Irak, aujourd’hui, ferait de l’Iran le vainqueur régional. Comment l’Arabie saoudite réagirait-elle ? Une intervention armée visant à retarder l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran en deviendrait-elle davantage, ou moins probable ? Les dirigeants chinois sont restés, jusqu’ici, silencieux, durant toute cette crise aux multiples rebondissements. La faiblesse de l’Amérique les encouragera-t-elle à affirmer la puissance de la Chine , ou bien est-ce que la Chine va poursuivre sa politique prudente d’ « ascension pacifique » ? Actuellement, on ne peut répondre à aucune de ces questions avec quelque certitude. Ce qui est évident, c’est que le pouvoir échappe aux Etats-Unis, de manière accélérée. La Géorgie nous a permis de voir la Russie en train de modifier la carte géopolitique du monde, tandis que l’Amérique se contentait de regarder, impuissante.
En-dehors des Etats-Unis, la plupart des gens ont intégré depuis longtemps l’idée que le développement de nouvelles économies, qui découlent de la mondialisation, finira par saper la position centrale de l’Amérique dans le monde. Ils imaginaient que cela représenterait un changement dans le standing comparatif de l’Amérique, qui se produirait, de manière incrémentale, durant plusieurs décennies, voire plusieurs générations. Aujourd’hui, cela semble bien ne plus être qu’une vue de l’esprit totalement irréaliste.
Ayant créé les conditions qui ont produit la plus importante bulle économique de toute l’Histoire, les dirigeants libéraux de l’Amérique semblent totalement incapables de piger la magnitude des dangers auxquels leur pays est confronté aujourd’hui. Enlisés dans leurs guerres culturelles pleines de rancœur et se chamaillant entre eux, ils semblent avoir oublié le fait que le leadership mondial de l’Amérique ne cesse de leur échapper très rapidement. Un nouveau monde est en train d’émerger, presque sans crier gare, dans lequel l’Amérique ne sera qu’une grande puissance parmi quelques autres, où elle sera confrontée à un futur incertain, qu’elle n’est absolument plus en mesure de façonner.

Mondialisation.ca, Le 10 octobre 2008 / par John Gray
The Observer
The Observer, 28 septembre 2008.
Traduction: Marcel Charbonnier.

14.10.08 17:07
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dimanche, octobre 12, 2008

La télévision israélienne célèbre le crime organisé

En Israël, le meurtre de Palestiniens et leur mutilation sont ouvertement applaudis aux plus hauts niveaux. Et y a-t-il quelqu’un en occident pour le constater ?
dimanche 12 octobre 2008 - 08h:51
Khalid Amayreh - Al Ahram Weekly
La tension dans l’assistance était évidente samedi dernier alors qu’elle attendait d’Emanuel Rozin, présentateur de la chaîne de télévision israélienne Canal 2, qu’il annonce qui était l’homme de l’année « [hébraïque] ». Pour augmenter le suspens dans l’assistance, Rozin a énuméré les réalisations de la personnalité en question avant de livrer son nom.
« C’est l’homme qui n’a fait qu’exécuter de bonnes actions... C’est la personne qui est devenue célèbre pour avoir découpé les têtes de Palestiniens avec un couteau japonais... Il est né avec un couteau entre les dents... C’est le chef du Mossad, Meir Dagan ! » Et la salle a croulé sous les applaudissements lorsque Rozin a annoncé que Dagan était homme de l’année.
Rozin a veillé à mentionner certains des hauts faits « secrets » de Dagan, particulièrement l’assassinat du commandant du Hizbullah, Imad Mughniyah, et la fourniture des informations qui ont permis à l’Armée de l’Air israélienne de bombarder un centre de recherches au nord-est de la Syrie. Après avoir annoncé que Dagan était l’homme de l’année, l’émission de télévision a présenté son profil reprenant ses états de service pendant son carrière militaire et comme responsable du Mossad.
Tous les collègues et connaissances de Dagan qui ont été interviewés n’ont pas tari d’éloges sur son imagination pour assassiner des Palestiniens et des Arabes. Le général à la retraite Yossi Ben Hanan, un ancien collègue de Dagan, témoignait sur son insistance à assassiner des Palestiniens lui-même une fois qu’ils lui avaient été amenés. Ben Hanan a chaudement félicité son grand ami pour cela.
Juste avant puis après que Dagan ait été nommé homme de l’année, un certain nombre de rapports de presse ont été publiés au sujet des atrocités qu’il a commises contre les civils palestiniens et libanais. Ces rapports, élaborés par des journalistes israéliens reconnus, confirment que Dagan a été nominé en raison de ces atrocités.
Aluf Ben Ahed, un commentateur du journal Haaretz, a publié un rapport sur Dagan le 26 septembre dans lequel il écrivait que l’ancien premier ministre Ariel Sharon lui-même avait insisté pour que Dagan soit nommé à la tête de Mossad, « en raison de son immense expérience et de son passe-temps consistant à découper les têtes des Arabes », tel qu’il l’a rapporté.
Ben Ahed a écrit aussi que la relation entre Sharon et Dagan remontait au début des années 70 lorsque Sharon était commandant de la région sud et Dagan commandant de l’escadron de la mort Rimonim. Sharon avait alors confié à Dagan la mission d’enlever et d’assassiner les combattants de la résistance palestinienne dans la bande de Gaza.
Sharon appréciait beaucoup voir Dagan couper lui-même les têtes des résistant palestiniens après leur assassinat. Ben Kasbit a écrit qu’un certain nombre de soldats qui ont servi sous Dagan dans la bande de Gaza au cours de cette période ont plus tard souffert de troubles psychologiques pour avoir appliqué des ordres de Dagan en tuant d’atroce façon des Palestiniens. Après avoir fait leur période militaire, certains d’entre eux ont perpétré des crimes [dans la société israélienne], et lorsqu’ils ont été jugés, ils ont dit avoir été affectés par les atrocités commises sous les ordres de Dagan, contre des Palestiniens.
Le journaliste Gidéon Lévy a publié un article le 2 octobre où il indiquait que la censure militaire avait empêché la publication d’un rapport que les journalistes avaient préparé il y a des années sur les atrocités dont Dagan s’était rendu responsable contre les civils libanais alors qu’il était commandant de l’armée israélienne au Sud du Liban dans les années 80. Si la censure militaire israélienne autorise aujourd’hui la publication de rapports confirmant le passe-temps de Dagan de couper les têtes des Palestiniens, on peut supposer que ce qui reste censuré est encore plus atroce.
Al-Ahram weekly a rassemblé des témoignages de Palestiniens ayant été témoins des atrocités de Dagan dans la bande de Gaza pendant les années 70, lorsqu’il était commandant de l’unité Rimonim. Rabia Abu Samheh, âgée de 63 ans, qui vit dans le camp de réfugié d’Al-Maghazi, faisait partie de ces témoins.
En juillet 1971, Abu Samheh était en route pour rentrer chez elle dans le quartier à l’ouest du camp après une visite à une amie dans le quartier situé à l’est, lorsqu’elle a remarqué que la rue principale du camp était complètement vide : elle avait été envahie par des membres de l’unité Rimonim, lesquels portaient des bérets rouges. Quand elle s’est approché de la principale mosquée du camp, elle a été témoin d’une scène qu’elle n’oubliera jamais. Les soldats ont ouvert le feu sur trois jeunes hommes palestiniens, puis un soldat a jeté un des tués dans un puits d’ordures près de la mosquée. Abu Samheh a été choquée par la scène et oubliant sa peur elle s’est précipitée vers les soldats pour les empêcher de jeter les deux autres morts dans le puits. Ils l’ont alors battue avec les crosses de leurs fusils jusqu’à ce qu’elle ait le visage en sang.
Salem Sarirat, âgé de 58 ans, vit près de la frontière entre la Bande de Gaza et Israël. Il raconte qu’il menait son troupeau de moutons dans le pâturage près de sa maison lorsqu’il a entendu des véhicules militaires tout près de là. Il s’est précipité chez lui et a observé de sa fenêtre ce qui arrivait, voyant que des soldats de l’unité Rimonim sortaient deux jeunes hommes palestiniens d’un des véhicules et les attachaient à un arbre. Puis un militaire qui selon Sarirat était Dagan lui-même, s’est approché d’eux avec un couteau à la main. Il l’a planté dans le coup d’un des deux jeunes qui criait et puis l’a violemment tourné dans tous les sens jusqu’à ce que sa tête ait été découpée. Puis il a procédé de même avec l’autre garçon.
Ben Aluf et Ben Kasbit conviennent que Dagan a remporté le prix [de canal 2] pour sa cruauté dans ses actes comme commandant de l’unité Rimonim. Gideon indique que personne d’autre n’a dirigé le Mossad en ayant commis autant d’atrocités, de crimes, et en ayant répandu autant de sang que Dagan.
Ronin Briegman qui écrit dans le journal à grande diffusion Yediot Aharonot, a publié un article le 7 août dans lequel il expliquait que Sharon avait été contrarié par la politique d’Ephraim Helevi, prédécesseur de Dagan à la tête du Mossad, parce que l’agence n’avait pas commis d’assassinats pendant son mandat qui aurait prouvé la force et la portée des actions israéliennes. Sharon était également irrité du fait qu’Helevi n’avait pas entrepris de mission pour contrecarrer le programme nucléaire iranien, une mission que Dagan a pris en charge au nom du Mossad.
Ronin Briegman indique que les listes d’opérations exécutées par le Mossad sous le mandat de Dagan ont toujours été très chaudement accueillies par Sharon et son successeur Olmert. Ces opérations comprenaient l’assassinat de Mughniyah, le bombardement d’une usine supposée d’armes chimiques en Syrie et le meurtre de dizaines d’experts syriens et iraniens, et la fourniture de renseignements permettant le bombardement d’un centre de recherches au nord-est de la Syrie qui selon Israël abritait un réacteur nucléaire syrien en construction avec l’aide d’experts venus de Corée du Nord. Briegman indique que sous le mandat de Dagan, le Mossad a assassiné Ramzi Nehareh, un commerçant lié au Hizbullah, Ghalib Awaleh, un responsable de l’aile militaire du Hizbullah, Ali Hussein Saleh, un chauffeur de l’ambassade iranienne à Beyrouth, Abu Hamza, responsable du Jihad islamique au sud du Liban, ainsi que bien d’autres.
Tous les journalistes qui ont écrit sur le Mossad à l’époque de Dagan ont dit à quel point Olmert est impliqué dans l’élaboration des listes d’opérations exécutées par le Mossad. Ces journalistes rapportent que Dagan se rend au bureau d’Olmert chaque jeudi avec une liste d’opérations qu’il veut voir approuvée par Olmert, et qu’Olmert validait toutes les propositions de Dagan. Il y a un consensus en Israël sur le fait que Dagan est aujourd’hui la personnalité la plus influente parmi ceux qui décident à Tel Aviv, et qu’en raison de ses hauts faits, Olmert a insisté à deux reprises pour que le mandat de Dagan à la tête du Mossad soit reconduit.
Il est ironique et inexplicable que le monde ose qualifier de terroristes les mouvements de la résistance arabe et palestinienne, alors qu’Israël a produit des terroristes beaucoup plus sadiques et criminels. De plus, le massacre à grande échelle d’innocents est devenu la norme pour accorder des promotions à des chefs militaires et leur octroyer de plus grandes responsabilités.
Israël bloque un accord sur un échange de prisonnier avec le Hamas visant à libérer Gilad Shalit, le soldat israélien capturé, sous le prétexte qu’il ne peut pas accepter de libérer des prisonniers palestiniens qui ont tué des soldats et des colons. En attendant, Israël célèbre ceux qui excellent à découper les têtes arabes.
11 octobre 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à : http://weekly.ahram.org.eg/2008/917...

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Les crises de la semaine

Le monde est en crise. C'est du moins ce que l'on peut lire en première page de tous les journaux de la planète. Les Bourses dégringolent et les petits épargnants voient leurs économies fondre. Pour sauver un système économique artificiellement gonflé, on est même allé puiser dans les poches des contribuables pour tenter de sauver un système financier qui favorise une minorité, pour sauver Wall Street. Mais, on le sait, une crise financière n'est jamais éternelle. Ce qui descend remonte, inévitablement. À terme, tout redevient normal, et la consommation peut reprendre son rythme de croissance. Une crise financière n'est pas éternelle.

Pendant que les journaux nous inondent de scénarios catastrophe au sujet de la future récession, une autre crise se dévoile sous nos yeux sans que les gens s'en inquiètent outre mesure. Pourtant, cette crise sera irréversible, et tout l'argent de la planète n'arrivera pas à ramener à la vie les espèces qui disparaîtront par simple insouciance. Je parle évidemment de la crise de la biodiversité. L'ampleur de cette crise est sans précédent. Selon le réputé magazine Science, de 25% à 36% de toutes les espèces de mammifères de la planète seraient en danger d'extinction. Des centaines d'espèces de mammifères risquent de disparaître durant notre simple passage sur cette planète. Et, faut-il le rappeler: l'extinction, elle, est pour toujours!

Quand la crise financière ébranle l'économie, les dirigeants de la planète se mobilisent. Quand la crise de la biodiversité menace la vie, on fait la sourde oreille. Lors de la dernière conférence de l'ONU, certains pays ont essayé de mobiliser les dirigeants de la planète, mais rien en comparaison de la présente crise financière. L'Allemagne a dégagé 800 millions de dollars dans un fonds pour l'application d'une Convention sur la biodiversité, ce qui a incité d'autres pays à investir dans la recherche de mesures visant la conservation des espèces. Le Canada a pour sa part annoncé un investissement de 50 000$ pour la formation d'un comité d'étude... Or, le comité d'étude international qui vient de publier ses résultats regroupe déjà 1800 scientifiques de 130 pays! Un minuscule comité d'étude canadien et un investissement dérisoire dans l'une des plus importantes crises planétaires sont inacceptables, surtout pour un pays bordé par trois océans et qui possède des forêts ancestrales, une grande partie de l'Arctique et une variété impressionnante d'écosystèmes uniques au monde.
Il y a aussi la crise planétaire des changements climatiques qui touche tous les domaines de la sacro-sainte économie. Cette semaine, 230 économistes canadiens parmi les plus réputés au pays ont exigé un plan d'action immédiat pour lutter contre le réchauffement planétaire. Au même moment, 120 scientifiques canadiens, des experts du climat, ont dénoncé l'inaction du gouvernement conservateur et affirmé que l'absence de mesures concrètes et efficaces pour lutter contre la crise des changements climatiques allait augmenter les risques et faire gonfler les coûts d'une action qui, de toute façon, sera nécessaire. Les scientifiques, pour une rare fois dans une campagne électorale, prennent position et invitent la population à voter stratégiquement pour l'environnement mardi prochain.
Il y a aussi la crise alimentaire qui frappe les pays les plus pauvres de la planète, le résultat d'une économie de libre marché qui a complètement dérapé. Et je ne vous parle pas de la crise de l'accès à l'eau potable qui fera de plus en plus de victimes dans le monde.
Le monde est en crise, et plusieurs crises sévissent en même temps. Analysez bien la situation et vous constaterez qu'elles sont souvent liées. Certaines crises semblent mobiliser davantage que d'autres. Mais faisons-nous vraiment les bons choix dans nos efforts de sauvetage? Investissons-nous dans les bons secteurs pour préserver ce qu'il y a de plus précieux sur cette planète: la vie, sous toutes ses formes?

LA SCIENCE EN BREF
La fumée chinoise
Les maladies respiratoires sont parmi les 10 plus importantes causes de décès en Chine. Près de la moitié de la population fume, on fait la cuisine au bois et plus de 70% des maisons sont chauffées au bois ou au charbon. La cigarette, jumelée à la combustion de bois et de combustibles fossiles à l'intérieur des maisons, constitue une véritable menace pour la santé des Chinois. Selon une récente étude du département de santé publique de l'Université Harvard, si la tendance se maintient, on peut prévoir que d'ici 25 ans, environ 65 millions de Chinois mourront de maladies respiratoires, alors que 18 autres millions succomberont à des cancers du poumon. On dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu...

Davantage de tempêtes en Arctique
Une récente étude de la NASA confirme une augmentation de la fréquence et de l'intensité des tempêtes en Arctique au cours des 50 dernières années. Les scientifiques viennent ainsi confirmer l'hypothèse qui veut que le réchauffement du climat puisse accentuer la force des tempêtes en mer. Ces tempêtes causent aussi une accélération de la dérive de la glace arctique. En déterminant les modes de déplacement des tempêtes, les scientifiques ont pu comparer les vitesses de dérive de la glace au cours des 56 dernières années. Ils ont remarqué une augmentation de la vitesse de dérive de 20 à 60 centimètres par seconde en été, et de 15 à 60 centimètres par seconde en hiver. Ces changements importants dans les mouvements du couvert de glace modifieront aussi la physique des océans, ce qui risque d'influer sur la grande machine climatique planétaire, pour le meilleur (les océans sont de formidables puits de carbone) ou pour le pire (le réchauffement accéléré de la température des océans cause une plus grande absorption de chaleur). À suivre...
Le recul des glaciers en Alaska
Un nouveau livre sur l'état des glaciers de l'Alaska confirme que plus de 99% des grands glaciers de cette région reculent rapidement devant le réchauffement accéléré de cette région du monde. Même si la grande majorité de ces glaciers perdent du terrain, s'amincissent ou demeurent stables, il subsiste encore un très petit nombre de glaciers, surtout situés en haute altitude, qui continuent de gagner du terrain de façon surprenante. Le livre de 550 pages montre des photos impressionnantes de l'évolution rapide des glaciers au cours des ans. Une nouvelle source d'inspiration pour les futures conférences d'Al Gore...
12 octobre 2008 / Jean Lemire / La Presse

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