dimanche, octobre 26, 2008

Justice : "Allah, al Watan, al Barça" ... 18 mois de prison pour un jeune de 18 ans

Yassine Bellassal, 18 ans, est un supporter du FC Barcelone. Une passion qui lui coûte 18 mois de prison. Il avait écrit sur le tableau la devise du Maroc « Dieu, la Patrie, le Roi », en substituant le dernier par « Barça ». Chose qui n'a pas plu au principal de l'école d'Aït Ourir, un village près de Marrakech, qui l'a dénoncé à la Gendarmerie.
C'est qu'au Maroc, on ne plaisante pas avec le nom du monarque. Le ministère public accuse le jeune Yassine de manque de respect du au Roi. Malheureusement, rien de surprenant. Après, comme à l'accoutumée dans ce genre d'affaires, on assiste à un jugement expéditif, où il n'a bien entendu pas eu le temps ni l'occasion de recourir à un avocat. Yassine Bellassal a été condamné mercredi 22 octobre dans l'après-midi à 18 mois de prison.
Il a commencé à purger sa peine dans la prison de Boulmharez, à Marrakech, entassé dans une cellule avec environ 80 autres prisonniers de droit commun, selon les dires de sa famille. Avec l'appui de cette dernière, au regard de l'accomplissement de certaines formalités, il a pu continuer à étudier depuis la prison.
Peu de détails sont disponibles sur l'affaire : Les faits remonteraient à la fin du ramadan et Yassine aurait été condamné quarante-huit heures après son arrestation. Il doit passer son baccalauréat cette année.
On ne sait sur quel article de loi s'est basée ce que nous devons avec beaucoup de peine appeler la « Justice ». La sentence a indigné le peu de journaux marocains qui ont pu reprendre l'affaire, comme par exemple Al Jarida Oula. Mais la mobilisation médiatique n'a pas la même envergure que lors d'affaire touchant des journalistes ou blogueur. La société civile marocaine quand à elle exprime sa protestation dans les forums de discussion.
Après l’affaire des détenus du 1er mai, après l’affaire Mourtada (février), puis celle d’Erraji (septembre), on se demande à qui profitent toutes ces bavures. Des jugements moyennageux que le monarque lui-même est très certainement loin d'approuver, et qui font perdre tout espoir à un peuple déjà élevé à la terreur. Comment peut-on condamner de manière aussi expéditive un adolescent pour une blague et montrer moins d'empressement lorsque d'autres tirent à balles réelle sur un agent de police ?
Nezha MaachiCopyright Yabiladi.com

Lettre au ministre de la Justice
Ci-après une lettre d'Omar Mahmoud Benjelloun, Docteur en droit et avocat, adressé au ministre de la Justice, Monsieur Abdelouahed Radi, après l'annonce du verdict.
Cher Monsieur,
Un enfant, n'ayant pas acquis sa majorité, est victime de cet opium populaire qu'est le football. A défaut de pouvoir construire son identité à travers des repères nationaux que vous étiez censé véhiculer, Monsieur le Ministre, cet adolescent existe à travers ce qui lui parait de plus civilisé, de plus moderne et de plus puissant, le Football Club de Barcelone.
Un adolescent d'Anfa ou des quartiers huppés de Bayrout aurait tatoué "Barça" dans son biceps voire acheté la tenue officielle du club lors d'un passage par l'avenue Diagonal de Barcelone. Ce môme de sidi youssef benali ou de daoudiate, qui a choisi le Barça au lieu d'Alqaïda, a éventuellement commis le comble de l'hérésie en confondant, volontairement, une constante de la nation avec son équipe de foot favorite. N'y a-t-il pas une expression d'allégeance subtile? Une façon d'exprimer la supériorité du club en le hissant au même rang que le Roi dans sa hiérarchie imaginaire?
Monsieur le Ministre, vous n'êtes pas juriste certes, mais le Parquet doit l'être et c'est de votre sceau de l'imposer.
Une infraction se constitue de ce qu'on appelle l'élément intentionnel. Ce mineur a t il eu l'intention de manquer au respect dû au Roi? était il déterminé pour le faire? quels sont les éléments objectifs dans cette affaire qui associent, dans une approche comparative, le Roi et le Barça dans l'imaginaire de ce jeune lycéen? le fait de travestir la devise nationale, qui doit avoir sa propre qualification dans le code pénal, doit-il systématiquement être interprétée comme une atteinte à la propre personne du Roi? Est ce que la présomption d'innocence, dans sa plus grande nuance dans le cadre des mineurs, est elle établie dans cette poursuite, alors que la détention provisoire a été maintenue?
Monsieur le Ministre, vous n'êtes pas juriste mais vous devez avoir le sens des formes. Est ce que politiquement ce genre de poursuites sert-il la Justice, Sa Majesté ou la Nation? c'est le verdict populaire qui vous répondra...et en silence certainement !

Omar Mahmoud Bendjelloun

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