samedi, juin 13, 2009

Gardez vos applaudissements !

Ont-ils diffusé le discours de Barack Obama aux musulmans du monde dans les couloirs de la prison d’Abou Ghraib, sur la base aérienne stratégique de Bagram, à Guantanamo ou dans les dizaines de sites secrets où nous détenons des milliers de musulmans à travers le monde ?

Son écho a-t-il résonné entre les murs des morgues surpeuplées emplies des corps mutilés des musulmans morts à Bagdad ou à Kaboul ? A-t-il été retransmis depuis les sommets des minarets dans les villes et villages décimés par les bombes US à fragmentation métal ? A-t-il été entendu dans les sordides camps de réfugiés de Gaza, où un million et demi de Palestiniens vivent dans le plus grand ghetto du monde ?
Que signifient pour nous les mots paix et coopération alors que nous torturons - oui, nous torturons toujours - les seuls musulmans ? Que veulent dire ces mots quand nous entérinons la brutalité des attaques aériennes d’Israël sur le Liban et Gaza, attaques qui ont détruit des milliers de maisons et laissé des centaines de morts et de blessés ? A quoi Obama pense-t-il quand il appelle à la démocratie et aux droits humains une Egypte que nous soutenons sans compter et dont nous aidons le régime despotique de Hosni Mubarak, un des dictateurs à la plus grande longévité du Moyen-Orient ?
La rhétorique d’Obama peut nous donner des frissons, mais parmi les 1,3 milliards de musulmans dans le monde, bien peu seront dupes. Ils comprennent que jusqu’à présent rien n’a changé pour les musulmans du Moyen-Orient sous l’administration Obama. Les guerres d’occupation continuent ou se sont propagées. Israël continue à se gausser du droit international, engloutissant de plus en plus de terres palestiniennes et perpétrant des crimes de guerre flagrants à Gaza. Des régimes rigidifiés et répressifs comme l’Egypte et l’Arabie saoudite sont fêtés à Washington en qualité d’alliés.
A l’Université du Caire, devant les portes de laquelle stationnent habituellement des camions pleins de policiers anti-émeute et dont le campus montre une forte présence d’agents de sécurité pour contrôler le corps étudiant, le discours tenu est un exemple de pure façade. Comme le sait chaque participant aux ovations debout qui ont salué le Président, les groupes politiques étudiants sont interdits. Les doyens des facultés sont choisis par l’administration plutôt qu’élus par les professeurs, « comme moyen de combattre l’influence islamiste sur le campus », selon le dernier rapport sur les droits humains du Département d’Etat US. Et comme le soulignait le Washington Post, les étudiants qui se servent de l’Internet « comme d’un exutoire pour leurs idées politiques ou sociales » sont prévenus : un étudiant de l’Université du Caire a subi deux mois d’emprisonnement l’été dernier pour « agitation publique » et un autre a été expulsé de son logement universitaire pour avoir critiqué le gouvernement.
Sous Obama, les projets impériaux sont en expansion et le serrage de vis augmente. Nous ne sommes pas en train d’essayer de mettre fin au terrorisme ou de promouvoir la démocratie. Nous nous assurons que notre entreprise d’état ait un approvisionnement constant en pétrole, dont elle est dépendante. Et plus le pétrole devient rare, plus nous devenons agressifs. Voilà le jeu qui se joue dans le monde musulman.
La Maison Blanche de Bush a ouvertement torturé. La Maison Blanche d’Obama torture et prétend ne pas le faire. Obama a peut-être supprimé le simulacre de noyade [waterboarding], mais comme Luke Mitchell le souligne dans le prochain numéro du magazine Harper’s, la torture, comprenant isolement, privation de sommeil, isolation sensorielle, alimentation contrainte, continue d’être utilisée pour briser les détenus.
Le président a promis de fermer Guantanamo, où ne sont détenus qu’1% des détenus hors USA. Et l’administration Obama a cherché à cacher le sort et les conditions de vie de milliers de musulmans détenus dans des trous noirs tout autour du globe. Comme le note Mitchell, la Maison Blanche d’Obama « a cherché à empêcher les prisonniers de la prison de Bagram en Afghanistan d’avoir accès à des tribunaux où ils pourraient révéler les circonstances de leur détention. Elle a cherché à poursuivre la pratique de confinement de prisonniers en des lieux inconnus et inconnaissables hors des Etats-Unis, et a cherché à garder le secret sur beaucoup de données (si pas toutes) concernant notre façon de traiter ces prisonniers ».
La rage des musulmans s’est enflammée parce que nous stationnons des milliers de soldats états-uniens sur sol musulman, que nous occupons deux nations musulmanes, que nous rendons possible l’occupation israélienne de la Palestine, que nous soutenons des régimes arabes répressifs et que nous torturons des milliers de musulmans dans des colonies pénitentiaires hors Etats-Unis où les prisonniers sont privés de leurs droits.
Nous avons maintenant 22 fois autant de personnel militaire dans le monde musulman qu’il n’en était déployé pendant les croisades du 12e siècle. La rage advient parce que nous avons construit des bases militaires massives, certaines de la taille de petites villes, en Irak, Afghanistan, Arabie Saoudite, Turquie et au Koweit, et que nous avons établi le droit de détenir des bases dans les états du Golfe, Bahrein, Qatar, Oman et EAU. La rage advient parce que nous avons étendu notre empire militaire jusqu’en Ouzbékistan, au Pakistan, Kirghizstan et Tadjikistan. Elle advient parce que nous stationnons des troupes et des forces spéciales en Egypte, en Algérie et au Yémen. Et ce vaste réseau de bases et d’avant-postes militaires semble devenir étrangement permanent.
Le monde musulman craint, non sans raison, que nous n’ayons l’intention de dominer les réserves pétrolières du Moyen-Orient et certaines infrastructures pétrolières de la Mer Caspienne. Et il s’intéresse non à nos protestations de bonne volonté mais au droit élémentaire de justice et de liberté par rapport à une occupation étrangère. Si la situation était inversée, nous ne réagirions pas autrement.
La brutale réalité de l’occupation étrangère en expansion et les formes de contrôle de plus en plus dures sont le carburant du fondamentalisme, des insurgés et des terroristes islamiques. Nous pouvons rendre responsable de la violence le clash des civilisations. Nous pouvons nous raconter naïvement que nous sommes enviés pour nos libertés. Nous pouvons accuser le Coran. Mais ce sont là des fantasmes qui nous évitent de nous confronter au conflit central entre nous et le monde musulman, de confronter notre propre responsabilité devant le virus du chaos et de la violence qui se répand dans tout le Moyen-Orient.
Nous pouvons avoir la paix si nous fermons nos bases, si nous aidons les Israéliens à créer un état palestinien, et rentrons à la maison ; ou nous pouvons avoir une guerre régionale longue, coûteuse et finalement vaine. Nous ne pouvons pas avoir les deux.
Obama, dont l’adhésion à l’impérialisme américain est aussi naïf et destructeur que celle de George W. Bush, est la dernière marque en date pour colporter le poison de la guerre permanente. Peut-être ne le voyons-nous pas. Mais ceux qui enterrent les morts le voient.

8 juin 2009 - Vous pouvez consulter cet article à : http://www.truthdig.com/report/item...Traduction de l’anglais : Marie Meert
Truthdig - Chris Hedges / 13 juin 2009 / Info-palestine

Partager

jeudi, juin 11, 2009

Maroc : une étudiante jugée pour avoir manifesté


Ce jeudi s’ouvre à Marrakech le procès d’une militante de gauche, Zahra Boudkour, et de dix étudiants. Leur crime ? Avoir manifesté après l’intoxication de plusieurs de leurs camarades.

Ce jeudi devrait s’ouvrir devant la Cour d’appel de Marrakech le procès de Zahra Boudkour, plus jeune détenue d’opinion du Maroc, et de dix autres jeunes étudiants. S’il s’ouvre, ce procès, qui a déjà été reporté à plusieurs reprises, mettra une fois de plus en lumière les dysfonctionnements de la justice marocaine, impitoyable avec les petits et complaisante avec les puissants.

Rappelons les faits. En mai 2008, une vingtaine d’étudiants de Marrakech consomment un jus de fruit périmé et, sérieusement intoxiqués, doivent être hospitalisés. L’établissement de soins réclame 1000 dirhams – une petite centaine d’euros – à chaque étudiant, une somme trop élevée pour ces jeunes issus de familles modestes. Une marche de 3.000 étudiants démarre alors le 14 mai. Les CMI (compagnies mobiles d’intervention) s’en donnent à cœur joie et tapent sur tout ce qui bouge. Abdelkader Bahi, un étudiant en droit, tombe du quatrième étage d’un bâtiment de la cité universitaire et se trouve aujourd’hui dans un fauteuil roulant, la colonne vertébrale brisée.

Torturée pendant cinq jours
Arrêtée avec 18 autres étudiants de l’Université Cadi Ayad, Zahra Boudkour est rouée de coups, torturée et violentée pendant cinq jours, dans un poste de police proche de la Jamaa el Fna (une place touristique de Marrakech). Depuis, elle attend en prison d’être jugée. Durant les six premiers mois, rien ne lui a été épargné : insultes des gardiennes, menaces de codétenues manipulées par la direction, examens ratés, humiliations diverses.
Militante d’extrême gauche, comme ses camarades, Zahra se bat pour une université gratuite et pour une société plus juste. Ses idées irritent profondément les autorités, à commencer par un certain Ahmed Taoual, adjoint du préfet de police de Marrakech, qui a couvert toutes ces brutalités et proféré des menaces de mort à l’égard des étudiants.

Les forces de l’ordre, de dérapage en dérapage
Les dérapages de l’appareil sécuritaire auraient plutôt tendance à se multiplier par les temps qui courent. A Khenichet, dans le Gharb (au nord-ouest du pays), une dizaine d’habitants ont été condamnés il y a quelques semaines à plusieurs mois de prison pour avoir demandé de l’aide pour se reloger, leurs maisons en pisé n’ayant pas résisté aux pluies diluviennes qui s’étaient abattues sur la région. Les manifestants avaient été brutalement réprimés par les hommes de Hamidou Laanigri
« Ainsi, la police de la nouvelle ère, dix ans après l’accession au trône de Mohammed VI, est restée la même : une police de la répression et de l’injustice, du mépris envers le citoyen marocain et des abus qui rappellent les moments difficiles des années de plomb », écrit cette semaine Le Journal Hebdomadaire. Selon le journal, ni les opérations de marketing, ni les campagnes de communication ne pourront améliorer l’image du royaume (dont les autorités sont si soucieuses) aussi longtemps que les responsables de la sécurité et de la justice, à commencer par le sieur Taoual, n’auront pas changé radicalement de comportement et d’état d’esprit.
Dernière entrée :

Partager

mardi, juin 09, 2009

Les prémices d'une guerre-civile mondiale

Dans le monde occidental, le choc en retour de de la décomposition imposée de la planète, du saccage planifié de toute indépendance matérielle et spirituelle à l'égard des rapports marchands, commence seulement à faire sentir ses effets. La crise économique, les tensions géopolitiques, du Moyen-Orient à l'Asie, le virus A/H1N1 et les « facteurs X » (1) à venir en apportent la nouvelle : le déclenchement d'une espèce de guerre-civile mondiale, sans front précis ni camps définis, se rapproche inexorablement. Ce qui prédomine partout, c'est le sentiment qu'il n'y aura pas de « sortie de crise » et qu'il n'y a plus que des calamités à attendre de l'effondrement de l'économie globalisée.

Les subalternes du pouvoir en place (journalistes, experts, scientifiques, etc) continuent pourtant de nous rassurer, à faire comme si nous étions bien installé dans la paix, la démocratie, puisque ce vers quoi nous allons ne ressemble à aucune forme de dictature connue à ce jour et répertoriée comme telle par les démocrates. Mais bien sûr, ils ne s'en prennent jamais au contenu et aux finalités du mondialisme, qui nous a mené à cette situation, à la vie parasitaire qu'il nous fait mener, au système de besoin qu'il définit. Non, ils déplorent seulement que ce mondialisme n'ait pas conduit à l'émancipation attendue. Ses conséquences auraient du être des plus bénéfiques, presque miraculeuses. Elles ont en réalité des effets désastreux.
Cependant, mêlé à ces peurs et à cette demande de protection, existe aussi le désir à peine secret qu'à la fin il se passe quelque chose qui clarifie et simplifie une bonne fois, serait-ce dans la brutalité et dans le dénouement, ce monde incompréhensible, où l'avalanche des évènements, leur confusion inextricable, prend de vitesse toute réaction et même toute pensée. Dans l'idée d'une catastrophe enfin totale, d'une « grande implosion », se réfugie l'espoir qu'un évènement décisif, irrévocable, et qu'il n'y aurait qu'à attendre, nous fasse sortir de la décomposition de tout, de ses combinaisons imprévisibles, de ses effets omniprésents et insaisissables : que chacun soit contraint de se déterminer, de réinventer la vie à partir des nécessités premières, des besoins élémentaires ainsi venus au premier plan.
Attendre d'un seuil franchi dans la dégradation de la vie qu'il brise l'adhésion collective et la dépendance vis-à-vis de la domination en obligeant les hommes et l'autonomie, c'est méconnaître que pour simplement percevoir qu'un seuil a été franchi, sans même parler d'y voir une obligation de se libérer, il faudrait ne pas avoir été corrompu par tout ce qui a mené là ; c'est ne pas vouloir admettre que l'accoutumance aux conditions catastrophiques est un processus, commencé de longtemps, qui permet en quelque sorte de s'en accommoder vaille que vaille.
Les ruptures violentes de la routine qui continueront à se produire dans les mois à venir pousseront plutôt l'inconscience vers les protections disponibles, étatiques ou autres.
Non seulement on ne saurait espérer d'une « bonne catastrophe » qu'elle éclaire enfin les masses sur la réalité du monde dans lequel elles vivent, mais on a toute les raisons de redouter que, face aux calamités inouïes qui vont déferler, la panique ne renforce les identifications et les liens collectifs fondés sur la fausse-conscience. On voit d'ailleurs depuis quelques mois déjà comment ce besoin de protection ressuscite d'anciens modes de liens et d'appartenances, claniques, raciales, religieuses : les fantômes de toutes les aliénations du passé reviennent hanter la société mondialisée, qui se flattait de les avoir dépassées par l'universalisme marchand.
On ne peut raisonner sur le déraisonnable. L'attente d'une catastrophe, d'un auto-effondrement libérateur du système en place, n'est que le reflet inversé de celle qui compte sur ce même système pour « imposer positivement » la possibilité d'une émancipation : dans l'un et l'autre cas, on se dissimule le fait qu'on justement disparu, sous l'action du conditionnement général, les individus qui auraient pu faire usage de cette possibilité, ou de cette occasion. On s'épargne donc à soi-même l'effort d'en être un. Ceux qui veulent la liberté pour rien ne démontrent qu'une chose : ils ne la méritent pas.

Dernière entrée :

Partager