vendredi, mai 29, 2009

Pour Amnesty, la crise menace les droits humains

Légende photo: Aux yeux d'Amnesty, les forces de l'ordre suisses ne sont pas toujours irréprochables. (Keystone)
La crise économique mondiale aggrave les violations des droits humains aux yeux d'Amnesty International. Selon le rapport annuel de l'organisation humanitaire, rendu public jeudi, ce constat vaut également pour la Suisse.

Le monde fait face à un danger grave qui «en augmentant la pauvreté et en détériorant les conditions économiques et sociales, pourrait conduire à l'instabilité politique et à la violence de masse», affirme Amnesty International dans son rapport annuel.
«Derrière la crise financière, il y a une crise explosive en matière de droits humains», commente Daniel Bolomey, secrétaire général de la section suisse d'Amnesty International, lors de la présentation du rapport à Berne.
«La Banque mondiale estime que 53 millions de personnes vont glisser dans la pauvreté cette année et l'Organisation mondiale du travail déclare que jusqu'à 51 millions pourraient perdre leur emploi», a-t-il rappelé.
Bombe à retardement
Aux yeux d'Amnesty, les dirigeants du monde se sont concentrés sur la revitalisation de l'économie globale, mais en négligeant les conflits qui ont étendu les atteintes aux droits humains, comme à Gaza, au Darfour, en Somalie, en République démocratique du Congo et en Afghanistan.
Interrogée sur le fait que le gouvernement suisse a accepté d'injecter 65 milliards de francs pour sauver UBS – la plus grande banque du pays – mais qu'il n'a pas augmenté son budget pour l'aide au développement, la porte-parole d'Amnesty Suisse Manon Schick a rappelé que son organisation avait approuvé le sauvetage.
«Mais nous estimons que le gouvernement devrait mettre la même énergie et les mêmes montants pour résoudre les vrais problèmes des droits humains, souligne-t-elle. Le monde fait face à une très importante crise des droits humains qui représente à nos yeux une véritable bombe à retardement. Et si les politiciens ne font rien, cette bombe explosera.»
Toujours les mêmes problèmes
Une fois de plus, la Suisse n'a pas échappé aux critiques de l'organisation. En cause: le traitement réservé aux demandeurs d'asile et les discriminations raciales.
Dans son analyse, Amnesty en arrive à la conclusion qu'une «législation inadéquate n'a pas réussi à fournir une protection efficace contre la discrimination».
«Les allégations de discrimination raciale, incluant des mauvais traitements, de la part des représentants de l'ordre public ont continué. Une législation restrictive a violé les droits économiques, sociaux et culturels des demandeurs d'asile et des migrants illégaux», note le rapport.
Le rapport rappelle que le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale a mis en évidence ce problème récurant de discrimination en Suisse, incluant l'usage de critères raciaux pour le ciblage de suspects par la police.
Profond changement
Par ailleurs, le 18 mars dernier, le Parlement suisse a adopté une loi qui permet l'utilisation d'armes électriques (tasers) et de chiens lors de l'expulsion forcée d'étrangers. Pour Amnesty, ceci pourrait violer les normes du Conseil de l'Europe en matière d'utilisation proportionnelle de la force.
Le rapport juge également que la législation introduite en 2007 pour protéger les victimes de violence domestique a été mise en œuvre de manière inadéquate par certains cantons. En cause: le manque de formation au sein de la police et de la magistrature.
Plus positivement, le rapport se réjouit que la Suisse ait signé le 8 septembre la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'êtres humains.
Toutefois, Denise Graf, responsable de l'asile à la section suisse d'Amnesty, en appelle à un profond changement de la part du gouvernement. «Spécialement en matière d'asile et d'immigrés illégaux, car la situation est vraiment mauvaise», précise-t-elle.
Guantanamo
Denise Graf trouve qu'il est difficile de comparer la Suisse avec d'autres pays; dans certains domaines la situation y est meilleure, dans d'autres elle est pire.
«Prenez l'exemple des détentions, illustre-t-elle. La Suisse a la possibilité de placer quelqu'un en détention administrative pendant 24 mois, ce qui n'est possible nulle part ailleurs en Europe. D'un autre côté, la situation est certainement meilleure qu'en Italie où des gens sont renvoyés sans autre forme de procédure vers des pays connus pour leurs violations graves des droits humains.»
Denise Graf salue par ailleurs la position du gouvernement suisse en ce qui concerne le camp de détention de Guantanamo – «l'une des plus grandes débâcles de l'histoire moderne des droits humains».
«La Suisse a été le premier pays à regarder les dossiers et à examiner s'il était possible d'accueillir un petit groupe de détenus de Guantanamo, explique-t-elle. Ce fut un pas très positif et nous nous en réjouissons, car nous pensons qu'il a permis de faire avancer les dossier dans d'autres pays.»
Encore un modèle?
La Suisse a-t-elle encore un rôle de modèle en matière de droits humains? «Lorsque nous parlons à nos collègues des autres sections, nous constatons que la Suisse bénéficie encore de cette position, mais que nous sommes progressivement en train de la perdre», répond Denise Graf.
«Si nous voulons que d'autres pays améliorent leur situation, nous devons vraiment maintenir cette position, poursuit-elle. Ce n'est qu'ainsi que nous dire 'prenez exemple sur nous'. Mais actuellement, en ce qui concerne les droits des migrants et des demandeurs d'asile, nous ne pourrons plus servir de modèle bien longtemps avec le genre de législation que nous avons.»
Thomas Stephens, Traduction de l'anglais: Olivier Pauchard
29 mai 2009 / swissinfo.ch
29.5.09 22:38
http://basta.20six.fr/basta/art/167860131/

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lundi, mai 25, 2009

Niger / Des dizaines de milliers de personnes prises sous le feu

Des dizaines de milliers de personnes prises sous le feu croisé des autorités et de groupes armés dans le delta du Niger

Quelque 20 000 personnes résidant dans les zones de gouvernement local de Warri-sud et Warri-sud-ouest, dans la région du delta du Niger, au Nigeria, sont prises entre les tirs de la force conjointe police-armée (JTF) et ceux des groupes armés. Des milliers d'entre elles ont fui leur village et sont dans l'incapacité d'y retourner.
L'offensive de la JTF a débuté le 13 mai après qu'elle eut, semble-t-il, été attaquée par des groupes armés dans l'État du Delta. La JTF procède à des incursions terrestres et des frappes aériennes sur différents villages des zones de gouvernement local de Warri-Sud et Warri-Sud-Ouest où le gouvernement nigérian pense que se trouvent les camps des groupes armés. Amnesty International craint que plusieurs centaines de personnes ne soient mortes.
Le 15 mai, à l'aide d'hélicoptères équipés de mitrailleuses, la JTF a attaqué plusieurs villages du royaume de Gbaramatu, parmi lesquels Okerenkoko et Oporoza. Environ 500 personnes s'étaient rassemblées à Oporoza à l'occasion d'une fête annuelle célébrée dans plusieurs villages du royaume de Gbaramatu.
Un témoin oculaire qui assistait à cette fête a déclaré : « J'ai entendu un bruit d'avion ; j'ai vu deux hélicoptères militaires faire feu sur les maisons, sur le palais, sur nous. Nous avons dû courir nous réfugier dans la forêt. Là, j'ai entendu des adultes hurler, beaucoup de mères n'arrivaient pas à retrouver leurs enfants ; chacun courait pour sauver sa peau. »
La JTF est composée de troupes de l'armée de terre, de la marine, de l'aviation militaire et de la police mobile, et a été créée en 2004 dans le but de rétablir l'ordre dans le delta du Niger. Les attaques de la JTF visant les villages de cette région sont quotidiennes, ses membres pensant semble-t-il que les groupes armés s'y cachent.
On ignore encore le nombre exact des victimes de ces assauts. Selon les informations reçues par Amnesty International, plusieurs centaines de spectateurs, dont des femmes et des enfants, auraient été tués ou blessés par la JTF et par les groupes armés tirant en direction de celle-ci.
De nombreuses maisons ont été incendiées et détruites par l'armée. Des personnes continuent à se cacher dans la forêt, sans pouvoir bénéficier de soins médicaux ni d'un approvisionnement en nourriture. Le principal mode de transport de ces villageois est le bateau, mais ceux qui tentent de se déplacer de cette manière seraient pris pour cibles par des membres de la JTF ou des groupes armés.
« Il ne faut pas que la JTF et les groupes armés fassent usage de la force si cela entraîne des atteintes aux droits humains, elles ne doivent pas déplacer des personnes de force mais faire en sorte que celles qui ont besoin de soins médicaux puissent en bénéficier librement », a déclaré Véronique Aubert, d'Amnesty International.
Pauvreté, corruption et présence de pétrole, d'armes et de gangs sont les ingrédients d'une situation extrêmement instable dans la région du delta du Niger. Ces dernières années, les groupes armés et les bandes criminelles ont clairement cherché à prendre le contrôle des ressources et se sont livrés à des actes de violence. Cette situation a entraîné une intensification des affrontements entre les groupes armés et la JTF.
La JTF est fréquemment accusée d'avoir recours à la force d'une manière excessive lorsqu'elle prend pour cible des groupes armés et des gangs, et il arrive souvent que des habitants de villages soient blessés ou tués. En août 2008, à la suite d'une attaque commise contre la JTF par des groupes armés, au moins quatre personnes ont été tuées au cours d'un raid militaire dans le village d'Agge (État de Bayelsa).
En août 2007, la JTF est intervenue dans un affrontement entre deux gangs rivaux à Port-Harcourt, dans l'État de Rivers, en utilisant des hélicoptères et des mitrailleuses ; au moins 32 personnes sont mortes parmi les membres des gangs, ceux des forces de sécurité et les passants.
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