samedi, janvier 20, 2007

Irak : une offensive américaine sur Bagdad lance l’intensification des meurtres et de la répression


Un assaut contre les sadristes sera inévitablement un des épisodes les plus sanglants de la guerre en Irak, qui coûtera la vie d’un grand nombre d’Américains et causera la mort de milliers d’Irakiens supplémentaire. Combattre l’armée du Mahdi, notait le Washington Post hier, pourrait mener à des « mois de combats de rue ». Craignant de voir des unités de l’armée composées de chiites refuser d’attaquer Sadr City et même de les voir retourner leurs armes contre les forces américaines, les États-unis ont insisté pour que deux unités des brigades armées irakiennes composées de miliciens kurdes, soient déployées dans la capitale pour prendre part aux opérations dans les zones chiites. Ce qui soulève la perspective d’un conflit entre Kurdes et chiites en plus de la violence sectaire sunnite contre chiite qui a déjà coûté la vie à des milliers de personnes chaque mois.]
L’intensification de la guerre esquissée par le président américain George W. Bush mercredi soir est déjà bien enclenchée. Depuis samedi dernier, le gouvernement irakien et les forces américaines ont entrepris une opération pour déloger les combattants de la résistance anti-occupation de la rue Haifa, une des grandes artères au cœur de Bagdad qui longe la rive ouest du fleuve Tigre et amène à la « zone verte », la région où on trouve l’ambassade américaine et les bureaux du gouvernement irakien.
Une offensive violente a eu lieu mardi sur cette rue. Ce qui a suivi a rendu clair que l’augmentation du nombre des soldats américains et irakiens dans Bagdad est une préparation pour des meurtres et une répression de masse.
Haifa est un quartier qui est surtout habité par des Arabes sunnites et la rue elle-même est bordée de tours à bureaux et des appartements et des maisons des anciens fonctionnaires et officiers de l’armée du régime baasiste de Saddam Hussein, privés de leurs emplois et de leur position sociale depuis l’invasion américaine. Les rues adjacentes, plus pauvres et habitées en grande partie par la classe ouvrière ont été décrites par les soldats américains comme un « labyrinthe » de ruelles tortueuses et de maisons s’écroulant et comme « l’endroit parfait pour les insurgés devant se cacher ».
Depuis que la résistance à l’occupation américaine a crû en 2003, ce quartier est réputé être un des plus dangereux de Bagdad. Alors que des raids fréquents ont eu lieu et que des centaines de résidants ont été tués ou détenus, l’armée américaine n’a pas réussi à ce jour à soumettre la population par la terreur. Aussitôt que les forces américaines se sont retirées du quartier, des cellules de guérillas se sont formées de nouveau et ont repris l’insurrection.
L’opération actuelle de la rue Haifa, en ligne avec le but plus large de l’augmentation du nombre des soldats de Bush, vise à utiliser une force disproportionnée pour finalement arriver à supprimer l’opposition. Après trois jours de recherches par des forces irakiennes mal équipées - et qui semblent avoir été utilisées comme chair à canon pour déterminer la position des insurgés - les soldats américains dans des véhicules blindés Stryker, appuyés par des avions militaires F-18 et des hélicoptères armés Apache, ont pris la tête de l’offensive tôt le matin.
Quelque mille soldats ont été mobilisés pour sécuriser moins de deux kilomètres de l’artère. La résistance a commencé immédiatement après que les forces gouvernementales se sont emparées du square Tala’a à l’extrémité nord de la rue Haifa et de là se sont dirigées vers le sud, entrant de force dans les maisons et les bureaux des deux côtés de la rue, soi-disant à la recherche d’insurgés. Dès 6h30 le matin, des combattants irakiens équipés seulement d’armes légères, de grenades-fusées et de mortiers.
Les tactiques utilisées par les commandants américains contre la résistance irakienne offrent un aperçu de ce qui aura lieu à une vaste échelle lorsque les forces américaines mettront en œuvre le plan de Bush. Les soldats américains n’ont fait aucune tentative de prendre les bâtiments desquels on leur tirait dessus. Plutôt - et ce, dans une zone urbaine où les civils n’ont reçu aucun avertissement qu’un assaut se préparait - des hélicoptères armés et des Strykers ont tiré sur les maisons et les bureaux avec de l’artillerie lourde alors que les positions alléguées des insurgés étaient réduites en cendre par des missiles Hellcat tirés des airs ou par des missiles antitank et des grenades lancés du sol.
Les toits des immeubles où l’on croyait que des tireurs étaient embusqués ont été mitraillés par des avions de combat F-15 et F-18, volant au-dessus de la capitale jusqu’au début de l’après-midi, alors que les troupes américaines et irakiennes allaient de maison en maison sur 1,6 kilomètre de la rue Haifa. Les avions américains ont directement fait feu sur une mosquée et sur un ancien cimetière, alléguant que des insurgés s’y cachaient.
Il n’y a pas eu de morts ou de blessés graves du côté des forces des États-Unis et du gouvernement irakien. Au moins 50 insurgés auraient été tués et 21 autres capturés. Selon les officiels, aucun civil irakien n’aurait été tué par le barrage de balles et d’explosions. Aucune confirmation indépendante n’est venue corroborer cette affirmation. S’adressant à l’agence Reuters, un homme irakien a déclaré qu’un grand nombre de corps apportés à la mosquée étaient des « civils innocents ». La majorité des guérilléros se sont probablement fondus dans la population ou réfugiés à d’autres endroits de la ville.
À la suite de l’attaque, des positions militaires ont été établies dans le quartier Haïfa, provoquant ainsi les guérillas afin qu’elles attaquent les forces d’occupation et révèlent ainsi leur position. Les soldats du gouvernement irakien servent dans ce cas d’appât. Ils sont envoyés en patrouilles et en missions de recherche, alors que les forces américaines attendent pour réagir à la moindre attaque avec une puissance de feu massive.
À Ramadi, la capitale de la province irakienne occidentale d’Anbar, des commandants de la marine avaient adopté cette stratégie l’an dernier. Cela avait fait des marines et de leurs collaborateurs irakiens des cibles perpétuelles. Plus du tiers des pertes américaines se sont produites dans cette province. Les combats font maintenant partie d’une violente guerre d’attrition urbaine, et les soldats américains répliquent de manière brutale. Un grand nombre de bâtiments entourant les positions des marines à travers la ville sont en ruines.
Toutefois, de telles tactiques sont en accord avec le manuel de contre-insurrection du général Davis Petraeus, l’officier nommé par Bush ce mois-ci pour être les nouveau chef des forces américaines en Irak qui dirigera le « déferlement ». Petraeus soutient qu’il faut installer des troupes américaines dans des bases situées directement dans les forteresses de l’insurrection et convertir ces zones en ce qu’ont déjà baptisé les tacticiens des États-Unis de « ghettos ».
Un représentant de l’armée a déclaré mercredi au Los Angeles Times : « On pourrait créer des ghettos parce que la population les veut, parce que la population veut se sentir en sécurité. On pourrait aussi les créer pour contrôler la population et ses déplacements et rendre les opérations des insurgés plus difficiles. C’est la théorie derrière tout cela. » En Irak, où la très grande majorité de la population souhaite voir sortir les forces américaines du pays, le véritable objectif en est un de contrôle.
En élaborant le plan des « ghettos », Petraeus et son personnel se sont inspirés de tactiques qui ont été utilisées durant d’autres brutales guerres coloniales, comme la contre-insurrection française en Algérie, l’occupation britannique de l’Irlande du Nord et la politique américaine de « hameaux stratégiques » au Viêt-Nam.
En fait, des zones entières de Bagdad et d’autres villes irakiennes seront transformées en camps de concentration. La communauté locale devra endurer une répression militaire constante. Tous les points d’entrées de la zone seront bloqués par des barricades ou des postes de contrôle, on assignera des cartes d’identité aux résidents, leurs déplacements seront limités et leurs résidences soumises à des fouilles régulières pour empêcher les guérilleros de s’établir à nouveau dans la zone.
Il ne fait aucun doute que durant les prochains mois, la politique de la mission de Petraeus sera étendue aux zones chiites à majorité ouvrière de la banlieue de Sadr City, qui a une population de plus de deux millions de personnes. Dans un effort désespéré et insouciant pour subjuguer l’Irak, l’administration Bush a clairement indiqué qu’elle souhaitait anéantir le mouvement politique dirigé par l’imam Moqtada al-Sadr et son importante milice qu’est l’Armée du Mahdi.
L’administration Bush et l’armée américaine accusent l’Armée du Mahdi d’être le principal protagoniste chiite dans la meurtrière violence sectaire qui se déroule entre les extrémistes sunnites et chiites et rivaux. Toutefois, la principale préoccupation de Washington est que le mouvement sadriste, la plus grande faction chiite du parlement irakien, se bâtisse un appui massif en s’opposant à la perspective américaine de contrôle néocolonial à long terme sur l’Irak. Bien qu’il n’a pas appelé à la résistance armée contre l’occupation américaine depuis deux soulèvements chiites qu’il avait dirigés en 2004, le mouvement sadriste s’est maintenant retiré du gouvernement pour protester contre la rencontre du premier ministre Nouri al-Maliki avec Bush en novembre dernier en Jordanie.
Sadr insiste pour un échéancier pour le retrait des troupes américaines, s’oppose à toute ouverture de l’industrie pétrolière aux compagnies étrangères et appelle pour l’adoption de mesures améliorant les conditions de vie horribles du peuple irakien. Il est prévu que les sadristes gagneraient un vote substantiel si des élections étaient tenues dans les régions chiites du pays. Alors que l’administration Bush intensifie ses provocations contre le régime chiite de l’Iran, l’armée du Mahdi est également considérée comme une menace considérable et grandissante dans les cercles militaires américains. La milice est constituée de 60 000 combattants et contrôle effectivement des unités entières des forces de sécurité irakienne. Sadr s’est engagé à lutter pour défendre l’Iran si elle était attaquée par Israël ou les Etats-unis.
La prétention que l’actuel plan militaire est le résultat du travail du gouvernement irakien est démentie par le fait que Maliki, préoccupé par la réaction de sa base politique chiite, a, de façon répétée, rejeté la demande de Washington qu’il sanctionne une attaque contre l’armée du Mahdi dans Sadr City. En fait, en novembre dernier il a proposé un retrait complet des troupes américaines de Bagdad pour laisser la sécurité entre les mains de l’armée et de la police dominée par les chiites.
Maintenant, face au boycott sadriste et la menace ouverte des Etats-Unis que son gouvernement est « sous surveillance », Maliki a apparemment accepté les demandes américaines. Bush a déclaré mercredi soir que le premier ministre de l’Irak a promis que l’armée américaine aura « le feu vert » pour entrer dans les quartiers qui abritent « ceux qui entretiennent la violence sectaire ».
En réponse aux questions du Washington Post à savoir si Maliki avait explicitement sanctionné les opérations contre Sadr, un administrateur officiel senior déclarait lors d’un briefing aux journalistes : « Sans entrer dans les détails des conversations présidentielles, tout le monde comprend qu’il faut régler le cas de l’armée du Mahdi et de Sadr. » « Maliki, a continué cet officiel, a dit que le commandant sera libre de poursuivre ceux qui agissent hors la loi où qu’ils se trouvent dans Bagdad... Ce qui inclurait Sadr City. »
Un assaut contre les sadristes sera inévitablement un des épisodes les plus sanglants de la guerre en Irak, qui coûtera la vie d’un grand nombre d’Américains et causera la mort de milliers d’Irakiens supplémentaire. Combattre l’armée du Mahdi, notait le Washington Post hier, pourrait mener à des « mois de combats de rue ». Craignant de voir des unités de l’armée composées de chiites refuser d’attaquer Sadr City et même de les voir retourner leurs armes contre les forces américaines, les États-unis ont insisté pour que deux unités des brigades armées irakiennes composées de miliciens kurdes, soient déployées dans la capitale pour prendre part aux opérations dans les zones chiites. Ce qui soulève la perspective d’un conflit entre Kurdes et chiites en plus de la violence sectaire sunnite contre chiite qui a déjà coûté la vie à des milliers de personnes chaque mois.
De plus, il y a peu d’indication que l’administration Bush a sérieusement considéré la possibilité qu’une attaque contre Moqtada al-Sadr pourrait déclencher une insurrection anti-américaine à travers tout le sud de l’Irak. Les préparations en vue du conflit se poursuivent cependant. Des troupes américaines ont pris d’assaut une résidence dans Sadr City dans la nuit et aurait commencé plus tôt cette semaine à ériger des barrages routiers et des points de surveillance routiers à des points d’entrées stratégiques du quartier. Les scènes sanglantes de cette semaine dans les rues d’Haifa et le bombardement aérien d’un quartier urbain densément peuplé sont maintenant voués à se perpétuer à travers la capitale.

James Cogan
Article original anglais paru le 12 janvier 2007. Source : WSWS
www.wsws.org /20-01-2007 / YABASTA /
20.1.07 13:20

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jeudi, janvier 18, 2007

Nairobi Forum social mondial 2007

Droits économiques et sociaux et lutte contre l’impunité : les droits de l’Homme au coeur des problématiques du Forum social mondial 2007

Du 20 au 25 janvier 2007, une importante délégation de la FIDH participera au Forum Social Mondial, qui se tient cette année à Nairobi.
Elle sera composée de nombreux défenseurs des droits de l’Homme, venus de tous les continents, et entre autres de :
Pierre Barge (Association européenne des droits de l’Homme - Ligue des droits de l’Homme, France)
Souhayr Belhassen (Ligue tunisienne des droits de l’Homme, Tunisie), Vice-présidente de la FIDH
Paulo Comoane (Ligue mozambicaine des droits de l’Homme, Mozambique)
Jean-Pierre Dubois (Ligue des droits de l’Homme, France), Président de la Ligue des droits de l’Homme
Vilma Nuñez de Escorcia (Centre nicaraguayen des droits de l’Homme, Nicaragua), Vice-présidente de la FIDH
Cynthia Gabriel (Suaram, Malaisie), Vice-présidente de la FIDH
Dismas Kitenge (Ligue des Électeurs, RDC)
Brahima Koné (Association malienne des droits de l’Homme, Mali)
Jiri Kopal (Human Rights League, République tchèque)
Luis Guillermo Perez (Ligue belge des droits de l’Homme), Secrétaire général de la FIDH
Arnold Tsunga (Zimrights, Zimbabwe)
Alirio Uribe (Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo, Colombie), Vice-président de la FIDH
Par ailleurs, la FIDH, en coordination avec la Kenya Human Rights Commission (KHRC), son association affiliée au Kenya, et d’autres partenaires, organisera un certain nombre d’événements dans et autour du sommet, dont vous trouverez le programme dans le Media Kit, disponible en anglais
18/01/2007

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mardi, janvier 16, 2007

Afrique de l'Est: La Corne de l'Afrique, laboratoire de nouvelles interventions

De Kaboul et Baghdad à Mogadiscio
Si 1991, année de la chute du mur de Berlin, a marqué une date noire dans l'histoire de la Somalie post-indépendance, frappée par l'effondrement de son Etat, 2007 restera-t-elle comme un moment clé dans les projets américains de déstabilisation et promotion d'acteurs et d'organisation au service d'intérêts impériaux exclusifs ?
La Tribune (Algiers)
ANALYSE/Publié sur le web le 16 Janvier 2007
Chabha Bouslimani/De Kaboul et Baghdad à Mogadiscio
http://fr.allafrica.com/
L'intervention militaire de l'Ethiopie, membre fondateur de l'OUA, au titre de sous-traitant de l'administration du président Bush, qui avait échoué en Irak à faire jouer ce rôle aux troupes arabes, confirme la stratégie menée par Bill Clinton en Afrique, dans le cadre d'options majeures en faveur d'un ordre bilatéral asymétrique, d'un multilatéralisme sélectif, et du primat de la géostratégie sur la construction de la sécurité collective. Si, en Irak, les armes de destruction massive ont été invoquées, en Somalie, nouveau laboratoire du fédéralisme, et de la décentralisation à l'instar des accords concoctés au Soudan, la lutte antiterroriste pourrait bien être le prétexte à des ambitions de contrôle.
La présence du gaz et du pétrole, l'importance d'une façade maritime au débouché de la mer Rouge et du canal de Suez, sur l'océan Indien, font de la Somalie une position stratégique dans la concurrence à venir de la Chine et de l'Inde, outre le bouclage du golfe Persique et du Moyen-Orient. Après la Somalie, le Soudan ?
«Contrôler le débouché de la mer Rouge et du canal de Suez, surveiller les détroits malaisiens et indonésiens reliant l'océan Indien au Pacifique ainsi que la route maritime du Cap, intervenir -si nécessaire- en Afrique orientale», les ambitions américaines dépassent de loin le strict théâtre d'intervention en Somalie : un pays où l'effondrement de l'Etat national dès 1991 autorisera toutes les aventures.
Car, pourquoi la Somalie, ce pays affaibli, déchiré, sinon son importance stratégique et sa vulnérabilité interne sur une Corne de l'Afrique qui, dès la fin de la guerre froide et, au lendemain de la 1re guerre contre l'Irak, avait déjà fait l'objet d'une expédition militaire dite Restore Hope, cachant mal les velléités hégémoniques de redéploiement de la superpuissance unique ?
C'est dans la foulée, en effet, de la guerre contre l'Irak, que le Soudan et la Somalie firent les frais de la fin de la guerre Est-Ouest supposée ouvrir une ère de paix et de sécurité internationale, un «ordre mondial nouveau» fondé sur la sécurité collective et le multilatéralisme. Dans les faits, la paix au Nord et l'insécurité, la multiplication de conflits de basse intensité au Sud.

Premières victimes, outre une Yougoslavie réduite à des entités ethnoconfessionnelles, le monde arabo-musulman et le continent africain dont l'un des piliers, en l'occurrence le Congo, implosera. Le leitmotiv était alors la lutte pour la démocratie, le marché à grand renfort d'injonctions de la Banque mondiale et du FMI. Une décennie plus tard, qu'est-ce qui a changé ? Au lieu et place d'une ONU, pilier de la sécurité internationale, le retour à un ordre inter-étatique, asymétrique, la casse des organisations régionales et regroupements régionaux au profit d'un multilatéralisme sélectif privilégiant, comme le préconisent les faucons américains, les intérêts exclusifs des Etats-Unis et de leur monopole de puissance, s'opposant à tout rival et concurrent, toute puissance régionale.
Le 11 septembre marque, bien sûr, une étape essentielle dans le renforcement d'une politique qui, désormais, assimile toute résistance d'Etats récalcitrants ou de mouvements sociaux et politiques à du terrorisme ; la lutte contre le terrorisme servant de prétexte à des objectifs dont la finalité n'est ni plus ni moins que le contrôle de régions, de routes commerciales, le verrou d'espaces. L'islam érigé en ennemi stratégique, au lendemain de la chute du communisme, complète le dispositif qui ouvre la voie à la guerre contre l'Afghanistan et la mise en place sous le couvert de l'ONU d'une autorité acquise aux impératifs de l'empire.
Ce que l'OTAN devait accomplir en Afghanistan, l'UA le remplira-t-elle aujourd'hui et demain en Afrique ? Telle est l'une des questions que soulève une fois de plus la position adoptée par un Conseil de sécurité frileux à l'égard d'une intervention éthiopienne et des frappes américaines en Somalie. Au motif du danger des Tribunaux islamiques en Somalie, le pays à la veille d'une reprise en main et d'une reconstruction non conforme aux desseins d'une administration américaine peu émue par l'installation d'ayatollahs obscurantistes à Baghdad, soutient ouvertement un gouvernement provisoire docile, incapable de défaire des Lordwars qui ont ruiné la Somalie durant 10 ans. Le soutien au régime d'Addis-Abeba, dont les pratiques antidémocratiques auraient valu à d'autres régimes des sanctions, contredit la rhétorique de liberté promise aux peuples arabes et musulmans.
De l'Irak à la Palestine occupée et au Liban. En se faisant le supplétif non déguisé, l'Ethiopie met à mal l'Union africaine dont la charte repose sur un pacte de non-agression de ses voisins, et sur les objectifs fondamentaux du panafricanisme pour lesquels elle s'était constituée en héraut. Pas question d'engagement terrestre de troupes américaines en Afrique ; cela, Bill Clinton l'avait déjà affirmé en dessinant le contour des futures forces locales appelées à intervenir directement dans les conflits africains : l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Ouganda, le Kenya, l'Egypte.
Le 4 septembre 2006, le gouvernement fédéral de transition et le conseil suprême des Tribunaux islamiques avaient signé à Khartoum un accord où ils s'engageaient notamment à reconstituer l'armée nationale somalienne.
Trois mois plus tard, l'ONU, qui avait laissé peu de chances à son émissaire spécial en 1993 de conclure une paix en Somalie, souligne que «la rapide expansion des Tribunaux islamiques dans le pays constituait une menace grave pour les institutions fédérales de transition.».
La France, la Chine et la Russie réussirent à bloquer une tentative américano-britannique au Conseil de sécurité, donnant aux pays voisins à savoir l'Ethiopie, l'Ouganda et le Kenya un mandat de force de maintien de la paix en Somalie sous mandat de l'ONU.
Mais le 6 décembre, le Conseil de sécurité valide le déploiement d'une telle force. L'essentiel des 8 000 hommes prévus devrait être fourni par l'Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement), composée du Kenya, de l'Ouganda, du Soudan, de Djibouti, de l'Ethiopie, de l'Erythrée et du TFG.
La stratégie américaine ne cherchait que son déploiement en expérimentant ses nouvelles règles. «Comme on le sait, la stratégie déployée par George W. Bush connaît des ratés importants en Irak et en Afghanistan, voire au Liban, en Syrie, en Iran. Le récent rapport [Baker-Hamilton] a relevé plusieurs défaillances, sans suggérer par ailleurs une rupture radicale avec ce qui a été fait jusqu'à présent. Pour autant, Bush est embarrassé et a besoin de relancer son projet de réingénierie du monde, à commencer par le Moyen-Orient.
Parmi les points faibles reconnus se trouve l'éparpillement [overstretch] des forces américaines et la faiblesse d'alliés [stratégiques] capables non seulement de suppléer les forces américaines mais éventuellement de jouer un rôle de leadership. Dans le cas irakien, certes, les Etats-Unis ne sont pas prêts à confier ce rôle à quiconque. Dans le cas afghan cependant, la logique est inversée et on serait bien content à Washington si les États membres de l'OTAN s'en occupaient, essentiellement. Dans ce sens, la nouvelle aventure dans la Corne de l'Afrique pourrait être un laboratoire à cette sous-contractualisation désirée», note Gérard Prunier dans le Monde diplomatique.
En février 2006, les Etats-Unis, souligne cet expert, «mettent sur pied, avec des fonds secrets de la CIA, l'Alliance pour le rétablissement de la paix et contre le terrorisme [ARPCT]. En théorie, l'ARPCT a pour but de poursuivre les terroristes d'Al Qaïda. En réalité, elle vise directement l'UTI». Les militants islamiques ne s'y trompent pas ; le 20 février, ils attaquent les premiers. Les combats marquent le début d'un processus meurtrier qui ensanglante Mogadiscio pendant trois mois et demi, jusqu'à la chute finale des [seigneurs] de l'ARPCT, le 16 juin 2006». Pour Mohammed Hassen, ancien opposant et diplomate somalien, depuis Clinton, «l'Ethiopie figure au rang des 4 pays promus forces dans la défense des intérêts américains en Afrique». Plus grave, l'armée d'Addis-Abeba a été restructurée en «forces de mercenaires». La présence de gaz et de pétrole découverts en 1986, les 3 300 km de côte face au Moyen-Orient et à l'océan Indien font de la Somalie une zone géostratégique pivot dans la lutte des Etats-Unis contre l'émergence des pôles de puissance indien et chinois.
De quoi se demander si le déploiement dans la Corne de l'Afrique, la Somalie, simple banc d'essai avant le pilonnage du Soudan et la partition de l'Ouest, n'est pas une réponse aux velléités d'un partenariat sino-africain. La création d'un nouveau commandement spécifique pour l'Afrique, basé à Djibouti, aurait en plus l'avantage de quadriller et le continent et la péninsule arabique. Un pas de plus, en conséquence, dans la déstabilisation des régimes récalcitrants avec le remodelage de la région par un redéploiement des troupes et des alliances, l'émergence de fédéralisme sur des bases ethnoconfessionnelles, la balkanisation des entités régionales.
Ce projet impérial ambitieux ne manquera pas toutefois de se heurter à la résistance des peuples et des nations qu'une longue histoire a endurcis aux terribles secousses. Et il sera difficile de faire croire à la commisération tant proclamée à l'égard, cette fois, des 10 millions de Somalis, au ventre affamé, n'ayant pas hésité en 1993 à débouter les troupes venues leur apporter le «bonheur», décidant à leur place de ce qui était «bon pour eux».
16.1.07 23:01

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Lettre manuscrite du Prés...Au nom de Dieu le Miséricordieux, le Bienfaisant«Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement ...

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lundi, janvier 15, 2007

PAIX EN IRAK


PAIX EN IRAK

Quand nous aurons bien tué
l'Irak,
Quand nous aurons pilonné
hommes, femmes et enfants
Ensemble pour en faire une
pâte homogène
De posthumanité,
Quand nous aurons cassé les
os, bouilli le sang
Et violé tout ce qui fuit,
Mis la mouche de l'État hors
d'état de nuire
À coups de pavés de l'ours dans
le désert
Et prouvé notre bon droit par
la victoire,
Quand nous aurons tout fini,
Écrasé, défoncé mille fois
l'ennemi
Autour de son pétrole,
Il y aura comme une grâce
dans l'air,
Une paix sans cri, sans
murmure,
Un champ de poitrines
tranquilles
Et sur toute cette mort
Nous construirons notre
avenir.
Ce sera le temps de l'âme après
Les disgracieux soubresauts
Et nous attesterons en pleurant
Ta puissance, ô Seigneur !

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dimanche, janvier 14, 2007

Vas-y Georges, et prends les tous !


Cher Président,
D’abord merci pour ton discours à la nation, c’est bon de savoir que tu nous parles encore après ce qu’on t’a trafiqué en novembre. Ecoute, je peux être franc ? Envoyer encore 20.000 hommes, ça ne me semble pas assez pour arranger la situation. Ça voudrait dire seulement ramener le nombre de soldats au niveau de l’année dernière. Et nous l’année dernière on était déjà en train de perdre ! On a déjà expédié en Irak plus d’un million d’hommes depuis 2003. Quelques milliers de plus c’est loin d’être suffisant pour trouver les armes de destruction massive qu’on cherche ! Enfin, je veux dire… pour trouver les coupables du 11 septembre et les traîner en justice ! Non, pardon, j’oubliais ça aussi… voyons… ah voilà : pour apporter la démocratie au moyen orient ! Excellent, essaye ça… Président, il faut montrer beaucoup plus de courage, mon vieux. Celle là il faut la gagner. Bon sang, tu as eu Saddam, non ? Tu l’as pendu à l’arbre le plus haut ! Pas mal la vidéo, on avait l’impression d’être revenus à ce bon vieux West avec le bourreau encore plus canaille que le voleur de chevaux, avec lynchage et tout le reste. Ecoute, je dois le reconnaître, je suis embêté avec ces ennuis où tu t’es fourré. Comme a dit un jour Ricky Bobby, si t’es pas le premier t’es le dernier. Et franchement, le fait que tu sois humilié comme ça devant le monde entier, ça ne nous apporte rien de bon, à nous les ricains.

Chef, écoute moi. Toi, c’est pas des milliers, c’est des millions de soldats que tu dois envoyer en Irak. La seule façon de s’en tirer cette fois c’est d’inonder l’Irak avec des millions de nous autres ! OK, j’ai compris, tu es à court de soldats, alors regarde un peu autour de toi. Tu dois te mettre ça dans la tronche que la seule façon d’avoir un pays de 27 millions d’habitants, l’Irak, c’est d’y envoyer au moins 28 millions d’américains. Voilà, ça, ça marcherait…
Facile : les 27 premiers millions se payent chacun un irakien, comme ça la rébellion on la règle rapide. L’autre million s’arrête là bas et reconstruit le pays, facile, non ? Bon, je sais ce que tu vas me dire maintenant : où je les trouve les 28 millions d’américains prêts à partit en Irak ? Quelques suggestions :
1. Il y en a déjà plus de 68 millions qui ont voté pour toi, il y a deux ans (et ça faisait déjà un an et demi qu’on était dans une guerre qu’on savait qu’on allait perdre&hellip. Je suis sûr qu’au moins un tiers d’entre eux sera disponible pour mettre son corps là où il a déjà mis son vote, et qu’ils vont signer comme volontaires. J’en connais un paquet, et je suis sûr que c’est pas le genre qui demande aux autres d’aller se battre là où ils jugent eux que c’est nécessaire, en restant planqués en Amérique.
2. Commence une campagne de fêtes type « Fais toi un irakien party » et lance-la dans tout le pays. Je sais que ça fait trop tendance 21ème siècle mais je suis déjà allé à ce genre de petites fêtes et je t’assure, ça t’épaterait le nombre d’idées innovantes qui commencent à sortir au troisième mojito… moi je dis que 5 bons millions, là, tu les trouves facile.
3. Envoie en Irak tous les journalistes des grands médias. Après tout ils t’ont donné un sacré coup de main pour nous flanquer dans cette guerre, et il y en a déjà un bon tas que tu as entraîné comme embedded ! Après ça, si on n’en est pas encore aux 28 millions, engage de force tous les téléspectateurs de Fox News, tu devrais y être.
Président Bush, c’est pas le moment de lâcher ! C’est le moment d’être fermes, et de ramener des résultats à la maison ! Donc ne va pas faire la gonzesse en lésinant sur les soldats. Pars avec ton peuple et conduis les toi-même comme un vrai commandant en chef ! Qu’il ne reste pas un seul modéré derrière ! En avant toutes ! En ce qui nous concerne nous à gauche, je te promets qu’on reste pas loin, on écrira souvent. Vas-y Georges, et prends les tous !
Bien affectueusement, ton
Michael Moore

Traduction italienne de Mauro Sabbadini pour l’édition de samedi 13 janvier de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/13-Gennaio-2007/art28.html
Traduit de la version italienne par Marie-Ange Patrizio
Mondialisation.ca, Le 13 janvier 2007

14.1.07 12:05

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