samedi, mars 14, 2009

Crise économique : le FMI persiste et signe

Pourquoi changer une politique qui conduit à la faillite, lorsque les victimes sont les autres ? Telle est la question qui se pose au Fonds monétaire international et à laquelle il ne répondra pas. Au contraire, sous la houlette de Dominique Strauss-Kahn, le FMI entend utiliser la crise pour réduire. un peu la marge de manœuvre des États pauvres. Pour Damien Millet et Eric Toussaint, responsables du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde), il faut dissoudre sans attendre une institution internationale qui a conçu ses prêts comme un moyen de domination.

Avec la crise internationale déclenchée à l’été 2008, tous les dogmes néolibéraux ont été battus en brèche et la supercherie qu’ils représentaient a été mise à jour. Ne pouvant nier leurs échecs, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) prétendent avoir abandonné les politiques néolibérales connues sous le nom de « consensus de Washington ». Bien que discréditées, ces deux institutions profitent pourtant de la crise internationale pour revenir sur le devant de la scène.
Pendant des décennies, elles ont imposé aux forceps des mesures de déréglementation et des programmes d’ajustement structurel qui ont conduit immanquablement à l’impasse actuelle. C’est un réel fiasco pour la Banque mondiale et le FMI qui doivent maintenant répondre de leurs actes devant l’opinion publique mondiale.
De surcroît, leurs prévisions économiques ne sont pas fiables : en novembre 2008, le FMI pronostiquait une croissance mondiale à 2,2% pour 2009, avant de la revoir à la baisse à 0,5% en janvier, puis de l’estimer finalement négative en mars. En fait, ses experts défendent la cause des grands créanciers face aux citoyens dont les droits fondamentaux sont de moins en moins garantis.
Alors que la situation économique se détériore rapidement, les grands argentiers du monde s’efforcent de garder la main et de donner à un FMI discrédité et délégitimé le rôle du chevalier blanc qui va aider les pauvres à faire face aux ravages de cette crise. Or c’est tout le contraire qui se passe. Les principes défendus par le FMI depuis les années 1980 sont toujours de mise. Les gouvernements qui signent un accord avec le FMI pour se voir prêter des fonds doivent appliquer toujours les mêmes recettes frelatées, qui aggravent la dégradation des conditions de vie des populations.
Sous la pression du FMI dirigé par Dominique Strauss-Kahn, plusieurs pays confrontés aux effets de la crise s’en sont pris aux revenus des salariés et des allocataires sociaux. La Lettonie a imposé une baisse de 15% des revenus des fonctionnaires, la Hongrie leur a supprimé le 13e mois (après avoir réduit les retraites dans le cadre d’un accord antérieur) et la Roumanie est sur le point de s’engager aussi dans cette voie. La potion est tellement amère que certains gouvernements hésitent. C’est ainsi que l’Ukraine a récemment jugé « inacceptables » les conditions imposées par le FMI, notamment le relèvement progressif de l’âge de mise à la retraite et la hausse des tarifs du logement.
Il est temps de dénoncer le double langage du FMI et de Dominique Strauss-Kahn, qui, d’une part, demandent à la communauté internationale d’augmenter les efforts pour atteindre des objectifs de développement du millénaire déjà bien tièdes et, d’autre part, forcent les gouvernements ayant recours à ses services à baisser les salaires dans la fonction publique. Il s’agit là de l’exact opposé d’une vraie véritable politique destinée à faire face à la crise en défendant l’intérêt de ceux qui en sont victimes.
Pour répondre à la crise des années 1930, le président états-unien Franklin Roosevelt avait été amené par la mobilisation sociale à réduire le temps de travail tout en augmentant les salaires, les allocations sociales et les droits des travailleurs, notamment en garantissant le droit de syndicalisation. Avec le New Deal, Roosevelt avait mis en place une réforme fiscale qui augmentait les prélèvements sur le capital. Le « socialiste » Dominique Strauss-Kahn est bien loin d’avoir la carrure de Franklin Roosevelt et continue coûte que coûte à défendre l’intérêt des grands créanciers qui l’ont nommé à ce poste lucratif.
Le FMI démontre donc une fois de plus qu’il est un instrument docile au service de ceux-là mêmes qui ont provoqué la crise financière actuelle. Dans cette période de grande déstabilisation monétaire (comme les variations énormes de parité entre le dollar et l’euro depuis un an), le FMI se révèle incapable de proposer la mise en œuvre d’une taxe de type Tobin-Spahn qui réduirait les variations des cours de change en combattant la spéculation et qui permettrait de réunir enfin les fonds nécessaires pour éradiquer la pauvreté et libérer le développement. Pourtant depuis sa création en 1944, l’obligation de favoriser le plein emploi figure explicitement dans les missions du FMI qui agit donc en violation de ses propres statuts.
La crise financière et économique mondiale souligne la faillite de la déréglementation des marchés financiers et de l’abandon du contrôle sur les mouvements de capitaux, prônés par le FMI. Cela rend indispensable la recherche d’une nouvelle architecture internationale basée sur le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (1966) et sur la Déclaration des Nations unies sur le droit au développement (1986). Mais une telle logique ne s’imposera pas sans inversion du rapport de force. Si, sous la poussée des mobilisations populaires, un nombre suffisant de gouvernements ne met pas en place une telle alternative, la Banque mondiale et le FMI seront en mesure de surmonter leur crise en mettant à profit la chute des prix des produits de base pour entraîner les pays exsangues vers une nouvelle dépendance envers leurs crédits, dont la substance visera davantage à sauver le système qu’à satisfaire des critères humains et écologiques.
Pour toutes ces raisons, la seule solution acceptable passe par l’abolition immédiate du FMI et de la Banque mondiale, et leur remplacement par des institutions radicalement différentes, centrées sur la satisfaction des besoins humains fondamentaux.

Damien MilletDamien Millet est secrétaire général du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde). Dernier livre publié : Dette odieuse (avec Frédédric Chauvreau), CADTM/Syllepse, 2006.
14.3.09 18:13

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vendredi, mars 13, 2009

"la plus grande crise de l’humanité et comment la surmonter"

Nous vivons un moment historique sans précédent depuis l’âge des ténèbres du XIVème siècle. Voilà un aspect du problème qui se pose, dans la mesure où il n’y a personne, en vie aujourd’hui ou ayant vécu au cours des dernières générations, qui ait la moindre idée de ce qui arrive à la planète en ce moment.

Nous vivons un moment historique sans précédent depuis l’âge des ténèbres du XIVème siècle. Voilà un aspect du problème qui se pose, dans la mesure où il n’y a personne, en vie aujourd’hui ou ayant vécu au cours des dernières générations, qui ait la moindre idée de ce qui arrive à la planète en ce moment.
La terre compte actuellement environ 6,7 milliards d’habitants. Faute de prendre les mesures nécessaires à l’échelle mondiale, que j’indiquerai ici, ce nombre ne sera plus, au mieux, que de 2 milliards d’ici deux générations. Des pans entiers de nos cultures risquent de disparaître, à part quelques survivants qui se rappelleront du passé pour le transmettre à leurs descendants.
Aux Etats-Unis, notre nouveau Président est entouré d’un groupe de personnes douées et compétentes. Certaines ne me plaisent pas du tout, mais dans l’ensemble, ces individus représentent les meilleurs talents que les Etats-Unis puissent nous offrir. Malheureusement, ils n’ont ni l’expérience, ni la compréhension pour faire face au type de crise qui nous tombe dessus.
Evidemment, moi non plus, je n’étais pas là au XIVème siècle, mais j’ai une assez bonne idée, peut-être plus que tout autre personne vivante, de ce qu’il faut faire aujourd’hui. Par conséquent, j’ai la lourde responsabilité de faire la distinction entre ce que les experts savent du remède à administrer et ce qu’ils ne savent pas, et donc de leur montrer ce qui leur échappe. Certains parlent de cette crise comme d’une « récession », ce qui est puéril, ou encore d’une « dépression », ce qui est un terme beaucoup trop faible.
En réalité, notre civilisation est confrontée à une crise existentielle d’une telle gravité qu’elle risque de ne pas pouvoir la surmonter. Des civilisations, des cultures, des sociétés entières et leurs populations peuvent disparaître. Il faut bien se rendre compte de la vulnérabilité de la population mondiale.
Prenons le cas de la Chine, frappée d’une crise brutale : elle sera incapable de maintenir en vie sa population de 1,4 milliard d’individus si les tendances actuelles se confirment. Toutefois, le problème n’est pas chinois, mais international. L’Inde est un peu plus stable, parce qu’elle est moins tributaire des exportations, mais elle est tout aussi vulnérable. La Russie est au bord de la non existence ! L’ensemble de l’Asie du sud-ouest est en crise, tandis que l’Afrique est la cible d’un génocide, orchestré notamment par l’empire britannique, et sa population pourrait être anéantie si nous ne l’arrêtons pas. Celle des Etats-Unis, d’Amérique du Sud et d’autres continents est également menacée.
Dans cette situation, le schéma habituel qu’emploient les gouvernements de certaines nations pour réagir à la crise, s’avère tout à fait inopérant et erroné.
Rétablir la souveraineté nationale
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une réaffirmation de la souveraineté nationale, surtout en Europe, qui l’a totalement abandonnée. Faute de défendre et promouvoir la souveraineté nationale, on ne pourra pas mobiliser les populations du monde pour faire face. En même temps, il faut comprendre comment organiser une lutte globale pour surmonter le grand krach, c’est-à-dire comment amener des nations, qui ne sont pas proches par nature, à collaborer en toute souveraineté dans une coopération à long terme – de l’ordre de cinquante ans ou plus, afin de rebâtir l’économie mondiale et d’assurer la survie de la civilisation.
Les talents existent pour traiter le problème, mais ils ne conçoivent pas la manière de s’organiser pour un effort conjoint. Voilà mon travail.
Pour ce qui est de la nature de l’enjeu lui-même, les économistes professionnels ne sont aucunement compétents pour traiter le coeur du problème. Il existe des personnes capables de mettre en oeuvre des programmes, mais elles n’ont pas vraiment étudié le problème du point de vue de l’histoire longue. Elles pensent en termes de quelques générations, ou de seulement quelques siècles, alors qu’il faudrait prendre en compte les derniers 2000 ou 3000 ans, pour en apprécier l’ampleur.
Récapitulons. Le 25 juillet 2007, j’ai affirmé lors d’une conférence internet que nous étions au bord d’une crise généralisée d’effondrement du système financier et monétaire mondial. J’ai clairement identifié le problème et certaines des mesures à prendre. Trois jours plus tard, le système commença à se disloquer. Certains idiots évoquaient une « crise du crédit immobilier subprime ». En réalité, il s’agissait du râle d’agonie du système. Depuis, la désintégration de l’économie mondiale ne fait que s’accélérer.
Les « experts » sont partis du point de vue qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer des changements fondamentaux, qui renverseraient les politiques suivies, en particulier depuis le printemps 1968. En fait, il faudrait annuler la plupart des politiques adoptées depuis le 1er mars 1968, lorsque le président Johnson prit la première mesure de démantèlement du système à taux de change fixes. Ce démantèlement signifiait l’autodestruction des Etats-Unis et condamnait l’Europe au déclin.
Depuis lors, les pays européens ont perdu leur souveraineté. Ce grand espace de l’Europe occidentale et centrale a cessé d’être un bastion de souveraineté. Aucun pays de l’UE ne dispose plus de l’autorité juridique pour gérer sa propre économie. Tous sont sous la coupe du système de l’euro, qui les emprisonne. Ils n’ont même pas le droit d’émettre du crédit productif public pour assurer une reprise. Dans le cadre des règles actuelles, ils ne sont pas autorisés à augmenter les investissements en capitaux, grâce au crédit public productif, pour renverser la vapeur.
Prenons par exemple le cas d’Opel, ici à Rüsselsheim en Allemagne, où se tient notre conférence. Le secteur de l’automobile international est en pleine désintégration. Aux Etats-Unis, l’industrie automobile est morte ; il y a longtemps qu’elle s’est suicidée, mais c’est seulement maintenant que sa mort se manifeste. (...)
Le nucléaire et les technologies de pointe
L’origine de cette crise remonte à 1968. Au lieu de mobiliser les ressources nécessaires pour faire face au déclin industriel et économique, sous la pression des soixante-huitards qui défilaient dans la rue, on a pris la direction opposée, optant pour une société dite « postindustrielle ». On a banni l’énergie nucléaire, qui est la seule source énergétique à même d’assurer une vraie croissance économique.
En science économique, la plupart des gens sont ignares. Ils croient à la soi-disant « énergie gratuite » et pensent qu’on peut se fier au vent et au soleil pour produire de l’énergie. Ce n’est pas possible ! On a oublié ce qu’est l’énergie. Telle calorie n’est pas égale à une autre. L’énergie se mesure en termes de densité de flux énergétique : il s’agit de l’intensité d’un flux de chaleur (ou de son équivalent en température) utilisée par la source de puissance.
Cela vaut aussi pour la chimie physique : pour transformer des déchets en matières premières, on a besoin de sources énergétiques à forte densité de flux énergétique. Le pétrole n’est pas suffisant, pas plus que le gaz naturel.
Par exemple, sans la fission nucléaire et sans la perspective de fusion thermonucléaire, nous ne pourrons pas développer la quantité d’énergie nécessaire pour garantir l’approvisionnement en eau douce des nations densément peuplées. L’Inde utilise déjà ses ressources en eau fossile, tandis qu’elles s’épuisent en Europe, comme aux Etats-Unis. Sans énergie nucléaire, il n’y aura pas de relance économique. L’éolien est une farce, qui n’existe que grâce à des subventions publiques. Toute la conception de l’infrastructure et la culture du travail industriel qualifié sont passées aux oubliettes.
De même, nous avons commencé à délocaliser les emplois d’Europe et des Etats-Unis vers des pays pauvres. Les « experts » nous disaient que c’était une bonne affaire, mais c’est un leurre. Ils s’y sont installés pour disposer de main d’œuvre bon marché, mais la productivité du monde, dans l’ensemble, a chuté à la suite de ces délocalisations. On s’aperçoit désormais que la Chine est excessivement dépendante de ses exportations. Elle est plongée dans une crise existentielle, car le genre de marché à l’exportation dont elle vivait, avec ses ouvriers mal payés, n’existe plus.
Nous devons changer radicalement cette situation. Actuellement, nous sommes incapables d’entretenir la technologie nécessaire pour faire vivre une population de plus de six milliards de personnes, ne serait-ce qu’à leur niveau de vie actuel. Si l’on abaisse encore ce niveau, il y aura des morts. En Chine, faute de trouver un remède, on voit déjà le début de ce genre de génocide potentiel. Comment infléchir les orientations politiques actuelles ? Comment renverser la vapeur ?
Il faut provoquer une prise de conscience, car les habitudes mentales qui dominent la vie des nations, en particulier depuis Mai 68, tuent des gens et si nous n’y changeons rien, une bonne partie de la population mondiale disparaîtra dans sa chute vers un nouvel âge des ténèbres.
Culture et Etat-nation
Le levier pour obtenir ce changement consiste à forger de nouvelles formes de coopération, surtout pour fournir une direction à la planète. L’Europe, en raison de son organisation et de ses lois, est pour l’instant incapable de générer le capital nécessaire pour rebâtir ses propres économies et encore moins l’économie mondiale. (L’opposition au nucléaire n’est qu’un aspect du problème. Les pays sont démobilisés : tous ces moulins à vent, ici, ne sont qu’un signe de damnation, ce ne sont pas des cibles pour Don Quichotte. Pas question d’avoir une industrie moderne avec ces éoliennes !)
Qui pourra le faire alors ? Il y a quatre pays sur cette planète qui peuvent, en coopérant, stimuler le monde dans son ensemble pour faire adopter le remède. Les Etats-Unis (quoi que vous puissiez penser de leur politique) sont déterminants. Sans leur coopération, il n’y aura pas de relance globale. Sans défendre la Chine, la reprise ne marchera pas non plus. De même pour l’Inde et la Russie. Sans réunir ces quatre puissances, entre autres, dans la solidarité, afin d’inverser la dérive des quarante dernières années pour recouvrer la santé mentale, cette descente dans un âge des ténèbres deviendra quasiment inarrêtable.
Il faut revenir au concept d’Etat-nation souverain. Avec la mondialisation, nous avons les mains liées. On a besoin de l’Etat-nation souverain, ne serait-ce que pour des raisons culturelles.
Quel est le problème, en particulier avec ces délocalisations ? Comment subvenir aux besoins d’une population qui est passée de moins d’un milliard au milieu du XIVème siècle à 6,7 milliards aujourd’hui ? On doit s’appuyer sur le progrès scientifique et technologique, qui entraîne à son tour le développement des infrastructures et de l’industrie, permettant d’assurer le bien-être de la population, en lui fournissant par exemple les soins médicaux et les systèmes de santé, qui sont tout aussi importants. Grâce à l’éducation et à la culture, les capacités intellectuelles de la population se développent. On forme des individus capables d’assimiler la science et la technologie modernes et de les appliquer, à la production ou ailleurs. En rejetant la technologie de pointe, comme on l’a fait depuis 1968, on condamne la planète.
Prenons une population devenue étrangère à la science et à la technologie. On pourra la mobiliser en l’impliquant dans un travail productif permettant le rétablissement de bonnes conditions de vie pour chacun.
Cependant, sans cultures nationales, c’est impossible. Ce que les gens et la plupart des économistes ne comprennent pas, c’est la vraie notion de « productivité ». La productivité dépend des facultés créatrices de l’esprit humain, qui permettent de faire des découvertes scientifiques et, plus largement, donnent à la population les moyens d’assimiler l’innovation et le progrès. Autrement dit, au contact de la science et de la technologie, et aussi de la culture classique, la créativité de la population augmente. Elle acquiert ainsi la capacité de faire des découvertes, ou du moins la capacité de les assimiler de manière productive.
Sans cette orientation vers la science et la culture classique, c’est beaucoup plus difficile. La camelote que l’on nous vend aujourd’hui en guise de culture, empêche les gens de développer leur potentiel créateur. On le voit bien dans nos systèmes d’éducation.
Avec la mondialisation, l’idée de maintenir les populations asiatiques ou latino-américaines dans l’arriération, pauvres et privées de culture classique, les condamne à ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins, ce que seule la véritable créativité permet d’obtenir.
Pour développer cette créativité, la culture nationale de chacun est le véhicule qui amène les gens à penser de façon créative, pour eux-mêmes comme pour leur société. Si l’on pense à une force de travail composée de main d’oeuvre bon marché, elle est incapable d’innover, cantonnée à des méthodes de production qui n’encouragent pas le progrès.
Cette idée de la créativité comme fondement de la productivité était essentiellement européenne. L’impulsion initiale de ce qui allait devenir la civilisation européenne moderne remonte à l’époque du grand Concile de Florence, vers 1439. Elle s’est manifestée par l’influence de Nicolas de Cues, par exemple, et de Filippo Brunelleschi auparavant, reflétée dans le dôme de la basilique Santa Maria della Fiore à Florence, et plus tard avec Léonard de Vinci et les grands esprits scientifiques des XVIème et XVIIème siècles. Voilà l’origine de la culture européenne moderne.
En parallèle, nous avons le processus conduisant, par l’intermédiaire de Jean-Sébastien Bach, à la grande musique et autres chefs d’œuvre de la culture artistique classique. Ces richesses, qui ont vu le jour en Europe, furent « exportées » et répandues en Amérique du Sud et du Nord.
L’intention des humanistes était d’étendre au monde entier l’accès à ce genre de savoir, encourageant ainsi, chez l’individu, la qualité qui distingue l’homme de l’animal : la créativité.
Aucune forme de vie animale n’est capable d’accroître, volontairement, son potentiel de densité démographique relative. L’espèce humaine est la seule qui soit, et sera, capable d’accroître ce potentiel, d’augmenter son niveau et son espérance de vie. La créativité, qui n’existe que chez l’homme, est la locomotive du progrès scientifique et technologique et du progrès culturel. Par conséquent, lorsque nous éradiquons cette capacité, en appliquant une politique de main d’oeuvre bon marché, une idéologie anti-science ou encore une culture qui méprise cette capacité au lieu de l’encourager, nous détruisons l’économie.
La créativité s’exprime au niveau individuel, mais chez des individus appartenant à une certaine culture. Dans l’utilisation de la langue, par exemple. La langue nationale est utilisée pour exprimer des idées. Reste à déterminer à quels degré et profondeur ces idées peuvent être communiquées à la population. Si l’on maintient dans l’ignorance 50 ou 60% de la population, sera-t-elle capable de développer sa créativité ? Non !
Par conséquent, la culture nationale – l’eau dans laquelle nage la population-poisson – et son développement sont la source de l’accroissement de la créativité et de la productivité potentielle des citoyens. En vérité, il s’agit là d’un mouvement culturel qui sert de base pour promouvoir la créativité. Cela s’appelle, chez Leibniz et d’autres, la dynamique, contrairement aux méthodes cartésiennes.
Nous voulons donc mobiliser les Etats-nations souverains, non pour s’entretuer, mais en conformité avec les principes des Traités de Westphalie : un peuple national souverain considère que le bien-être des autres peuples souverains répond à son propre intérêt bien compris, tout en défendant sa propre souveraineté. Voilà l’origine des grands accomplissements de la civilisation européenne. C’est une leçon que nous avons jadis apprise de l’étude d’autres cultures, en Asie ou ailleurs.
Le rôle des Etats-Unis
Pour cela, le rôle central des Etats-Unis est essentiel, bien que beaucoup d’Européens rechignent à l’admettre. Interrogeons-nous donc sur ce que « sont » réellement les Etats-Unis.
[M. LaRouche examina ensuite l’origine des colonies d’Amérique du Nord, projet qui remontait aux cercles autour de Nicolas de Cues. Les colons, expliqua-t-il, étaient en grande partie des pionniers qui entendaient sauver la culture européenne en la transposant le plus loin possible de l’oligarchie européenne qui déchaînait les guerres de Religion et l’oppression. « Ainsi, dès le début, avant même d’être formellement une nation, les futurs Etats-Unis avaient un caractère dynamique, imprimé par ceux qui voulaient sauver le meilleur de la culture européenne. »
Ainsi, les Etats-Unis devinrent une grande puissance économique, expliqua LaRouche, grâce en particulier au chemin de fer transcontinental, qui permit d’intégrer l’ensemble du territoire, de l’Atlantique au Pacifique, par voie terrestre. Ce grand projet, lancé par le Président Lincoln, révolutionna le développement économique. Il mit un terme à la primauté historique de la puissance maritime, sur laquelle s’appuyait l’empire britannique pour dominer le monde.
LaRouche rappela que l’une des qualités du peuple américain est son aversion viscérale pour la noblesse et l’oligarchie, qui restent malheureusement un objet de fascination dans certains pays d’Europe.
Nous devons faire revivre cette tradition américaine et rechercher des partenaires avec qui collaborer, à des fins communes, à partir de cultures différentes. Un peuple, dans son ensemble, doit se développer dynamiquement, en tant que culture nationale. Puis, en s’appuyant sur le même principe que la paix de Westphalie, (...), des nations représentatives et volontaires, comme les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde, pourront s’engager pour un objectif à long terme. Le « long terme » signifie entre 80 et 100 ans, parce que les investissements en capitaux et les investissements dans le développement des populations, se comptent en générations. Une perspective de 50 ans pour l’infrastructure, et même de 100 ans pour les grands systèmes fluviaux et de transport mondiaux s’impose.
L’objectif est d’augmenter la productivité de la population, grâce au développement de l’infrastructure et de l’énergie. On vise en priorité le développement culturel des populations, dans leur culture nationale. L’orientation vers le progrès scientifique, technologique et culturel doit être la règle, afin de renverser les tendances imposées depuis 1968 et de revenir à l’accord implicitement fixé aux nations au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, à savoir ériger un monde affranchi du colonialisme, de l’assujettissement des peuples et des traditions oligarchiques.
Voilà ce qui motiva les Européens à traverser l’Atlantique pour tenter de bâtir, hors d’Europe, un bastion de la civilisation européenne. (...)
Pour ce qui est de la nouvelle administration américaine, j’estime que certains de ses membres disposent de talent et de compétences. Il y en a d’autres que je n’aime pas, non pour des raisons personnelles mais à cause de leur politique. Mais en général, les personnes dans ce gouvernement, et celles qui lui sont associées, sont capables de mener à bien le travail qui s’impose.
Le problème vient d’individus comme George Soros et de cette clique de Wall Street, qui incarnent le pire, chez nous et en Europe. Par exemple, George Soros est le plus grand promoteur de la drogue au niveau mondial. C’est un valet de l’empire britannique, qui fait équipe avec Lord Malloch Brown, le numéro deux du Foreign Office britannique.
Le refus des nations de s’attaquer au trafic international des stupéfiants est un des principaux problèmes. Ce trafic est organisé comme les opérations des Anglo-Hollandais au XVIIIème siècle. Par exemple, la production de pavot d’un paysan afghan lui rapporte de 500 à 600 dollars. Le prix du produit livré au consommateur en Europe ou aux Etats-Unis peut être mille fois plus élevé. La situation est identique en Amérique du sud.
Le problème stratégique en Asie du sud-ouest vient, en grande partie, de la drogue. C’est pourquoi envoyer des soldats en Afghanistan pour combattre les terroristes est une folie. (...) Il faut arrêter le trafic transfrontalier de la drogue, ce qui signifie s’attaquer à l’empire britannique [qui vit de l’argent de la drogue]. Il faut aussi fermer les paradis fiscaux et les marchés de produits financiers dérivés.
Nous devons instaurer une coopération entre nations pour combattre ce type de problème et, d’un point de vue positif, pour assurer le développement économique à long terme. Pour mettre en oeuvre un programme de relance aux Etats-Unis, l’administration actuelle, malgré certaines personnes mal avisées, a le potentiel d’aller dans ce sens. Mais nous allons avoir besoin de crédit pour des investissements à long terme, par exemple pour exploiter les matières premières de Russie et développer la production reposant sur ces matières premières. Cela implique des systèmes de transport et l’ouverture des régions de la toundra. La culture nationale doit être à même de traiter ce problème. Certaines personnes que je connais au musée Vernadski de Moscou sont des spécialistes en la matière et nous aurons besoin de leur coopération. (...)
Puis nous avons la Chine, une culture asiatique. Elle ne survivra pas à moins de réorienter son économie et d’être soutenue dans ses relations économiques avec le reste du monde. Ne pouvant plus compter sur des exportations bon marché aux Etats-Unis, la Chine devrait lancer un programme d’investissements à long terme, créant le crédit nécessaire pour que la population chinoise puisse accroître elle-même sa productivité. A cela, il faut intégrer l’Inde, puis l’Asie du sud-ouest. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde représentent les principales concentrations de pouvoir économique et politique dans le monde.
En finir avec le monétarisme
Pour en revenir à mon rôle spécifique, on doit se débarrasser de l’idée selon laquelle l’argent représente une valeur intrinsèque. Ce n’est pas l’argent qui détermine la valeur des biens. Il faut instaurer, entre nations, un système de taux de change fixes, afin d’éviter que, lorsqu’elles empruntent de l’argent à 2%, les fluctuations des devises ne haussent ce taux à 4 ou 5%. De même, au lieu d’un système monétaire, qui est intrinsèquement un système impérialiste, il nous faut un système de crédit productif public. C’était l’intention de Franklin Roosevelt avant sa mort, en 1944, que [le président] Truman renversa de fond en comble.
En proposant de construire un système de crédit à taux de change fixes, Roosevelt s’opposait à Keynes, un impérialiste de la pire espèce. Dans la préface du livre qu’il fit publier en allemand, en 1937, Keynes expliquait qu’à l’époque, les conditions en Allemagne étaient plus propices pour ses idées que partout ailleurs dans le monde. Et c’était vrai !
Un système monétaire signifie que les nations n’ont pas de système de crédit souverain. On a affaire à un arrangement monétaire international, sous le contrôle de banquiers de style vénitien, qui utilisent les gouvernements et leurs devises nominales dans des schémas arrangés par une combinaison de puissances monétaires privées. Etablissons donc un système de crédit, où seul l’Etat peut émettre de la monnaie par un acte souverain. Cette création monétaire a lieu sous forme de crédit, qui peut être ensuite monétisé selon la loi.
Nous avons besoin d’investissements à long terme, à 25 ans, à 50 ans et à 100 ans. La construction d’une centrale nucléaire requiert un investissement sur 30 ou 40 ans. La fusion thermonucléaire doit être développée pour pouvoir maîtriser des densités de flux énergétique plus fortes, qui nous permettent d’évoluer vers des technologies plus performantes et moins polluantes.
Pour résumer, je propose d’élaborer un accord entre nations pour un système à taux de change fixes et des traités cadres portant sur des objectifs communs et des projets à long terme. Il s’agit également d’informer les populations sur l’importance de ces accords.
Mais avant tout, nous devons revenir à l’Etat-nation. C’est là que j’entre en scène et c’est là qu’est mon plus grand combat. Le 25 juillet 2007, j’ai soumis un projet de loi très spécifique sur les finances, parce que je savais que nous nous dirigions vers une énorme crise immobilière. Je proposai de mettre l’ensemble du système de crédit immobilier en redressement judiciaire, tout en empêchant une vague de saisies de logements en raison de l’éclatement de la bulle spéculative. L’on devait aussi empêcher la fermeture des banques agréées, dont les services sont indispensables. Je préconisai de mettre les banques en banqueroute contrôlée, sous protection légale, et d’éplucher leurs comptes : si leurs investissements sont légitimes, on les protège. S’il s’agit de pure spéculation, ce monstre spéculatif, « désolés, vous n’aurez rien ; vous êtes en banqueroute, c’est fini ! », leur dira-t-on.
En septembre 2007, lorsque nous l’avons proposée, cette démarche aurait pu nous épargner le pétrin dans lequel nous sommes aujourd’hui, si le sénateur Dodd et le membre du Congrès Barney Frank, entre autres, ne l’avaient torpillée.
Aux Etats-Unis, le pouvoir financier exerce une forte influence politique. Cependant, on peut tout aussi bien réveiller la véritable tradition américaine, qui lui est opposée, pour qu’elle reprenne le dessus. D’où mon rôle essentiel, qui est de concevoir, promouvoir et défendre le type de système que je viens d’évoquer.

13 Mars 2009 / http://www.solidariteetprogres.org
Résumé du discours d’ouverture prononcé le 21 février 2009 par Lyndon LaRouche à l’occasion de la conférence internationale de l’Institut Schiller à Rüsselsheim en Allemagne.
La vidéo du discours, avec traduction française, est disponible ICI

13.3.09 17:39

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jeudi, mars 12, 2009

Une justice des Blancs ?

Le mandat d’arrêt contre Al-Bachir suscite une vive polémique. Il s’agit en Afrique et dans le monde arabe d’une justice sélective, car les Etats-Unis à Abou-Ghraib ou à Guantanamo, et Israël au Proche-Orient ont commis, eux, des crimes en totale impunité.
« Aujourd’hui, la chambre préliminaire a émis un mandat d’arrêt contre le président du Soudan Omar Al-Bachir pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité », c’est par ces mots que la Cour Pénale Internationale (CPI) annonçait sans grande surprise sa décision. Le procureur de la CPI avait accusé Al-Bachir de génocide, mais, selon la porte-parole de la Cour, « les éléments présentés par l’accusation ne fournissaient pas de motifs raisonnables de croire que le gouvernement soudanais a agi dans l’intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, les groupes Four, Zaghawa et Massalit ».
Dans le monde mais aussi au Soudan, on s’attendait à ce premier mandat d’arrêt contre un chef d’Etat en exercice. On s’y attendait, la colère a été pourtant vive. « Un dangereux précédent », dit-on, qui illustre le paroxysme de la contradiction de la justice internationale. En Afrique ou dans le monde arabe, on dénonce « la justice des Blancs ». Une justice sélective qui ne juge que des affaires africaines. La CPI ne s’est saisie à ce jour que de conflits africains où crimes de guerre et crimes contre l’humanité ont pu être commis. En Ouganda, au Congo-Kinshasa, en République centrafricaine et au Darfour. Car les autres pays, commettant des crimes internationaux, ne reconnaissent pas la légitimité de la CPI, justifie-t-on simplement. Il n’y a aucune raison que George Bush, qui a autorisé la torture, ne soit pas arrêté. Il n’y a aucune raison non plus qu’Ariel Sharon ou Ehud Barak ne soient pas poursuivis en justice pour leurs crimes de guerre en Palestine ou au Liban. La CPI semble peu préoccupée par ces victimes.
De quoi renforcer les arguments de ceux qui aujourd’hui parlent de l’impérialisme occidental ou du néocolonialisme judiciaire. Mais cela justifie-t-il en soi le refus de coopération avec la CPI ? Pourquoi la justice internationale est-elle perçue de cet angle restreint ? Pourquoi les victimes du Darfour ne sont-elles pas vues indépendamment des autres ?
S’il est vrai que la communauté internationale a tenté de manipuler le conflit au Darfour, s’il est aussi vrai que le lobby juif aux Etats-Unis a tout fait pour médiatiser et gonfler la crise, sur le fond, ni l’un ni l’autre n’ont créé la situation sur le terrain. Selon les rapports les plus équilibrés, au moins 30 000 Soudanais ont été tués dans cette région et des millions ont été déplacés. La priorité ne devrait-elle pas être accordée aujourd’hui au Soudan et non à un chef d’Etat qui a violé les droits de l’homme. La paix et la stabilité du Soudan ne devraient-elles pas plutôt primer sur la simple personnalité de Bachir. Paix ou justice, laquelle prime ? C’est la question qu’avancent beaucoup d’observateurs. Pour la CPI, c’est la justice et rien que la justice, mais pour l’Union Africaine (UA), c’est la paix et la stabilité avant tout. Avec ce mandat d’arrêt, les troubles risquent d’être ravivés dans le pays du Nil bleu. Les négociations de paix avec le Mouvement pour la justice et l’égalité, principal groupe rebelle du Darfour, sont déjà compromises. La guerre civile risque d’éclater à n’importe quel instant et le sort des forces de maintien de la paix de l’Onu présentes sur le terrain n’est pas très clair. C’est pourquoi l’UA et les Arabes demandent un moratoire d’un an à l’Onu. Selon l’article 16 du Traité de Rome, fondateur de la Cour, cette suspension est renouvelable pendant trois ans. Rien n’est acquis, mais le processus d’arrestation risque d’être lent. Une demande de coopération pour l’arrestation de Bachir sera transmise au Soudan, aux Etats membres de la CPI et aux membres du Conseil de sécurité.
La CPI pourrait saisir l’Onu si elle constatait l’inefficacité du mandat d’arrêt. Ce dernier pourrait donc être interpellé et arrêté dès qu’il se trouve à l’étranger. Ceci dépend pourtant avant tout de la volonté politique de l’Etat dans lequel il se rendrait, puisque la CPI ne dispose pas de forces de police propres. Après interpellation, Al-Bachir devrait passer devant plusieurs chambres avant d’être jugé. Du temps que les Soudanais devraient plutôt exploiter pour obtenir un accord de paix au Darfour.

Al-ahram/hebdo - Semaine du 11 au 17 mars 2009, numéro 757 (Evènement)
12.3.09 18:27

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mercredi, mars 11, 2009

La construction de l’impunité par la propagande

George W. Bush devrait-il être arrêté à Calgary, en Alberta, et jugé pour crimes internationaux ?
Pendant de trop longues années, quelques sociologues ont battu le haut du pavé en participant à une campagne de propagande visant à dénigrer toute critique de la politique des États-Unis en l’assimilant à une fascination pathologique des masses pour le complotisme. Les temps changent. Lors de la prestigieuse conférence annuelle de sociologie de l’université de Winnipeg, le 6 mars 2009, le professeur Anthony J. Hall s’est interrogé sur l’impunité de l’administration Bush que lui procure le tabou du 11-Septembre. Nous reproduisons la version développée de son intervention.
10 mars 2009 / Réseau Voltaire


De graves allégations criminelles planent autour de l’ex-président des États-Unis, George W. Bush, et de l’actuel président du Soudan, Omar al-Bashir. À la fin du mois de février 2009, il a été rapporté que la Cour pénale internationale basée à La Haye se prépare à émettre un mandat à l’encontre d’al-Bashir au sujet de sa culpabilité présumée à des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Alors que ces documents étaient en cours de préparation contre le chef de l’État du Soudan, l’ex-président Bush se préparait à lancer une série de conférences rémunérées débutant à Calgary, en Alberta (Canada) le 17 mars. La visite de Bush dans la capitale pétrolière de l’Alberta fait figure de test de la cohérence et de l’authenticité de la positon « sans équivoque » du gouvernement canadien, selon laquelle « le Canada n’est pas et ne deviendra pas un refuge sûr pour les personnes impliquées dans des crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou autres actes répréhensible. »
Le contraste entre les traitements accordés à Bush et à al-Bashir ont été mis en évidence quasiment par inadvertance, par Geoffrey York, un collègue avec qui je m’entretenais souvent quand nous étions tous les deux correspondants réguliers du quotidien Globe and Mail il y a presque 20 ans, sur les péripéties d’affaires autochtones du Manitoba qui, à maintes reprises, devinrent des sujets captant l’attention nationale. Dans son reportage sur les charges retenues contre al-Bashir, York écrivait : « Pour la première fois dans l’histoire, un tribunal pénal international s’apprête à émettre un mandat d’arrêt contre le chef d’un État, l’accusant d’orchestrer une campagne de meurtres, de tortures et de viols. » Le journaliste estimait que l’initiative de la CPI « serait saluée par beaucoup comme un signe que personne n’est au-dessus de la loi. »
Ce contraste frappant entre le traitement d’al-Bashir et celui de Bush sert à clarifier la division qui existe dans le monde entre des criminels (ou présumés tels) en deux grandes catégories, l’une constituée par une petite élite essentiellement au-dessus des lois et l’autre par des gens pas suffisamment riches ni assez influents pour s’affranchir de la force coercitive de la loi. Ce n’est pas sans ironie que je suis arrivé à cette conclusion. D’une part, la décision de la CPI d’engager des poursuites contre al-Bashir, ainsi que d’ouvrir un véritable procès contre le chef de guerre congolais Thomas Lubanga Dyilo en janvier 2009, sont les signes d’une transformation majeure de la CPI. Le tribunal n’est plus un simple porte-voix pour l’expression vide de nobles idéaux, mais plutôt un lieu de véritable engagement visant à assujettir la règle du meurtre, de la mutilation et de l’intimidation à l’autorité supérieure du droit.
D’autre part, en désignant par sa première action juridique la responsabilité de potentats locaux dans ces régions de l’Afrique qui souffrent, là même où souvent dominent les cartels des matières premières et leurs régimes clientélistes, la CPI a surtout souligné l’hypocrisie de l’Occident qui protège ses propres seigneurs et profiteurs de guerre au sein du complexe militaro-industriel de toute responsabilité juridique pour les actes de violence de ses agents : beaucoup de ceux qui régulièrement planifient, instiguent, financent, arment, facilitent et s’engagent dans cette exploitation appartiennent à ce que l’on appelle le secteur privé. En effet, le double standard promu par la CPI dans le choix de ses objectifs en matière de poursuites n’est que la répétition sur la scène internationale de la grande duplicité du système de justice pénale aux États-Unis.
Comme l’illustre crûment la proportion inéquitable et scandaleusement élevée de Noirs parqués dans les prisons privatisées de la superpuissance déclinante [1], les forces de l’ordre et la justice, de toute évidence, font montre d’efforts disproportionnés pour criminaliser les Afro-américains pauvres, en prenant soin d’exclure de leur attention les habitants des banlieues pavillonnaires à la peau claire et les enclaves plus rares encore de l’extrême richesse. Les autorités en charge de l’application du nouveau droit international se limiteront-elles à poursuivre les responsables de gangs dans le ghetto continental de l’Afrique tout en regardant ailleurs quand il s’agit de réseaux criminels plus globaux dont les sièges sont situés en Amérique du Nord, en Europe, en Israël, et, de plus en plus, en Chine, en Inde et en Russie.
Si la renommée d’Omar al-Bashir est loin d’être internationale, George Bush est l’un des hommes les plus connus dans le monde. En effet, tout au long des huit années de sa présidence désastreuse, Bush a réussi à se rendre odieux à l’ensemble de la planète. Il est largement détesté pour ses décisions politiques ainsi que pour l’assortiment de faucons bellicistes, de corsaires du capital, de propagandistes du mensonge, d’évangéliques fanatiques, d’usuriers, de dérangés défenseurs de la torture, et de généraux psychotiques qui formaient son proche entourage [2]. Une proportion importante de l’opinion publique mondiale voit cet homme discrédité comme l’incarnation de quelque chose de bien pire qu’un exécrable dirigeant. Ils considèrent le 43e président des États-Unis comme un individu grossier, irrespectueux des lois. En effet, beaucoup voient à juste titre Bush comme un déviant pathologique qui nourrissait le fantasme délirant que la puissance de sa fonction lui donnait tout pouvoir pour autoriser les forces armées de son pays et de compagnies de mercenaires privées à commettre massacres, disparitions et tortures les plus graves et d’une amplitude génocidaire.
Cette vision très populaire s’appuie sur un nombre croissant d’études juridiques d’universitaires qui utilisent des éléments de preuve déjà disponibles dans la sphère publique pour établir que George Bush et ses subalternes ont violé de nombreuses lois nationales et internationales, y compris les Conventions de Genève et les instances de l’ONU interdisant la torture. Philippe Sands, Francis Boyle [3]et le professeur Michael Mandel de l’Osgood Hall Law School, trois des juristes internationaux les plus actifs, ont démontré que George Bush et son cabinet de guerre avaient transgressé le droit international, à de très, très nombreuses reprises. De fait, la liste est longue des juristes qui cherchent à amener l’ex-président américain devant la justice. Avec son nouveau livre, The Prosecution of George W. Bush for Murder, Vincent Bugliosi, ancien procureur dans l’affaire Charles Manson, ajoute sa voix à la foule [4].
Compte tenu de la substance et de l’étendue de la documentation déjà assemblée pour inculper Bush et nombre de ses principaux lieutenants pour des crimes nationaux et internationaux, la capacité de l’ex-président à franchir les frontières internationales pour donner des discours dans des lieux comme Calgary est un indicateur du malaise juridique des organismes d’application de la loi. Le rôle de ces organismes est-il de protéger la propriété et le prestige des riches de l’incursion des marginalisés et des démunis ? La loi n’est-elle pas une simple vue de l’esprit si elle ne peut pas restreindre l’utilisation abusive de la violence aux fins d’enraciner les privilèges et d’intimider la dissension ? Les autorités de la Couronne au Canada ou le ministère public dans d’autres pays se lèveront-ils afin de démontrer leur respect pour la puissance de la loi et son application uniforme au président comme à l’indigent, aux colons comme aux autochtones, aux Blancs comme aux Noirs ? Comment pouvons-nous transcender les codes, souvent racistes, contenus dans la rhétorique de la loi et de l’ordre, et les élever aux normes requises par le respect de la primauté du droit ?
Donnera-t-on jamais sa chance à l’épanouissement de la vérité dans un procès qui verrait, non seulement Bush, mais aussi Richard Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz, Condoleezza Rice et d’autres rendre des comptes pour leurs décisions et leurs actions dans la conduite de guerres d’agression. En tant que principaux stratèges, les industriels de l’armement et du pétrole, les propriétaires de sociétés de mercenaires, et leurs lobbyistes et propagandistes, la plupart de ces individus ont contribué à édifier les plans de ce projet pour un nouveau siècle américain, c’est-à-dire la privatisation de notre économie basée sur la terreur et les fausses justifications pour les soi-disant « guerres préventives ». Un an avant le 11 Septembre, le PNAC annonçait le besoin « d’un nouveau Pearl Harbor », afin de produire le climat d’hystérie nécessaire à la réalisation des objectifs de ses sponsors. Le plus ambitieux d’entre tous était la création d’un prétexte pour prendre le contrôle des ressources pétrolières en Irak et dans tout le Moyen-Orient.
Imaginer le monde régi par le droit international
Depuis plusieurs générations, le principe a été établi que tous les peuples du monde et leur gouvernement doivent reconnaître l’intérêt commun de la compétence universelle lorsqu’il s’agit de traiter de la plus haute forme de criminalité. À son retour d’Afrique en 1890, George Washington Williams, un missionnaire noir des États-Unis, a contribué à établir la pensée légale dans cette direction. Comme Williams cherchait des mots assez évocateurs pour décrire les effroyables violations des droits de l’homme dont il avait été témoin dans l’État dit libre du Congo du roi Léopold, il trouva l’expression « crimes contre l’humanité ». En 1944, un juif polonais qui avait échappé à l’horreur nazie en Europe, s’appuya sur son expérience pour renforcer le vocabulaire de la criminalité internationale. Raphael Lemkin a inventé la notion de « génocide », afin de faire avancer le projet d’essayer de traiter des crimes si graves qu’ils compromettent la survie d’une partie de la famille humaine. Dans le monde entier, Lemkin a cherché à ce qu’il ne puisse y avoir d’immunité, ni de refuge, pour ceux qui sont impliqués dans l’élimination de groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux ; mécanismes auxquels il ajoute aussi le génocide culturel. Lemkin a contribué à aider les délégations à l’Organisation des Nations Unies à établir, en 1948, la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. Ce pilier fondamental du droit international n’a été adopté par les États-Unis qu’en 1989.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement états-unien a brièvement été perçu comme le principal champion du principe que ceux qui commettent les cas les plus élevés de criminalité internationale doivent être tenus responsables individuellement en tant que personnes. Cette brève convergence du pragmatisme et de l’idéalisme a été mise en œuvre dans les processus juridiques de Nuremberg et de Tokyo, où certains des dirigeants de l’Axe défait ont été jugés devant des tribunaux militaires internationaux. En décrivant ses objectifs au président états-unien Harry Truman, le procureur général du gouvernement des États-Unis à Nuremberg Robert Jackson, a expliqué que le moment était venu d’établir clairement « que la guerre d’agression est illégale et criminelle ». A son avis, une telle activité, y compris les campagnes « d’extermination, d’asservissement et de déportation de civils », constituaient des « crimes internationaux » pour laquelle « les individus sont responsables ». En présentant son argumentation devant les juges, Jackson a souligné l’importance d’aller au-delà de toutes les anciennes lignes de défense qui avaient fourni une « immunité pour pratiquement toutes les personnes impliquées dans les plus grands crimes contre l’humanité et la paix ». « Un aussi vaste domaine d’irresponsabilité » ne pourrait plus être « toléré » parce que « la civilisation moderne met des armes de destruction illimitées dans les mains des hommes. »
Le vocabulaire utilisé par les juges de Nuremberg dans la détermination de la peine des condamnés nazis souligne que « le fait de déclencher une guerre d’agression n’est pas seulement un crime international ; il est le crime international suprême qui se distingue des autres crimes de guerre seulement en ce sens qu’il renferme tout le mal accumulé de l’ensemble. » Les attendus de Nuremberg ont été affinés et adoptés en 1950 par l’Organisation des Nations Unies comme principes qui incluent, précisément, la nature même des actes illégaux connus pour avoir eu lieu, par exemple, à Abou Ghraïb et à Guantanamo sous la présidence de George W. Bush. Les principes de Nuremberg divisent la criminalité internationale en trois catégories : les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Un de ces principes stipule que : « le fait que l’auteur d’un crime international a agi en qualité de chef d’État ou de fonctionnaire ne dégage pas sa responsabilité en droit international. » [ 5].
Bien que la Cour pénale internationale soit un nouvel ajout récent à l’infrastructure juridique du droit pénal international, elle s’appuie sur des espoirs, des idéaux et des traditions qui ont de profondes racines dans beaucoup de sociétés en quête de justice. En dépit de tous ses problèmes et lacunes, la CPI est la meilleure expression d’une tentative visant à implémenter un grand nombre des proclamations les plus émouvantes de l’humanité annonçant l’égale dignité de chaque vie humaine telle que définie dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. La CPI a été créée à la suite d’une étude des Nations Unies pour devenir une véritable entité lors du Statut de Rome en 1998. Le tribunal a acquis une forme institutionnelle en 2002. Il compte actuellement 108 États membres, dont le Canada, avec 40 États supplémentaires en passe de ratifier le Statut de Rome.
Les gouvernements de la Russie, de l’Inde et de la Chine s’opposent à la cour. Le président Bill Clinton a signé le traité de Rome au nom de son gouvernement mais le président Bush a annulé la signature de son prédécesseur en 2002 dans le cadre de ses vastes et multiples efforts visant à exclure les États-Unis de plusieurs accords multilatéraux. La CPI demeure-t-elle le meilleur espoir pour l’avenir, ou le lamentable échec des États à ce jour pour défendre et faire respecter la primauté du droit international nous conduit-il à un stade où l’humanité doit essayer autre chose ? Sommes-nous arrivés à un point dans l’évolution de la communauté mondiale, où il devient envisageable, voire nécessaire, de commencer à mettre en place les structures d’une véritable juridiction dont les fonctionnaires appliqueraient leur compétence pour arbitrer et faire appliquer le droit pénal international par l’expression d’une certaine forme de citoyenneté partagée de l’humanité ?
Calgary et le Congo
Il y a beaucoup plus en jeu que ce que l’on discerne immédiatement de la décision de George Bush d’accepter une invitation à s’adresser à un parterre de chefs d’entreprise réunis à Calgary par la Chambre de Commerce locale. Selon David Taras, un professeur de sciences politiques à l’université de Calgary, il faut y voir une stratégie de l’ancien président des États-Unis pour entamer le processus de réhabilitation de son image auprès du public dans ce centre urbain « très conservateur et pro-américain ». Certains ont surnommé Calgary la « Houston du nord », un surnom qui ne rend pas compte du caractère réel de la ville. Calgary est en effet quasiment une colonie de Houston et de Dallas, économiquement et, dans une certaine mesure, politiquement et culturellement. Une forte proportion de ses habitants ont émigré du Texas ou ont des parents qui ont fait le voyage vers le nord depuis l’État de l’ancien gouverneur Bush. Calgary est la base politique et la circonscription du gouvernement minoritaire de l’actuel dirigeant du Canada, le Premier ministre Stephen Harper. En 2001, Harper et certains de ses proches conseillers de la province ont clairement affiché leurs positions pleines de préjugés quand ils ont préconisé la construction d’un « pare-feu » autour de l’Alberta afin de protéger ses ressources pétrolières et ses agences de l’autorité constitutionnelle du gouvernement national du Canada.
Au cours des huit dernières années, Harper a agi plus ou moins comme le principal détenteur de la marque de fabrique Bush dans sa gouvernance du Canada. En tant que leader de l’opposition, Harper a réprimandé le Premier ministre Jean Chrétien de ne pas engager les troupes canadiennes dans l’invasion anglo-US et l’occupation de l’Irak. Harper a travaillé en étroite collaboration avec l’ancien Premier ministre de l’Alberta, Ralph Klein, en s’opposant au protocole de Kyoto sur le changement climatique mondial. Les deux ont repris à leur compte le discours politique développée par la société de conseil et relations publiques, Burson-Marsteller. La branche de cette société à Calgary est la National Public Relations, dont les « chargés de communication verts » ont créé des organisations de façade, telles que la Canadian Coalition for Responsible Environmental Solutions.
David Frum a été l’un des zélateurs les plus frappants de l’axe idéologique qui relie l’Alberta aux idées et au staff de la Maison Blanche de Bush. Avant que Frum ne devienne l’un des principaux propagandistes de la « guerre contre la terreur » de George Bush [6] cette icône des néoconservateurs avait gagné ses galons en travaillant au magazine libertaire Alberta Report de l’évangéliste Ted Byfield. Frum est largement crédité à droite pour avoir contribué à renouveler la condamnation de « l’Empire du Mal » de Ronald Reagan, par l’élaboration de la formule « l’Axe du Mal ». George Bush la rendit célèbre en l’incluant à sa propagande de guerre d’agression dans son discours présidentiel sur l’État de l’Union en janvier 2002.
Par conséquent, de nombreuses forces de l’histoire convergent dans la manière dont Bush sera reçu par les fonctionnaires de l’immigration et du ministère de la Justice quand il atterrira à l’aéroport international de Calgary. Le 23 février 2009, une organisation portant le nom d’avocats contre la guerre a averti des fonctionnaires, y compris le Premier ministre Harper et le chef de l’opposition de Sa Gracieuse Majesté, que « George W. Bush, ancien président des États-Unis et commandant en chef des forces armées états-uniennes, est une personne soupçonnée de torture et autres violations flagrantes des droits humains, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, de manière crédible. » Se référant à des dispositions très précises de la loi sur l’immigration et de ses sections particulières relatives aux crimes contre l’humanité et crimes de guerre, les juristes ont précisé pourquoi Bush ne devrait pas être autorisé à entrer dans le pays. Ils continuent en expliquant que, si Bush est autorisé à pénétrer sur le territoire canadien, alors il devrait être arrêté par des agents de police canadiens. À l’appui de ces assertions, les juristes citent de nombreuses sources, y compris des éléments de preuve tiré d’un rapport interne de l’armée US terminé en juin 2008 par le général Antonio Taguba. Ils ont également cité certaines des conclusions rendues en février 2009 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Manfred Nowak. Ce responsable de l’ONU écrit : « Nous possédons tous les éléments de preuve qui établissent que les méthodes de torture utilisées dans les interrogatoires par le gouvernement des États-Unis ont été spécialement ordonnés par l’ancien ministre de la Défense américain Donald Rumsfeld .... Il est évident que ces ordres ont été donnés en pleine connaissance par les plus hautes autorités des États-Unis. »
Il existe de nombreux aspects canadiens à la prolifération mondiale de la torture, aux restitutions extraordinaires, aux incarcérations injustifiées, aux refus d’une procédure régulière et à d’autres violations flagrantes des droits humains qui dans la plupart des cas impliquent, d’une manière ou d’une autre, la Maison-Blanche de George Bush. La gendarmerie royale du Canada, le ministère canadien des Affaires étrangères et le Service canadien du renseignement de sécurité sont impliqués avec l’ensemble des branches du gouvernement états-unien dans les événements qui ont conduit à l’emprisonnement et à la torture en Syrie des citoyens canadiens Maher Arar, Abdullah Almalki, Ahmed El-Maati et Muayyed Nureddin. La terreur d’État qui s’abattit sur ces personnes constitue une petite partie du régime de non droit transnational résultant de l’affirmation illégale du président des États-Unis de sa compétence juridictionnelle sur toute personne, partout dans le monde, qui serait désignée par le pouvoir exécutif des États-Unis comme combattant ennemi illégal. Ce terme de « combattant ennemi illégal » est une expression inventée par les conseillers de George Bush comme un dispositif linguistique permettant au gouvernement voyou des États-Unis de se soustraire à la juridiction de droit international ou même à sa propre législation.
Michael Keefer, de l’université de Guelph, a soigneusement étudié le zèle du gouvernement de Stephen Harper à reproduire la stratégie de George W. Bush pour amplifier le rôle de la sécurité nationale étatique en jouant jusqu’à l’hystérie la carte de la menace de l’existence supposée d’une cellule terroriste islamiste locale dans la région du Grand Toronto. Keefer a montré la façon dont la GRC a utilisé des « taupes » rétribuées qui reçurent plusieurs millions de dollars pour la fabrication d’un fiasco lorsque les « accusations se sont évaporées ». L’affaire a littéralement « implosé » après que la GRC eût créé les conditions politiques pour que le Premier ministre Harper puisse diffuser en 2006 la version canadienne des théories hallucinatoires de George Bush au sujet de la « haine » imaginaire que l’islam vouerait aux libertés occidentales. La débâcle fut sévère, mais probablement pas assez pour ne pas détruire les vies de jeunes gens traumatisés et ce bien qu’ils soient sortis libres du tribunal. Selon Keefer, cet épisode consistait essentiellement dans son ensemble en « une opération de propagande concoctée pour renforcer la frauduleuse opération de manipulation psychologique que constitue la guerre contre le terrorisme ayant suivi le 11-Septembre ».
Le rôle des gouvernements canadien et états-unien en tant que partenaires dans des violations flagrantes des droits de l’homme et du droit international est illustré de façon transparente dans le cas du citoyen canadien Omar Khadr [7]. Khadr était un enfant soldat de quinze ans en Afghanistan lorsque les forces américaines l’arrêtèrent après un incident violent au cours duquel le jeune garçon fut blessé deux fois. Peu de temps après cet épisode litigieux, Khadr fut transféré dans le tristement célèbre camp X-Ray de Guantanamo à Cuba. Le Premier ministre Stephen Harper a utilisé l’affaire pour affirmer publiquement sa volonté de subordonner la souveraineté du Canada à la culture de domination militaire de l’Amérique de George Bush. À la différence des dirigeants des autres pays occidentaux qui sont intervenus avec succès pour faire libérer leurs citoyens de Guantanamo, Harper s’est fait un point d’honneur de ne pas demander aux autorités américaines, le retour d’Omar Khadr dans son pays de naissance.
Le général canadien Roméo Dallaire, qui prit part à des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, a fait des observations sur l’importance de l’affaire Omar Khadr comme une expérimentation par les gouvernements canadien et états-unien de décisions de ne pas respecter les lois internationales interdisant la poursuite des enfants soldats. Dallaire a écrit : « Nous permettons aux États-Unis de juger un enfant soldat canadien devant un tribunal militaire dont les procédures violent les principes fondamentaux de la justice. » Le général a fait état de « preuves irréfutables de malfaisances des États-Unis », d’« altérations » de preuves par des fonctionnaires, et de diverses formes d’abus à l’encontre d’Omar Khadr, y compris des menaces de « viol et de mort ». Dans l’affaire Omar Khadr, Dallaire accuse le gouvernement du Canada de se rendre complice d’« un affront aux droits de l’homme et au droit international. »
Le mépris de tous les principes reconnus du droit états-unien et international à Guantanamo Bay et à Abou Ghraïb seront presque certainement vus par les générations futures comme définissant des marqueurs de l’infamie des deux mandats de la présidence de George W. Bush. Un certain nombre de juristes militaires ont démissionné de leur poste à Guantanamo, dégoûtés, y compris le colonel Morris Davis, le procureur en chef. Un whistler blower (dénonciateur, NdT) plus récent est le lieutenant-colonel Darrel Vandeveld, ex-procureur. Comme rapporté dans le Globe and Mail, le 2 mars 2009, Vandeveld a condamné les « traitements sadiques », les « abus » et le « simulacre » de justice appliqué à Khadr et aux autres détenus dans le « désordre sans nom » de Guantanamo. C’est le « goulag de notre époque », a déclaré Amnesty International. « Je ne pouvais pas croire que les Américains pouvaient faire cela » a déclaré Vandeveld, en prévision de témoignage, qu’il pourrait très bien être appelé à donner devant un tribunal de droit national ou international.
La poursuite de la persécution dans un goulag états-unien d’un jeune homme appréhendé alors qu’il était un enfant soldat jette une ombre étrange et révélatrice sur la poursuite concomitante de l’inculpation de Thomas Lubanga Dyilo par la CPI à La Haye. Lubanga a été accusé de recruter et de déployer des enfants soldats dans l’Est du Congo. De nombreuses sociétés minières canadiennes et états-uniennes font parties, en bonne place, des sociétés occidentales (Amérique du Nord, Europe et Afrique du Sud) qui contribuent à alimenter les conflits où des enfants soldats sont régulièrement déployés. Les enfants soldats continuent d’être incorporés par ceux qui aux deux bouts de la chaine profitent des meurtres de masse et du chaos dans une zone qui a connu, de loin, le plus grand génocide depuis la Seconde Guerre mondiale.
Grâce à leur position commune sur l’affaire Omar Khadr, George Bush et Stephen Harper n’ont-ils pas transgressé le même droit international que Lubanga est maintenant accusé d’avoir violé ? Alors que nous approchons de la fin de la première décennie du XXIe siècle, pourrait-il y avoir une preuve plus flagrante de l’anarchie cultivée au plus haut niveau de nos gouvernements ? Que reste-t-il à dire quand un ex-président états-unien, l’actuel Premier ministre canadien et un chef de guerre congolais peuvent tous les trois être accusés du même mépris pour les lois internationales interdisant le recrutement et la poursuite pénale des enfants soldats ?
Confronter les mensonges du 11 Septembre
Il n’est pas difficile d’imaginer les principaux arguments de la défense, si George W. Bush, Richard Cheney, Donald Rumsfeld et d’autres de leur sorte faisaient face à leurs accusateurs dans une cour de justice. La base de leur défense serait presque certainement à trouver dans leur affirmation que leur pays avait été attaqué en 2001 par un ennemi extérieur utilisant des tactiques tellement audacieuse et inattendue que les terroristes islamiques ont réussi à prendre par surprise l’ensemble du complexe militaro-industriel, ainsi que l’énorme machinerie de la sécurité nationale. A partir de là, les avocats de la défense soutiendraient que les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak, ainsi que toutes les autres actions, y compris celles qui ont eu lieu dans la baie de Guantanamo et à Abou Ghraïb, ne peuvent être interprétées comme les éléments d’une guerre d’agression. Elles ne devraient pas être considérées comme faisant partie d’un plan coordonné d’agression militaire dont les juges de Nuremberg ont statué il y a longtemps qu’il constitue « le crime international suprême qui se distingue des autres crimes de guerre seulement en ce sens qu’il renferme tout le mal accumulé de l’ensemble. »
Suite à cette argumentation, les avocats de la défense affirmeraient que tout ce qui s’est produit lors de la guerre (juste et civilisée) contre le terrorisme ne doit pas être interprété comme une guerre d’agression. Au contraire, ces actions devraient être considérées comme une forme d’auto-défense nécessaire, ou, peut-être comme des actions préventives entreprises par précaution avec l’espoir de sauver les civils innocents de la menace violente des extrémistes islamistes. Que nous en soyons conscients ou pas, nous sommes tous continuellement bombardés du message que nous avons de bonnes raisons de craindre la sauvagerie des terroristes, un message soigneusement élaboré par les praticiens de ce qu’on appelle « la gestion des perceptions » pour jeter une suspicion constante sur l’ensemble du monde arabe et musulman. En effet, la mythologie populaire de la guerre contre le terrorisme forme l’élément essentiel sur lequel se fonde l’économie de la terreur qui a alimenté la croissance de l’énorme complexe militaro-industriel tout au long de la présidence des Etats-Unis de George W. Bush. Le vieil ennemi du temps de la Guerre froide n’existant plus, un nouvel ennemi était nécessaire. Des entreprises telles que Blackwater, la société de mercenaires d’Eric Prince, ont été en mesure de prospérer dans le même moule privatisé comme ce fut le cas pendant la guerre sainte (ou djihad) capitaliste contre « l’Empire du Mal » soviétique.
En contre-interrogatoire des témoignages citant le 11-Septembre comme la principale justification des mesures qui ont été prises au nom de la guerre contre la terreur, un procureur pourrait affronter Bush et les autres de la manière suivante. Il ou elle pourrait citer à comparaître certains responsables US, dont la négligence et/ou l’incompétence supposées ont conduit à l’échec qui a permis aux terroristes d’atteindre leurs objectifs pourtant bien protégés. Le procureur pourrait demander des éclaircissements sur ce qui s’est passé à ces fonctionnaires dont les malversations et les erreurs ont causé des défaillances sans précédent, par exemple, ceux en charge du renseignement, du contre-espionnage, de la sécurité dans les aéroports, de la défense aérienne et de l’application des lois sur l’immigration. Savoir si tous les fonctionnaires incompétents furent virés ? Si certains ont été réprimandés ? Si quelqu’un avait démissionné ? L’accusé répondrait « Non ». Le procureur demanderait alors : « Pourquoi donc ? »
Si les meurtres de masse et la destruction occasionnés le 11/9 sont imputables à un échec massif de la sécurité nationale, pourquoi personne n’a-t-il assumé la responsabilité ou été tenu pour responsable d’éléments précis de ce prétendu échec ? Et quid de la propre responsabilité de George W. Bush dans la débâcle ? Pourquoi le Président lui-même n’a-t-il pas immédiatement pris en charge la crise en allant à Washington au lieu de fuir au fin fond de l’Amérique dans son avion Air Force One, laissant Richard Cheney, l’ancien PDG de Halliburton, en charge des opérations dans le bunker sous la Maison-Blanche au cours de la fatidique journée du 11 septembre 2001 ?
Les manquements les plus graves concernant les événements du 11/9 ne sont pas le fait des agences de renseignement des États-Unis, des services de sécurité des aéroports, du NORAD, etc. Au contraire, l’incapacité la plus profonde et la plus sombre à nous protéger de ces ennemis qui nous menace le plus est à chercher du côté des journalistes, des grands médias, des professeurs et des universités qui les (nous) emploient. C’est nous qui avons, dans la très grande majorité des cas, choisi de renoncer à notre scepticisme et, avec lui, à notre éthique professionnelle ainsi qu’à nos responsabilités. Dans l’ensemble, notre classe et notre caste continuent à répondre aux événements du 11-Septembre d’une manière expéditive plutôt que rationnelle. Comme je le vois, par conséquent, il s’agit d’une trahison en masse des intellectuels, qui constitue le plus important résultat sous-jacent de la poursuite de la fraude connue sous le nom de « guerre contre le terrorisme ». La guerre contre la terreur continue à être produite, promue et vendue au public dans la plus agressive campagne de guerre psychologique jamais entreprise. Combien d’entre nous se font complices de cette noire machination par leur silence, le facteur principal qui permet la continuation de guerres d’agression justifiées au nom de la théorie officielle du complot du 11-Septembre, aussi infondée que dépourvue de preuves ?
Ce n’est pas mon intention, ici et maintenant, de déconstruire les mensonges et les crimes de la Maison Blanche de Bush ou, plus récemment, de la dissimulation par le Président Obama des éléments clés sur la vérité de ce qui s’est passé le matin du 11 septembre 2001. Je me suis d’ailleurs essayé à une telle déconstruction, mais pas de manière aussi exhaustive, experte et professionnelle que d’autres ont pu le faire. Je pourrais citer des dizaines, voire des centaines, de solides contributions scientifiques visant à rassembler des preuves spécifiques examinant par le menu et en grand détail ce qui s’est probablement et certainement passé, ainsi que ce qui n’a absolument pas eu lieu, ce matin lumineux de la fin de l’été 2001. Ces nombreuses contributions sont en grande partie dans le domaine public et sont facilement accessibles à l’ère de Google et de You Tube.
Alors que nombreux sont ceux qui ont déplacé les repères dans la compréhension de ceux qui sont engagés dans la quête de vérité, la contribution d’un universitaire en particulier, se distingue par la remarquable combinaison de sa portée, de sa précision et de son attention aux détails. Je crois que je parle pour beaucoup de collègues qui dans un large consensus s’accordent sur le fait que le professeur de théologie David Ray Griffin a plus que gagné le titre de doyen de ce que l’on appelle le « 9/11 Truth mouvement » [8]. Je mets au défi quiconque de lire une partie de la petite bibliothèque de livres et d’articles qu’il a écrits sur les divers aspects du 11 Septembre et de ne pas développer un mépris total pour la version officielle du complot. Compte tenu de ce que Griffin et d’autres ont déjà publié, il ne subsiste pas la moindre crédibilité à l’idée que la frappe sur le Pentagone et la pulvérisation des trois tours à structure d’acier du World Trade Center ont été causés par une poignée de Saoudiens seulement armés de cutters, disposant d’une formation sommaire au pilotage et d’un intense zèle djihadiste.
Récemment, est née la branche la plus professionnelle des sceptiques du 11-Septembre qui est le fait de l’infatigable Richard Gage, fondateur de l’association « Architects and Engineers for 9/11 Truth » forte de 600 membres (architectes et ingénieurs). Gage en réunissant une grande masse d’études techniques et en la vulgarisant, a établi au-delà du doute raisonnable que les tours aux puissantes structures en acier ne se sont pas écroulées du fait des crashes des avions de ligne, des incendies de kérosène et de la gravité, mais à cause de démolitions contrôlées. Toutes les trois se sont effondrées sur leur empreinte, peu ou prou à la vitesse de la chute libre.
Tout aussi récemment, j’ai étudié attentivement la profonde et abondante érudition affichée dans le livre du Canadien Peter Dale Scott, The Road to 9/11 : Wealth Empire and the Future of America [9]. Cet ouvrage, évalué par ses pairs, est publié par University of California Press située à Berkeley. Scott s’appuie sur des décennies d’enquête sur le fonctionnement interconnecté des compagnies pétrolières, des cartels de la drogue, des opérations de contre-espionnage, des banques et de la politique, et son volume met en évidence une collaboration aussi étroite que longue entre Dick Cheney et Donald Rumsfeld, laquelle culmine avec leurs apparitions et disparitions étranges dans les jours qui ont précédé et suivi le 11/9. Comme les travaux de Nafeez Mosaddeq Ahmed [10], le livre de Scott présente beaucoup d’éléments de preuve qui démontrent que le croquemitaine d’al-Qaïda a été impliqué de l’intérieur dans le fonctionnement de la sécurité nationale US, et ce dès son incorporation dans les moudjahidine parrainés par le duo CIA-ISI. Commençant comme des acteurs clés dans les opérations financières de la défunte Banque de crédit et de commerce international (BCCI) fondée à Lahore, les personnages destinés à assumer leurs rôles au sein d’al-Qaïda ont contribué à faire avancer le processus de transformation du terrorisme en une entreprise et en une opportunité politique pour les nombreux marchands de peur. Je recommande en particulier le chapitre 10 du livre de Scott, intitulé « Al-Qaïda et les élites états-uniennes ». Les sous-parties de ce chapitre comprennent des expressions comme « Les agents des États-Unis, les compagnies pétrolières et al-Qaïda », « Les États-Unis et al-Qaïda en Azerbaïdjan », « Unocal, les Taliban et ben Laden en Afghanistan », « Al-Qaïda, l’Armée de libération du Kosovo et le pipeline transbalkanique »,« Al-Qaïda et le complexe pétrolier, militaire et financier ».
Je pourrais terminer par un plaidoyer en faveur d’une enquête parlementaire au Canada sur la véracité de l’interprétation du 11-Septembre, qui continue de mettre en danger la vie de nos soldats en Afghanistan. Je pourrais terminer en soulignant l’échec journalistique de la CBC (Canadian Broadcasting Corporation, la radio nationale, NdT) ou la propagande pour les guerres d’agression qui a proliféré en particulier dans les médias commerciaux. Comme l’a révélé l’enquête sur la CIA de l’après-Watergate, des « agents » recrutés dans les grands médias ont longtemps été utilisés par des organismes de la sécurité nationale (de l’État) afin de propager des campagnes de désinformation dont le but véritable est de booster les affaires de gens comme la famille Bush, une dynastie de profiteurs de guerre. Je pourrais illustrer certains de mes arguments en pointant vers les sites ridicules de Can West Global, et surtout celui du Nation Post. Je citerai seulement le titre d’un article où des bloggeurs anonymes se voient attribué beaucoup d’espace dans ce journal pour attaquer mon travail. Que font les rédacteurs de ce journal quand ils titrent « S’attaquer aux théoriciens du complot du 11-Septembre » sinon défendre le mythe de la guerre contre le terrorisme en occultant tout débat ?
Nombreuses sont les façons dont je pourrais conclure, mais je choisis en fait de terminer ce texte avec quelques réflexions sur George Bush, le droit international et le livre remarquablement bien accueilli de Naomi Klein intitulé La Stratégie du choc : la montée du capitalisme du désastre [11]. À travers le prisme de son interprétation keynésienne, Klein observe de nombreux pays au cours des dernières décennies. Pour ce faire, elle présente par exemple l’argument très convaincant que les modestes programmes de redistribution qui avaient été incorporées aux économies nationales et à l’économie mondiale en général n’ont pas survécu aux incursions du « capitalisme du désastre ». Nos relations matérielles ont été soumises aux chocs répétés de l’hyper privatisation pendant les périodes où nous avons été les plus vulnérables aux effets désorientant de traumatismes manufacturés ou induits naturellement.
Comme l’auteur le reconnaît dans son livre, les événements du 11 Septembre constituent l’exemple type de sa thèse centrale. Le choc des images de l’effondrement des tours a créé le prétexte pour l’invasion de l’Irak et la hâte du régime de Bush pour exploiter ce que Klein appelle le « marché du terrorisme ». L’Irak devait être un prototype pour démontrer que « le boulot de l’État n’est pas de fournir la sécurité, mais de l’acheter au prix du marché ». En outre, la violence en Irak a aidé à stimuler la culture de la peur et de la haine en Amérique du Nord qui renforce la montée de ce que Klein nomme « l’industrie de la sécurité de la patrie ».
Comme la plupart des auteurs qui écrivent sur la guerre contre le terrorisme, Klein aborde les attentats du 11 Septembre du bout de l’orteil pour arriver indemnes sur un terrain professionnel plus sûr. Pour elle, cette zone plus sûre consiste à documenter la façon dont Bush, Cheney, Rumsfeld, Paul Bremer, et les autres architectes et ingénieurs de la privatisation de l’économie de la terreur ont exploité le 11 Septembre pour faire progresser leur ordre du jour politique. Mais éludant quasiment le sujet de ce qui s’est réellement passé le jour du Grand Choc, Klein s’incline devant le mantra « des échecs de la sécurité le 11-Septembre ». Klein emmène alors ses lecteurs dans sa très originale et importante analyse économique de l’Irak, le « Ground Zero » de la guerre contre le terrorisme.
Je crois comprendre la décision journalistique de Naomi. Je considère cela comme un compromis nécessaire, si elle voulait conserver un espoir de faire connaître son très utile travail sur les médias au Canada et aux États-Unis ainsi qu’auprès de jeunes militants dans le monde entier. Mais je pense que Klein est trop bien informée pour ne pas être méfiante de l’alibi de « l’échec de la sécurité » avancé par le régime Bush. Si mon intuition est vraie, que faut-il dire au sujet de la gravité du climat de paranoïa si même Naomi Klein s’autocensure, plutôt que de prendre le risque de rejoindre les groupes marginalisés « des théoriciens du complot » ? L’adhésion de Klein à des tabous sur le 11 Septembre est-elle similaire à celle de Noam Chomsky et des producteurs de médias sinon progressistes, comme par exemple, ZMag, The Nation, et Democracy Now ? Ou Barrie Zwicker a-t-il raison quand il affirme que des forces malveillantes sont à l’œuvre pour répéter dans le contexte de la soi-disant guerre contre le terrorisme, les techniques de désinformation et de guerre psychologique qui avaient cours pendant la Guerre froide ?
La rhétorique du discours d’espoir et de changement du Président Obama ne transcendera pas les discours de haine et les crimes de haine qui continueront à se multiplier aussi longtemps que le public détournera son regard de la vérité sur l’événement dont le contenu a été déformé pour justifier les crimes internationaux qui continuent à être perpétrées au nom de la guerre contre le terrorisme. Tant que cette fraude n’est pas exposée (reconnue), l’obscénité continuera probablement et George Bush franchira les frontières internationales pour donner des discours grassement rémunérés. Néanmoins, nous nous efforcerons de faire ce que nous pouvons le 17 mars en faisant de la visite de l’ancien président américain à Calgary un test pour savoir si nous sommes gouvernés par la règle du droit ou par la règle de la désinformation, du copinage et de la puissance militaire.
[1] « Les USA d’Obama : actuellement 1 noir sur 11, incarcéré ou en probation », Réseau Voltaire, 7 mars 2009.
[2] « Les 52 plus dangereux dignitaires américains. Le jeu de cartes du régime Bush », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 1er mai 2003.
[3] Lire Guerre biologique et terrorisme, par Francis A. Boyle, éditions Demi-lune, disponible sur la librairie du Réseau Voltaire.
[4] The Prosecution of George W. Bush for Murder, par Vincent Bugliosi, Vanguard Press, 2008, 352 pp.
[5] Les jugements des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo exclurent eux aussi l’impunité des dirigeants : dans son arrêt du 1er octobre 1946, le tribunal de Nuremberg, a souligné que "la protection que le droit international assure aux représentants de l’État ne saurait s’appliquer à des actes criminels. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualité officielle pour se soustraire à la procédure normale et se mettre à l’abri du châtiment".
[6] « Le programme des faucons pour 2004 », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire.
[7] « Omar Khadr sera jugé, mais pas libéré », Réseau Voltaire, 27 septembre 2007.
[8] Voir les articles et les livres de David Ray Griffin sur Réseau Voltaire.
[9] The Road to 9/11 : Wealth, Empire, and the Future of America, par Peter Dale Scott, University of California Press, 2007, 432 pp.
[10] La Guerre contre la vérité, par Nafeez Mosaddeq Ahmed, éditions Demi-lune, 512 pp. Disponible sur la librairie du Réseau Voltaire.
[11] La stratégie du choc : La montée d’un capitalisme du désastre, par Naomi Klein, version française Actes Sud, 2008, 669 pp.

Anthony J. Hall professeur d’études sur la mondialisation à l’université de Lethbridge (Canada
Article original publié sous le titre « Should George W. Bush Be Arrested in Calgary, Alberta, To Be Tried For International Crimes ? », par Mondialisation.Ca, le 7 mars 2009. Version française : Arno Mansouri pour Réseau Voltaire.
11.3.09 16:51
http://basta.20six.fr/basta/art/164644875/
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lundi, mars 09, 2009

Lancement du Tribunal Russell pour la Palestine - Communiqué de presse

Voici le communiqué de presse publié à la suite de la conférence de presse pour le lancement du Tribunal Russell pour la Palestine qui a eu lieu mercredi 4 mars à Bruxelles.

Ce jour a été lancé le Tribunal Russell sur la Palestine, lors d’une conférence de presse présidée par l’Ambassadeur de France Stéphane Hessel.
En tant qu’initiateurs, Ken Coates, Président de la Fondation Bertrand Russell pour la Paix ; Leila Shahid, Déléguée Générale de la Palestine auprès de l’Union Européenne, de la Belgique et du Luxembourg ; et Nurit Peled, Prix Sakharov pour la Liberté de Pensée, ont présenté l’historique et les raisons qui les ont menés à demander la constitution de ce Tribunal. Au nom du Comité Organisateur, l’ancien sénateur Belge Pierre Galand en a expliqué le fonctionnement.
Parmi la centaine de personnalités internationales qui ont accepté de parrainer cette initiative, messieurs Ken Loach, Paul Laverty, Raji Surani, Jean Ziegler, François Rigaux, Jean Salmon et François Maspero ont tenu à être présents pour exprimer leur soutien.
Dans la lignée du Tribunal Russell sur les crimes de guerre au Vietnam, le Tribunal Russell sur la Palestine est un acte citoyen qui vise à réaffirmer la primauté du droit international comme base de règlement du conflit israélo-palestinien, et à éveiller les consciences sur la responsabilité de la communauté internationale dans la perpétuation du déni du droit du peuple palestinien.
Dans son fonctionnement, le Tribunal Russell sur la Palestine se basera sur des Comités d’Experts et de Témoins, chargés d’établir les faits et l’argumentaire juridique qui sera soumis au Tribunal. Des Comités Nationaux d’Appui prendront en charge la préparation de rapports d’expertise, assureront la mobilisation populaire et médiatique autour du projet et le développement des moyens et des ressources du Tribunal. On peut déjà tabler sur de forts appuis provenant de l’Angleterre, la France, la Belgique, l’Espagne, la Suisse, l’Autriche, les Pays-bas, le Portugal, l’Irlande, le Liban, l’Algérie, l’Australie, l’Italie, l’Afrique du Sud, l’Egypte et, bien sûr, de la Palestine et d’Israël. D’autres contacts sont en cours pour que la constitution de comités soit étendue à d’autres pays et continents.
Une fois les dossiers d’accusation constitués et les témoins auditionnés, les sessions du tribunal seront organisées début 2010 dans plusieurs grandes capitales. Un jury composé de personnes connues et reconnues pour leurs hautes qualités morales sera alors chargé de prendre connaissance de l’ensemble des rapports, d’entendre les témoins à charge et à décharge. Ce jury énoncera les conclusions qui, nous en sommes persuadés, entraîneront une large adhésion des opinions publiques internationales, et par delà, des décideurs politiques, en vue de contribuer à une paix juste et durable au Proche Orient.

Contact Tel / fax : 00 32 (0)2 2310174
Tel portable : 00 32 (0) 479 12 95 32
e-mail : trp_int@yahoo.com
web : www.russelltribunalonpalestine.com
9.3.09 18:50
Lire aussi
Le Tribunal Russell sur la Palestine vise à réaffirmer la primauté du droit international comme base du règlement du conflit israélo-palestinien. Il s’appuiera dans son travail sur l’énonciation du droit par des instances faisant autorité. La Cour Internationale de Justice, dans son avis sur les conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, a ainsi analysé les dispositions pertinentes du Droit International Humanitaire et du Droit International des Droits de l'Homme ainsi que les dizaines de résolutions internationales concernant la Palestine. Il s'agit pour ce tribunal de se pencher sur l'inapplication du droit alors même qu'il a été si clairement identifié. Notre entreprise commence là où l'avis de la CIJ s'est arrêté : souligner les responsabilités découlant de l'énonciation du droit, notamment les responsabilités de la communauté internationale. Cette dernière ne peut continuer à fuir ses obligations.
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