vendredi, février 12, 2010

Les leçons de l’Irak sont ignorées et la cible est maintenant l’Iran

Les troupes occidentales ont commis d’innombrables massacres en Irak. Ici une photo prise à Falloujah, ville irakienne bombardée avec des obus au phosphore par l’armée américaine en 2004.


Le réarmement militaire du Golfe par les Etats-Unis et la promotion par Blair d’une guerre contre Téhéran, sont de sérieux avertissements que nous sommes à la veille d’une nouvelle catastrophe, écrit Seumas Milne.
[Où l’on peut se demander si le battage fait en France sur le port du voile intégral ne fait pas partie d’une campagne psychologique de préparation à une confrontation armée avec l’Iran - N.d.T]

Nous étions supposés avoir compris les leçons de la guerre contre l’Irak. C’est ce à quoi l’enquête Chilcot en Grande-Bretagne est censée avant tout servir. Mais les signes venus du Moyen-Orient indiquent que cela pourrait se produire encore une fois. Les Etats-Unis pratiquent l’escalade militaire dans le Golfe, ont indiqué des officiels cette semaine, amplifiant sa présence navale et fournissant de nouveaux systèmes d’armes aux états arabes alliés, pour une valeur atteignant des dizaines de milliards de dollars.
La cible est tout naturellement l’Iran. Le Koweit, les Emirats Arabes Unis, le Qatar et le Bahrain sont tous en train de prendre livraison de batteries de missiles Patriot. En Arabie Saoudite, Washington commande directement une importante force de 30 000 hommes pour protéger les installations pétrolières et les ports. A eux seuls les Emirats Arabes Unis ont acheté 80 chasseurs F-16, et le Général Petraeus, commandant des forces armées des Etats-Unis, prétend maintenant être en mesure « d’abattre l’armée de l’air iranienne en entier ».
Les Etats-Unis prétendent que cette militarisation croissante est défensive, destinée à décourager l’Iran, à calmer Israël et à rassurer ses alliés. Mais l’évolution politique que cela représente est assez claire. La semaine dernière Barack Obama a averti que l’Iran ferait face « à des conséquences de plus en plus graves » pour ne pas avoir arrêté son programme nucléaire, tout en faisant le lien avec la Corée du Nord - comme George Bush l’avait fait dans à son discours sur « l’axe du mal » en 2002.
Lorsque le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a rappelé cette semaine son accord pour que l’Iran transfère la majeure partie de son uranium enrichi à l’étranger pour y être retraité, les Etats-Unis ont répondu par la négative. « La main tendue » d’Obama, jusqu’alors combinée avec la menace de sanctions, voir pire, semble avoir été presque retirée.
Le vice-président des Etats-Unis, Joe Biden, l’a souligné en déclarant que les dirigeants iraniens « semaient les graines de leur propre destruction ». Et en Israël - qui s’est juré d’utiliser tous les moyens possibles pour empêcher l’Iran d’être en mesure d’acquérir des armes nucléaires - se multiplient les menaces de guerre contre les alliés de l’Iran, le Hezbollah au Liban et le mouvement palestinien du Hamas. « Nous devons recruter le monde entier pour combattre Ahmadinejad, » a éructé le président israélien Shimon Peres ce mardi.
Les similitudes avec les préludes de l’invasion de l’Irak sont indubitables. Comme en 2002-2003, on nous dit qu’un état dictatorial du Moyen-Orient, développant secrètement des armes de destruction massive, défie les résolutions des Nations Unies, empêche des inspections, menace ses voisins et soutient le terrorisme.
Comme dans le cas de l’Irak, aucune preuve n’a été fournie pour étayer ces accusations, bien que de fausses fuites au sujet de programmes secrets soient régulièrement diffusées dans la presse dominante. Récemment, un ancien responsable de la CIA a rapporté que les services de renseignements américains avaient donné foi à des documents, forgés de toutes pièces et publiés dans le Times, prétendant démontrer que l’Iran prévoyait d’expérimenter un « déclencheur à neutrons » pour une arme atomique. Cela rappelle les soit-disant tentatives de l’Irak d’acheter de l’uranium au Niger.
Au cas où quelqu’un n’ait pas saisi le parallèle, Tony Blair a martelés [ces accusations] chez nous lors de l’enquête sur l’Irak vendredi dernier. Loin de montrer des remords quant au carnage qu’il a contribué à répandre sur le peuple irakien, l’ancien premier ministre a été autorisé à transformer ce qui était supposé être un gril pour lui, en une plate-forme pour faire la promotion d’une guerre contre l’Iran.
Démontrant que le néo-conservatisme est bien vivant et en parfaite santé à Londres, Blair a essayé de traiter le fait que l’Irak n’avait aucune arme de destruction massive comme un simple question juridique, tout en adoptant la même approche à l’égard de l’Iran. Les intentions supposées [de l’Iran] et ses capacités étaient suffisants pour justifier la guerre, a-t-il insisté. Mentionnant l’Iran 58 fois, il a expliqué que la nécessité « de s’occuper » de l’Iran faisait apparaître « des questions très similaires à celles que nous discutons ».
Vous pourriez penser que les opinions d’un homme qui selon l’avis de 37% de peuple britannique, devrait être poursuivi pour crimes de guerre seraient traitées avec mépris. Mais Blair reste délégué du Quartet [Etats-Unis, Russie, Union Européenne et Nations Unies] pour le Moyen-Orient - même si durant le même temps il empoche 1 million de livres sterling par an d’un fonds d’investissements des Emirats Arabes Unis qui négocient actuellement une participation aux bénéfices de l’exploitation des réserves de pétrole irakiennes.
Il n’est pas non plus le seul à faire pression en faveur de la guerre contre l’Iran. Un autre néo-conservateur de l’ère Bush, Daniel Pipes, a écrit cette semaine que la seule façon pour Obama de sauver sa présidence était « de bombarder l’Iran » et de détruire « la capacité en armes nucléaires » de ce pays, impliquant quelques éléments un peu gênants pour les Etats-Unis comme une occupation au sol ou des victimes.
La réalité est qu’une telle attaque serait potentiellement encore plus dévastatrice que l’agression contre l’Irak. L’Iran a la capacité d’appliquer des représailles armées, à la fois directement et indirectement par ses alliés, ce qui non seulement mettrait le feu à la région mais bloquerait aussi 20% des approvisionnements mondiaux en pétrole qui transitent par le détroit d’Ormuz. Cela ferait aussi certainement reculer la possibilité d’un changement [politique] graduel de l’Iran.
L’Iran est un État autoritaire mais divisé, maintenant durement fissuré par l’opposition. Mais ce n’est pas une dictature du type de celle de Saddam Hussein. Contrairement à l’Irak, Israël, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, l’Iran n’a envahi et occupé le territoire de personne, mais elle a à ses frontières les troupes de deux puissances hostiles et dotés d’armes nucléaires. Et malgré tous les discours incendiaires de M. Ahmadinejad, ce sont les États-Unis et Israël disposant d’armes nucléaires qui maintiennent l’option d’une attaque contre l’Iran, et non l’inverse.
L’agence nucléaire des Nations Unies, l’AIEA, n’a de son côté trouvé aucune preuve que l’Iran chercherait à fabriquer des armes nucléaires, tandis que les propres agences de renseignements des Etats-Unis ont estimé que le programme suspecté d’armements avait été arrêtée en 2003, bien que cela doive maintenant être révisé vu le nouveau climat. Les dirigeants iraniens ont longtemps insisté sur le fait qu’ils ne voulaient pas d’armes nucléaires, alors que beaucoup les soupçonnent de vouloir devenir une puissance nucléaire capable de produire des armes s’ils se sentent menacés. Etant donné l’histoire récente de la région, ce ne serait guère surprenant.
Pour le gouvernement américain, comme sous l’administration Bush, le vrai problème est le pouvoir indépendant que représente l’Iran dans la région la plus sensible dans le monde - dans une situation encore aggravée par la guerre en Irak. Les signaux émanant de Washington sont mélangés. Le responsable du renseignement au niveau national expliquait ce mardi que les États-Unis ne pouvaient rien faire pour empêcher l’Iran de développer des armes nucléaires s’il était décidé à le faire. Peut-être que le renforcement du dispositif militaire dans le Golfe n’est qu’un bruit de bottes... La préférence est clairement pour un changement de régime, plutôt que pour une guerre.
Mais Israël est très capable d’aller de l’avant si cette option échoue, et les risques seraient élevés pour les États-Unis et ses alliés, dont la Grande-Bretagne, d’être entraînés dans les retombées d’une éventuelle attaque.
Comme on l’a compris dans le cas de l’Irak, l’opinion des boute-feu comme Blair et Pipes peut rapidement se généraliser. Si nous voulons éviter une répétition de cette catastrophe, des pressions pour empêcher la guerre avec l’Iran devraient s’appliquer dès à présent.

Seumas Milne - The Guardian
12 février 2010 / Info-palestine
12.2.10 22:39
http://basta.20six.fr/basta/art/174716091

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mardi, février 09, 2010

Pourquoi les USA ferment-ils les yeux sur les bulldozers israéliens ?

Alors même que vous lisez ces mots, les bulldozers israéliens et les ordres de démolition sont en train de réduire à néant la dernière chance de paix .


La « Palestine » n’est plus. Appelons-la « processus de paix » ou « feuille de route » ; et reprochons-le à la faiblesse de Barack Obama, à son aveu pathétique, puéril - tel un médecin optimiste qui rend un enfant malade sans espoir de guérison à ses parents - qu’une paix au Moyen-Orient était « plus difficile » à réaliser qu’il ne l’avait imaginé.

Mais le rêve d’une solution à « deux Etats », israélien et palestinien, règlement sécuritaire inoculé mais noble à des décennies de guerre entre Israéliens et Palestiniens, ce rêve est pour ainsi dire mort.
Tant les Etats-Unis que l’Europe se tiennent maintenant les bras croisés pendant que le gouvernement israélien anéantit avec zèle tout espoir d’Etat palestinien ; alors même que vous lisez ces mots, les bulldozers israéliens et les ordres de démolition sont en train de réduire à néant la dernière chance de paix ; non seulement dans le centre symbolique qu’est Jérusalem elle-même mais - et stratégiquement c’est beaucoup plus important - dans 60% des vastes terres bibliques de la Cisjordanie occupée, dans cette plus grande zone où les juifs désormais sont deux fois plus nombreux que les musulmans.
Cette plus grande partie de la Cisjordanie - connue avec les défunts Accords d’Oslo sous le sobriquet sinistre de « zones C » - est déjà tombée sous une législation israélienne, véritable apartheid par décret : un ensemble de lois israéliennes qui interdisent pratiquement toute construction palestinienne ou aménagement de villages, qui enfoncent sans vergogne les maisons palestiniennes pour lesquelles les permis de construire ont été impossibles à obtenir, ordonnent la destruction même des réseaux d’assainissement que les Palestiniens ont restaurés. Les colons israéliens ne connaissent pas de tels problèmes : c’est pourquoi 300 000 Israéliens vivent maintenant - dans 220 colonies, toutes illégales selon le droit international - sur les terres palestiniennes occupées les plus riches et les plus fertiles.
Quand le vieil envoyé d’Obama, George Mitchell, a repris dans l’humiliation le chemin du retour, cette semaine, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fêté son départ en plantant des arbres dans deux des trois plus grandes colonies israéliennes autour de Jérusalem. Avec ces arbres, à Gush Etzion et à Ma’aleh Adumim, il a déclaré envoyer un « message clair : nous sommes ici, nous y faisons des projets et nous y construisons ». Ces deux énormes colonies, avec celle d’Ariel au nord de Jérusalem, sont « une part indiscutable d’Israël et pour toujours ».
C’était ainsi fêter la victoire de Netanyahu sur ce président américain arriviste qui avait osé défier la puissance d’Israël, non seulement au Moyen-Orient mais jusqu’en Amérique. Et pendant que le monde, cette semaine, écoutait Netanyahu commémorer la mémoire de l’Holocauste pour le génocide de six millions de juifs, injuriant l’Iran en le qualifiant de nouvelle Allemagne nazie - supposant le farfelu président d’Iran aussi maléfique qu’Hitler -, pendant que le monde l’écoutait, l’espoir d’un avenir pour la Palestine continuait de partir en miettes. Le président Ahmadinejad d’Iran n’est pas plus Adolf Hitler que les Israéliens sont des nazis. Mais la « menace » de l’Iran distrait le monde. Comme Tony Blair hier, qui essaie de se défiler devant sa responsabilité sanguinaire dans le désastre iraquien.
La véritable catastrophe, pourtant, se poursuit, aux abords de Jérusalem, au milieu des terres, des collines pierreuses et des grottes ancestrales, de la plus grande partie de la Cisjordanie.

Robert Fisk
8 janvier 2010 - The Palestine Telegraph - traduction : JPP
mardi 9 février 2010 / Info-palestine

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dimanche, février 07, 2010

Que font les pays arabes ?

Est-ce qu"Israël a définitivement gagné le combat et a soumis la force américaine à son profit de façon à pouvoir continuer son projet dans la région ?...Quel est le rôle des Arabes dans l’impasse dans laquelle se trouve Obama ?...Est-ce que les Arabes veulent vraiment soutenir la cause palestinienne ?"
Etait-il surprenant de savoir que l’enthousiasme d’Obama pour un règlement juste en Palestine n’était autre qu’une expression de bonnes intentions dans le meilleur des cas, ou bien encore un plus de tromperie envers les Arabes qui veulent être dupés ? Or, il semble que les Arabes ne ressentent pas qu’ils ont été trompés, bien au contraire. En effet, de jeunes responsables arabes ont fait des déclarations à travers lesquelles ils ont exprimé leur compassion envers Obama qui, selon eux, est victime d’un environnement compliqué. Or, chez ces jeunes responsables, l’aide qu’on peut attribuer à Obama signifie la reconnaissance par les Arabes d’Israël. C’est-à-dire tomber entre les mains de Netanyahu et donner plus de force à Obama dans sa position pro-israélienne. La position de ces jeunes responsables peut avoir une de deux significations : ou bien ils exagèrent dans leurs bonnes intentions loin de toutes considérations politiques, ou bien ils se trompent eux-mêmes et trompent les Arabes en négligeant la nature d’Israël et son projet dans la région.
De mon côté, j’ai toujours pensé qu’Obama, qui était loin des cercles politiques étrangers et qui a vécu dans un contexte de principes juridiques et de postes non-politiques au Congrès, voulait réaliser un miracle : la paix avec la Palestine sans fâcher Israël. Ce miracle est, en soi, absurde puisque c’est toujours Israël qui crée les chances lui permettant de pratiquer encore plus d’hégémonie sur la région et d’étendre son projet sioniste. Effectivement, chaque responsable sioniste qui détient le pouvoir se lance dans une course acharnée contre la montre pour inscrire son nom au tableau d’honneur sioniste. Plus il réussit à confisquer des territoires, à soumettre le monde arabe, à l’éloigner de ses revendications, c’est-à-dire réclamer des droits palestiniens, et plus il fait couler du sang arabe et musulman, plus son nom brille dans ce registre.
Obama a essayé l’affrontement avec Israël et a baissé les armes de façon humiliante dès le premier affrontement. Il est le premier président qui reconnaît avoir échoué à réaliser son rêve, ce qui constitue une excuse satisfaisante pour les Arabes et les musulmans, puisque les vagues ont été plus fortes que lui. Est-ce que ceci signifie qu’Israël a définitivement gagné le combat et a soumis la force américaine à son profit de façon à pouvoir continuer son projet dans la région ?
Et si Obama s’est trouvé incapable d’obliger Israël à accepter une paix qui convient à l’intérêt américain comme il le dit, pourquoi n’arrête-t-il pas de soutenir l’oppression israélienne contre les Arabes ? Pourquoi n’arrête-t-il pas les plans israéliens visant à enflammer la région ? Quel est le rôle des Arabes dans l’impasse dans laquelle se trouve Obama ? Est-ce qu’ils ont pensé qu’Obama allait faire la guerre par intérim sans qu’ils ne bougent de leur place ? Cependant, en quoi consistait l’aide que réclamait Obama ? Il réclamait encore plus de concessions : c’est-à-dire la reconnaissance d’Israël, sans que l’Etat hébreu n’exprime même une quelconque intention de réagir avec une paix réelle.
En réalité, le nœud du problème n’est ni Israël ni Washington. C’est plutôt les Arabes qui pensent qu’ils ont parfaitement accompli leur devoir en proposant une initiative et qu’ils sont victimes de circonstances plus fortes qu’eux. Avec cette façon de raisonner, que peuvent faire les Arabes ? Pour répondre à cette question, il faut avant tout remettre en cause certaines vérités premières. Avant tout, est-ce que les Arabes veulent vraiment soutenir la cause palestinienne ? Est-ce que les Arabes comprennent, de façon unie, les points pour lesquels il faut lutter dans cette cause qui est sur le point d’être liquidée totalement ? Et ce, en considérant que la liquidation signifie la transformation d’un conflit arabo-israélien en conflit amer entre des parties palestiniennes, nourri par une impuissance arabe et une insistance israélienne à effacer tout ce qui est palestinien, le dernier rempart qui persiste dans cette cause.
La vérité est que les Arabes ont laissé Israël faire ce qu’il veut sur le champ palestinien. C’est alors que les Palestiniens se sont divisés et leur sang a coulé alors que la puissance sioniste a protégé le sang israélien. Et pour diverses raisons, les Arabes n’ont pas insisté à réaliser une conciliation palestinienne sérieuse et à employer les cartes de force contre Israël et les Etats-Unis. Tel-Aviv et Washington ont détecté le manque de sérieux chez les Arabes. Les Arabes ne connaissent pas bien les cartes de jeu en leur possession et ne savent pas comment jouer avec ces cartes capables de changer l’équilibre des coalitions internationales. Bref, les Arabes souffrent d’un manque de volonté dans la prise de décisions. Cette volonté, les Arabes l’ont mise en gage chez leur ennemi en voulant avoir confiance en ses bonnes intentions. Et c’est ainsi qu’ils perdent leurs patries.

publié par al-Ahram hebdo en français / Abdallah Al-Achaal http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahra...
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