samedi, décembre 23, 2006

Joyeux Noël

Je voulais écrire un slam pour un noël d’espoir
Pour éclairer de ma flamme ceux qui sont dans le noir
J’aurais voulu leur dire que tout allait s’arranger
Que souvent dans le pire, faut pas se décourager
Fallait que je leur dise aussi qu’après un ciel d’orage
Y a toujours une brise pour chasser les nuages
Que le père noël existe, que ce n’est pas un bobard
Et qu’ils sont sur sa liste, qu’il faut encore y croire
Je voudrais dire à ces mères, que leurs enfants vivront
Que c’est la fin de la guerre, qu’on ouvre leurs prisons
Qu’elles arrêtent de pleurer et qu’elles s’arment de fleurs
Pour faire chanter la paix et faire taire la rancœur
Je ne veux pas d’un noël blanc que le sang fait rougir
Je le veux riche et vibrant d’amour et de plaisir
Je voudrais que dans une ronde, on se donne tous la main
Ça changerait le monde, je vous promets que ce serait bien
Je voudrais dire à tous ceux qui mangent à leur faim
Qu’il suffirait de si peu pour qu’il y en ait pour chacun
Qu’une dinde n’est pas raciste et vit sans religion
Et que si dieu existe, il devrait se faire marmiton
Si on était tous frères pas de sang mais d’amour
Je vous jure que notre terre, retrouverait ses beaux jours
Qu’est ce que la vie serait belle sans haine ni mépris
Je suis sure que ça vaut la peine qu’on y mette tous le prix

Mais je ne suis qu’une rêveuse dans un monde qui me blesse
Ma plume devient nerveuse quand le réel l’agresse
Je n’écrirai pas ce slam, je suis trop malhabile
Je vais entretenir ma flamme et tenter d’être utile

lacigale on 22.12.06 19:38
http://lacigale.20six.fr/

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jeudi, décembre 21, 2006

Action mondiale contre Guantánamo

16 December 2006 marks the start of a month of activism against Guantánamo 16 de Diciembre de 2006 marca el inicio de un mes de activismo contra GuantánamoLe 16 décembre marque le début du Mois d'Action Internationale contre Guantánamo
16كانون الأول 2006 يعين انطلاقة شهر من التحرك ضد جونتنامو حول العالم
Le 16 décembre 2006 marque le début d’une série de mouvements de protestation et d'appels mondiaux visant à obtenir la fermeture du centre de Guantánamo par les autorités américaines.En janvier 2002, les États-Unis transféraient les premiers prisonniers de la "guerre contre le terrorisme", cagoulés et enchaînés, vers leur base navale de Guantánamo Bay, à Cuba. Malgré des protestions internationales de grande ampleur et les condamnations des experts, des centaines de personnes représentant plus de trente nationalités sont toujours détenues à Guantánamo. Aucun chef d'accusation n'a été rendu public les concernant, et il est peu probable qu’elles bénéficient d’un procès équitable. Bien que les autorités américaines aient affirmé à de nombreuses reprises que ces détenus étaient "des terroristes" et "des tueurs", un grand nombre d’entre eux ont été remis en liberté sans inculpation.Des détenus et des enquêteurs du gouvernement des États-Unis ont signalé des actes de torture et des mauvais traitements. Par ailleurs, les conditions de détention restent inhumaines.Trop, c’est trop !Les personnes détenues à Guantánamo doivent être libérées immédiatement ou inculpées et jugées conformément aux normes internationales d’équité.Vous pouvez faire changer les choses. Organisez votre propre manifestation, ou soutenez d'autres militants du monde entier dans leur action, en vue du cinquième anniversaire du centre de Guantánamo. Rejoignez-nous pour ce mois de militantisme.
Trouvez une manifestation près de chez vous ou contactez l’antenne locale d’Amnesty International.

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mercredi, décembre 20, 2006

DE LA FOLIE

On serait bien en peine de donner une définition la plus exacte possible, la plus rigoureuse de ce qu’est la folie. On l’appréhende par ses manifestations, qui sont le plus souvent, brutales, violentes, dangereuses.
On peut, cependant, s’accorder sur le sens d’une normalité, c’est-à-dire, établir des critères dans les relations qui acheminent vers l’épanouissement des individus entres eux, dont "leur" société serait le reflet.
De ces présupposés, qui tiennent en partie de l’arbitraire, des règles de conduite sont établies, par lesquelles une apparente cohérence donne à voir un entendement rationnel.
Et c’est à partir de cette sphère, qu’émerge ce qu’un surprenant comportement fait identifier à la folie.
Surprenant par sa nature violente, brutale, d’apparence irrationnelle, mais d’une logique excessive. C’est justement cet excès qui peut alerter sur l’équilibre instable de l’esprit, qui peut éveiller la méfiance envers cet esprit pathologique.
Je tente une définition.
La folie c’est un excès de raison. C’est un rapport excessif à la raison. C’est un trop plein de normalité. C’est ce qui la rend invisible à l’oeil ordinaire, que l’absence de fréquentation de cet environnement ne permet pas de déceler.
C’est parce que tout de mon milieu familial a un rapport direct et brutal avec des comportements délirants, que je peux me permettre de tenter d’en définir quelques contours.
La folie, je suis né dedans, en quelque sorte.
Parce que les deux guerres mondiales ; parce que la misère ; parce que l’espoir toujours contrarié ; parce que l’enfer.
La folie, c’est quand l’Etat impose une politique de natalité, afin de repeupler un pays exsangue, vidé du sang de ses mâles, alors en pleine force de leur âge.
La folie, c’est le déplacement des populations, arrachées de leur terre natale, à cause de la famine. Eh oui, le vingtième siècle a débuté son sordide parcours avec la famine des campagnes.
Beaucoup de parisiens ont en partage un aïeul Breton ou Auvergnat. Ces gens déplacés ont conquis le sud de la capitale, autour des gares d’arrivée.
Montparnasse a vu la population expatriée de Bretagne, s’agglutiner dans les taudis et les baraquements qui bordaient la gare.
C’est ainsi que ma grand mère Bretonne a échoué derrière la gare Montparnasse, ce lieu de toutes les misères dont il ne reste rien aujourd’hui, que se partageaient tous les parias de la société, les immigrés d’Espagne et du nord de l’Afrique, les artistes sans le sou, les provinciaux paumés... Dans un tel conglomérat, les conflits apparaissaient aussi vite qu’ils laissaient place à une franche reconnaissance lorsque la police faisait son apparition.
J’ai bien connu cette loi non écrite de la solidarité entre prolos face à la force publique, que tous, d’un accord tacite, voyaient comme un corps étranger et dangereux.
La folie, c’est la vie ordinaire que l’on croit se donner, alors qu’elle n’est que le produit d’un organigramme établi par l’Etat.
Je suis le produit de cet organigramme, issu d’un père immigré que l’Etat a effacé de mon identité, et d’une mère ouvrière, que les industriels de ce temps n’avaient pas hésité à placer à l’usine dès l’âge de ses quatorze ans. Parce que la folie, c’est le repeuplement par l’exportation d’une main d’oeuvre immigrée vite rejetée comme on jette un mouchoir de papier usagé.
La folie, c’est le néant d’un père qu’une mère a aimé ; c’est la violence d’une grand mère trop vite enceinte de vie non désirée ; la folie, c’est quand, enfant, on entend que sa mère n’est qu’une pute et son père un sale bicot de la bouche d’une grand mère chérie jusqu’à l’adoration.
Vous qui lisez, essayez de comprendre ce que je dis. Et laissez tomber les jugements.
La folie, c’est mon oncle mort à Villejuif. Pour ceux qui connaissent, Villejuif, c’est l’antichambre de l’enfer, avec ses chirurgiens lobotomiseurs et ses électrochocs. Un hôpital dont il faut dénoncer les serviles petits Mengélé en herbe.
Je sais très bien de quoi je parle.
Mon oncle Roger, qui voulait faire des études aux Arts et métiers. Du jour au lendemain, pour lui, tout s’est arrêté. Les rêves furent réduits en cendres. Trois électrochocs ont fini de l’enfermer dans sa propre cervelle. Fini. Je ne l’ai connu qu’à travers un rideau de fumée de gauloise caporal, lors de mes visites dominicales. Il est bon de savoir que l’HP n’est pas un hôpital, tout juste un hospice, dans lequel se trouve enfermé n’importe qui, sur simple dénonciation, pour n’importe quoi.
L’esprit français est un esprit retors qui aime les systèmes d’enfermement.
La seule réponse à un problème est l’incarcération.
Là dedans, c’est la folie qui règne.
L’esprit français est un esprit malade de ses certitudes et de ses préjugés.
La folie, au coeur de la famille, cette gestion de la reproduction sociale, c’est la violence d’un beau-père, que son Italie natale a rejeté hors de ses frontières, comme ce fut le sort de beaucoup de « ritals ». Parcours habituel, entre l’Argentine et les mines de charbon Belge. Ceux des Italiens qui lisent savent de quoi je parle. Pas besoin de m’étendre. Poumons silicosés.
Brutalité d’une vie qui se retrouve cristallisée dans l’esprit d’un homme.
Vous, les féministes qui dénonçaient la brutalité des mâles, comprenez au mieux d’où cela vient.
Les Italiens, dénommés « sales ritals », furent les polonais de cette saleté d’Europe qui a commencé son expansion moderne par la guerre de 14. C’est là-dedans qu’il faut aller chercher la source du problème.
Etre né dans la brutalité n’invite pas à la douceur.
Toute une génération d’Italiens a été élevée à coups de fouet.
De vrais coups d’un vrai fouet, avec des lanières bien épaisses, pour meurtrir la chair et blesser l’âme. C’est de cette plaie ouverte comme père, dont j’ai élégamment bénéficié pour mon adolescence. Dois-je préciser que les deux enfants de cet homme - homme bien bâti, d’une puissante franchise, au regard d’acier- ont terminé leur course en HP...
Parce que, la misère qui ne provoque pas la révolte, rend fou.
N’est pas une marque de folie de voir tous ces prolétaires travailler, et finir heureux d’avoir été exploités ?
Ceux qui ne pigent pas ça, tant pis pour eux. Il leur reste des caramels à suçoter... Allez faire risette à la pouponnière, et laisser tomber cette lecture.
La folie, c’est quand mon propre petit frère se construit un film en plans séquences, fixant par son esprit malade le besoin d’exprimer la saleté comme condiment sexuel. Aujourd’hui, il se met à voir des pédophiles partout. Et cela a des conséquences dangereuses, parce que ça oblige la gendarmerie à intervenir, même en l’absence de preuves. Et cela m’oblige à intervenir, pour faire baisser la tension, et faire en sorte qu’il n’y ait pas trop de casse pour mon frère et celui que son délire martyrise de la sorte. Pour cela, je maudis les langues fourchues des journalistes, qui sont responsables du monstre qu’ils éveillent par leur stupidité.
Comment expliquer leur acharnement sadique sur cette pathologie qui concerne avant tout la psychiatrie, et non la justice ?
Je tiens le journaliste pour un être médiocre, qui fait des ravages sans même s’en rendre compte.
La folie, c’est quand plus rien n’est compris ; quand plus rien n’est discuté ; quand la peur domine ; quand l’obéissance est le seul mode reconnu des relations. En cela, je tiens l’esprit policier pour un esprit pathologique. Il est toujours possible de gouverner par les coups, mais il n’en résulte que de la misère, et de la peur, toujours. Certains de nos actuels ministres expriment sur leur visage les stigmates d’un esprit en dérangement.
On les sent satisfaits de semer la terreur.
La folie, c’est toute l’horreur habituelle de ce que nous vivons tous, une vie gangrenée de certitudes aux conséquences malsaines, égoïstes, veules, putrides.
Quelle place me reste-t-il alors, lorsque le choix s’impose entre la taule, l’HP et le RMI ?
Sachant approximativement écrire avec la langue de mes maîtres, on pourrait croire que je suis issu d’un milieu de l’entre-deux, le genre instit, par exemple.
Mais, c’est ne pas comprendre qu’aujourd’hui, l’administration française a besoin d’une main d’oeuvre un peu qualifiée pour l’exploiter à des usages adaptés aux temps modernes.
Le manoeuvre d’hier est devenu magasinier.
L’esclavage reste de même nature, avec un emballage amélioré qui en cache le contenu. Apprendre à lire, écrire et compter, ne permet plus l’assurance d’une réussite sociale, mais seulement l’adaptation aux besoins du monde mercantile qui étend partout ses ravages.
Combien d’ouvriers se font croire être l’égal des nantis, puisque habitant une région démocratique qui a fait du devoir scolaire, le bâti par lequel chacun apprend ce qui, plus tard, va le déterminer dans ce qu’il croit être ses choix, mais qui ne sont que sa condition : habitant une région -la France- qui interdit l’exposition froide de la misère, et laisse entendre que tout le monde bénéficie des mêmes droits.
Là déjà, dans ce grotesque mensonge que personne ne critique, s’installe la folie.
Lorsqu’un ouvrier me dit que les rmistes vivent confortablement au frais de l’Etat, ce n’est pas la colère qui s’empare de mon esprit, mais la tristesse.
Car, ne pas se comprendre fait que l’on se méprise.
Le mépris est le vrai malheur de l’esclave salarié d’aujourd’hui.
La folie, c’est déjà ne pas se reconnaître, alors que tout de la vie, par son âpreté, l’obéissance servile, l’angoisse médicalement assistée, souligne plus les lieux communs que ce qui distingue chacun d’une richesse dont on drape les mirages.
On peut toujours remarquer une singularité quelque part, mais elle n’est pas, dans cette distinction, agissante, sauf lorsque, à se distinguer ostensiblement de la sorte, cela n’engage l’orientation des relations vers une impasse insurmontable aux effets diaboliques. C’est ce qui est à l’oeuvre lorsque l’ambition sans profondeur des travailleurs de basse extraction conditionne le désir influencé par le discours dominant de ses maîtres.
Dans cette circularité, s’imaginer posséder une richesse dont serait dépourvue le voisin, n’est pas seulement ridicule mais tout autant redoutable.
Là dedans, bien vite les reproches faits à son entourage, à ses amis même, remplacent la réflexion, et l’insulte ordurière tient lieu de dialectique. Dans ce rapport conflictuel, l’insulte prend vite le pas à tout discours, jusqu’à recouvrir le coeur de haine.
De là, la collaboration avec les nervis de l’Etat, la police. Lorsque que tout de sa vie est misérable, et que la honte s’empare alors de son âme, la folie meurtrière s’éprend de sa raison, et répand sa malédiction.
La misère honteuse est essentiellement mortifère.
Je l’affirme parce que j’en ai souvent été le témoin.
Ceux qui cherchent dans la police la justification de leur conduite morale qu’ils espèrent exemplaire alors qu’elle n’est qu’une médiocrité de petites prouesses, sont bien souvent atteints d’une pathologie mentale.
Ce sont chez ces gens que se recrutent les troupes qui élèvent le nationalisme au rang de vertu.
Je ne parle pas des idéologues qui fréquentent le bureau politique de ces formations démocratiquement reconnues, mais de ceux que leur irresponsable conviction se structure par le racisme.. J’ai le redoutable privilège de fréquenter des pensionnaires de l’HP voisin, qui se nourrissent de ce bas instinct.
En disant cela, je ne dénonce personne.
Ils le revendiquent.
Je dénoncerais plutôt tous ceux que leur bonne morale met du côté du bien.
Je me méfie de ces gens que le coeur porte à se croire sympathiques, lesquel démontre à l’usage l’aversion pour des gens comme moi dont la liberté ne se manifeste pas dans des urnes, mais dans la vie.
Moi, j’ai juste le culot de détourner ce destin pour mon usage personnel.
Et ça ne se fait pas sans heurt.
C’est d’ailleurs la raison qui fait que je refuse d’être écrivain.
Je ne suis pas un écrivain ; je suis profondément révolté.
Révolté jusqu’au plus profond de mon âme.
Et si à vingt ans, on est révolté par sensibilité, à mon âge, on l’est par l’expérience de la vie.
On ne pourra me faire changer d’orientation avec des balivernes.
J’ai bien des raisons de maudire le monde.
Et, malheureusement, je ne vois pas, pour demain, le soleil s’élever sur l’horizon, et briller sur la conscience des hommes
Publié le 20 décembre 2006 par Gilles Delcuse
20.12.06 22:26

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Une guerre sans fin

L’instabilité règne en Afghanistan
L’Afghanistan, théâtre d’une guerre lancée en novembre 2001, est devenu un cas d’école, mais dans le plus mauvais sens. On disait d’elle qu’elle serait une guerre de courte durée, et la preuve en a été donnée par la chute rapide du régime des talibans, mais elle s’inscrit dans la durée, et personne ne peut dire avec plus ou moins de certitude quand elle prendra fin.
Mondialisation.ca, Le 18 decembre 2006 / El Watan

La guerre en Afghanistan est même considérée comme ce qu’il y a lieu de ne pas faire, c’est-à-dire envoyer chaque jour plus de troupes. Un million de soldats ne suffira pas, disait récemment un diplomate. Alors, l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN) croit avoir trouvé la parade. L’Alliance a tout simplement adressé un ultimatum à ceux qui la combattent avec de plus en plus de présence. L’Otan a averti samedi les talibans retranchés dans deux districts du sud de l’Afghanistan qu’ils seraient chassés « par la force » s’ils refusaient de partir, dans des tracts largués au-dessus de leurs positions. La force internationale d’assistance, à la sécurité (Isaf) a ordonné aux talibans, dans ces tracts de partir « immédiatement des districts de Zahre et Panjwayi (province de Kandahar) pour permettre le lancement de projets de développement, sinon ils seront chassés par la force », a déclaré un porte-parole de l’Isaf, Dominic Whyte. Le message paraît d’une incroyable candeur, car c’est une guerre sans merci qui se déroule dans ces zones. Des centaines de soldats de l’Isaf ont lancé vendredi l’opération « Faucon du sommet » pour chasser les talibans de ces deux districts et y permettre des projets de reconstruction, en collaboration avec les chefs tribaux locaux, selon l’Isaf. De plus en plus présents, les talibans ont, quant à eux, nié être soutenus par le Pakistan voisin, comme l’a affirmé le président afghan Hamid Karzaï, assurant qu’Islamabad était leur « ennemi » en raison de son amitié avec Washington.
Confronté à une recrudescence de l’insurrection des talibans, le président afghan Hamid Karzaï cherche à accentuer la pression sur le Pakistan, qu’il accuse d’alimenter les violences, et tente de gagner à sa cause des chefs tribaux des deux pays, estiment des analystes afghans. Alors que son pays fait face cette année aux attaques ou attentats suicide les plus meurtriers depuis cinq ans avec près de 4000 morts, M. Karzaï s’en est violemment pris ces derniers jours au Pakistan voisin. Il a accusé des « éléments au sein de l’Etat pakistanais » de soutenir comme par le passé les talibans pour « asservir » le peuple afghan. Les accusations de M. Karzaï contre un pays considéré par Washington comme un allié dans la lutte antiterroriste interviennent alors que le projet cher au président afghan de tenir une « jirga de paix » semble piétiner en raison de divergences avec Islamabad sur la façon d’organiser cette assemblée avec des chefs tribaux de chaque côté de la frontière. Cette idée avait été lancée fin septembre par M. Karzaï, quelques semaines après la signature d’un « accord de paix » controversé entre Islamabad et des militants pro-talibans du Nord Waziristan. Depuis, les infiltrations d’extrémistes en Afghanistan se sont multipliées, selon l’Otan.
M. Karzaï « essaie de mettre la pression sur Islamabad, avec les seuls moyens dont il dispose, soit des déclarations, et espère gagner à sa cause les chefs tribaux du Pakistan et de l’Afghanistan avec la tenue d’une jirga », à une date qui reste indéterminée, estime l’ancien ministre et analyste politique Haminullah Tarzi. « Mais cette jirga ne peut avoir qu’un impact limité sur l’insurrection des talibans qui ont leur propre agenda », relève-t-il. Il cite les « sérieux doutes » soulevés par l’accord de Musa Qala (province d’Helmand, sud) conclu en septembre dernier avec les chefs tribaux de ce district. Ces derniers avaient promis une « détalibanisation » de la zone en échange d’un retrait des troupes britanniques, mais les talibans y sont toujours comme l’ont montré de récents combats, estime M. Tarzi. Selon Abdoul Haq Waleh, rédacteur en chef du journal anglophone Kabul Times, « la jirga vise à intégrer les talibans dans le processus de paix et à neutraliser la propagande du Pakistan qui veut faire croire que les Pachtounes sont marginalisés au sein de l’administration afghane ». « D’où les récents appels à l’unité nationale de Karzaï. C’est une façon de tendre la main aux talibans, de leur dire de penser à leur pays, de renoncer à être l’instrument de la politique pakistanaise », dit-il. Mais ce projet de jirga est loin de faire l’unanimité au Parlement afghan. « Qui sont ces chefs tribaux ? Ce sont parfois eux-mêmes des talibans », estime Fawzia Koofi, vice-présidente adjointe du Parlement, refusant toute participation aux talibans à une telle assemblée. « Ce serait légitimer des terroristes qui ont régné par la terreur et veulent revenir au pouvoir par la terreur », dit-elle. « Le problème est entre les gouvernements des deux pays, pas entre les gens.
Ce que veut Islamabad, c’est forcer Kaboul à reconnaître la ligne Durand », affirme-t-elle à propos de la frontière afghano-pakistanaise qui coupe en deux les territoires pachtounes et qui n’est pas reconnue par Kaboul. C’est là un autre enjeu qui ne fait pas partie des éléments de cette guerre qui n’en finit pas. Mais elle rappelle par bien des aspects celle qui ravage l’Irak, et pour y mettre fin, il est fait appel aux ennemis d’hier, les Baâthistes et les anciens militaires. Mais pour ainsi dire, des guerres qui n’ont absolument rien réglé.

20.12.06 11:39

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lundi, décembre 18, 2006

La LIBERTÉ est-elle à sa place ?

Je me demande bien franchement si la France ferait encore de nos jours un don semblable aux États-Unis ? La Statue de la Liberté fut offerte par la France (et plus précisément par les Français grâce à une souscription privée) pour le centenaire de l’indépendance des États-Unis et inaugurée par le président Grover Cleveland le 28 octobre 1886. Ce fut Edouard de Laboulaye, l’auteur de "Paris en Amérique" et des "Contes Bleus", qui en eut l’idée. Son ami Bartholdi l’a conçue ensuite. Elle fut exécutée à Paris, dans les ateliers Gaget-Gauthier, en 1878, par le sculpteur Frédéric-Auguste Bartholdi et l’ingénieur Gustave Eiffel (qui succéda à Viollet-le Duc, décédé pour la charpente métallique. Offririons-nous autre symbole de nos jours en sachant ce qu’est devenu l’Amérique ?
samedi 16 décembre 2006, par Mehr LICHT / Revoltes

Si je propose cet article, c’est uniquement pour que certains puissent se faire une bonne idée des positions politiques et de la presse des États-Unis depuis la fin de la dernière guerre mondiale et de ses répercutions sur toute la planète. Le monde entier est aujourd’hui tributaire des attitudes de cette super puissance. Dire le contraire de cette affirmation me semblerait un tant soit peu aléatoire. Est-ce que le résumé que nous fait René Naba sur les aspirations américaines depuis plus de 60 ans est une exagération ou un portrait fidèle de la vérité ? Les lecteurs, à n’en pas douter sauront nous donner leurs avis. Nous laissons donc aux débatteurs le droit de s’exprimer.
Mehr Licht
La stratégie médiatique états-unienne 1945-2005
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont déployé un système sans précédent de propagande. À travers des structures comme le Congrès pour la liberté de la culture, ils ont corrompu les élites intellectuelles occidentales. Puis, instrumentalisant la liberté de l’information, ils ont noyé le monde sous leur point de vue unique, grâce à de puissantes agences de presse et à un gigantesque maillage de radios profanes et religieuses, ainsi que le révèle René Naba dans son dernier livre, Aux origines de la tragédie arabe, dont nous reproduisons un extrait.
Du bon usage des principes universels
Les grands principes universalistes découlent rarement de considérations altruistes. Ils répondent davantage à des impératifs matériels. Il a en a été ainsi du principe de la liberté de la navigation brandie par l’Angleterre au XVIIe et XVIIIe siècles pour assurer sa suprématie maritime et partant son hégémonie commerciale à l’ensemble de la planète. Il en a été de même du mot d’ordre de libre-échange décrété par les pays occidentaux au XIXe et XXe siècles pour contraindre la Chine à écouler les marchandises occidentales sur son marché intérieur au nom de la « politique de la porte ouverte ». Il en sera de même du « principe de la liberté d’information » fermement défendu par les États-Unis, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale pour asseoir leur suprématie idéologique dans les quatre domaines qui conditionnent la puissance : politique, militaire, économique et culturel.
Dans leur bataille idéologique pour la conquête de l’imaginaire des peuples, gage essentiel de la pérennité d’une nation, les États-Unis développent un argumentaire reposant sur une double articulation, un argument intellectuel, le principe de la liberté de la circulation de l’information et des ressources, un argument pratique, le fait que les États-Unis soient la seule grande démocratie au monde à ne disposer ni d’un ministère de la culture, ni d’un ministère de la communication, preuve irréfutable, selon eux, d’un régime de liberté.
Présenté comme l’antidote absolu au fascisme et au totalitarisme, le principe de la liberté de l’information, constitue un des grands dogmes de la politique états-unienne de l’après-guerre, son principal thème de propagande. C’est une formidable machine de guerre qui répond à un double objectif. Briser, d’une part, le cartel européen de l’information, principalement le monopole britannique des câbles transocéaniques qui assure —via Cable and Wireless— la cohésion de l’Empire et confère une position de prépondérance à l’agence britannique d’information Reuter’s, accessoirement la prééminence de l’Agence française Havas, la future Agence France Presse (AFP) en Amérique latine, zone d’intérêt prioritaire des États-Unis.
Neutraliser, d’autre part, toute critique par l’élimination de toute concurrence européenne qui pourrait présenter les États-Unis en termes peu flatteurs aux lecteurs, l’image dévalorisée de l’Américain cow-boy mâcheur de chewing gum, ou plus grave la ségrégation raciale et les lynchages du Klu Klux Klan ou encore le grand banditisme de l’époque de la prohibition. Sous une liberté apparente perçait déjà le contrôle. Toute une littérature va théoriser ce principe de liberté de l’information et donner un habillage moral à une politique d’expansion [1].
L’un des plus éloquents théoriciens en la matière sera William Benton, ancien sous-secrétaire d’État du président démocrate Franklin Roosevelt, promoteur du « New Deal ». Benton qui présidera la prestigieuse publication Encyclopaedia Britannica, dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, invitera les États-Unis à « faire tout ce qui est en leur pouvoir » pour briser les barrières artificielles qui s’opposent à l’expansion des agences américaines privées, des magazines, des films et autres moyens de communication.
La liberté de la presse et la liberté de l’échange de l’information font partie intégrante de la politique étrangère états-unienne, soutient-il estimant que le contrôle mondial des communications favorise les débouchés d’exportation [2]. Sous les grands principes percent déjà des objectifs matériels.
Quant à l’argument pratique, l’absence de structure ad hoc de propagande, le fait est fondé, mais doit être nuancé. Certes il n’y a ni ministère de la culture ni ministère de la communication dans le gouvernement des États-Unis, mais, dans cette bataille idéologique, les États-Unis pratiquent, non l’attaque frontale mais l’entrisme, une stratégie de contournement périphérique, une diplomatie multilatérale instrumentalisant les organisations internationales à vocation universelle ou spécifique, doublée d’une diplomatie parallèle de ses agences spécialisées : la CIA (agence centrale du renseignement) et les Fondations philanthropiques pour le blanchiment des fonds [3].
Que ce soit l’ONU, L’UNESCO, le Conseil économique et social de l’ONU ou l’Organisation interaméricaine, toutes auront inscrit dans leur charte « le principe de la liberté de l’information ». Toutes, peu où prou, auront fait office de tribune pour la propagation de la doctrine états-unienne de la libre circulation de l’information. Qu’on en juge. La chronologie suffit à fonder cette affirmation. En septembre 1944, le Congrès des États-Unis officialise cette politique par une motion proclamant « le droit mondial à l’information pour les agences qui recueillent et font circuler l’information, sans discrimination », un droit qui sera protégé par le Droit international public.
Cinq mois après la motion du Congrès, la Conférence interaméricaine de Mexico adopte à son tour une résolution sur le libre accès à l’information (février 1945), suivie quatre mois plus tard de la Conférence de San Francisco portant création de l’ONU (juin 1945), puis du Conseil économique et social de l’ONU qui inclue la résolution dans sa charte en février 1946. Puis, le principe de la liberté de l’information reçoit une consécration officielle lors de la première session de la conférence générale de l’UNESCO à Paris (novembre 1946), suivi un mois plus tard par l’Assemblée générale de l’ONU qui proclame « La liberté de l’information, droit humain fondamental, impliquant le droit de rassembler, de transmettre et de publier des nouvelles partout sans entraves » (14 décembre 1946). Le temps n’est pas encore au journalisme embedded, ombiliqué à l’armée, imbriqué aux sources de l’administration, pratiqué lors de l’invasion anglo-saxonne de l’Irak en 2003, pour des raisons de « sécurité nationale ».
En deux ans, la structure de la diplomatie multilatérale de l’après-guerre est verrouillée par ce principe. Les États-Unis réussissent à le faire figurer dans la charte des cinq grandes organisations internationales (ONU, UNESCO, ECOSOC (Conseil Economique et Social), Organisation interaméricaine et l’Assemblée générale de l’ONU). L’ONU compte à l’époque cinquante cinq membres, le quart du nombre actuel avec une majorité automatique pro-occidentale composée de pays européens et latino-américains sous la férule états-unienne. Tous les grands États du tiers-monde en sont absents. La Chine continentale est boycottée au profit de Taiwan, l’Inde et le Pakistan, les deux nouvelles puissance nucléaires d’Asie sont sous domination anglaise de même que le Nigeria et l’Afrique du Sud, les deux géants de l’Afrique, nouveaux candidats au titre de membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, tandis que le Maghreb et l’Afrique occidentale se trouvent, eux, sous contrôle français.
Les États-Unis, qui disposent pendant une quinzaine d’années d’une majorité automatique, ne la dénigrent que lorsqu’elle rejoint le camp adverse, le bloc neutraliste soutenu par le camp soviétique. Elle refuse en conséquence de verser sa cotisation pendant une dizaine d’années.
Le déploiement sur le théâtre euro méditerranéen
Ce corpus doctrinal est animé par le Congrès pour la liberté et la culture doublé sur le terrain d’une structure d’appoint de propagation thématique en application d’une stratégie de maillage planétaire dite de « global connexion » constitué d’un réseau enchevêtré de radios profanes, de radios religieuses et de publications périodiques animées par des prestigieuses personnalités sur les principaux théâtres de la confrontation Est-ouest, avec un ciblage particulier sur l’ensemble arabe.
Le Congrès pour la liberté et la culture (1950-1967)
Fer de lance de la guerre idéologique anti-soviétique, le Congrès est constitué d’un rassemblement hétéroclite de transfuges du bloc soviétique, d’intellectuels occidentaux, anciens compagnons de route du Parti communiste ou de simples intellectuels épris de reconnaissance sociale ou de bien être matériel [4]. Sa propagande vise tout autant à dénoncer le matérialisme marxiste qu’à sensibiliser les esprits, sur le plan du conflit du Proche-Orient, à un arrimage d’Israël au système d’alliance du monde occidental.
Ponctionnant 5 % du budget du Plan Marshall, soit près de 200 millions de dollars par an, le Congrès finance la publication de dizaines d’ouvrages au succès retentissant notamment New Class, une étude sur l’oligarchie yougoslave réalisée par le dissident anti-Tito et Docteur Jivaro de l’écrivain russe Boris Pasternak ou encore L’Art de la Conjecture du royaliste français Bertrand de Jouvenel.
Parmi les principaux animateurs du Congrès figuraient ainsi Sol Lovitas, ancien collaborateur de Léon Trotski, le fondateur de l’Armée Rouge, désormais recyclé à la tête de l’influente revue Partisan Review, Nicolas Nabokov, fils du musicien Vladimir Nabokov ainsi que de l’écrivain Arthur Koestler, dont la CIA assure la promotion de son livre culte Le Zéro et l’Infini achetant en sous main plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires pour en faire un succès de librairie avec les retombées éditoriales inhérentes. Ce qui fait la gloire de cet ancien communiste hongrois, ancien kibboutznik israélien qui se suicide à Londres, point ultime de son parcours cahoteux.
Le Congrès complète son travail de pénétration par un maillage éditorial sur tous les continents, finançant l’édition de quinze publications aux avants postes de la Guerre froide. En France, le Congrès bénéficie notamment du relais de deux institutions : Force ouvrière (FO), la formation syndicale dissidente de la CGT (Confédération générale du travail), la principale centrale ouvrière communiste française de l’époque, et l’équipe du journal conservateur Le Figaro autour de Pierre Brisson, ami du sociologue Raymond Aron [5] et de Nicolas Nabokov ainsi que du concours d’André Malraux, ancien ministre de la culture de Charles de Gaulle.
Annie Kriegel, éditorialiste du Figaro, passe ainsi de l’ultra stalinisme à l’ultra sionisme sans le moindre sas de décompression, trouvant dans ce quotidien une tribune appropriée à ses nouvelles diatribes anticommunistes, à la mesure des panégyriques passés en faveur de la « Patrie des travailleurs ». Épousant un cheminement intellectuel analogue, son neveu par alliance, Alexandre Adler, lui succède trente ans plus tard dans cette même fonction tribunicienne au sein de ce même journal, fustigeant à longueur de colonnes le nouvel ennemi public universel le « fascisme vert », que son collègue éditorialiste Yvan Rioufol désigne par le terme stigmatisant de « nazislamisme » [6]
Outre Annie Kriegel, deux autres personnalités se sont distinguées dans ce dispositif pendant un demi-siècle par leur rôle prescripteur de l’opinion occidentale particulièrement à l’égard du conflit israélo-arabe et de la question palestinienne : Walter Laqueur et Claire Sterling [7]. Natif de Pologne, en 1921 à Breslau (Wroclaw actuellement), naturalisé anglais, collaborateur de la revue Commentary et de The Public Interest fondé par son ami Irwing Kristoll, père de William Kristoll junior, un des théoriciens du néo-conservatisme de l’administration George Bush Jr. lors de la guerre d’Irak (2003) et de « la destinée manifeste des Etats-Unis », Walter Laqueur représente à Tel-Aviv pendant toute la durée des 17 ans de son fonctionnement le Congrès pour la liberté et la culture. Il contribue largement à cimenter un partenariat stratégique entre Israël et le « Monde libre », notamment les États-Unis et l’Europe occidentale à travers une série d’ouvrages répercutés par l’ensemble du réseau des quinze publications du Congrès sur tous les continents. En Europe, notamment à Berlin et Vienne, les deux lieux de transit privilégiés du monde interlope des transfuges, des exfiltrés et des agents double, à Rome, siège du parti communiste le plus important d’Europe occidentale, le Parti communiste italien animé par des dirigeants de légende tels Palmiro Togliatti et Enrico Berlinguer, ainsi qu’à Beyrouth, traditionnelle caisse de résonance des turbulences arabes, via une publication en langue arabe Al-Hiwar (Le Dialogue) qui assure la propagation des thèses du Congrès à destination de l’ensemble arabo-musulman.
Auteur de plusieurs ouvrages notamment La Génération Exodus , Mourir pour Jérusalem, « La Tentation neutraliste, Walter Laqueur co-préside, à 85 ans, le Conseil de la recherche internationale rattaché au CSIS de New York [8]. Ses plus récents écrits portent sur la nouvelle thématique idéologique de ses amis néo-conservateurs : Une Guerre sans fin, le terrorisme au 21ème siècle, ainsi qu’un ouvrage dont l’ambition cachée est de faire le tour de la question sur l’un de sujets d’actualité les plus violemment controversés de l’époque contemporaine : Les Voix de la terreur : manifestes, écrits, Al-Qaïda, Hamas et autres terroristes à travers le monde, à travers les âges.
Claire Sterling, (1918-1995), trône, elle, pendant un demi-siècle sur le Reader’s Digest, l’un des principaux vecteurs souterrains de la guerre culturelle menée par les services états-uniens. Grande théoricienne de la criminalité transnationale, elle assume une fonction de diversion, pratiquant avec un art consommé la « technique de l’enfumage », poussant des contre-feux médiatiques pour détourner l’attention sur les propres turpitudes de son camp.
Elle s’applique ainsi à dénoncer régulièrement la pieuvre mafieuse [9], pour mieux occulter l’une des plus grande entreprises criminelles du monde, le système Clearstream, système de compensation bancaire du Luxembourg chargé du blanchissement des opérations douteuses des grandes démocraties occidentales [10] ou encore pour occulter l’instrumentalisation de la commercialisation de la drogue pour le financement des opérations clandestines des services états-uniens en Amérique latine.
Diffusé en dix sept langues dans 160 pays, le Reader’s Digest popularise les analyses de Claire Sterling autoproclamée grande spécialiste du terrorisme moyen-oriental dans son ouvrage The terror network (Le Réseau terroriste) », exerçant de ce fait une sorte de monopole de l’intimidation par l’expertise [11]. Sous couvert de professionnalisme, Claire Sterling et Walter Laqueur auront alimenté régulièrement les revues spécialisées subventionnées par la CIA de chroniques dont le contenu est puisé directement auprès de leur bailleur de fonds.
Préfiguration de l’endogamie contemporaine entre pouvoir politique et pouvoir médiatique, le Congrès pour la Liberté et la Culture pratique à grande échelle l’autolégitimation d’une pensée homogénéisée où l’expert ne se reconnaît pas à la qualité de ses recherches mais à sa fréquentation assidue des forums médiatiques ; où l’intellectuel décrété comme tel mène une réflexion conforme à la politique éditoriale des médias dont il est l’invité précisément afin d’accréditer la pensée qu’ils propagent.
À coups de manipulation, de falsifications, de prévarications, une large fraction de l’élite intellectuelle occidentale aura ainsi sombré dans les travers qu’elle dénonce aujourd’hui comme étant l’une des plaies du tiers-monde. De l’autopromotion des experts à l’autosuggestion des thèmes, à l’intimidation par une prétendue expertise, « l’Amérique », héraut du « Monde libre », aura utilisé avec les complicités européennes et la vénalité de certains leaders d’opinion contre le totalitarisme, les méthodes mêmes du totalitarisme.
Les radios profanes : un tir de saturation
Le dispositif médiatique mis en place pour mener de pair le combat contre le communisme, sur le plan international, et le combat contre l’athéisme, sur le plan arabo-musulman, répond à un objectif qui relève dans la terminologie militaire du « tir de saturation tous azimuts ». Si sur le plan idéologique, Radio Free Europe est au premier rang des instruments de la guerre psychologique contre le bloc soviétique en sa qualité de principal retransmetteur de la production intellectuelle du Congrès pour la liberté et la culture », Voice of America est, quant à elle, le vecteur d’accompagnement de la diplomatie états-unienne, alors que les radios religieuses font office de levier de sensibilisation des groupes ethnico communautaires de confession chrétienne dans la zone euro méditerranéenne.
Par l’entremise de Radio Free Europe, les États-Unis assurent une pleine couverture de l’Europe orientale et des républiques musulmanes d’Asie centrale, servant d’amplificateur aux débats et grandes manifestations artistiques ou culturelles, les éditoriaux et analyses confectionnés dans les publications satellites. Soutenue intellectuellement et matériellement par la puissante Freedom House [12] , bras armé de la propagande gouvernementale et de la droite conservatrice internationale, Radio Free Europe Radio liberty Inc, basée à Prague (République tchèque), dipose pendant 40 ans de cinq sites d’émission en Europe, dont trois en Allemagne et de 54 fréquences. Radio Free Europe a un prolongement sur le continent latino-américain Radio TV Marty (anti-cubaine) et en Asie, Radio Free Asia.
Avec Voice of America (VOA), ces trois vecteurs relèvent au sein de l’administration américaine de l’International Broadcasting Bureau (IBB), disposant de vingt sites de retransmission dans le monde dont trois dans les pays arabes (Maroc, Koweït, Émirats Arabes Unis) ainsi qu’en Albanie, en Grèce, au Sri Lanka, en Allemagne, au Portugal et en Espagne.
Voice of America est le premier vecteur trans-régional en termes de puissance. Il dispose pour le secteur Méditerranée Océan Indien de 24 émetteurs totalisant une puissance de feu inégalée de 9.100 KW et de 83 fréquences réparties sur trois sites d’émission. Deux d’entre eux (Rhodes et Kavala (nord de la Grèce) sont destinées au secteur Moyen-Orient/Asie Centrale, le troisième, Tanger, pour le Maghreb, les Balkans et la Méditerranée occidentale. Ce dispositif est complété par deux retransmetteurs installés dans deux principautés pétrolières, le Koweït et les Émirats Arabes Unis. À cela s’ajoutent les nouveaux vecteurs crées à l’occasion de la Deuxième Guerre contre l’Irak en 2005, Radio Sawa (Ensemble), la chaine de télévision Hurrah (Libre). Toujours en Méditerranée, les États-Unis aménagent, tant en Italie qu’en Grèce, deux centres régionaux radiophoniques pour la production des programmes à l’intention des troupes stationnées dans le cadre de l’OTAN, à Héraklion (Grèce), siège de l’Armed Forces Radio and TV Service Air Force European Broadcasting Squadron et à Vicenza (Italie), siège du Southern European Broadcasting Service.
Le Congrès fonctionne pendant dix sept ans jusqu’à la Troisième Guerre israélo-arabe de juin 1967. Il passe ensuite la main aux prédicateurs électroniques dont le zèle prosélyte va se conjuguer au lobbying de la politique sioniste des organisations juives états-uniennes pour conduire Washington à s’engager dans un soutien sans faille à Israël. États-uniens et Israéliens s’appliquent alors à promouvoir une « idéologie des Droits de l’Homme », selon l’expression de l’historien Peter Novick [13], comme arme de combat contre le totalitarisme communiste, dans un premier temps, contre le totalitarisme islamique, dans un deuxième temps, après l’effondrement du bloc soviétique.
Le prosélytisme religieux : les prédicateurs électroniques
Aux radios profanes se sont superposées une vingtaine de grandes corporations radiophoniques religieuses disposant de moyens financiers et techniques sans équivalent dans les deux tiers des pays de la planète, dont les motivations ne paraissent pas toujours répondre à des considérations exclusivement philanthropiques.
S’appliquant à porter quotidiennement la « Voix du Seigneur » à travers le monde dans l’espoir problématique de gagner de nouvelles ouailles à la cause de leur propre dieu, ces prédicateurs électroniques nourrissent une prédilection particulière pour les foyers de tension (Sud du Liban, Sud du Soudan) et les minorités ethnico religieuses des pays fragilisés par les dissensions intestines (Arméniens, Kurdes, Berbères) et, depuis l’invasion de l’Irak, en 2003, pour le nord kurdophone irakien. Tel est le cas de IBRA Radio (International Broadcasting Radio) qui anime au Moyen-Orient vers le Sud du Liban et la zone frontalière libano israélienne une antenne locale onde courte pour les émissions de la station High Adventure alors que le Sud du Soudan, peuplé de chrétiens et d’animistes en rébellion contre le gouvernement islamique de Khartoum, est alimenté par les programmes de “Radio Elwa”, dirigée depuis Monrovia (Libéria) par des missionnaires anglo-saxons.
Au premier rang de ces corporations radiophoniques se place Trans World Radio (TWR), suivie d’Adventiste World Radio (AWR), FEBA Radio, IBRA Radio, WYFR-Family Radio, Monitor Radio et Nexus IBD. À l’exception de Radio Vatican (1555 KW, 36 fréquences, 33 langues) et d’une minuscule radio orthodoxe, Radio Trans Europe, toutes les grandes radios religieuses sont d’inspiration anglo-saxonne.
Toutefois par son ampleur et ses capacités, Trans World radio (TWR) constitue la première radio planétaire transfrontière de surcroît religieuse. Pionnière en la matière, TWR assure des émissions en 100 langues dans des idiomes négligés par les majors occidentales, dont elle apparaît dans les nouvelles terres de mission, les zones d’évangélisation d’Afrique et d’Asie, comme un utile instrument d’appoint. Disposant de neuf relais terrestres dont cinq en Europe (Albanie, Monaco, Pays-Bas, Chypre et Russie) deux en Asie (Ile de Guam et Sri Lanka) un en Afrique (Swaziland) et un en Amérique latine (Uruguay), TWR gère les émissions des trois sites méditerranéens (Albanie, Monaco et Chypre) depuis Vienne (Autriche) et aligne, rien que pour l’Europe, une puissance substantielle (1500 KW, 14 fréquences et des émissions en 30 langues), supérieure à bon nombre de radios occidentales. Vers la rive sud de la Méditerranée, TWR assure des émissions en 21 langues dont le Kurde, le Berbère, ainsi que les langues des pays méditerranéens. À Chypre, à la suite des programmes de RMC Moyen-Orient et à partir des antennes de la radio française [14], TWR assure des émissions religieuses nocturnes en trois langues (Arabe, Farsi, Arménien) sur ondes moyennes en direction des principaux pays musulmans. À travers les sites de Remoules (Sud de la France) et de Cap Greco (Chypre), grâce à sa coopération avec RMC France et RMC-MO, TWR jouit d’un avantage incomparable celui d’émettre en ondes moyennes lui assurant un bon confort d’écoute dans une zone qui abrite le centre historique de l’Islam et les principales réserves énergétiques mondiales. Deux autres radios religieuses participent de ce verrouillage médiatique : Adventist World Radio (AWR) et FEBA (Far East Broadcasting Association-Missionary) : Adventist World Radio dispose, pour sa part, pour l’Europe de 16 fréquences pour des émissions en 17 langues dont l’arabe (5 heures), l’anglais (6 heures dont 3 vers le Moyen-Orient), le français (5 heures en direction du Maghreb et de l’Afrique), le Farsi (2H), l’Urdu et le Hindi (2 heures chacun).
À titre indicatif, les radios religieuses anglo-saxonnes assurent 9 000 heures de programmes par mois, soit près de 10 fois plus que Radio Le Caire, le principal vecteur arabe du plus grand pays arabe, l’Égypte, qui abrite la plus forte densité de population (75 millions). En comparaison, The Friend of Israël Gospel Ministry, Église baptiste états-unienne, diffuse des émissions en faveur d’Israël sur 700 stations états-uniennes et publie la revue Israël My Glory dans 151 pays, collectant, rien qu’en 2005, des dons d’un montant de 8,5 millions de dollars en faveur de l’État hébreu [15].
À journées faites, sans interruption, et rien qu’en Méditerranée, pas moins de 2500 KW diffusent des programmes sur une vingtaine de fréquences dans toutes les langues du puzzle humain de la sphère arabo-musulmane, sans parler naturellement de Radio Vatican, la radio officielle de la chrétienté catholique. Relayant en programmes religieux les émissions profanes des vecteurs internationaux, les médias des grandes corporations religieuses optimisent ondes et fréquences saturant comme pour l’aseptiser de toute pollution anti-occidentale l’espace hertzien au point de donner l’impression à un passager d’un vol de nuit d’être propulsé aux confins du Paradis, bercé par Le Cantique des cantiques. Longtemps avant l’émergence des fedayins palestiniens dans le paysage arabe, bien longtemps avant Oussama Ben Laden, bien des décennies avant la désignation du « péril islamiste » comme la menace majeure du XXIe siècle, quotidiennement, invariablement, inlassablement, telle une symphonie pastorale s’élançant des îles de la Méditerranée vers l’espace arabo-musulman, les incantations divines de la liturgie occidentale avec une méticulosité monacale.
En tout temps, en tout lieu, en toute langue, l’aspersion est continue, l’intensité diluvienne. Sans exception, toutes les îles au nom si évocateur de paradisiaques vacances : Chypre, Malte, Rhodes, la Crête, la Sicile, toutes sont mobilisées pour prêcher la bonne parole. Toutes y compris le promontoire de Gibraltar et la sérénissime enclave de Monaco. De quoi combler d’aise le souverain marocain très sourcilleux sur les croyances de ses fidèles sujets, justifier les imprécations des Algériens contre le parti de l’étranger ou celles des théologiens de Qom contre le « Grand Satan états-unien » ou celle des islamistes salafistes sur « une nouvelle croisade occidentale ». Ainsi se nourrit l’imaginaire collectif des populations exacerbées.
René Naba
[1] Parmi les ouvrages préconisant la liberté d’information, citons Barriers Down (Abattre les frontières) de Kent Cooper, directeur exécutif de l’agence états-unienne Associated Press, Farrar & Rinehart éd., 1942, ainsi que la contribution de James Lawrence Fly, président de la Federal Communications Commission (équivalent états-unien du CSA français) « A free flow of news must link the nations », Free World, Volume VIII, Août 1944. Bibliothèque du Congrès.
[2] « La propagande culturelle au service des Affaires », Herbert Schiller, professeur à l’Université de Californie à San Diégo, in Manière de voir n°47 (Cinquante années qui ont changé notre Monde), avril -mai 2004.
[3] « La Fondation Ford, paravent philanthropique de la CIA » et « Pourquoi la Fondation Ford subventionne la contestation » par Paul Labarique, Réseau Voltaire, 5 et 19 avril 2004.
[4] « Quand la CIA finançait les intellectuels européens » par Denis Boneau, Réseau Voltaire, 27 novembre 2003.
[5] « Raymond Aron, avocat de l’atlantisme » par Denis Boneau, Réseau Voltaire, 21 octobre 2004.
[6] « Choc des civilisations : la vieille histoire du « nouveau totalitarisme » » par Cédric Housez, Réseau Voltaire, 19 septembre 2006.
[7] - Manufacturing Consent : The Political Economy of the Mass Media par Noam Chomsky, linguiste et philosophe, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et Edward S. Herman. Version française : La Fabrique de l’Opinion publique, Le serpent à Plumes éd., 2003.
[8] « CSIS, les croisés du pétrole », Réseau Voltaire, 6 juillet 2004.
[9] La Pieuvre. La mafia à la conquète du monde, 1945-1989 et Pax mafiosa, les multinationales du crime vont-elles s’emparer du pouvoir mondial ? Robert Laffont éd., 1990 et 1993.
[10] Révélation$ par Denis Robert et Ernest Backes, Les Arènes éd., 2001. M. Backes a été administrateur du Réseau Voltaire.
[11] Who paid the piper par par Frances Stonor Saunders, productriuce de documentaires historiques pour la BBC, Granta Books éd., 1999. Version française : Qui mène la danse ? La Cia et la guerre froide culturelle, Denoël éd., 2003.
[12] « Freedom House : quand la liberté n’est qu’un slogan », Réseau Voltaire, 7 septembre 2004.
[13] Holocaust and Collective Memory par Peter Novick, Bloomsbury Publishing éd., 2001. Version française : L’Holocauste dans la vie américaine, Gallimard éd., 2001.
[14] « L’audiovisuel extérieur français : cahoteux, chaotique et ethniciste » par René Naba, Réseau Voltaire, 6 décembre 2006.
[15] « Evangelized foreign policy ? » par Howard LaFranchi, The Christian Science Monitor, 2 mars 2006. Version française : « Quand les évangéliques dictent la politique étrangère américaine », Le Courrier International, n°803 du 23 mars 2006.

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